« Le Sacrifice (Daudet) » : différence entre les versions

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==__MATCH__:[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/206]]==
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/206]]==
 
{{personnages|
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{{acte | I.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/207]]==
 
{{didascalie | Une salle à manger du rez-de-chaussée, très gaie, très claire meuble de chêne blanc. Au fond, porte entr’ouverte donnant sur la cuisine, où l’on voit reluire, par éclairs, le ventre rouge des poêlons et les fers-blancs frais étamés. Au-dessus de la porte du fond, une grosse médaille d’argent dans de grands lauriers dédorés. A gauche, au premier plan, une croisée au deuxième plan, dans le pan coupé, porte d’entrée sur une rue de village. Entre cette porte et la croisée, un petit poêle de faïence. A droite, un grand buffet à étagères chargé de faïences. Une table contre le mur. Le long des murs, médaillons, croquis, esquisses, tableautins.}}
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{{PersonnageD|Madame Jourdeuil|| les yeux dans son registre.}}
Six, douze, quinze, vingt-quatre.
{{PersonnageD|Louise||rapprochant doucement.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/208]]==
doucement.}}
Dis donc, maman.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
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{{personnage|Louise.}}
Et une vraie, je t’en réponds. Flaire-moi cela ; hein ! quel parfum…
{{personnage|Madame Jourdeuil.}} Jourde
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/209]]==
uil.}}
Exquis. {{didascalie|(Retournant à son registre)}}. Je pose quatre. Je pose…
{{personnage|Louise.}}
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Ah mon Dieu ! quoi donc ? Tu me fais peur. Est-ce que nous avions quelque chose à payer ? Pourtant mon cahier d’échéances…
{{personnage|Louise.}}
Mais non… mais non… il ne s’agit point d’échéances. Est-ce que l’on fait de belles crèmes dans ce
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/210]]==
goût-là en l’honneur des jours d’échéance… Voyons, trente et un juillet, cette date ne te dit rien ?
{{personnage|madame Jourdeuil.}}
Trente et un juillet.
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{{personnage|Louise.}}
C’est égal ! En voilà un, ce Pierre Franqueyrol ; s’il passe jamais par ici, c’est lui qui en aura une crème… Celle-ci ?… Oh ! celle-ci n’est rien à côté.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}} Jourdeui
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/211]]==
l.}}
Bah ! qu’est-ce que tu veux qu’il vienne faire chez nous, cet enragé-là ? II est toujours en mer, toujours en voyage. Il ne pourrait pas amener son bateau à Ville-d’Avray. {{didascalie|(Reprenant son registre.)}} Je crois bien que nous ne le connaîtrons jamais.
{{personnage|Louise.}}
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Oh je t’en supplie, ma petite enfant, laisse-moi finir; ton frère va arriver, et tu sais que je tiens à ce qu’il trouve toujours tous nos comptes bien en règle.
{{personnage|Louise.}}
Ah çà ! Mais… Il y en avait donc bien long, cette fois-ci ? {{didascalie|(Elle va poser la crème sur la table et revient vers sa mère.)}} Voyons, expliquez-vous, monsieur le
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/212]]==
ministre des finances, et tâchez de répondre aux in… aux inter… oui, c’est cela… aux interpellations de la Chambre.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Tu ris, toi… tu es bien heureuse.
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{{personnage|Louise.}}
Mais oui, mais oui, tu en avais besoin. Est-ce que tu pouvais offrir le pain bénit avec une méchante capote de l’an dernier ?… D’abord un chapeau lilas n’est pas une grosse affaire, après tout.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/213]]==
 
Enfin, les chiffres sont là. Plus nous allons, plus notre dépense augmente, et quand je songe que c’est notre pauvre Henri qui doit subvenir à tout.
{{personnage|Louise.}}
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On a beau gagner de l’argent, c’est lourd, une famille, quand on est seul et qu’on porte tout.
{{personnage|Louise.}}
Bah ! petite mère, nous ne pesons pas bien gros, toi et moi ; d’ailleurs, si la charge est trop lourde pour un seul, il fallait rester à Paris ; moi, j’aurais porté quelque chose. J’avais mes diplômes, j’aurais
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/214]]==
donné des leçons, mais ici c’est impossible. Les paysans de Ville-d’Avray ne me trouveraient pas assez huppée pour leurs demoiselles. Il leur faut les premiers pensionnats de Paris, le Sacré-Cœur, les Oiseaux… Tiens, encore ce matin, la mère Gogue, notre laitière, me disait tranquillement :   « J’ons envie d’envoyer Phrasie aux Moigneaux !… » Que veux-tu que je fasse de mes diplômes, avec ces Moigneaux-là !
{{personnageD|Madame Jourdeuil||souriant.}}
Je vois que tu lui tiens rancune, à ce pauvre Ville-d’Avray.
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{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Hé ! ma fille, ton père est un grand artiste. Ces hommes-là ne sont pas à la tâche comme des manœuvres. Pour travailler, il leur faut l’inspiration, qu’est-ce que tu veux ?
{{personnageD|Louise||souriant.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/215]]==
 
Henri est un grand artiste, lui aussi, mais s’il faisait comme mon père, s’il passait tout son temps chez les marchands de bric-à-brac de Versailles à chercher des assiettes à fleurs et des moutardiers Louis XV, je ne sais pas ce que nous deviendrions.
{{personnageD|Madame Jourdeuil||très émue.}}
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{{personnage|Louise.}}
Du reste, attends, je vais faire une habile diversion avec ma crème. {{didascalie|(Elle va chercher son plat. On sonne.)}} Entre donc ! la clef est sur la porte. {{didascalie|(On entend grincer la clef dans la serrure, maladroitement.)}}
{{personnageD|Madame Jourdeuil||dans son registre.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/216]]==
son registre.}}
Et je retiens deux.
{{personnageD|Louise||tendant son plat victorieusement vers la porte qui s’ouvre.}}
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Mais vous vous trompez, monsieur ; qui demandez-vous ?
{{personnage|Franqueyrol.}}
Oh ! non, je ne me trompe pas, mademoiselle Louise. Je vous connais bien, et cette bonne dame
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/217]]==
là-bas, qui me regarde en ouvrant de grands yeux, je la connais bien aussi. Bonjour, maman. {{didascalie|(Louise commence à deviner.)}}
{{personnageD|Madame Jourdeuil||saluant avec embarras.}}
Bon… jour…, monsieur.
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{{personnageD|Madame Jourdeuil||remontant.}}
Tu l’entends, fillette.
{{personnageD|Louise||
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/218]]==
par la porte entr’ouverte, on la voit dans la cuisine quitter dare dare son tablier et rabaisser ses manches.}}
Ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai, il serait noir comme l’oncle Tom, que cela ne m’empêcherait pas de l’embrasser. {{didascalie|(Elle accourt.)}} Et de bon cœur, encore.
{{personnage|Franqueyrol.}}
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{{personnage|Franqueyrol.}}
Té ! cette rencontre, d’arriver ce jour-là… Ma foi !… tant pis ! j’ai l’air de l’avoir fait exprès… c’est prétentieux…
{{personnageD|Madame Jourdeuil||
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/219]]==
elle lui a pris les mains, le regarde attentivement, et parle à demi-voix, comme à elle-même.}}
Quand mon enfant allait mourir, voilà la main qui l’a arraché de l’eau ; voilà les yeux qui l’ont veillé pendant un mois, anxieux, toujours ouverts comme les yeux d’une mère. {{didascalie|(Très émue)}} Ah ! écoutez, je suis bien contente de vous voir. {{didascalie|(Elle veut porter la main de Franqueyrol à ses lèvres.)}}
{{personnageD|Franqueyrol||très ému, se lève brusquement et retire sa main.}}
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{{personnage|Louise||allant vers la fenêtre de gauche.}}
Nous l’attendons.
{{personnage|Franqueyrol.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/220]]==
 
Comment ! Il n’est pas encore arrivé ?
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
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{{personnageD|Louise||s’arrachant de la fenêtre.}}
C’est ennuyeux. Henri ne vient pas. {{didascalie|(À Franqueyrol.)}} Est-ce que vous l’avez vu aujourd’hui, monsieur ?
{{personnage|Franqueyrol.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/221]]==
 
Mais non, mademoiselle, j’arrive, moi, j’arrive… Il n’y a pas trois heures que je suis à Paris, et j’en ai bien passé deux à courir après ce scélérat sans pouvoir mettre la main dessus. D’abord, je suis allé rue Saint-Georges.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
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{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
C’est bien de lui.
{{personnage|Franqueyrol.}} Franqu
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/222]]==
eyrol.}}
Heureusement que je me suis souvenu d’un certain dîner du jeudi dont on me parlait beaucoup dans les lettres, sans quoi je serais encore à courir.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
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Enfin, ce drôle-là n’a rien pour lui… il est gourmand, sournois, et mauvais, ah !..
{{personnage|Louise.}}
Mais non, maman, c’est une idée… Namoun n’est pas méchant. Parce qu’une fois tu lui as vu faire
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/223]]==
une grimace dans le dos de papa ! voyons, c’est un enfant, et puis papa le taquine toujours.
{{personnage|Franqueyrol.}}
Oh ! Oh !… Je vois qu’il ne fait pas bon attaquer Namoun devant mademoiselle Louise.
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{{personnageD|Franqueyrol||se détournant pour cacher une larme.}}
Ah ! je suis bête, décidément…
{{personnageD|Louise||s’adressant à lui.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/224]]==
à lui.}}
Maintenant, dites du mal de Namoun, si vous voulez ; moi, je suis prête à tout lui pardonner à cause de son tambour Lakdar… Dam !… c’est peut-être parce que j’en ai un tambour, moi aussi. Vous comprenez… Tambour Henri.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
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{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Quoi ?… {{didascalie|(Louise dit un mot à voix basse.)}} Hein ?… {{didascalie|(Louise répète son mot très bas.)}} Plaît-il ?…
{{personnageD|Louise||impatientée, très haut.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/225]]==
impatientée, très haut.}}
Mes croquettes, là ! mes croquettes qui sont sur le feu, si elles brûlent.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
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{{personnage|Franqueyrol.}}
C’est joli, du rire de seize ans… on dirait qu’on secoue des perles.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/226]]==
 
