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<references />
| width=33% style="background: #ffe4b5" | <center>[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index alphabétique - B|Index alphabétique - B]]</center>
| width=33% style="background: #ffe4b5" | <center>[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2, Basilique|Basilique]] ></center>
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| width=33% style="background: #ffe4b5" | <center>[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index Tome 2|Index par tome]]</center>
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|}
 
=== BASE ===
 
s. f. On nomme ainsi l'empattement inférieur d'une colonne ou
d'un pilier. Les Grecs de l'antiquité ne plaçaient une assise formant base
que sous les colonnes des ordres ionique et corinthien; l'ordre dorique
en était dépourvu. Sous l'empire, les Romains adoptèrent la base pour
tous leurs ordres, et cette tradition fut conservée pendant les premiers
siècles du moyen âge. L'ordre toscan, qui n'est que le dorique modifié par
les Romains, fut très-rarement employé pendant le Bas-Empire; on
donnait alors la préférence aux ordres corinthien et composite, comme
plus somptueux. Les bases appliquées aux colonnes de ces ordres se
composaient, avec quelques variétés de peu d'importance, d'une tablette
inférieure carrée ou plinthe, d'un tore, d'une ou deux scoties séparées par
une baguette, et d'un second tore; le fût de la colonne portait le listel et
le congé. Souvent la base était posée sur un dé ou stylobate, simple ou
décoré de moulures. Rien n'égale la grossièreté des bases de colonnes
appartenant aux édifices des époques mérovingienne et carlovingienne,
comme profil et comme taille. On y trouve encore les membres des bases
romaines, mais exécutés avec une telle imperfection qu'il n'est pas possible
de définir leur forme, de tracer leur profil. Leur proportion, par rapport
au diamètre de la colonne, est complètement arbitraire; ces bases sont
parfois très-hautes pour des colonnes d'un faible diamètre, et basses pour
de grosses colonnes. Tantôt elles ne se composent que d'un biseau, tantôt
on y voit une série de moulures superposées sans motif raisonnable. Il
nous serait difficile de donner une suite complète de bases de ces temps de
barbarie; car il semble que chaque tailleur de pierre n'ait été guidé que
par sa fantaisie ou une tradition fort vague des formes adoptées pendant
les bas temps. Nous ne pouvons que signaler les particularités que
présentent certaines bases de l'époque carlovingienne, et surtout nous
nous appliquerons à expliquer la transition de la base romaine corrompue
à la base définitivement adoptée à la fin du XII<sup>e</sup> siècle et pendant la période
ogivale.
</div>
[[Image:Base.eglise.collegiale.Poissy.png|center]]
<div class="text">
Un détail très-remarquable distingue la base antique romaine de la
base du moyen âge dès les premiers temps; la colonne romaine porte
à son extrémité inférieure une saillie composée d'un congé et d'un listel,
</div>
[[Image:Base.arcature.eglise.Saint.Denis.png|center]]
<div class="text">
<br>
tandis que la colonne du moyen âge, sauf quelques rares exceptions
dont nous tiendrons compte, ne porte aucune saillie inférieure, et vient
poser à cru sur la base. Ainsi, dans la colonne antique, entre le tore supérieur
de la base et le fût de la colonne, il y a une moulure dépendant de
celle-ci qui sert de transition. Cette moulure est supprimée dès l'époque
romane. Le congé et le filet inférieur du fût de la colonne exigeaient, pour
être conservés, un évidement dans toute la hauteur de ce fût; ces membres
supprimés, les tailleurs de pierre s'épargnaient un travail considérable.
C'est aussi pour éviter cet évidement à faire sur la longueur du fût que
l'astragale fut réunie au chapiteau au lieu de tenir à la colonne (voyez
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2, Astragale|Astragale]]).
<span id="Auxerre6">Nous donnons tout d'abord quelques-unes des variétés de bases adoptées
du VII<sup>e</sup> au X<sup>e</sup> siècle. <span id="Poissy1">La fig. 1 est une des bases trouvées dans les substructions
de l'église collégiale de
Poissy, substructions qui paraissent
appartenir à l'époque
mérovingienne<span id="note1"></span>[[#footnote1|<sup>1</sup>]]. <span id="Saint-Denis1">La fig. 1 <i>bis</i>
reproduit le profil de la plupart
des bases de l'arcature carlovingienne;
</div>
[[Image:Base.pilier.crypte.Saint.Avit.Orleans.png|center]]
<div class="text">
<br>
visible encore dans
la crypte de l'église abbatiale de
Saint-Denis en France (X<sup>e</sup> siècle).
On retrouve dans ces deux
profils une grossière imitation
de la base romaine des bas
temps. <span id=Orleans>La fig. 2 donne une
des bases des piliers à pans
coupés de la crypte de Saint-Avit
à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes O#Orleans|Orléans]]: c'est un simple
biseau orné d'un tracé grossièrement
ciselé (VII<sup>e</sup> ou VIII<sup>e</sup> siècle);
la fig. 3, les bases des
piliers de la crypte de l'église
Saint-Étienne d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Auxerre|Auxerre]] (IX<sup>e</sup> siècle).
Ici les piliers se composent
d'une masse à pan carré cantonnée
de quatre demi-colonnes;
la base n'est qu'un biseau reposant
sur un plateau circulaire.
Ce fait est intéressant à constater, car c'est une innovation introduite dans
l'architecture par le moyen âge. L'idée de faire reposer les piliers composés
de colonnes sur une première assise offrant
une assiette unique aux diverses saillies que présentent
les plans de ces piliers, ne cesse de dominer
dans la composition des bases des époques romane
et ogivale.
</div>
[[Image:Base.pilier.crypte.Saint.Etienne.Auxerre.png|center]]
<div class="text">
<span id="Reims1">Nous en trouvons un autre exemple dans l'église
Saint-Remy de Reims. Les piliers de la nef de cette église datent
du IX<sup>e</sup> siècle; ils sont
</div>
[[Image:Base.pilier.eglise.Saint.Remy.Reims.png|center]]
<div class="text">
<br>
formés d'un faisceau de colonnes (4) avec leur base romaine corrompue reposant sur une assise basse circulaire
(voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Pilier|Pilier ]]). Dans les contrées où les monuments antiques restaient
debout, il va sans dire que la base romaine persiste, est conservée plus
pure que dans les provinces où ces édifices avaient été détruits. Dans le
midi de la France, sur les bords du Rhône, de la Saône et du Rhin, on
retrouve le profil de la base antique jusque vers les premières années du
XIII<sup>e</sup> siècle; les innovations apparaissent plus tôt dans le voisinage des grands
centres d'art, tels que les monastères. Jusqu'au XI<sup>e</sup> siècle cependant, les
établissements religieux ne faisaient que suivre les traditions romaines en
les laissant s'éteindre peu à peu; mais quand, à cette époque, la règle de
Cluny eut formé des écoles, relevé l'étude des lettres et des arts, elle
introduisit de nouveaux éléments d'architecture, parmi les derniers restes
des arts romains. Dans les détails comme dans l'ensemble de l'architecture,
Cluny ouvrit une voie nouvelle (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture monastique|Architecture Monastique]]); pendant
que le chaos règne encore sur la surface de l'Occident, Cluny pose des
règles, et donne aux ouvriers qui travaillent dans ses établissements
certaines formes, impose une exécution qui lui appartiennent. C'est dans
ses monastères que nous voyons la base s'affranchir de la tradition
romaine, adopter des profils nouveaux et une ornementation originale. Les
bases des colonnes engagées de la nef de l'église abbatiale de Vézelay
fournissent un nombre prodigieux d'exemples variés; quelques-uns rappellent
encore la base antique, mais déjà les profils ne subissent plus
l'influence stérile de la décadence; ils sont tracés par des mains qui
cherchent des
</div>
[[Image:Base.colonne.eglise.Vezelay.png|center]]
<div class="text">
<br>
combinaisons neuves et souvent belles; d'autres sont
couverts d'ornements (5) et même de figures d'animaux (6). À la même époque (vers la fin du XI<sup>e</sup> siècle), on voit ailleurs l'ignorance et la
barbarie admettre des formes sans nom, confuses et sans caractère
déterminé.
</div>
[[Image:Base.colonne.eglise.Vezelay.2.png|center]]
<div class="text">
<span id=Carcassonne1>Les bases de piliers appartenant à la nef romane de l'église Saint-Nazaire
de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] (fin du XI<sup>e</sup> siècle) dénotent et l'oubli des traditions romaines
et le plus profond mépris pour la forme, l'invention la plus
pauvre: (7) est une des bases des piles monocylindriques, et (8) une base
des colonnes engagées de cette nef. Toutes portent sur un dé carré qui les
inscrit.
</div>
[[Image:Base.pilier.eglise.Saint.Nazaire.Carcassonne.png|center]]
 
[[Image:Base.pilier.eglise.Saint.Nazaire.Carcassonne.2.png|center]]
<div class="text">
Ailleurs, dans le Berry, dans le Nivernais, on faisait souvent alors des
bases tournées, c'est-à-dire profilées au tour; ce procédé était également
appliqué aux colonnes (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Colonne|Colonne]]).<span id=Nevers>
</div>
[[Image:Base.colonne.eglise.Saint.Etienne.Nevers.png|center]]
<div class="text">
Nous donnons (9) le profil de l'une des bases supportant les colonnes du
tour du chœur de l'église Saint-Étienne de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes N#Nevers|Nevers]], qui est taillé d'après ce
procédé (XI<sup>e</sup> siècle). Le tour invitait à donner aux profils une grande
finesse; il permettait de multiplier les arêtes, les filets; et les tourneurs
de bases usaient de cette faculté. La base tournée B, composée d'une
assise, repose sur un socle à huit pans A qui inscrit son plus grand
diamètre.
 
Dans le nord, en Normandie, dans le Maine, déjà dès le X<sup>e</sup> siècle les
tailleurs de pierre avaient laissé de côté les moulures romaines corrompues,
et s'appliquaient à exécuter des profils fins, peu saillants, d'un
galbe doux et délicat. Naturellement les bases subissaient cette nouvelle
influence. C'est par la finesse du galbe et le peu de saillie que
les profils normands se distinguent pendant l'époque romane (voyez
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Profil|Profil ]]).
</div>
[[Image:Base.piedroit.cathedrale.Mans.png|center]]
<div class="text">
Voici une des bases des piédroits de l'arcature intérieure de la nef de
la cathédrale du Mans (X<sup>e</sup> siècle) (10), qui se rapproche plutôt des profils
des bas temps orientaux que de ceux adoptés par les Romains d'occident.
 
Toutefois, nous pourrions multiplier les exemples de bases antérieures au
XII<sup>e</sup> siècle, sans trouver un mode général,
l'application d'un principe. Un
monument antique encore debout, un
fragment mal interprété, le goût de
chaque tailleur de pierre influaient sur
la forme des bases de tel monument,
sans qu'il soit possible de reconnaître
parmi tous ces exemples, d'une exécution
souvent très-négligée, une idée
dominante. Nous mettons cependant,
comme nous l'avons dit déjà, les
monuments clunisiens en dehors de ce
chaos.
 
Dans les provinces où le calcaire dur
est commun, la taille de la pierre
atteignit, vers le commencement du
XII<sup>e</sup> siècle, une rare perfection. Cluny
était le centre de contrées abondantes
en pierre dure, et les ouvriers attachés
à ses établissements mirent bientôt
le plus grand soin à profiler les
bases des édifices dont la construction
leur était confiée. Ce membre de l'architecture,
voisin de l'œil, à la portée
de la main, fut un de ceux qu'ils traitèrent avec le plus d'amour. Il est
facile de voir dans la taille des profils des bases l'application d'une méthode
régulière; on procède par épannelages successifs pour arriver du cube
à la forme circulaire moulurée.
</div>
[[Image:Base.eglise.Charolais.png|center]]
<div class="text">
Comme principe de la méthode appliquée au XII<sup>e</sup> siècle, nous donnons
une des bases si fréquentes dans les édifices du centre de la France et du
Charolais (11)<span id="note2"></span>[[#footnote2|<sup>2</sup>]]. Les deux disques A et B sont, comme la figure l'indique,
exactement inscrits dans le plan carré du socle D. À partir du point E, le
tailleur de pierre a commencé par dégager un cylindre E F, puis il a évidé
la scotie C et ses deux listels, se contentant d'adoucir les bords des deux
disques A B, sans chercher à donner autrement de galbe à son profil par la
retraite du second tore B ou des tailles arrondies en boudins. Ce profil est
lourd toutefois, et ne peut convenir qu'à des bases appartenant à des
colonnes d'un faible diamètre; mais ce système de taille est appliqué
pendant le cours du XII<sup>e</sup> siècle et reste toujours apparent; il commande la
coupe du profil.
</div>
[[Image:taille.base.colonne.png|center]]
<div class="text">
Soit (12) un morceau de pierre O destiné à une base: 1° laissant la
hauteur AB pour la plinthe, on dégage un premier cylindre AC, comme
dans la fig. 11, puis un second cylindre ED; on obtient l'évidement DEP.
2° on évide la scotie F. 3° On abat les deux arêtes GH. 4° On cisèle les filets
IKLM. 5° On arrondit le premier tore, la scotie et le second tore. Quelquefois
même, ainsi que nous le verrons tout à l'heure, la base reste taillée
conformément au quatrième épannelage en tout ou partie. Le profil des
bases du XII<sup>e</sup> siècle conserve, grâce à cet épannelage simple dont on sent
toujours le principe, quelque chose de ferme qui convient parfaitement à
ce membre solide de l'architecture et qui contraste, il faut l'avouer, avec la
mollesse et la forme indécise de la plupart des profils des bases romaines.
Le tore inférieur, au lieu d'être coupé suivant un demi-cercle et de laisser
entre lui et la plinthe une surface horizontale qui semble toujours prête à
se briser sous la charge, s'appuie et semble comprimé sur cette plinthe.
Mais les architectes du XII<sup>e</sup> siècle vont plus loin, observant que, malgré
son empattement, le tore inférieur de la base laisse les quatre angles de
la plinthe carrée vides, que ces angles peu épais s'épaufrent facilement
pour peu que la base subisse un tassement; les architectes, disons-nous,
renforcent ces angles par un nerf, un petit contre-fort diagonal qui,
partant du tore inférieur, maintient cet angle saillant. Cet appendice, que
nous nommons <i>[[dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Griffe|griffe]]</i> aujourd'hui (voy. ce mot), devient un motif de décoration
et donne à la base du XII<sup>e</sup> siècle un caractère qui la distingue et la
sépare complètement de la base romaine.
</div>
[[Image:base.colonne.eglise.Poissy.png|center]]
<div class="text">
<span id="Poissy2">Nous donnons (13) le profil d'une des bases des colonnes monocylindriques
du tour du chœur de l'église de Poissy taillé suivant le procédé indiqué par
la fig. 12, et le dessin de la griffe d'angle de cette base partant du tore
inférieur pour venir renforcer la saillie formée par la plinthe carrée. Il
n'est pas besoin d'insister, nous le croyons, sur le mérite de cette innovation
si conforme aux principes du bon sens et d'un aspect si rassurant
pour l'œil. Quand on s'est familiarisé avec cet appendice, dont l'apparence
comme la réalité présentent tant de solidité, la base romaine, avec sa plinthe
isolée, a quelque chose d'inquiétant; il semble (et cela n'arrive que
trop souvent) que ses cornes maigres vont se briser au moindre mouvement
de la construction, ou au premier choc. C'est vers le commencement
du XI<sup>e</sup> siècle que l'on voit apparaître les premières griffes aux angles
des bases; elles se présentent d'abord comme un véritable renfort très-simple,
pour revêtir bientôt des formes empruntées à la flore ou au règne
animal (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Griffe|Griffe]]).
 