Vous la trouvez gentille, n’est-ce pas ?
{{personnage|Franqueyrol.}}
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{{personnageD|Franqueyrol||souriant.}}
Vraiment ?
{{personnage|Madame Jourdeuil.}} Jo
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/227]]==
urdeuil.}}
D’ailleurs, vous savez, moi, je suis comme toutes les mères ; je ne vois rien d’aussi beau que les miens… Cet Henri, hein ? quel cœur ! quelle nature !…
{{personnage|Franqueyrol.}}
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Ça doit être du père Jourdeuil, cette pensée-là.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Malheureusement, depuis, les années sont venues, la maladie, les chagrins, les pertes d’argent ; Jourdeuil était si bon, tout le monde l’a exploité. En avons-nous nourri, des camarades d’atelier ! J’en avais toujours quatre ou cinq à la maison. Comme il me disait quelquefois :   « Que veux-tu, ma femme, je suis né les mains ouvertes, jamais je ne pourrai
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/228]]==
les fermer. » Pauvre homme, il a bien fallu qu’il les fermât, cependant. Un beau jour, son meilleur ami, un nommé Pipette, dont il avait répondu pour une somme très forte, a disparu subitement, la veille de l’échéance. Mon mari a payé sans rien dire, mais ç’a été pour lui un coup terrible, et il ne s’en est jamais bien relevé.
{{personnage|Franqueyrol.}}
Pourtant, les succès de son fils doivent l’avoir remonté maintenant.
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{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Quoi donc ?
{{personnage|Franqueyrol.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/229]]==
 
Vite, vite, les pompes ! les pompes !… Je suis sûr que les croquettes brûlent.
{{personnageD|Madame Jourdeuil||riant et courant vers la cuisine.}}
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{{didascalie|{{sc|Franqueyrol}}, seul.|c}}
 
Dieu ! les braves gens… la bonne maison… ça vous dégoûterait des voyages, un coin comme celui-ci. {{didascalie|(Il s’allonge dans le fauteuil et regarde autour de lui.)}} C’est clair, c’est gai, et en même temps si calme !… Puis, je ne sais pas. Il y a du bonheur dans l’air, ici, on se sent bien. C’est comme… c’est comme une maison de santé pour les âmes. {{didascalie|(La tête renversée, les yeux demi-clos.)}} Tout de même, ce doit être agréable, le soir, quand on rentre, de voir un petit chapeau de paille, qui se penche à la fenêtre
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/230]]==
pour vous regarder venir, et de trouver au logis une petite fée, avec un grand tablier blanc, en train de vous battre une crème. {{didascalie|(Il fait le geste.)}} « Qu’est-ce que c’est que ça, Henri ? » Ah ! mon pauvre vieux Franqueyrol, ce n’est pas pour toi qu’on en battra jamais, des crèmes comme celle-là.
 
{{Scène|V.}}
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{{personnageD|Franqueyrol||comiquement.}}
Oh ! Oh ! une confidence…
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/231]]==
 
Ne riez pas. Ce que j’ai à vous dire est très sérieux. Il s’agit de votre ami.
{{personnage|Franqueyrol.}}
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{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Oui, je veux bien. Mais quand il est ici, pourquoi a-t-il l’air si triste ? pourquoi ne mange-t-il pas ?… Car, c’est un fait, il ne mange pas. Autrefois, il était gai, confiant, il nous parlait toujours de ses projets, de ses travaux. Maintenant, rien. Et puis, si vous voyiez comme il nous arrive toujours fiévreux, les yeux creusés, les mains brûlantes. Je suis sûre qu’il y a dans la vie de notre enfant quelque grand malheur, qu’il ne veut pas ou ne peut pas nous dire.
{{personnage|Franqueyrol.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/232]]==
 
Voilà bien les mères ; tout de suite quelque grand malheur !… On dirait que leurs enfants sont des boîtes à catastrophes. Eh bien ! quoi ? Henri a peut-être quelque ennui en ce moment.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Ligne 417 ⟶ 469 :
{{personnage|Franqueyrol.}}
Comment ! vous en êtes encore là ? Vous croyez aux femmes qui tuent les hommes !…
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/233]]==
 
Cela se voit tous les jours.
{{personnage|Franqueyrol.}}
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Qu’est-ce que ça vous fait ? C’est donc vrai que les mères sont jalouses… Allons ! Rassurez-vous ; ce n’est pas cette femme-là qui essaiera de vous faire du tort dans le cœur de votre enfant…
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
C’est égal ! Tout ce que vous me dites
C’est égal ! Tout ce que vous me dites ne me tranquillise qu’à demi. Je sens que mon fils n’est pas heureux, qu’il a quelque chose, enfin. {{didascalie|(Avec effusion, en lui prenant les mains.)}} Je vous en prie, mon ami Pierre, faites-lui dire ce qu’il a. Je sais qu’il est des confidences qu’on ne fait pas à sa mère, mais vous, il ne vous cachera rien… Parlez-lui, questionnez-le, regardez bien dans son cœur. Et quand vous saurez ce qui le tourmente…
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/234]]==
ne me tranquillise qu’à demi. Je sens que mon fils n’est pas heureux, qu’il a quelque chose, enfin. {{didascalie|(Avec effusion, en lui prenant les mains.)}} Je vous en prie, mon ami Pierre, faites-lui dire ce qu’il a. Je sais qu’il est des confidences qu’on ne fait pas à sa mère, mais vous, il ne vous cachera rien… Parlez-lui, questionnez-le, regardez bien dans son cœur. Et quand vous saurez ce qui le tourmente…
{personnage|Franqueyrol.}}
Quand je saurai ce qui le tourmente ?
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{{personnageD|Louise||en dehors.}}
Mais, tais-toi donc, papa {{didascalie|(La porte s’ouvre.)}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/235]]==
 
{{Scène|VI.}}
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{{personnage|Madame Jourdeuil||doucement.}}
Pose donc ta palette, mon ami.
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/236]]==
 
Ma palette ?… Tiens c’est vrai, en voilà une distraction.
{{personnage|Louise||riant.}}
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{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Oh ! oui, il y a longtemps, et c’est une cruauté de faire ainsi languir les gens.
{{personnage|Franqueyrol.}} Franquey
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/237]]==
rol.}}
Que voulez-vous ?… Ce n’est pas ma faute ; si seulement Ville-d’Avray avait été dans les mers de Chine… Je serais venu vous voir tous les jours.
{{personnage|madame Jourdeuil.}}
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{{personnageD|Le père Jourdeuil||changeant subitement de ton.}}
Gaillard… gaillard… pas tant que ça…
{{personnageD|Franqueyrol||ironiquement.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/238]]==
 
Bagasse !
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Ligne 520 ⟶ 583 :
{{personnage|Louise.}}
Il a même de très beaux cheveux.
{{personnage|Le père Jourdeuil.}} Jou
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/239]]==
rdeuil.}}
Il en a, le lâche ! mais il les coupe. Eh bien ! moi, je les porte aussi longs que je peux, et fièrement, comme un drapeau, le drapeau de Raphaël et du Léonard.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Ligne 533 ⟶ 598 :
Oh ! que non…
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Non ! {{didascalie|(Il se lève.)}} Eh bien, mon cher, l’homme qui vous parle, Henri-Charles-Alexis Jourdeuil, connu dans les arts sous le nom de Jourdeuil-le-Vieux, comme on disait Palma-le-Vieux, Charles-Alexis Jourdeuil,
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/240]]==
élève et ami du baron Gros, médaillé en 1825. {{didascalie|(À sa femme.)}} Tu sais, toi, si c’était facile d’être médaillé en 1825 ?
{{personnageD|Madame Jourdeuil||avec conviction.}}
Ah !
Ligne 546 ⟶ 613 :
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Oh ! c’est une belle race, allez ! et qui m’a bien compris. J’ai des commandes par-dessus la tête… Si je voulais gagner beaucoup d’argent… mais je n’y tiens pas. {{didascalie|(Avec intention.)}} Je ne suis pas un spéculateur, moi. Je travaille lentement, à mes heures, avec amour, et pourvu que je puisse me payer de temps en temps une belle pièce de faïence.
{{personnageD|Franqueyrol||montrant les étagères.}} mon
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/241]]==
trant les étagères.}}
Oui, je vois que vous avez cette passion.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Ligne 565 ⟶ 634 :
Mon Dieu ! mon Dieu !
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Eh, bien, quoi ! mon Dieu ! mon Dieu !… c’est un
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/242]]==
petit malheur, nous dînerons une heure plus tard. {{didascalie|(Remplissant les verres.)}} Allons, encore un coup pour nous faire prendre patience… {{didascalie|(Levant son verre.)}} Mon vieux Pierre, tu sais… ma foi ! tant pis… il faut que je te tutoie… Ça te va-t-il ?
{{personnage|Franqueyrol.}}
Ça me va !
Ligne 581 ⟶ 652 :
Oh ! admirer… blagueur !…
{{personnage|Franqueyrol.}}
J’aurais peut-être pu devenir un peintre, moi aussi ; mais ma nature s’y opposait. Vous savez comme Henri m’a surnommé, Pierre Franqueyrol dit Pierre-qui-roule. Eh bien ! toute ma destinée tient dans
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/243]]==
ce nom-là. Il faut que je roule, que je roule, et comme on ne peut pas faire de peinture en roulant…
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
C’est singulier, tout de même, cette idée de courir le monde comme cela, dans un bateau, pour son plaisir… Encore si vous faisiez quelque commerce ?
Ligne 598 ⟶ 671 :
{{personnageD|Le père Jourdeuil||laissant tomber son verre et sa tête sur la table.}}
Madrépore !
{{personnage|Franqueyrol.}} Fra
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/244]]==
nqueyrol.}}
Je ne vais nulle part.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Ligne 612 ⟶ 687 :
 
Tu t’en vas dans l’Brézi,
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/245]]==
 