Il nous serait difficile de dire dans quelle partie de l'Occident cette innovation
prit naissance, mais il est incontestable qu'on la voit adoptée presque
sans exception dans toutes les provinces françaises, à partir de la première
moitié du XII<sup>e</sup> siècle. Sur les bords du Rhin, comme en Provence et
dans le nord de l'Italie, les bases des colonnes sont presque toujours dès
cette époque, et pendant la première moitié du XIII<sup>e</sup> siècle, munies de
griffes.
<span id="Rosheim1"></div>
[[Image:base.colonne.eglise.Rosheim.png|center]]
<div class="text">
Nous représentons (14) une des bases des colonnes de la nef de l'église de
Rosheim, près Strasbourg (rive gauche du Rhin), qui est renforcée de griffes
très-simples (première moitié du XII<sup>e</sup> siècle); et (15) une base des colonnes
engagées de l'église de Schelestadt, même époque, qui offre la même particularité,
bien que, de ces deux profils, l'un soit très-saillant et l'autre
très-peu accentué. Mais on remarquera que dans ces deux exemples, comme
dans tous ceux que nous pourrions tirer des monuments rhénans, le goût
fait complétement défaut. Les bases des colonnes de l'église de Rosheim
sont ridiculement empâtées et lourdes, celles de l'église de Schelestadt
sont au contraire trop plates et leurs griffes fort pauvres d'invention.
</div>
[[Image:base.colonne.eglise.Selestat.png|center]]
<div class="text">
C'est toujours dans l'Île-de-France ou les provinces avoisinantes qu'il
faut chercher les beaux exemples de l'architecture du moyen âge, soit
comme ensemble soit comme détails. Tandis que dans ces contrées, centre
des arts et du mouvement intellectuel au XII<sup>e</sup> siècle, la base se soumettait,
ainsi que tous les membres de l'architecture, à des règles raisonnées,
l'anarchie ou les vieilles traditions régnaient encore dans les provinces
du centre, qui ne suivaient que tardivement l'impulsion donnée par les
artistes du XII<sup>e</sup> siècle. En Auvergne, dans le Berry, le Bourbonnais
et une partie du Poitou, la base reste longtemps dépourvue de son nouveau membre, la griffe, et les architectes paraissent livrés aux fantaisies
les plus étranges. <span id=Ebreuil2>C'est ainsi
que nous voyons au clocher
d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes E#Ebreuil|Ébreuil]] (Allier) des colonnes
dont les chapiteaux et les bases
sont identiques de forme (16).
<span id=Neuvy.Saint.Sepulcre>Même chose à la porte de l'église
de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes N#Neuvy.Saint.Sepulcre|Neuvy-Saint-Sépulcre]]
(Indre), à l'église de Cusset,
qui nous laisse voir encore
une base dont la forme et la
sculpture appartiennent à un
chapiteau (17)<span id="note3"></span>[[#footnote3|<sup>3</sup>]].
</div>
[[Image:base.colonne.eglise.Ebreuil.png|center]]
 
[[Image:Base.colonne.eglise.Cusset.png|center]]
<div class="text">
<span id=Langres>Là même où les traditions
romaines avaient conservé le
plus d'empire, à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#Langres|Langres]], par
exemple, mais où l'influence
des écoles d'art de la France
pénétrait, nous voyons, au
XII<sup>e</sup> siècle, la base antique adopter la griffe. Les bases des colonnes du
tour du chœur de la cathédrale
de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#Langres|Langres]] sont pourvues de
griffes finement sculptées (18).
</div>
[[Image:Base.choeur.cathedrale.Langres.png|center]]
<div class="text">
Le profil A de ces bases est
presque romain, sauf la scotie,
qui semble seulement épannelée;
la plinthe (voir le plan B),
au lieu d'être tracée sur un
plan carré, est brisée suivant
l'angle du polygone sur lequel
les colonnes du chœur s'élèvent.
Il y a là une recherche
qui dénote de la part des constructeurs
de cet édifice un
soin tout particulier<span id="note4"></span>[[#footnote4|<sup>4</sup>]]. Cette recherche
dans les détails se retrouve
poussée fort loin dans
les bases des colonnettes du triforium
du chœur de la cathédrale
de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#Langres|Langres]]. Les colonnettes
jumelles qui reposent
sur des bases taillées dans un même morceau de pierre, lorsqu'elles sont
très-chargées, portent toutes la charge aux deux extrémités de ce morceau
de pierre, et manquent rarement de le faire casser au milieu, là où il est le
plus faible, puisqu'il n'a sur ce point que l'épaisseur de la plinthe. Pour
éviter cet inconvénient, les constructeurs du chœur de la cathédrale de
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#Langres|Langres]] ont eu l'idée de réserver entre les deux colonnettes jumelles, sur
la plinthe, un renfort pris dans la hauteur d'assise de la base (19). Cela est
fort ingénieux, et ce principe est également appliqué aux chapiteaux de ce
triforium (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2, Chapiteau|Chapiteau]]).
</div>
[[Image:Base.choeur.cathedrale.Langres.2.png|center]]
<div class="text">
Il ressort déjà de ces quelques exemples que nous venons de donner un
fait remarquable: c'est la propension croissante
des architectes du XII<sup>e</sup> siècle à établir des
transitions entre la ligne verticale et la ligne
horizontale, à ne jamais laisser porter brusquement
la première sur la seconde sans un
intermédiaire. Et pour nous faire
</div>
[[Image:Schema.base.colonne.png|center]]
<div class="text">
<br>
comprendre
par une figure (20): soient A A deux assises horizontales d'une construction et B un point
d'appui vertical; les constructeurs ne laisseront
jamais les angles C C vides, mais ils les
rempliront par des renforts inclinés D D, des
transitions qui sont des épaulements, contreforts,
glacis, quand on part de la ligne horizontale
pour arriver à la ligne verticale; des
encorbellements, quand on part de la ligne
verticale pour arriver à l'horizontale. Tout est
logique dans l'architecture du moyen âge, à
dater de la grande école du XII<sup>e</sup> siècle, dans
les ensembles comme dans les moindres détails;
le principe qui conduisait les architectes
à élever sur la colonne cylindrique un chapiteau évasé pour porter
les membres divers des constructions supérieures, à multiplier les encorbellements
pour passer, par une succession de saillies, du point d'appui vertical
à la voûte, les amenait naturellement à procéder de la même manière
lorsqu'il s'agissait de poser un point d'appui vertical mince sur un large
empalement. Aussi, mettant à part les marches, les bancs qui doivent
nécessairement, dans les soubassements des édifices, présenter des surfaces
horizontales, voyons-nous toujours la surface horizontale exclue comme
ne <i>fonctionnant</i> pas, ne portant pas.
</div>
[[Image:Schema.base.colonne.2..png|center]]
<div class="text">
En effet: soit (21) A une colonne et B une assise servant d'empattement
inférieur, de base. Toute la
charge de la colonne porte seulement
sur la surface C D. Si
forte que soit l'assise de pierre
B, pour peu que la surface C D
s'affaisse sous la charge, les extrémités
C F, D G non chargées
ne suivront pas ce mouvement,
et la pierre ne possédant aucune
propriété élastique cassera en
E E. Mais si (21 bis), entre la
colonne A et l'empattement B,
on place une assise O, les chances
de rupture n'existeront plus,
car la charge se répartira sur
une surface C D beaucoup plus
large. Les angles E seront abattus
comme inutiles; dès lors,
plus de surface horizontale apparente.
Telle est la loi qui
commande la forme de toutes
les bases de l'époque ogivale<span id="note5"></span>[[#footnote5|<sup>5</sup>]].
 
Voyons maintenant comment
cette loi une fois établie, non-seulement
les architectes ne s'en
écartent plus, mais encore l'appliquent
jusque dans ses dernières conséquences, sans dévier jamais, avec
une rigueur de logique qui, dans les arts, à aucune époque ne fut poussée
aussi loin; telle enfin, que chaque tentative, chaque essai nouveau dans
cette voie, n'est qu'un degré pour aller au delà. Mais, d'abord, observons
que la qualité des matériaux, leur plus ou moins de dureté, influe sur les
profils des bases. Lorsque les architectes du XII<sup>e</sup> siècle employèrent le
marbre ou des calcaires compactes et d'une nature <i>fière</i>, ils se gardèrent
de refouiller les scoties des bases; ils multiplièrent les arêtes fines, les
plans, pour obtenir des ombres vives, minces, et de l'effet à peu de frais.
Dans le Languedoc, où les marbres et les pierres calcaires compactes
froides se rencontrent à peu près seules, on trouve beaucoup de profils de
bases taillés au XII<sup>e</sup> siècle avec un grand soin, une grande finesse de galbe,
mais où les refouillements profonds si fréquents dans le Nord sont évités.
 
<span id="Saint-Antonin1">Nous prenons comme exemple une des bases des colonnes jumelles de la
galerie du premier étage de l'hôtel de ville de Saint-Antonin près Montauban (22).
</div>
[[Image:Base.colonne.hotel.de.ville.Saint.Antonin.png|center]]
<div class="text">
La pierre employée est tellement compacte et fière qu'elle éclate
sous le ciseau, à moins de la tailler à très-petits coups, sans engager l'outil.
Or le profil A de cette base montre avec quelle adresse les tailleurs de
pierre ont évité les refouillements, les membres saillants des moulures,
comme ils ont tiré parti de la finesse du grain de la pierre pour obtenir,
par des ciselures faites à petits coups, des plans nettement coupés, des
arêtes vives quoique peu accentuées. Les traditions antiques, là où elles
étaient vivantes, comme en Provence, conservaient encore, à la fin du
XII<sup>e</sup> siècle, leur influence, tout en permettant l'introduction des innovations.
<span id="Saint-Gilles1">Parmi un grand nombre d'exemples que nous pourrions citer, il en
est un fort remarquable: ce sont les bases des piliers du tour du chœur
de l'église de Saint-Gilles (23). Les griffes u
</div>
[[Image:Base.colonne.eglise.Saint.Gilles.png|center]]
<div class="text">
<br>
d'angle viennent s'attacher a tore inférieur de la base ionique romaine; leur sculpture rappelle la
sculpture antique. Cette base qui, en se retournant entre les piles, forme
le socle d'une clôture, porte sur le sol du chœur et n'est surélevée que du
côté du bas-côté en A. Il est à présumer que les colonnes portaient le filet et
le congé comme la colonne antique<span id="note6"></span>[[#footnote6|<sup>6</sup>]]. Dans le chœur de l'église de Vézelay,
peu postérieur à celui de Saint-Gilles (dernières années du XII<sup>e</sup> siècle), nous
retrouvons encore la tradition romaine, mais
seulement dans le fût de la colonne qui porte
en B un tore, un filet et un cavet (24). Quant à
la base elle-même, outre ses griffes, qui sont
bien caractérisées et n'ont rien d'antique (voy.
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Griffe|Griffe]]), son profil est le profil de la fin du
XII<sup>e</sup> siècle; le bahut, qui surélève cette base
sur le bas-côté, n'est pas couronné par le
quart de rond antique de Saint-Gilles, mais
par un profil beaucoup mieux approprié à
cette place, en ce qu'au lieu de former une
arête coupante, il présente un adouci. Ces
quelques exceptions mises de côté, la base ne
dévie plus de la forme rationnelle que lui
avaient donnée les architectes français du
XII<sup>e</sup> siècle; elle ne fait que la perfectionner
jusqu'à l'abus du principe logique qui avait
commandé sa composition.
</div>
[[Image:Base.colonne.choeur.eglise.Vezelay.png|center]]
<div class="text">
<span id="Montreal.Yonne6"></span>Un des plus beaux et derniers exemples de
la base du XII<sup>e</sup> siècle se rencontre dans une
petite église de Bourgogne, l'église de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes M#Montreal.Yonne|Montréal]] près Avallon<span id="note7"></span>[[#footnote7|<sup>7</sup>]]. Nous donnons ici (25) une des bases des colonnes
</div>
[[Image:Base.colonne.eglise.Montreal.png|center]]
<div class="text">
<br>
engagées de la nef de cette église et son profil A moitié d'exécution. L'épannelage
indiqué par la ligne ponctuée est encore parfaitement respecté ici. Les
piles de cette église présentent parfois des pilastres à pans coupés au lieu
de colonnes engagées; ces pilastres ne portent pas sur un profil de base
répétant celui des colonnes: ils ont leur base spéciale (26), dont la composition
vient appuyer notre théorie expliquée par la fig. 21 bis. Ce n'est
guère que dans les monuments élevés sous une influence romaine, comme
les cathédrales de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#Langres|Langres]] et d'Autun, comme beaucoup d'édifices du
Charolais et de la haute Bourgogne, que
</div>
[[Image:Base.colonne.eglise.Montreal.2.png|center]]
<div class="text">
<br>
les pilastres (fréquents dans ces constructions pendant le XII<sup>e</sup> siècle) posent sur des profils de bases semblable
à ceux des colonnes. La véritable architecture française, naissante alors,
n'admettait pas qu'un même profil de base pût convenir à un pilastre carré
et à un cylindre. Et en cela, comme en beaucoup d'autres choses, la nouvelle
école avait raison. Les tores et filets des bases, fins, détachés, présentent
dans les retours d'équerre des aiguités désagréables à la vue, et surtout
fort gênants à la hauteur où ils se trouvent placés; car il est rare que le
niveau supérieur des bases, à dater du XII<sup>e</sup> siècle, excède 1<sup>m</sup>,20 au-dessus du
pavé. Les arêtes saillantes des bases de pilastres se fussent donc trouvées à
la hauteur des hanches ou du coude d'un homme; et si les architectes du
moyen âge avaient toujours en vue l'échelle humaine dans leurs compositions
(voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture|Architecture]]), s'ils tenaient à ce qu'une base fût plutôt
proportionnée à la dimension humaine qu'à celle de l'édifice, on ne doit
pas être surpris qu'ils évitassent avec soin ces angles dont les vives arêtes
menacent le passant. Tenant compte de la dimension humaine, ils devaient
naturellement penser à ne pas gêner ou blesser l'homme, pour lequel leurs
édifices étaient faits<span id="note8"></span>[[#footnote8|<sup>8</sup>]]. Ces raisons, celles non moins impérieuses déduites
du nouveau système de construction adopté dès le commencement du
XIII<sup>e</sup> siècle, amenèrent successivement les architectes à modifier les bases.<span id=Paris1>
</div>
[[Image:Base.colonne.choeur.cathedrale.Paris.png|center]]
<div class="text">
C'est dans l'Île de France qu'il faut étudier ces transformations suivies avec
persistance. Les architectes de cette province ne tardèrent pas à reconnaître
que le plan carré de la plinthe et du socle était gênant sous le tore inférieur,
quoique ses angles fussent adoucis et rendus moins dangereux par la
présence des griffes. S'ils conservèrent les plinthes carrées pour les bases
des colonnes hors de portée, ils les abattirent aux angles pour les grosses
colonnes du rez-de-chaussée. <span id="Provins1">Témoin les colonnes monocylindriques du
tour du chœur de la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]] (fin du XII<sup>e</sup> siècle); celles de la nef
de la cathédrale de Meaux, du tour du chœur de l'église Saint-Quiriace de
Provins, dont les bases sont élevées sur des socles et des plinthes donnant
en plan un octogone à quatre grands côtés et quatre petits. Toutefois,
comme pour conserver à la base son caractère de force, un empatement
considérable sous le fût de la colonne, les constructeurs reculent encore
devant l'octogone à côtés égaux; ils conservent la griffe, mais en lui donnant
moins d'importance puisqu'elle couvre une plus petite surface. La fig.
26 bis indique le plan, et l'angle abattu avec sa griffe d'une des bases du
tour du chœur dans la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], taillée d'après ce principe.<span id=Chartres>
</div>
[[Image:Base.colonne.choeur.cathedrale.Chartres.png|center]]
<div class="text">
Mais que l'on veuille bien remarquer que ces bases, à plan octogonal irrégulier,
ne sont placées que sous les grosses colonnes isolées du rez-de-chaussée;
ces angles abattus ne se trouvent pas aux bases des colonnes
engagées d'un faible diamètre. L'intention de ne pas gêner la circulation
est ici manifeste<span id="note9"></span>[[#footnote9|<sup>9</sup>]]. Autour du chœur de la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Chartres|Chartres]] (commencement
du XIII<sup>e</sup> siècle), les grosses colonnes qui forment la précinction du
deuxième bas-côté sont portées sur des bases dont le socle est cubique, et
la plinthe octogonale régulière (27). Mais la position de ces colonnes
accompagnant un emmarchement justifie la présence du socle à pan carré.