Faire un si grand voyage ;
Ligne 629 ⟶ 705 :
{{personnage|Louise.}}
Et où l’avez-vous laissée, maintenant, la petite galiote ?
{{personnage|Franqueyrol.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/246]]==
 
Je l’ai laissée au Havre ; elle se repose un peu. Pensez que nous venons de New-York en dix-huit jours.
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Ligne 645 ⟶ 723 :
{{personnage|Franqueyrol.}}
Ma foi ! j’en suis bien capable. Je ne sais pas si c’est l’air de Ville-d’Avray ou si cela tient à vos fauteuils. (Se carrant) Ils sont très commodes, ces fauteuils-là.
{{personnage|Le père Jourdeuil.}} J
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/247]]==
ourdeuil.}}
N’est-ce pas, qu’on est bien chez nous ?… Tu verras, mon vieux, on rit tout le temps, ici ; c’est la bohème en famille, la bohème du bon Dieu ! {{didascalie|(Bruit de roues dans le lointain, trompette.)}}
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
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Quel prix ?
{{personnage|Franqueyrol.}}
Un grand prix de steeple-chase, que la petit
Un grand prix de steeple-chase, que la petite galiote vient de gagner… Est-ce que je ne vous l’avais pas dit ? Oh c’est un vrai triomphe ! Nous sommes partis cinq de New-York, tous des petits navires, à qui serait le premier au Havre. Dam ! on ne s’est pas amusé en route. Dix-huit jours dans le vent, entre ciel et mer… Mais, comme la petite galiote a des ailes, hier soir, à dix heures, j’entrais dans le port du Havre, et bon premier, comme on dit à la Marche ! Les autres ne sont arrivés que dans la nuit. (Tristement.) Excepté un, qui n’arrivera jamais, pécaïre ! {{didascalie|(Gaiement.)}} Fait rien ! Les Américains sont enfoncés, et vive la marine d’Arles !
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/248]]==
e galiote vient de gagner… Est-ce que je ne vous l’avais pas dit ? Oh c’est un vrai triomphe ! Nous sommes partis cinq de New-York, tous des petits navires, à qui serait le premier au Havre. Dam ! on ne s’est pas amusé en route. Dix-huit jours dans le vent, entre ciel et mer… Mais, comme la petite galiote a des ailes, hier soir, à dix heures, j’entrais dans le port du Havre, et bon premier, comme on dit à la Marche ! Les autres ne sont arrivés que dans la nuit. (Tristement.) Excepté un, qui n’arrivera jamais, pécaïre ! {{didascalie|(Gaiement.)}} Fait rien ! Les Américains sont enfoncés, et vive la marine d’Arles !
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Vive la marine d’Arles ! Tu ne peux pas manquer ce dîner-là !
Ligne 671 ⟶ 753 :
{{personnage|Franqueyrol.}}
J’irai le voir demain. Seulement, je vous en prie, ne lui dites pas que je suis arrivé. Laissez-moi la joie de le surprendre ; je sais bien que c’est un enfantillage, mais tous les voyageurs, les vrais, les enragés, nous avons cette manie d’arriver à l’improviste. C’est si bon, de tomber comme du ciel dans des bras qui vous aiment !… C’est si bon, l’œil étonné qui s’ouvre, les chères mains qui tremblent, la bouche qui croit dire : « Comment, c’est… c’est toi… » et qui ne dit rien… Au diable les salles d’attente ! elles nous gâtent cette belle minute de l’arrivée, qui est peut-être ce qu’il y a de meilleur dans le voyage.
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/249]]==
 
Bravo ! ta cause est gagnée. Silence absolu ! nous le jurons…
{{personnageD|Franqueyrol||s’approchant de la mère.}}
Ligne 691 ⟶ 775 :
{{personnage|Louise.}}
Et des croquettes.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/250]]==
 
Mais laissez-le donc partir, il va manquer son train.
{{personnage|Franqueyrol.}}
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C’est un héros, maman.
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Et puis bon compagnon, franc de collier. Je suis
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/251]]==
content, on va s’amuser, ici. Cela me rappellera l’année où nous avons eu Pipette…
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Oui, je te conseille d’en parler, de ton Pipette, après le tour qu’il nous a joué.
Ligne 727 ⟶ 815 :
Non, mon ami. Comme notre dernier mois était très chargé, j’ai préféré la remettre à celui-ci.
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Tant pis ! Tous ces philistins font déjà si peupe
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/252]]==
u de cas des artistes… Je n’aime pas que les notes traînent.
{{personnageD|Louise||vivement.}}
Mais, dans ce cas, il faut.
Ligne 750 ⟶ 840 :
{{personnageD|Madame Jourdeuil||mettant le couvert.}}
Ne me dis pas cela, mon Dieu !
{{personnage|Le père Jourdeuil.}} Jourde
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/253]]==
uil.}}
Eh bien ! quoi ?… c’est de son âge. Ah ! voilà Le père Borniche qui ferme la mairie.
{{personnageD|Madame Jourdeuil||timidement.}}
Ligne 767 ⟶ 859 :
Laisse donc Le Père Borniche tranquille, nous causons de choses plus sérieuses. {{didascalie|(Arrachant son mari de la fenêtre.)}} Voyons, mon homme, je t’en prie, parle-moi raisonnablement. Tu viens de me dire qu’Henri se dérangeait. Est-ce que tu aurais remarqué quelque chose, toi aussi ?
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Hé ! non ! Je n’ai rien remarqué ! d’ailleurs, où
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/254]]==
serait le mal, si ton fils faisait comme les autres ? Tu ne sais donc pas ce que c’est que la vie d’artiste ? Ce sont les plus grands qui font le plus de folies.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Ils me feront mourir, avec leurs artistes !
Ligne 786 ⟶ 880 :
{{personnage|Louise.}}
Namoun !…
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/255]]==
 
{{Scène|VIII.}}
Ligne 810 ⟶ 905 :
Hum !… hum !…
{personnage|Namoun.}}
Bourquoi mouci
Bourquoi mouci Inri rester le maison. Bourquoi trabadjar, trabadjar bezeff.
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/256]]==
Inri rester le maison. Bourquoi trabadjar, trabadjar bezeff.
{{personnageD|Le père Jourdeuil||à part.}}
Elle est un peu usée, celle du travail… sacré Bédouin, va !
Ligne 829 ⟶ 926 :
{{personnageD|Le père Jourdeuil||tapant sur une assiette avec sa cuiller.}}
Attention !
{{personnage|Madame Jourdeuil.}} J
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/257]]==
ourdeuil.}}
Enfin ! C’est bon, dis-lui que j’irai le voir.
{{personnage|Louise.}}
Ligne 839 ⟶ 938 :
 
{{didascalie|Fin du premier acte.}}
{{Acte|II.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/258]]==
II.}}
 