En effet, ces marches interdisant la circulation en tous sens, il était inutile
d'abattre les angles des carrés. Ici la griffe est descendue d'une assise; elle
dégage la base dont la plinthe à la portée de la main est franchement
octogone. Déjà même le tore inférieur de cette base, pour garantir par sa
courbure les arêtes du polygone, éviter la saillie des angles obtus, déborde
les faces de ce polygone, ainsi que l'indique en A le profil pris sur une
ligne perpendiculaire au milieu de l'une d'elles. En si beau chemin de raisonner,
les architectes du XIII<sup>e</sup> siècle ne s'arrêtent plus. <span id="Reims2">À la cathédrale
de Reims (28), nous les voyons conserver la plinthe carrée avec ses griffes,
mais garder les passants des arêtes par la première assise du socle B, qui
est taillée sur un plan octogonal; le tore inférieur C déborde les faces D.
</div>
[[Image:Base.colonne.cathedrale.Reims.png|center]]
<div class="text">
<span id="Amiens34">À la même époque, on construisait la nef de la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]] et
une quantité innombrable d'édifices dont les bases des gros piliers sont
profilées sur des plinthes et socles octogones. La griffe alors disparaît.
Voici un exemple de ces sortes de bases à socle octogone
</div>
[[Image:Base.colonne.Notre.Dame.Semur.en.Auxois.png|center]]
<div class="text">
<br>
tiré des colonnes monocylindriques des bas-côtés du chœur de l'église Notre-Dame
de Semur en Auxois (29). Pendant que l'on abattait partout, de 1230 à 1240,
les angles des plinthes et les socles des grosses piles, afin de laisser une
circulation plus facile autour de ces piliers isolés, on maintenait encore les
bases à plinthes et socles carrés pour les colonnes engagées le long des
murs, pour les colonnettes des fenêtres, des arcatures, et toutes celles qui
étaient hors de la circulation; seulement, pour les colonnes engagées, on
posait, lorsqu'elles étaient triples (ce qui arrivait souvent afin de porter
l'arc doubleau et les deux arcs ogives des voûtes), les bases ainsi que
l'indique la fig. 30. Il y avait
</div>
[[Image:Base.colonnes.triples.png|center]]
<div class="text">
<br>
à cela deux raisons: la première, que les tailloirs des chapiteaux étant souvent à cette époque posés suivant la
direction des arcs des voûtes, les faces B des tailloirs étaient perpendiculaires
aux diagonales A; que dès lors les bases prenaient en plan une
position semblable à celle des chapiteaux; la seconde, que les bases ainsi
placées présentaient des pans coupés B ne gênant pas la circulation. Déjà,
dès 1230, la direction et le nombre des arcs des voûtes commandaient
non-seulement le nombre et la force des colonnes, mais la position des
bases (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]]). Supprimant les griffes aux bases des piliers
isolés, on ne pouvait les laisser aux bases des colonnes engagées et des
colonnettes des galeries, des fenêtres, etc. Les architectes du XIII<sup>e</sup> siècle
tenaient trop à l'unité de style pour faire une semblable faute; mais nous
ne devons pas oublier leur aversion pour toute surface horizontale découverte
et par conséquent ne portant rien. Les griffes enlevées, l'angle de la
plinthe carrée redevenait apparent, sec, contraire au principe des épaulements
et transitions. Pour éviter cet écueil, les architectes commencèrent
par faire déborder de beaucoup le tore inférieur de la base sur la plinthe (31)<span id="note10"></span>[[#footnote10|<sup>10</sup>]];
</div>
[[Image:Base.colonne.XIIIe.siecle.png|center]]
<div class="text">
<br>
mais les angles A, malgré le bizeau C, laissaient encore voir une
surface horizontale, et le tore B ainsi débordant (quoique le bizeau C ne fût
pas continué sous la saillie en D) était faible, facile à briser; il laissait voir
par-dessous, si la base était vue de bas en haut, une surface horizontale E.
On ne tarda guère à éviter ces deux inconvénients en entaillant les angles et
en ménageant un petit support sous la saillie du
</div>
[[Image:Base.colonne.XIIIe.siecle.2.png|center]]
<div class="text">
<br>
tore. La fig. 32 A indique en plan l'angle de la plinthe dissimulé par un congé, et B le support réservé
sous la saillie du tore inférieur. La fig. 33
</div>
[[Image:Base.colonne.cathedrale.Verdun.png|center]]
<div class="text">
<br>
donne les bases d'une pile engagée du cloître de la cathédrale de Verdun taillées d'après ce principe. On
voit que là les angles saillants, contre lesquels il eût été dangereux de heurter
les pieds dans une galerie destinée à la promenade ou à la circulation, ont
été évités par la disposition à pan coupé des assises inférieures P. Toutes
ces tentatives se succèdent avec une rapidité incroyable; dans une même
construction, élevée en dix ans, les progrès, les perfectionnements apparaissent
à chaque étage. De 1235 à 1245, les architectes prirent le parti
d'éviter les complications de tailles pour les plinthes et socles des bases des
colonnes secondaires, comme ils l'avaient fait déjà pour les grosses
colonnes des nefs, c'est-à-dire qu'ils adoptèrent partout, sauf pour quelques
bases de colonnettes de meneaux, la plinthe et le socle octogones. <span id="Amiens35"><span id="Paris4">À la
cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]], dans les parties inférieures du chœur, à la Sainte-Chapelle
de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], dans la nef de l'église de Saint-Denis, dans le chœur de
la cathédrale de Troyes, etc., toutes les bases des colonnes engagées ou
isolées sont ainsi taillées (34). Quelques provinces cependant avaient, à la
même époque, pris un autre parti. La Normandie, le Maine, la Bretagne
établissaient les bases de leurs piliers, colonnes ou colonnettes isolées ou
engagées, sur des plinthes et socles circulaires concentriques à ces tores.
</div>
[[Image:Base.colonne.XIIIe.siecle.3.png|center]]
<div class="text">
Telles sont les bases des piles de la nef de la cathédrale de Séez (35), les
bases des colonnes de la partie de l'église d'Eu qui date de 1240 environ,
du chœur de la cathédrale du Mans de la même époque, etc.; car il est à
remarquer que, pendant les premières années du XIII<sup>e</sup> siècle, ces détails
de l'architecture normande ne diffèrent que bien peu de ceux de l'architecture
de l'Île de France, et qu'au moment où, dans les diocèses de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]],
de Reims, d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]], d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Auxerre|Auxerre]], de Tours, de Bourges, de Troyes, de Sens,
on faisait passer le plan inférieur de la base du carré à l'octogone, on
adoptait en Normandie et dans le Maine le socle circulaire. Cette dernière
forme est molle, pauvre, et est loin de produire l'effet encore solide de la
base sur socle octogone. C'est aussi à la forme circulaire que s'arrêtèrent
les architectes anglais, à la même époque. L'influence du style français se
fait sentir en Normandie à la fin du règne de Philippe-Auguste; plus tard,
le style anglo-normand semble prévaloir, dans cette province, dans les
détails sinon dans l'ensemble des constructions.
</div>
[[Image:Base.colonne.cathedrale.Seez.png|center]]
<div class="text">
Cependant le profil de la base avait subi des modifications essentielles
de 1220 à 1240. Le tore inférieur (fig. 34) A s'était aplati; la scotie C se
creusait et arrivait parfois jusqu'à l'aplomb du nu de la colonne; le tore
supérieur B, au lieu d'être tracé par un trait de compas, subissait une
dépression qui allégeait son profil et lui donnait de la finesse. Le but de
ces modifications est bien évident: les architectes voulaient donner plus
d'importance au tore inférieur aux dépens des autres membres de la base,
afin d'arrêter la colonne par une moulure large et se dérobant le moins
possible aux yeux. Mais ce n'est que dans les provinces mères de l'architecture
ogivale que ces détails sont soumis à des règles dictées par le bon
sens et le goût; ailleurs, en Normandie, par exemple, où la dernière
période romane jette un si vif et bel éclat, on voit que l'école ogivale est
flottante, indécise; elle mêle ses profils romans au nouveau système
d'architecture; elle trace ses moulures souvent au hasard, ou cherche des
effets dans lesquels l'exagération a plus de part que le goût. Le profil
de la base que nous donnons (fig. 35) en est un exemple: c'est un profil
roman; la scotie est maladroitement remplie par un perlé qui amollit
encore ce profil, déjà trop plat pour une pile de ce diamètre. Ce n'est pas
ainsi que procédaient les maîtres, les architectes tels que Robert de
Luzarches, Pierre de Corbie, Pierre de Montereau et tant d'autres sortis
des écoles de l'Île de France, de la Champagne, de la Picardie et de la
Bourgogne; ils ne donnaient rien au hasard, et ils se rendaient compte,
dans leurs compositions d'ensemble comme dans le tracé des moindres
profils, en praticiens habiles qu'ils étaient, des effets qu'ils voulaient produire.
 
Qu'on ne s'étonne pas si, à propos des bases, nous entrons dans des
considérations aussi étendues. Les bases, leur compositions leurs profils,
ont, dans les édifices, une importance au moins égale à celle des chapiteaux;
elles donnent l'échelle de l'architecture. Celles qui sont posées sur
le sol étant près de l'œil deviennent le point de comparaison, le <i>module</i>
qui sert à établir des rapports entre les moulures, les faisceaux de colonnes,
les nervures des voûtes. Trop fines ou trop accentuées, elles feront
paraître les membres supérieurs d'un monument lourds ou maigres<span id="note11"></span>[[#footnote11|<sup>11</sup>]].
Aussi les bases sont-elles traitées par les grands maîtres des œuvres du
XIII<sup>e</sup> siècle avec un soin, un amour tout particulier. Si elles sont posées
très-près du sol et vues de haut en bas, leurs profils s'aplatiront, leurs
moindres détails se prêteront à cette position (36 A). Si, au contraire, elles
portent des colonnes supérieures telles que celles des fenêtres hautes, des
triforiums, et si, par conséquent, on ne peut les voir que de bas en haut,
leurs moulures, tores, scoties et listels prendront de la hauteur (36 B), de
manière que, par l'effet de la perspective, les profils de ces bases inférieures
et supérieures paraîtront les mêmes. <span id="Amiens36">Cette étude de l'effet des profils des
bases est bien évidente dans la nef de la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]], bâtie d'un
seul jet de 1225 à 1235. Là, plus les bases se rapprochent de la voûte et
plus leurs profils sont hauts, tout en conservant exactement les mêmes
membres de moulures.
</div>
[Illustration: 36.]
<div class="text">
Depuis les premiers essais de l'architecture du XII<sup>e</sup> siècle, dans les
provinces de France, jusque vers 1225 environ, lorsque des piles se
composent de faisceaux de colonnes inégales de diamètre, la réunion des
bases donne des profils différents de hauteur en raison de la grosseur des
diamètres des colonnes; du moins cela est fréquent; c'est-à-dire que la
grosse colonne a sa base et la colonne fine la sienne, les profils étant
semblables mais inégaux. <span id=Laon>Ce fait est bien remarquable à la cathédrale de
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#Laon|Laon]]<span id="note12"></span>[[#footnote12|<sup>12</sup>]], dont quelques piles de la nef se composent de grosses colonnes
monocylindriques flanquées de colonnettes détachées, d'un faible diamètre
(37). A donne le profil de la grosse colonne centrale et B le profil des
colonnettes reposant tous deux sur un socle et une plinthe de même
épaisseur. Mais déjà, de 1230 à 1240, nous voyons les piles composées de
colonnes de diamètres inégaux posséder le même profil de base pour ces
colonnes, indépendamment de leur diamètre. Il est certain que, quelle
que fût la composition de la pile, les architectes du XIII<sup>e</sup> siècle voulaient
qu'elle eût sa base, et non ses bases; c'était là une question d'unité. À la
Sainte-Chapelle de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]] (voy. fig. 34), les trois colonnes des piles engagées
et les colonnettes de l'arcature ont le même profil de base, qui se continue
entre ces colonnettes le long du pied de la tapisserie; seulement le profil
appliqué aux colonnettes de l'arcature et courant le long du parement est
plus camard que celui des grosses colonnes. Les architectes du XIII<sup>e</sup> siècle,
artistes de goût autant au moins que logiciens scrupuleux, avaient senti
qu'il fallait, dans leurs édifices composés de tant de membres divers, nés
successivement du principe auquel ils s'étaient soumis, rattacher ces
membres par de grandes lignes horizontales, d'autant mieux accusées
qu'elles étaient plus rares. La base placée presque au niveau de l'œil était,
plus que le sol encore, le véritable point de départ de toute leur ordonnance;
ils cherchaient si bien à éviter, dans cette ligne, les ressauts, les
démanchements de niveaux, qu'ils réunissaient souvent les bases des piles
adossées aux murs par une assise continuant le profil de ces bases, ainsi
qu'on peut le voir à la Sainte-Chapelle de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]].
</div>
[[Image:Base.colonne.cathedrale.Laon.png|center]]
<div class="text">
Lorsque les édifices se composent, comme les grandes églises, de rangées
de piles isolées et de piles engagées dans les murs latéraux, les bases atteignent
des niveaux différents, celles des grandes piles isolées étant plus hautes
que celles des piles des bas-côtés; cela est fort bien raisonné, car un niveau
unique pour les bases des piles courtes et des piles élancées devait être choquant;
ce niveau eût été trop élevé pour les piles des bas-côtés ou trop bas
pour les piles isolées qui montent jusqu'à la grande voûte. Ainsi, pour les
grandes piles, la base se compose généralement de trois membres: 1° d'un
socle inférieur circonscrivant les polygones, 2° d'un second socle avec moulure,
3° de la base proprement dite avec sa plinthe; tandis que pour les piles
des bas-côtés, la base ne se compose guère que de deux membres: 1° d'un
socle à la hauteur du banc, 2° de la base avec sa plinthe. Si le bas-côté est
double, le second rang de piles isolées est porté sur des bases dont le
niveau est le même que celui des bases des piles engagées, puisque ce
second rang de piles n'a que la hauteur de celles adossées aux murs
latéraux. Si grand que soit l'édifice, les bases dont le niveau est le plus
élevé ne dépassent jamais et atteignent rarement, dans les monuments
construits par les artistes de France au XIII<sup>e</sup> siècle, la hauteur de l'œil,
c'est-à-dire 1<sup>m</sup>,60. La hauteur de la base est donc le véritable module de
l'architecture ogivale; c'est le point de comparaison, l'échelle; c'est
comme une ligne de niveau tracée au pied de l'édifice, qui rappelle
partout la stature humaine. Si le sol s'élève de quelques marches, comme
dans les chœurs des églises, le niveau de la base ressaute d'autant,
retrace une seconde ligne de niveau, indique un autre sol. Ces règles sont
bien éloignées de celles qu'on a voulu baser sur les ordres romains, et qui
sont du reste rarement confirmées par les faits; mais n'oublions pas qu'il
faut étudier l'architecture antique et l'architecture ogivale à deux points
de vue différents.
 