{{didascalie|Intérieur de peintre-gandin. Atelier petit, coquet, parfumé. Chevalet de palissandre, transparents roses aux fenêtres. Bahuts, faïences, émaux momies, sabres, hallebardes, panoplies, bibelots. La croisée au fond, au milieu. Porte d’entrée au fond, à droite, ouvrant intérieurement. Porte à gauche sur l’appartement. Premier plan, un joli bureau-pupitre en laque. Dans le fond, sous la croisée, un lit de repos très bas.}}
Ligne 853 ⟶ 954 :
{{personnageD|Namoun||fermant la porte doucement, et venant remettre la chaise à sa place, sur le devant de la scène. Très bas, le doigt sur les lèvres.}}
Chouia ! Namoun… Mouci fâché !… {{didascalie|(Il va se coucher sur le divan du fond.)}}
{{personnageD|Henri||lisant la lettre qu’il vient d’écrire.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/259]]==
« Ma chère enfant, les meilleures choses ont une fin. Voilà sept ans que nous nous aimons et que a nous sommes l’un à l’autre… » Sept ans !… Ainsi cette femme m’aura donné sept ans de sa vie, sept années de dévouement, de tendresse, de renoncement à tout ce qui n’était pas moi. Elle aura tout quitté, tout brisé pour me suivre. Elle aura été ma compagne, mon amie, ma chose, et puis… {{didascalie|(Montrant la lettre.)}} Et puis voilà !… {{didascalie|(Un silence, il lit la lettre des yeux, ironique.)}} Elle est vraiment très jolie, cette lettre… pleine de pensées philosophiques… hé ! hé ! Il y même le mot pour rire : « Sept ans, ma belle, presque un congé. » pouah ! c’est cruel et c’est bête, jamais je n’enverrai cela… {{didascalie|(Il se lève, jette la lettre avec dégoût sur son bureau et se met à marcher avec agitation.)}} Pourquoi ce mensonge, après tout ? Pourquoi cette rupture banale et lâche ?… Il serait plus simple de lui dire loyalement ce qui m’oblige à la quitter. Oui, ce serait plus simple, et en tout cas plus digne, mais je ne peux pas ! je ne peux pas !… Il faudrait raconter ma vie, livrer mon secret… je n’en ai pas le droit. Et puis, est-ce qu’elle est femme à se séparer de moi pour des raisons si misérables ? Je la connais bien : elle voudrait travailler, gagner sa vie, prendre sa part de mes privations et de mes misères. C’est ce que je n’accepterai jamais… moi, c’est bien… mais elle ?… {{didascalie|(Devant le bureau.)}} Allons ! Allons !… voici encore ce qui vaut le mieux. {{didascalie|(Il prend la lettre.)}} Elle est monstrueuse, cette lettre, cynique, laide, sans entrailles… c’est bien dans ce goût-là que Margarot doit écrire à ses colombes quand il les lâche… une lettre à tuer l’amour. Eh bien ! tant mieux ! Qu’elle me méprise et que je sois seul à souffrir ! {{didascalie|(Cachetant sa lettre.)}} Namoun ! où est-il donc ? Namoun !
lisant la lettre qu’il vient d’écrire.}}
« Ma chère enfant, les meilleures choses ont une fin. Voilà sept ans que nous nous aimons et que a nous sommes l’un à l’autre… » Sept ans !… Ainsi cette femme m’aura donné sept ans de sa vie, sept années de dévouement, de tendresse, de renoncement à tout ce qui n’était pas moi. Elle aura tout quitté, tout brisé pour me suivre. Elle aura été ma compagne, mon amie, ma chose, et puis… {{didascalie|(Montrant la lettre.)}} Et puis voilà !… {{didascalie|(Un silence, il lit la lettre des yeux, ironique.)}} Elle est vraiment très jolie, cette lettre… pleine de pensées philosophiques… hé ! hé ! Il y même le mot pour rire : « Sept ans, ma belle, presque un congé. » pouah ! c’est cruel et c’est bête, jamais je n’enverrai cela… {{didascalie|(Il se lève, jette la lettre avec dégoût sur son bureau et se met à marcher avec agitation.)}} Pourquoi ce mensonge, après tout ? Pourquoi cette rupture banale et lâche ?… Il serait plus simple de lui dire loyalement ce qui m’oblige à la quitter. Oui, ce serait plus simple, et en tout cas plus digne, mais je ne peux pas ! je ne peux pas !… Il faudrait raconter ma vie, livrer mon secret… je n’en ai pas le droit. Et puis, est-ce qu’elle est femme à se séparer de moi pour des raisons si misérables ? Je la connais bien : elle voudrait travailler, gagner sa vie, prendre sa part de mes privations et de mes misères. C’est ce que je n’accepterai jamais… moi, c’est bien… mais elle ?… {{didascalie|(Devant le bureau.)}} Allons ! Allons !… voici encore ce qui vaut le mieux. {{didascalie|(Il prend la lettre.)}} Elle est monstrueuse, cette lettre, cynique, laide, sans entrailles… c’est bien dans ce goût-là que Margarot doit écrire à ses colombes quand il les lâche… une lettre à tuer l’amour. Eh bien !
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/260]]==
tant mieux ! Qu’elle me méprise et que je sois seul à souffrir ! {{didascalie|(Cachetant sa lettre.)}} Namoun ! où est-il donc ? Namoun !
{{personnageD|Namoun||sur le divan.}}
Evouah !…
Ligne 866 ⟶ 971 :
Ih ! tout ça là-dans.
{{personnage|Henri.}}
Bien. Il faudra enlever la clef de cette.chambre. Tout serait découvert si on y entrait. Et nos tableaux, combien en as-tu descendu ? {{didascalie|(Regardant l’atelier.)}} Quatre ! Oh ! c’est assez. {{didascalie|(Il prend une toque en velours grenat, attachée à un chevalet, et la jette à Namoun.)}} Emporte-moi donc cette toque. Ils savent bien que je ne mets pas de ces choses-là. Il faut être ce gandin de Gontaut pour se fourrer des inventions pareilles sur la tête. Encore un qui croit qu’on a besoin de se déguiser pour faire de la peinture. {{didascalie|(Namoun emporte la toque dans la pièce à côté.)}} Pauvre mère ! va-t-elle être contente de me voir au milieu de tout ce luxe… {{didascalie|(Regardant sa lettre, qu’il tient
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/261]]==
.)}} C’est égal, j’ai le cœur un peu serré pour jouer cette comédie. {{didascalie|(À Namoun, qui entre.)}} C’est bien, Namoun, je suis content de toi, ce matin. Seulement, écoute je t’ai menacé quelquefois de te faire manger du bâton, comme tu dis ; mais cela ne m’est pas encore arrivé, n’est-ce pas ?
{{personnageD|Namoun||câlin.}}
Ou-Allah ! bono, toi, mouci.
Ligne 879 ⟶ 986 :
{{personnage|Henri.}}
Quoi ?
{{personnageD|Namoun||montrant la porte d’un air de triomphe.}} port
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/262]]==
e d’un air de triomphe.}}
Rigarde !
{{personnage|Henri.}}
Ligne 898 ⟶ 1 007 :
{{personnage|Henri.}}
Chut… chut… Vous êtes censé chez moi, ici. Je vous expliquerai cela plus tard.
{{personnageD|Margarot||avec un gros rire.}} Marga
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/263]]==
rot||avec un gros rire.}}
Pas besoin d’explication ; j’ai compris. {{didascalie|(Égrillard.)}} Quelque colombe que nous n’avons pas voulu recevoir à notre cinquième. Le fait est que ce n’est pas brillant, la-haut, et pour un premier rendez-vous…
{{personnage|Henri.}}
Ligne 915 ⟶ 1 026 :
C’est que…
{{personnage|Margarot.}}
Bah ! laissez donc ! la première fois, elles sont toujours en retard ; après, c’est notre tour, par exemple. Puis, mon cher, il y a la passion, mais
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/264]]==
il y a les affaires aussi. Voyons, vous êtes venu à la fabrique, hier soir ?
{{personnage|Henri.}}
Oui, je…
Ligne 933 ⟶ 1 046 :
D’abord, ce serait vous rendre un mauvais service.
{{personnage|Henri.}}
Ah ! je vous en prie, Margarot, pas de ces
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/265]]==
phrases-là avec moi. Un service n’est jamais un mauvais service. Il n’y a qu’un mauvais service au monde, c’est celui qu’on ne rend pas. Du reste, libre à vous ; je suis un peu gêné en ce moment ; mais enfin…
{{personnageD|Margarot||haussant les épaules.}}
Un peu gêné. allons donc ! C’est-à-dire que vous avez la corde au cou et que vous tirez une langue. Oh ! ne me dites pas non, je le sais. Je connais votre situation mieux que vous-même. {{didascalie|(Baissant la voix sur un geste d’Henri.)}} Ce n’est pas d’aujourd’hui que je vous vois dans la nasse, mon petit. II y a beau temps que le vent a tourné pour vous et que les commandes n’arrivent plus. Vous avez été obligé de déménager, de vendre presque tous vos meubles. Dernièrement encore…
Ligne 943 ⟶ 1 058 :
Comment ! Encore… Laissez-moi donc tranquille, avec votre traité.
{{personnageD|Margarot||lisant et marchant derrière lui.}}
« Entre les soussignés Paulin Margarot, fabricant
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/266]]==
de papiers peints, domicilié faubourg Saint-Jacques… »
{{personnage|Henri.}}
Voyons, mon cher, qu’est-ce que cela signifie, ce que vous faites là ? Vous savez bien que je ne veux pas entrer chez vous, que je n’y entrerai jamais.
Ligne 960 ⟶ 1 077 :
{{personnageD|Margarot||rempochant son traité.}}
Oui, oui, je connais ça… traderi dera, la la. Elle est bien gaie, cette chanson. Sous prétexte de gloire et d’art pur, on crève de faim toute sa vie. Traderi deri ! On trime, on s’use, on s’extermine ! Traderi dera. Et on meurt de misère à cinquante ans, dans un coin d’atelier, sans feu. Traderi dera, la la. {{didascalie|(S’asseyant.)}} Là !
{{personnageD|Henri||riant.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/267]]==
riant.}}
Voilà qui est sagement parlé. Vous avez raison, Margarot ; il faut toujours encourager les arts.
{{personnage|Margarot.}}
Ligne 974 ⟶ 1 093 :
{{personnageD|Une voix||chantant dans l’escalier.}}
Guerre aux bourgeois…
{{personnageD|Henri||à Margarot.}} Margaro
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/268]]==
t.}}
Attrape ! {{didascalie|(La porte s’ouvre.)}}
 
Ligne 993 ⟶ 1 114 :
{{personnage|Henri.}}
Jamais…
{{personnage|Margarot.}} Mar
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/269]]==
garot.}}
Vous n’aurez qu’à me faire signe. À revoir. {{didascalie|(Saluant le père.)}} Monsieur…
{{personnageD|Le père Jourdeuil||saluant.}}
Ligne 1 009 ⟶ 1 132 :
{{personnageD|Henri||sans voir Pipette.}}
Comment ce voleur ! il a osé ?… {{didascalie|(Pipette fait un demi-tour et se retire discrètement.)}}
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/270]]==
 
Chut ! Il est là… tais-toi. Pauvre homme nous l’avons bien mal jugé.
{{personnage|Henri.}}
Ligne 1 023 ⟶ 1 148 :
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Que veux-tu ?… il fallait bien célébrer le retour de Pipette. {{didascalie|(Lui tapant sur l’épaule.)}} C’est mon Franqueyrol, à moi, ce vieillard ! A propos, est-ce que tu l’as vu, Franqueyr… {{didascalie|(À part.)}} Aïe !…
{{personnage|Henri.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/271]]==
 
Qui donc ?
{{personnageD|Le père Jourdeuil||bredouillant.}}
Ligne 1 045 ⟶ 1 172 :
{{personnage|Henri.}}
Ah ! tu l’as fini ?
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/272]]==
 
Et regarde-moi ça ! Hein ?… Je crois que ça y est ! {{didascalie|(Geste pictural avec le pouce.)}}
{{personnageD|Henri||tenant le tableau.}}
Ligne 1 063 ⟶ 1 192 :
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Je pourrai bien le porter moi-même.
{{personnageD|Henri||vivement.}} vivem
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/273]]==
ent.}}
Non… non… c’est inutile. Je dois voir mon homme ces jours-ci.
{{personnageD|Le père Jourdeuil||souriant.}}
Ligne 1 084 ⟶ 1 215 :
Monsieur est expert ?
{{personnageD|Le père Jourdeuil||allant et venant dans l’atelier.}}
Expert, marchand de curiosités, restaurateur de tableaux, rentoileur… Est-ce que je sais ? Tiens ! il
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/274]]==
vient tout juste d’inventer un système de rentoilage.
{{personnageD|Pipette||bas.}}
Enfin !
Ligne 1 106 ⟶ 1 239 :
{{personnage|Namoun.}}
Boujou.
{{personnage|Le père Jourdeuil.}} Jour
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/275]]==
deuil.}}
Tiens ! le Bédouin. {{didascalie|(À Pipette.)}} Tu ne le connais pas, le Bédouin de mon fils, tu vas voir, le bon type.
{{personnageD|Henri||allant au-devant de Namoun.}}
Ligne 1 125 ⟶ 1 260 :
Cinq cents, mon ami, cinq cents.
{{personnageD|Namoun||sur la droite, à Henri.}}
Quis qui ci ? Mouci… toi, blérer ? blérer pourpou
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/276]]==
r le femme ? quis qui ci ça, le femme ? rien di tout… tambour Lakdar li avait quatre femmes… quatre… li macach blérer jamais… risir toujours. {{didascalie|(Il rit.)}}
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
C’est donc bien drôle, ce que tu racontes là, Namoun ? Est-ce que cela vaut la prise d’Alger ? (À Pipette.) Mon cher, il a une façon de raconter la prise d’Alger. {{didascalie|(À Namoun.)}} Voyons, raconte-nous cela, jeune singe.
Ligne 1 140 ⟶ 1 277 :
{{personnageD|Le père Jourdeuil||bas.}}
Oui, oui… tout à l’heure.
{{personnage|Henri.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/277]]==
 