En soumettant ainsi toutes les piles et les membres de ces piles à un
seul profil de bases, sans tenir compte des diamètres des colonnes, les
architectes obéissaient à leur instinct d'artiste plutôt qu'à un raisonnement
de savants; ils avaient dévié de l'ornière logique. Nous ne saurions trop le
dire (parce que dans les arts, et surtout dans l'art de l'architecture, entre
la science pure et le caprice, il est un chemin qui n'est ouvert qu'aux
hommes de génie), ce qui nous porte à tant admirer nos architectes
français du XIII<sup>e</sup> siècle, c'est qu'ils ont suivi ce chemin, comme dans leur
temps les Grecs l'avaient parcouru; mais malheureusement cette voie, dans
l'histoire des arts, n'est jamais longue. Le goût, le génie, l'instinct ne se
formulent pas, et l'heure des pédants, des raisonneurs, succède bientôt
à l'inspiration qui possède la science, mais la possède prisonnière et
soumise.
 
Avant de passer outre et de montrer ce que devient ce membre si
important de l'architecture ogivale, la base, nous ne devons pas omettre
une observation de détail qui a son importance. Si les bases des piles de
rez-de-chaussée exécutées de 1230 à 1260 ne présentent que peu de
variétés dans la composition de leurs profils et de leurs plans; si les architectes
pendant cette période attachaient une grande importance à ces
bases inférieures, le point de départ, le <i>module</i> de leurs édifices, il semble
qu'ils aient abandonné souvent l'exécution des bases des colonnes secondaires
des ordonnances supérieures aux tailleurs de pierre. Les ouvriers
sortis de divers ateliers, réunis en grand nombre lorsqu'il s'agissait de
construire un vaste édifice (et à cette époque on construisait avec une
rapidité qui tient du prodige) (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]]), se permettaient de
modifier certains profils de détails suivant leur goût. Il n'est pas rare (et
ceci peut être observé surtout dans les grands monuments) de trouver,
dans les édifices qui datent de 1240 à 1270, des bases de colonnettes, de
meneaux de fenêtres, de galeries supérieures, présentant des rangs de
pointes de diamant dans la scotie, des bases sans scoties, avec tore supérieur
d'une coupe circulaire, avec plinthe carrée simple ou avec angles abattus
et supports sous la saillie du tore inférieur. Il y a donc encore à cette
époque une certaine liberté, mais elle se réfugie dans les parties des
édifices qui sont hors de la vue, et se produit sans la participation de
l'architecte.
 