Voyons, Namoun, raconte-nous comment les Français s’y sont pris pour entrer chez vous.
{{personnageD|Namoun||doucement.}}
Ligne 1 154 ⟶ 1 293 :
{{personnageD|Le père Jourdeuil||impatienté.}}
Eh ! oui. Allons, Bédouin, tu es très gentil… maintenant, si tu veux aller faire taratata dans la pièce à côté, tu nous feras plaisir. {{didascalie|(À Henri.)}} Ça a l’oreille fine, ces sauvages-là ! Et, tu comprends, il ne faut pas encore ébruiter notre affaire.
{{personnage|Henri.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/278]]==
 
Quelle affaire ?
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Ligne 1 171 ⟶ 1 312 :
Oh ! pas du tout…
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Il ne peut pas décemment se présenter dans les musées, dans les galeries particulières, avec cette tenue d’inventeur. Avant de rentoiler les tableaux, il faut d’abord qu’il se rentoile lui-même. {{didascalie|(Il
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/279]]==
rit, Pipette rit encore plus fort.)}} Bref, nous avons besoin, pour commencer la campagne, d’une pièce de quatre à cinq cents francs.
{{personnageD|Pipette||bas.}}
Cinq cents, mon ami, cinq cents.
Ligne 1 190 ⟶ 1 333 :
{{personnage|Henri.}}
Mais je ne peux pas, encore une fois je ne peux pas, je n’ai pas d’argent.
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/280]]==
 
Oh ! c’est trop fort, par exemple, tu n’as pas d’arg… {{didascalie|(Se tournant vers Pipette, et lui montrant l’atelier d’un geste emphatique.)}} Il n’a pas d’argent !
{{personnageD|Pipette||à demi-voix.}}
Ligne 1 201 ⟶ 1 346 :
Oh ! la pendule suffirait.
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Voilà ce que j’aurais fait, moi. Il est vrai qu’à ce jeu-là on ne s’enrichit guère et qu’on expose sa
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/281]]==
vieillesse à de terribles humiliations ; viens, mon vieux Pipette, allons-nous-en. Je te demande pardon de t’avoir amené ici. J’aurais dû me douter de ce qui m’attendait. J’ai été le père prodigue ; j’ai bien le fils que je devais avoir !
{{personnage|Henri.}}
C’en est trop, à la fin… Eh bien ! puisque tu m’y obliges… {{didascalie|(On frappe.)}}
Ligne 1 219 ⟶ 1 366 :
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Ah ! tant mieux. {{didascalie|(Regardant l’atelier.)}} Comme c’est joli, chez toi ! {{didascalie|(Souriant à son mari et à Pipette.)}} Bonjour, bonjour.
{{personnageD|Le père Jourdeuil||sombre.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/282]]==
 
Bonjour.
{{personnageD|Madame Jourdeuil||à Henri, lui montrant Pipette.}}
Ligne 1 235 ⟶ 1 384 :
{{personnageD|Madame Jourdeuil||s’approchant de lui.}}
Qu’est-ce que tu as donc, toi ?… Comme tu es rouge. Je parie que vous n’avez pas été raisonnables, à ce déjeuner.
{{personnage|Henri.}} Hen
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/283]]==
ri.}}
Le fait est que j’ai entendu parler d’un petit vin de la comète.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Ligne 1 255 ⟶ 1 406 :
{{personnageD|Madame Jourdeuil||souriant à son mari.}}
Il y a si longtemps que je ne l’ai vu… {{didascalie|(Plus grave.)}} Et j’ai tant de choses à lui dire…
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/284]]==
 
Ah ! tu as bien tort de te tourmenter, va !… je le connais maintenant, le jeune homme ; tu peux être rassurée sur son compte. Si jamais il fait des folies, celui-là… Enfin !… Ne reste pas trop longtemps. Nous serons dans la grande allée. Adieu, garçon.
{{personnageD|Henri||lui tendant la main.}}
Ligne 1 273 ⟶ 1 426 :
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
II n’a pas l’air content. Je parie que vous avez encore causé peinture…
{{personnage|Henri.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/285]]==
 
Un peu.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Ligne 1 291 ⟶ 1 446 :
{{personnageD|Henri||éloignant sa chaise.}}
Comme ceci ?
{{personnage|Madame Jourdeuil.}} Jourdeu
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/286]]==
il.}}
Oh ! pas si loin. {{didascalie|(Henri se rapproche encore plus près que la première fois.)}} Là ! {{didascalie|(Croisant les bras.)}} Comment, monsieur, vous n’avez qu’un malheureux jeudi par semaine pour venir embrasser votre mère, et vous trouvez que c’est trop.
{{personnage|Henri.}}
Ligne 1 307 ⟶ 1 464 :
{{personnageD|Henri||souriant.}}
Quelle vie crois-tu que je mène ?
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/287]]==
 
Oh ! je ne t’en fais pas un reproche. Je sais bien que c’est nécessaire. Il parait même que c’est un très bon signe, vous autres, quand vous menez cette vie-là ! Ça prouve que vous avez du… Comment donc ?… du chien !
{{personnageD|Henri||riant.}}
Ligne 1 323 ⟶ 1 482 :
{{personnage|Henri.}}
Très bien !
{{personnage|Madame Jourdeuil.}} Jo
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/288]]==
urdeuil.}}
Pourtant, quand on est mère, comme on se fait des idées… Figure-toi que, la nuit dernière, en ruminant toute seule dans ma tête, cette pensée m’est venue tout à coup que tes affaires allaient très mal et que c’était pour ne pas nous tourmenter que depuis quelque temps tu nous cachais ta vie.
{{personnage|Henri.}}
Ligne 1 337 ⟶ 1 498 :
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Oh ! je l’ai bien vu, va ! Aussi, tout de suite, mes idées noires de cette nuit se sont envolées. Comme il est beau, ton atelier ! C’est égal, j’aimais encore mieux l’ancien.
{{personnage|Henri.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/289]]==
 
Pourquoi ?
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Ligne 1 357 ⟶ 1 520 :
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Mais, tu plaisantes… {{didascalie|(Subitement.)}} À moins que… {{didascalie|(Bas.)}} Est-ce qu’il y a quelqu’un là ?
{{personnag
{{personnage|Henri.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/290]]==
e|Henri.}}
Personne… il n’y a que Namoun ! qui est en train de ranger.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Ligne 1 376 ⟶ 1 541 :
T’en vouloir ?
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Vois-tu, quand on aime les gens, on est bien aise de savoir comme c’est chez eux. De cette façon
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/291]]==
lorsqu’on pense à eux, on se les représente mieux, on est avec eux davantage.
{{personnageD|Henri||souriant.}}
Mais oui, voyons !
Ligne 1 388 ⟶ 1 555 :
Comment ?
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Oh ! je ne t’en veux pas, c’est si naturel. Toutes les mères en sont là ! Malheureusement, comme tu m’as beaucoup gâtée, je suis plus sensible que les autres, et il faut me ménagerménag
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/292]]==
er un peu plus. Aussi, je t’en supplie, si tu t’en vas de moi, va-t’en petit à petit, pas tout à la fois. Ne m’emporte pas tout mon paradis d’un seul coup ; autrement, vrai ! je suis capable d’en mourir.
{{personnageD|Henri||à part.}}
Est-ce possible, mon Dieu ! {{didascalie|(Haut.)}} Ma mère, ma mère chérie, écoute-moi bien à ton tour : Je ne sais pas pourquoi tu me dis cela ; je ne sais pas pourquoi tu doutes de ton fils. {{didascalie|(Élevant la voix.)}} Mais je te jure, sur ce que j’ai de plus cher et de plus sacré, c’est-à-dire sur toi-même…
Ligne 1 402 ⟶ 1 571 :
Si, mais, pour que je le croie mieux, il faut venir me le dire souvent. {{didascalie|(Elle lui prend la tête à deux mains, l’embrasse vite.)}} Adieu ! {{didascalie|(Elle court prendre son sac qu’elle a oublié sur le bureau, s’arrête, se baisse et ramasse quelque chose.)}}
{{personnage|Henri.}}
 
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/293]]==
Qu’est-ce que tu cherches ?
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Ligne 1 418 ⟶ 1 589 :
{{personnageD|Madame Jourdeuil||reparaissant.}}
Pardon… c’est encore moi.
{{personnageD|Henri||refermant la porte qu’il ouvrait.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/294]]==
la porte qu’il ouvrait.}}
Entre donc.
{{personnageD|Madame Jourdeuil||rentrant timidement.}}
Ligne 1 438 ⟶ 1 611 :
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Dam ! c’est à cause de ton père, tu le connais, il aime bien que les fournisseurs soient payés recta. Il a cela de bon, par exemple, on ne peut pas lui ôter ça.
{{personnage|Henri.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/295]]==
 
Eh bien !… et demain ?
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Ligne 1 456 ⟶ 1 631 :
Où as-tu trouvé ça ?
{{personnage|Namoun.}}
 
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/296]]==
Macach trouvir, Namoun chapar. {{didascalie|(Il fait le geste de voler.)}}
{{personnageD|Henri||indigné.}}
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{{personnage|Namoun.}}
Toi, macach andar en brisoun. Namoun, oui, andar en brisoun. toi riche, toi content, donner bezeff argent là-bas à Vidervay, acheter bella roba à ta sœur. Ou-Allah !
{{personnageD|Henri||radouci.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/297]]==
 
Mais, malheureux enfant, tu ne sais donc pas que c’est très mal, de voler. Macach bono chapar.
{{personnage|Namoun.}}
Ligne 1 495 ⟶ 1 674 :
Par là, dans un coin. C’est Namoun qui l’a trouvé.
{{personnage|Margarot.}}
 
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/298]]==
Ah ! le brave turco. Il faut que je… {{didascalie|(Il tire une pièce de monnaie.)}} Tiens ! mon enfant. {{didascalie|(Namoun hésite, et montre Henri.)}} Prends donc… tu ne l’as pas volé.
{{personnageD|Namoun||avec conviction.}}
Ligne 1 512 ⟶ 1 693 :
{{personnageD|Margarot||tirant le traité de sa poche.}}
Ah ! Enfin… je savais bien que vous y viendriez. Voilà : « Entre les soussignés… »
{{personnag
{{personnageD|Henri||lui prenant le papier des mains.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/299]]==
eD|Henri||lui prenant le papier des mains.}}
C’est inutile, je connais les conditions. {{didascalie|(Il passe à gauche vers le pupitre.)}}
{{personnage|Margarot.}}
Ligne 1 531 ⟶ 1 714 :
J’en ai besoin.
{{personnage|Margarot.}}
Eh bien ! venez ce soir dîner à la fabrique, vous prendrez ce qu’il vous faut. {{didascalie|(À part.)}} Hé ! Hé ! il parait
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/300]]==
que la colombe a demandé des arrhes. {{didascalie|(Haut.)}} À ce soir.
{{personnage|Henri.}}
Attendez. Est-ce que votre voiture est en bas ?
Ligne 1 548 ⟶ 1 733 :
{{personnageD|Franqueyrol||à Margarot qui sort.}}
Ne fermez pas. {{didascalie|(Il entre.)}}
{{personnageD|Namoun||en le voyant, se dresse sur le divan et appelle.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/301]]==
en le voyant, se dresse sur le divan et appelle.}}
Ia ! Didou… mouci !…
{{personnageD|Franqueyrol||avec un geste énergique.}}
Ligne 1 562 ⟶ 1 749 :
 
{{didascalie|Fin du deuxième acte.}}
{{Acte|III.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/302]]==
III.}}
 
{{didascalie|Au Faubourg Saint-Jacques, chez Margarot.
Ligne 1 575 ⟶ 1 764 :
{{personnageD|Margarot||montrant l’atelier d’un geste arrondi.}}
L’oiseau s’est envolé, mesdames ; mais voici toujours la cage !
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/303]]==
 
Envolé !
{{personnageD|Louise||s’avançant.}}
Ligne 1 595 ⟶ 1 786 :
{{personnageD|Le père Jourdeuil||indigné.}}
Demandé sur la place. Oh !…
{{personnageD|Madame Jourdeuil||bas.}} Jou
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/304]]==
rdeuil||bas.}}
Je t’en prie…
{{personnageD|Le père Jourdeuil||bas.}}
Ligne 1 609 ⟶ 1 802 :
{{personnageD|Madame Jourdeuil||de loin.}}
Eh bien ? Louise…
{{personnage|Louise.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/305]]==
 
Mais, maman, c’est Namoun !
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Ligne 1 629 ⟶ 1 824 :
{{personnageD|Louise||à sa mère.}}
Mais regarde-le donc ! c’est qu’il est très gentil dans son nouveau costume. Et cette poussière de laine verte et d’or qu’il a dans les cheveux, est-ce charmant !
{{personnageD|Le père Jourdeuil||rapprochant.}} rappro
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/306]]==
chant.}}
Oui, c’est très joli dans les cheveux, cette poussière-là mais dans les poumons… {{didascalie|(Namoun tousse.)}} Voilà ce que ça fait.
{{personnageD|Louise||avec intérêt.}}
Ligne 1 649 ⟶ 1 846 :
{{personnage|Louise.}}
Pauvre petit Namoun ! Mais c’est affreux, cela…
{{personnage|Margarot.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/307]]==
 
Hé ! mademoiselle, l’industrie a ses champs de bataille, elle aussi. Encore notre industrie à nous n’est-elle pas des plus meurtrières… mon établissement est très sain. J’ai de grands ateliers, un jardin immense, une installation tout à fait philanthropique. Du reste, mesdames, si vous voulez venir faire un petit tour de fabrique, en attendant Henri, vous pourrez vous convaincre vous-mêmes.
{{personnageD|Le père Jourdeuil||à sa femme.}}
Ligne 1 661 ⟶ 1 860 :
{{personnageD|Margarot||vexé.}}
Je suis très heureux, monsieur, que votre fils n’ait pas eu la même répulsion.
{{personnageD|Le père Jourdeuil||fièrement.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/308]]==
 
Mon fils n’est pas un artiste, lui.
{{personnage|Louise.}}
Ligne 1 678 ⟶ 1 879 :
Sans doute… sans doute… mais c’est si difficile, au temps où nous vivons, de…
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Hé ! monsieur, il y a la lutte ! faut lutter ! Est-ce que les vrais artistes ne sont pas des lutteurs ?… Est-ce que l’art est possible sans la luttelutt
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/309]]==
e ?… Mais non voulez-vous que je vous dise ? Tous ces peintraillons de maintenant n’ont qu’une idée dans la tête, gagner de l’argent !… plus de dignité, plus de conscience. Les pavillons chinois sont bien payés, va pour les pavillons chinois. Ah ! jeunes gens, jeunes gens, vous vous êtes moqués de nos grands cheveux et de nos chapeaux d’astrologues, vous avez répudié la vareuse, la sainte vareuse, qui donne l’air rapin, vous avez cru pouvoir impunément vous habiller comme des bourgeois, et voilà qu’à force de ressembler aux bourgeois, vous êtes des bourgeois vous-mêmes, aussi bourgeois que le plus bourgeois des bourgeois.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Voyons, mon pauvre homme, calme-toi. A quoi sert que tu te tourmentes ? Ce qui est fait est fait.
Ligne 1 686 ⟶ 1 889 :
Franqueyrol ?
{{personnage|Margarot.}}
Oui, c’est cela… Franqueyrol… Eh
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/310]]==
bien ! voilà trois jours qu’il vient, ce Franqueyrol, et qu’Henri lui refuse sa porte.
{{personnageD|Louise||s’approchant.}}
M. Pierre sait donc qu’Henri est ici… Qui a pu le lui dire ?
Ligne 1 701 ⟶ 1 906 :
{{personnageD|Margarot||à madame Jourdeuil.}}
M. Jourdeuil fait de la peinture, lui aussi, d’après ce que je vois…
{{personnage|Le père Jourdeuil.}} Jourdeu
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/311]]==
il.}}
Si je fais de la peinture !… c’est trop fort… si je fais…
{{personnage|Margarot.}}
Ligne 1 717 ⟶ 1 924 :
{{personnageD|Margarot||vivement.}}
Le Centaure malade ! mais je connais ça ! Hé ! Parbleu !… j’y suis, maintenant !…
{{personnageD|Le père Jourdeuil||ému.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/312]]==
ému.}}
Vous connaissez mon Centaure ?
{{personnageD|Margarot||réprimant une forte envie de rire.}}
Ligne 1 738 ⟶ 1 947 :
Miséricorde !
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
 
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/313]]==
Franqueyrol nous emmènerait dans la petite galiote…
{{personnageD|Louise||gaiement.}}
Ligne 1 749 ⟶ 1 960 :
{{personnageD|Margarot||gros rire.}}
Ah ! Ah ! vous croyez que sa colombe…
{{personnageD|Madame Jourdeuil||montrant Louise qui s’approche.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/314]]==
Louise qui s’approche.}}
Chut !
{{personnageD|Margarot||bas.}}
Ligne 1 769 ⟶ 1 982 :
{{personnageD|Le père Jourdeuil||lui prenant le bras.}}
Et, dites-moi, l’ami, alors, ce Jackson… {{didascalie|(Ils sortent en causant. Les dames vont devant. A mesure qu’ils s’éloignent, on voit une main, puis un bras, passer par l’entre-bâillement de la fenêtre de gauche. L’espagnolette glisse, la fenêtre s’ouvre, Franqueyrol paraît.)}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/315]]==
 
{{Scène|III.}}
Ligne 1 783 ⟶ 1 997 :
{{personnageD|Henri||ouvrant la porte de droite.}}
Je vous ai fait attendre.
{{personnageD|Franqueyrol||souriant.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/316]]==
 
Non, pas trop.
{{personnageD|Henri||stupéfait.}}
Ligne 1 803 ⟶ 2 019 :
{{personnage|Henri.}}
Tu as eu tort de venir, Pierre. J’aurais mieux aimé… Non ! Vraiment… J’avais des raisons pour ne pas te voir.
{{personnage|Franqueyrol.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/317]]==
 
Des raisons… Eh bien ! tu me les diras en route, tes raisons… Viens ! Zou !…
{{personnage|Henri.}}
Ligne 1 824 ⟶ 2 042 :
Ah ! oui, l’art, la gloire, mon pays ! Il me semble que j’entends papa Jourdeuil.
{{personnage|Franqueyrol.}}
Il s’agit bien de ton pays. Il s’agit de Pierre Franqueyrol,
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/318]]==
ici présent, qui est allé te chercher au fond de l’Adriatique, et qui ne veut pas avoir risqué sa peau pour repêcher un papetier. Il y en a déjà trop, de ces bonshommes-là ! Tu ris ? Eh bien ! moi, je te dis que si tu renonces à la peinture, j’ai le droit d’aller te flanquer dans l’Adriatique, à la place où je t’ai trouvé et dans la même position. Ma parole d’honneur ! je te remets là et je ne m’en mêle plus.
{{personnage|Henri.}}
Ah ! tu aurais bien mieux fait de ne jamais t’en mêler… On doit être si bien sur un bon lit de sable au fond de la mer, sans penser… {{didascalie|(Un temps.)}}
Ligne 1 836 ⟶ 2 056 :
Oui.
{{personnage|Franqueyrol.}}
Mais, brigand de bon sort ! qu’est-ce que c’est donc que cette rage d’argent qui te pousse ? De l’argent ! quès aco ? Pour quoi faire, de l’argent ? Est-ce que tu n’en gagnais pas plus qu’il t’en fallait
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/319]]==
pour toi seul ? Voyons ! tu as donc des vices, maintenant ? Tu joues ? tu fais courir ?… Quoi ?… des enfants ?… Non !… Alors c’est donc ton père qui est, dans le vrai, et les peintres d’aujourd’hui, vous n’êtes tous que des vitriers.
{{personnageD|Henri||d’un air prud’homme.}}
Hé ! mon cher, c’est bien dur aussi d’être exposé toute sa vie aux privations et aux déboires de la bohème artistique… Et, ma foi ! quand on trouve une jolie situation, bien assise, bien régulière…
Ligne 1 846 ⟶ 2 068 :
Elle m’a dit que tu mentais, que tu lui avais écrit une lettre trop cruelle et trop lâche pour être vraie, et que, quoi qu’il arrive, tes amis devaient t’aimer quand même et te rester fidèles malgré toi, parce qu’il y aurait toujours quelque chose de grand et d’héroïque au fond de tout ce que tu ferais. Voilà ce qu’elle m’a dit, la pauvre ! Voilà ce qu’elle m’a dit avec ses beaux yeux tout reluisants de larmes. {{didascalie|(Henri se détourne très ému.)}} Et maintenant… maintenant je suis sûr qu’elle ne s’est pas trompée.
{{personnage|Henri.}}
Eh bien ! oui, c’est vrai… J’aime cette femme
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/320]]==
avec passion ! j’aime mon art avec rage ! mais, dussé-je en mourir, il faut que je renonce à tous les deux. Tiens ! laisse-moi, Pierre, va-t’en… Tu ne sais pas, toi… il y a des devoirs terribles…
{{personnage|Franqueyrol.}}
Mais, enfin, dis-moi au moins quels sont ces étranges devoirs ?…
Ligne 1 858 ⟶ 2 082 :
Et pour toujours…
{{personnage|Henri.}}
Pour toujours ? tu me jures que c’est pour toujours… Alors, écoute, mais rappelle-toi qu’en me forçant à te livrer mon secret, tu me condamnes à
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/321]]==
ne plus te revoir… {{didascalie|(Il le prend par la main et l’amène sur le devant de la scène. Le tapis du divan s’agite. La tête de Namoun paraît avec deux petits yeux très brillants qui écoutent.)}} Tu me demandais tout à l’heure si j’avais des enfants, eh bien ! oui, j’en ai !
{{personnage|Franqueyrol.}}
Ah ! L’imbécile…
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Ah ! je comprends, alors.
{{personnageD|Henri||baissant la voix.}}
Il y a six ans, lorsque je revins d’Italie, je trouvai la maison ruinée, mon père vieilli, sans courage, et près de la petite sœur malade, ma mère qui brodait nuit et jour pour gagner gros comme ça de pain… un vrai désastre. Tu penses, moi qui r
Il y a six ans, lorsque je revins d’Italie, je trouvai la maison ruinée, mon père vieilli, sans courage, et près de la petite sœur malade, ma mère qui brodait nuit et jour pour gagner gros comme ça de pain… un vrai désastre. Tu penses, moi qui revenais de mon beau voyage avec ma boîte à couleurs pleine de soleil, me trouver en face de cette misère et de ces nouveaux devoirs ! C’était dur. Dix-neuf ans et des pinceaux neufs, nourrissez donc une famille avec cela. Ah ! j’ai maudit la peinture, à ce moment. J’aurais voulu être portefaix, homme d’équipe, n’importe quoi qui gagne cinquante sous par jour… Pourtant je me mis à l’œuvre avec courage, et sur une toile achetée à crédit, je commençai mon premier tableau… J’eus toute ma chance tout de suite, mon tableau se vendit bien, on en parla, les commandes arrivèrent, et désormais la pauvre maman n’eut plus besoin de travailler. Moi, je mettais les journées doubles ; mais je ne m’en plaignais pas. J’étais si heureux de leur faire du repos et du bien-être à tous avec mon travail. Tout alla bien pendant trois ou quatre ans : puis, un beau matin, la chance tourna. Ah ! ces sautes de vent de la vogue parisienne, c’est terrible ! juste au moment où je sentais le talent me venir, le vrai talent, tu sais, celui de dessous qui monte après le folletis de la vingtième année, juste à ce moment le succès m’abandonna. Tout seul, j’en aurais ri, c’était si bête mais avec trois enfants sur les bras, il n’y avait vraiment pas de quoi rire. Par bonheur, lorsque ma débâcle arriva, je venais de les installer à la campagne et comme ils vivaient loin de moi, ils ne se doutèrent de rien. Ça, vois-tu, c’est mon triomphe ! Pendant deux ans, j’ai mené une vie de galère, les courses chez les marchands, les refus, les affronts, les protêts, les saisies, tout l’horrible train de la misère ; mais chez eux, là-bas, il y a toujours eu la même existence sûre et paisible, toujours du bon pain blanc sur la table, et un loyer d’avance dans le tiroir… tu comprends, ces pauvres vieux ! ils en avaient eu assez de ces histoires-là ; je ne pouvais pas les y fourrer encore. Par exemple, j’ai eu du mal… Ah ! oui, j’ai eu du mal… cet argent, ce terrible argent qu’il fallait décrocher tous les mois. Et puis, c’est qu’à la maison on ne le ménageait guère. J’avais tellement l’air d’en avoir plein mes poches… on me faisait des cadeaux, des surprises. Le jeudi, quand j’arrivais, quelquefois j’étais à jeun depuis la veille, je trouvais des galas, de vrais galas préparés en mon honneur. Alors, si j’essayais de gronder, bien doucement, tout le monde se récriait et j’entendais au fond de la cave la bonne grosse voix du père Jourdeuil : « Ce serait trop fort que les jours où tu viens on ne mit pas les petits plats dans les grands. » Il n’y avait rien à répondre. Il fallait s’asseoir, manger avec enthousiasme, et… et de l’entrain tout le temps ! sans quoi, voilà la pauvre mère très inquiète, s’imaginant je ne sais quelles folles histoires, et me prenant dans les petits coins pour me dire d’un air de reproche : « Tu en mènes une vie, hein ! » C’était navrant.
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/322]]==
evenais de mon beau voyage avec ma boîte à couleurs pleine de soleil, me trouver en face de cette misère et de ces nouveaux devoirs ! C’était dur. Dix-neuf ans et des pinceaux neufs, nourrissez donc une famille avec cela. Ah ! j’ai maudit la peinture, à ce moment. J’aurais voulu être portefaix, homme d’équipe, n’importe quoi qui gagne cinquante sous par jour… Pourtant je me mis à l’œuvre avec courage, et sur une toile achetée à crédit, je commençai mon premier tableau… J’eus toute ma chance tout de suite, mon tableau se vendit bien, on en parla, les commandes arrivèrent, et désormais la pauvre maman n’eut plus besoin de travailler. Moi, je mettais les journées doubles ; mais je ne m’en plaignais pas. J’étais si heureux de leur faire du repos et du bien-être à tous avec mon travail. Tout alla bien pendant trois ou quatre ans : puis, un beau matin, la chance tourna. Ah ! ces sautes de vent de la vogue parisienne, c’est terrible ! juste au moment où je sentais le talent me venir, le vrai talent, tu sais, celui de dessous qui monte après le folletis de la vingtième année, juste à ce moment le succès m’abandonna. Tout seul, j’en aurais ri, c’était si bête mais avec trois enfants sur les bras, il n’y avait vraiment pas de quoi rire. Par bonheur, lorsque ma débâcle arriva, je venais de les installer à la campagne et comme ils vivaient loin de moi, ils ne se doutèrent de rien. Ça, vois-tu, c’est mon triomphe ! Pendant deux ans, j’ai mené une vie de galère, les courses chez les marchands, les refus, les affronts, les protêts, les saisies, tout l’horrible train de la misère ; mais chez eux, là-bas, il y a toujours eu la même existence sûre et paisible, toujours du bon pain blanc sur la table, et un loyer d’avance dans le
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/323]]==
tiroir… tu comprends, ces pauvres vieux ! ils en avaient eu assez de ces histoires-là ; je ne pouvais pas les y fourrer encore. Par exemple, j’ai eu du mal… Ah ! oui, j’ai eu du mal… cet argent, ce terrible argent qu’il fallait décrocher tous les mois. Et puis, c’est qu’à la maison on ne le ménageait guère. J’avais tellement l’air d’en avoir plein mes poches… on me faisait des cadeaux, des surprises. Le jeudi, quand j’arrivais, quelquefois j’étais à jeun depuis la veille, je trouvais des galas, de vrais galas préparés en mon honneur. Alors, si j’essayais de gronder, bien doucement, tout le monde se récriait et j’entendais au fond de la cave la bonne grosse voix du père Jourdeuil : « Ce serait trop fort que les jours où tu viens on ne mit pas les petits plats dans les grands. » Il n’y avait rien à répondre. Il fallait s’asseoir, manger avec enthousiasme, et… et de l’entrain tout le temps ! sans quoi, voilà la pauvre mère très inquiète, s’imaginant je ne sais quelles folles histoires, et me prenant dans les petits coins pour me dire d’un air de reproche : « Tu en mènes une vie, hein ! » C’était navrant.
{{personnage|Franqueyrol.}}
Pécaïre !
{{personnage|Henri.}}
Mon cher, j’ai fait ce métier-là pendant deux ans, espérant, espérant toujours. Mais un moment est venu où malgré tous mes efforts j’ai senti la misère monter, m’envahir, arriver jusqu’à eux par-dessus ma tête… Oh ! alors, j’ai eu peur. Non pas pour moi, tu penses bien. J’avais pâti deux ans, je pouvais pâtir dix ans encore, toute la vie, s’il eût fallu…
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/324]]==
Mais revoir ce que j’avais vu, la misère en famille, ma sœur courant le cachet, ma mère s’épuisant sur ses broderies, ces petites broderies à dents de rats qui mangent les yeux des femmes… Non ! Non ! ce n’était pas possible. Moi vivant, des choses pareilles ne pouvaient pas arriver. Et c’est pour qu’elles n’arrivent pas que je suis entré ici.
{{personnage|Franqueyrol.}}
Pauvre enfant. {{didascalie|(Un temps. – Namoun sur le divan essuie ses yeux avec son poing fermé.)}} Mais, enfin, ton père, ton père n’aurait donc pas pu t’aider, lui qui vend si bien ses affreux tableaux à horloge… Au fait, je suis naïf encore, moi, de croire qu’il les vend ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Jackson !… c’est de ton invention, n’est-ce pas ?… Parbleu !… alors, tous ces immortels chefs-d’œuvre…
Ligne 1 888 ⟶ 2 120 :
Tout ! et je ne me plains pas. Si complet que soit mon sacrifice, il me reste la joie de dire : « C’est pour eux, » et avec cette pensée-là, vois-tu…
{{personnage|Franqueyrol||violemment.}}
Tais-toi… c’est épouvantable… c’est épouvantable
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/325]]==
de penser que des êtres qui t’adorent aient pu te faire tant de mal. Voilà donc ce que c’est que la famille, grand Dieu ! quelque chose qui vous aime et qui vous…
{{personnage|Henri.}}
Pierre.
{{personnage|Franqueyrol.}}
Oh ! la vieille légende de la Bible, Abraham immolant son fils, comme elle est féroce et comme elle est vraie… tiens te rappelles-tu, à Venise, au couvent des Arméniens, cette singulière peinture qui nous a tant frappés. Cela représentait ce qu’on est convenu d’appeler le sacrifice d’Abraham, et que j’appelle, moi, « le sacrifice d’Isaac. » Étrange tableau ! Il me semble que je le vois encore. Isaac est au milieu, debout, appuyé contre l’autel ; c’est un vigoureux garçon de seize ans, le cou nu, les pieds et les mains libres d’entraves ; il pourrait se défendre, il pourrait s’enfuir, mais non ! son sacrifice est volontaire. Il attend la mort et il sourit. À gauche, Abraham, un vieux paisible et doux, coiffé à l’archange comme le père Jourdeuil, aiguise avec le plus grand soin un large coutelas dont il va se servir tout à l’heure. Dans le fond, une vigne sauvage et un petit agneau qui la broute. Tout cela très grossier, très naïf ; mais, c’est égal ! on n’a pas envie de rire. Ce père qui va tuer est si tranquille, ce fils qui va mourir est si résigné, il y a tant de douceur dans ce sourire de victime, ces yeux d’enfant ont si bien l’air de dire : « Mon père, prends ma vie, c’est toi qui me l’as donnée. » Eh bien ! mon cher, ce tableau-là, c’est ton histoire, tu es résigné comme Isaac, sacrifié comme
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/326]]==
lui, et comme lui tu as la famille pour bourreau. Seulement, toi, Dieu n’a pas songé à t’envoyer un petit agneau qui fût immolé à ta place, et le coutelas d’Abraham {{didascalie|(avec un geste terrible)}} a fait son œuvre jusqu’au bout.
{{personnageD|Namoun||se dressant avec colère, les poings serrés.}}
Macach bono, Abraham !… Ou-Allah ! macach bono. {{didascalie|(Il bondit du divan et sort par le fond d’un air furieux.)}}
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Travailler, comme les autres. Je suis un ouvrier, moi aussi. Mon temps ne m’appartient pas. Adieu, Pierre, ton apologue est cruel, mais je te le pardonne, tu n’as pas de mère, toi. Il y a des choses que tu ne peux pas comprendre.
{{personnageD|Franqueyrol||allant à lui et lui prenant les mains avec effusion.}}
Si ! je comprends bien, va ! je comprends qu’en dépit de tout la famille est grande et sacrée puisqu’elle inspire des dévouements pareils ; et, qui sait ? c’est peut-être le chagrin de n’en pas avoir qui me fait parler d’elle avec tant d’amertume. Seulement,
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/327]]==
écoute ! j’ai bien le droit d’être un peu injuste, tu as agi si mal avec moi. Comment ! tu sais que je suis riche, que je n’ai que toi pour ami…
{{personnageD|Henri||lui fermant la bouche.}}
Assez, Pierre, c’est pour ne pas entendre ce que tu vas me dire, que je t’ai fait promettre de partir, et tu partiras… tu me l’as promis.
Ligne 1 923 ⟶ 2 161 :
{{personnageD|Henri||stupéfait.}}
Louise ?
{{personnage|Franqueyrol.}} Franqu
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/328]]==
eyrol.}}
Une fois mariés, nous prenons les parents avec nous, et le pain de la maison ne te regarde plus, quand le diable y serait…
{{personnage|Henri.}}
Ligne 1 939 ⟶ 2 179 :
{{personnage|Henri.}}
C’est pourtant très essentiel à savoir…
{{personnage|Franqueyrol.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/329]]==
 
Le fait est qu’un vieux boucanier comme moi n’a rien de bien séduisant pour cette petite Parisienne… mais si tu voulais, tu n’aurais qu’un mot à lui dire.
{{personnage|Henri.}}
Ligne 1 955 ⟶ 2 197 :
{{personnage|Henri.}}
Prends garde ! tu t’exposes peut-être à entendre…
{{personnageD|Franqueyrol||passant sa tête, un doigt sur les lèvres.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/330]]==
sa tête, un doigt sur les lèvres.}}
Chut !
{{Scène|V.}}
Ligne 1 973 ⟶ 2 217 :
{{personnageD|Madame Jourdeuil||à son fils.}}
Comment vas-tu ? En voilà du nouveau depuis que nous ne nous sommes vus ?
{{personnage|Henri.}}He
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/331]]==
nri.}}
Oui, et j’en ai encore à vous apprendre.
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Ligne 1 990 ⟶ 2 236 :
Pas précisément ; c’est-à-dire qu’il a disparu depuis huit jours.
{{personnage|Henri.}}
Eh bien, non, Louise, ce n’est pas M. Pipette, ni
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/332]]==
le père Borniche… C’est… regarde-moi donc… C’est Franqueyrol.
{{personnage|Louise.}}
Franqueyrol… Oh ! quel bonheur !…
Ligne 2 004 ⟶ 2 252 :
Trop riche ?
{{personnage|Henri.}}
Non ! Non ! ma mère !… il n’est pas question de richesse ici. Sans quoi, dis-moi quelle fortune serait capable de payer cette âme divine, et ces jolis yeux rieurs où ton vilain mot d’argent vient de faire monter les larmes. Non il ne s’agit pas de richesse
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/333]]==
ici ; seulement… Et voilà pourquoi j’insiste… Je ne voudrais pas que Louise se crût engagée envers Franqueyrol parce qu’il est mon ami… {{didascalie|(À Louise.)}} Car enfin, voyons… il n’y a pas même un mois que tu le connais…
{{personnage|Louise.}}
Pas même un mois ! Voilà six ans que je m’endors tous les soirs en pensant à lui…
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{{personnage|Henri.}}
Eh oui ! il était là… Est-ce qu’ils ne sont pas toujours là en pareil cas ? {{didascalie|(À Franqueyrol, en soulevant les papiers.)}} Eh bien ! sortiras-tu, voyons ?
{{personnageD|Franquey
{{personnageD|Franqueyrol||sort de sa cachette, pâle, ému, se soutenant à peine.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/334]]==
rol||sort de sa cachette, pâle, ému, se soutenant à peine.}}
Ah ! mon ami…
{{personnageD|Henri||le soutenant.}}
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Alors, nous allons lui demander… Dis donc, mon homme…
 
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/335]]==
 
{{Scène|VI.}}
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{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
Namoun !..
{{personnag
{{personnage|Henri.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/336]]==
e|Henri.}}
Ah ! le gredin !
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
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{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Mais non ! mais n… {{didascalie|(Henri lui ferme la bouche et le fait asseoir de force sur le divan, se mettant entre lui et sa mère.)}}
{{personnageD|Madame Jourdeuil||à sa fille.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/337]]==
à sa fille.}}
Quand je vous le disais, que ce méchant Africain nous jouerait quelque mauvais tour. {{didascalie|(Revenant vers son mari.)}} Mais enfin, qu’est-ce qu’il a donc pu inventer ?
{{personnageD|Henri||à son père.}}
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Eh bien ?
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Eh bien ! ma pauvre femme, ce n’est rien du
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/338]]==
tout. Ton mari est toujours le même ; il s’exalte ! il s’exalte ! et puis…
{{personnageD|Franqueyrol||s’approchant, poussé par Louise.}}
Monsieur Jourdeuil…
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{{personnageD|Madame Jourdeuil||indignée.}}
Oh ! mon ami… Eh bien ! et ta médaille ?…
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}Jou
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/339]]==
rdeuil.}}
Ma médaille ! {{didascalie|(À part.)}} Pauvre femme, va !
{{personnage|Henri.}}
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{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
Non ! Non ! C’est moi seul que ceci regarde… Demain à midi, le dédit sera payé…
{{personnage|Madame Jourdeuil.}}
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/340]]==
 
Tu as donc fait un héritage !…
{{personnage|Le père Jourdeuil.}}
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{{personnageD|Namoun||venant droit à Henri et lui apportant la canne du père Jourdeuil.}}
Namoun pas tinir sa langue, toi fisir mangiar bâton.
{{personnageD|Henri||souriant.}} s
==[[Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/341]]==
ouriant.}}
Non ! pas aujourd’hui, je suis trop heureux. {{didascalie|(Il passe à droite et va s’agenouiller devant sa mère.)}}
{{personnageD|Le père Jourdeuil||à gauche.}}