Au commencement du XIV<sup>e</sup> siècle, la base s'appauvrit, ses profils perdent
de leur hauteur et de leur saillie. Dans l'église Saint-Urbain de Troyes
déjà, qui ouvre le XIV<sup>e</sup> siècle, les bases des piliers et colonnettes comptent
à peine; les deux tores se sont réunis et la scotie a disparu (38); les
moulures des socles sont maigres; et partout, au rez-de-chaussée comme
dans les galeries supérieures, le profil est le même. On voit qu'alors les
architectes cherchaient à dissimuler ce membre d'architecture, si important
dans les édifices des premiers temps de la période ogivale, à éviter des
empatements dont l'importance était en désaccord avec le système vertical
des constructions. En progressant,
l'architecture ogivale multiplie ses
lignes verticales et efface ses membres
horizontaux; ceux-ci se réduisent
de plus en plus pour disparaître
complétement au XV<sup>e</sup> siècle. Telle est
la puissance d'un principe logique
poursuivi à outrance dans les arts,
qu'il finit par étouffer ses propres
origines.
</div>
[[Image:Base.colonne.eglise.Saint.Urbain.Troyes.png|center]]
<div class="text">
Pendant les premières années du
XIV<sup>e</sup> siècle, les piliers possèdent encore
la base à niveaux et profils uniques.
Non-seulement les colonnes
formant faisceaux se subdivisent
(voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Pilier|Pilier ]]), mais elles commencent
à porter des arêtes saillantes destinées
à multiplier les lignes verticales.
Le profil des bases obéit au contour
donné par le plan de ces piliers; et,
dans ce cas, la plinthe conserve son
plan carré, dont l'angle saillant est
couvert par l'excroissance que forme
le tore inférieur de la base. <span id=Carcassonne2>Dans le
chœur de l'église Saint-Nazaire de
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] (39), les piles engagées
présentent en section horizontale A des réunions de colonnettes portant, la
plupart, des arêtes saillantes; le profil de la base contourne ces arêtes, et les
saillies des tores inférieurs sont accompagnées encore de petits supports.
</div>
[[Image:Base.colonne.eglise.Saint.Nazaire.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
Les surfaces horizontales sont soigneusement évitées ici, car les plinthes
carrées des bases pénètrent un bizeau continu dépendant du socle qui
circonscrit le plan de ces plinthes. Toutefois un fait curieux doit être signalé
ici: le chœur de l'église Saint-Nazaire de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] conserve encore de
grosses colonnes cylindriques, et, par exception, l'architecte de cet édifice
n'ayant pas admis la plinthe polygonale sous les tores des bases, fut
entraîné à faire encore des griffes pour couvrir les angles saillants des
plinthes que le tore des bases des grosses colonnes ne pouvait masquer (40).
Ces exemples indiquent parfaitement la transition entre la base du
XIII<sup>e</sup> siècle et la base du XIV<sup>e</sup>, car la plinthe à plan carré et la griffe ne se
retrouvent plus à partir de cette dernière époque. À Saint-Nazaire de
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], nous voyons encore, sous la
</div>
[[Image:Base.colonne.eglise.Saint.Nazaire.Carcassonne.2.png|center]]
<div class="text">
<br>
plinthe, le profil B (40), qui figure une assise sous cette plinthe, bien que par le fait ce profil B soit
pris dans l'assise même de la base. C'était là un contre-sens qui ne fut pas
souvent répété. Bientôt, en effet, le profil B du socle et la plinthe ne firent
plus qu'un; les deux profils des tores de la base arrivèrent également à ne
former qu'une seule moulure. Soit A (41) le profil d'une base de la fin
du XIII<sup>e</sup> siècle; la scotie D est encore visible; ce n'est plus qu'un trait
gravé; l'ancienne moulure du socle E tient à la plinthe et lui donne un
empatement détaché comme s'il y avait un joint en F, qui n'existe pas
cependant. La base se modifie encore; B, la scotie, disparaît entièrement;
le profil E s'amaigrit, son membre supérieur se détache. Puis enfin, vers
1230, C, les deux tores, se
</div>
[[Image:Base.colonne.XIIIe.siecle.4.png|center]]
<div class="text">
<br>
réunissent, et le profil E s'est fondu dans la plinthe. Les petits supports sous les saillies du tore inférieur sont conservés lorsque la plinthe à plan carré persiste, ce qui est rare. La plinthe
devient polygonale pour mieux circonscrire les tores. Ne comprenant plus
les raisons d'art qui avaient engagé les architectes du milieu du XIII<sup>e</sup> siècle à
faire régner la même hauteur et le même profil de base sous toutes les
colonnes, quel que fût leur diamètre, et tendant à soumettre tous les
détails architectoniques à une logique impérieuse, les constructeurs du
XIV<sup>e</sup> siècle reviennent aux bases inégales de hauteur en raison des diamètres
des colonnes réunies en un seul faisceau. <span id=Paris2>On peut en voir un exemple
à la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], dont les chapelles absidales ont été construites de
1325 à 1330; les piles de tête de ces chapelles sont portées sur des bases
ainsi taillées (42). Toutefois, ici, les inégalités entre les hauteurs des
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[[Image:Base.colonne.cathedrale.Paris.png|center]]
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bases sont peu sensibles, et les tores sont profilés au même niveau. L'œil est
ramené à une seule ligne horizontale de laquelle les piles s'élancent. Pendant
toute la durée du XIV<sup>e</sup> siècle, cette méthode est suivie sans déviations
sensibles. Ce n'est qu'à la fin de ce siècle et au commencement du XV<sup>e</sup> que
les architectes imaginent de faire ressauter les bases et de ne conserver ni
les tores ni les plinthes au même niveau. Mais disons d'abord que les deux
tores de la base, après l'abandon de la scotie, s'étaient si bien soudés
qu'on avait fini par oublier l'origine de ce profil; des deux moulures,
pendant le XV<sup>e</sup> siècle, on n'en formait plus qu'une seule; et comme cette
moulure se trouvait prise dans la même pierre que la plinthe, on ne la
sépara plus de celle-ci par une coupe vive à angle droit, coupe qui, pour
les raisonneurs de cette époque, indiquait un lit qui n'avait jamais existé.
Du profil A (43) on arriva au profil B, et le membre C qui remplaçait
l'ancien tore, au lieu d'être tracé sur un plan circulaire, prit la forme
polygonale de l'ancienne plinthe D, la colonne restant cylindrique. Les
architectes affectèrent de profiler
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[[Image:Base.colonne.XVe.siecle.png|center]]
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les bases d'une même pile à des niveaux différents, comme pour mieux séparer chaque colonnette ou membre de
ces piles, et pour éviter la continuité des lignes horizontales. Voici (44) un
exemple de bases d'une pile du XV<sup>e</sup> siècle tiré de la nef de la cathédrale de
Meaux. Ces exemples sont très-fréquents, et nous ne croyons pas avoir
besoin de les multiplier; d'ailleurs il en est des bases du XV<sup>e</sup> siècle comme
de tous les détails et ensembles architectoniques de cette époque, la
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[[Image:Base.colonne.cathedrale.Meaux.png|center]]
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complication des formes arrive à la monotonie. Plus d'originalité, plus
d'art; tout se réduit à des formules d'appareilleur. À la fin du XV<sup>e</sup> siècle,
les piles, au lieu de se composer de faisceaux de colonnes cylindriques,
reviennent à la forme monocylindrique ou aux groupes de prismes curvilignes.
Dans le premier cas, une seule base à socle polygonal porte le gros
cylindre (45), dans le second, on retrouve la base principale, celle du
corps du pilier, dans laquelle viennent pénétrer les petites bases partielles
et ressautantes des prismes groupés autour de ce pilier. On se fait difficilement
une idée de la confusion qui résulte de ce tracé; mais les appareilleurs
et tailleurs de pierre de ce temps se faisaient un jeu de ces pénétrations
de corps (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9, Trait|Trait ]]).
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[[Image:Base.colonne.XVe.siecle.2.png|center]]
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<span id="Paris3">Nous donnons ci-contre (46) la base d'une pile provenant du portique
de l'hôtel de la Trémoille à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]]; cet exemple confirme ce que nous disons<span id="note13"></span>[[#footnote13|<sup>13</sup>]].
On voit, en coupe, le profil principal D de la base du pilier, exprimé en D'
dans le plan P. Les bases ressautantes des prismes accolés à ce pilier viennent
pénétrer dans le profil D de manière à ce que les angles saillants
A E F G C H des plinthes tombent sur la circonférence de la courbe du socle
inférieur. La colonne engagée B, qui a une fonction particulière, qui porte
la retombée de l'arc doubleau et de deux arcs ogives, possède sa base
distincte. Les petites surfaces I restant entre le profil D de base et le fond
des gorges, sont taillées en pente, ainsi que l'indique la coupe I'. On en
était donc venu, au XV<sup>e</sup> siècle, à donner à chaque membre des piliers sa
base propre, indépendante, tout en laissant sous le corps du pilier une
base principale destinée à recevoir les pénétrations des bases secondaires
(voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Pilier|Pilier ]], [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Pénétration|Pénétration ]]).
 
Lorsqu'au commencement du XVI<sup>e</sup> siècle on fit un retour vers les formes
de l'architecture romaine, on reprit le profil de la base antique; pendant
quelque temps encore, le système de bases appliqué à la fin du XV<sup>e</sup> siècle
se trouva mêlé avec le profil de la base romaine, ce qui produit une singulière
confusion; mais du moment que les ordres furent régulièrement
admis, les dernières traces des profils des bases du XV<sup>e</sup> siècle disparurent
(voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Profil|Profil ]]).
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[[Image:Base.colonne.hotel.Tremoille.Paris.png|center]]
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<span id="footnote1">[[#note1|1]] : C'est au-dessous du sol de l'église reconstruite au XII<sup>e</sup> siècle que ces bases ont été découvertes à leur ancienne place; autour d'elles ont été trouvés de nombreux
fragments de chapiteaux et tailloirs du travail le plus barbare, des débris de tuiles
romaines. Il n'est pas douteux que ces restes dépendent de l'église bâtie à Poissy
par les premiers rois mérovingiens. Le sol de ces bases est à 0<sup>m</sup>,60 en contre-bas du
sol de l'église du XII<sup>e</sup> siècle.
 
<span id=Ebreuil1><span id="footnote2">[[#note2|2]] : Cette base provient de l'église d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes E#Ebreuil|Ébreuil]] (Allier).
 
<span id="footnote3">[[#note3|3]] : Ces deux derniers exemples appartiennent au XII<sup>e</sup> siècle. C'est à M. Millet, architecte, que nous devons les dessins de ces deux bases.
 
<span id="footnote4">[[#note4|4]] : Le chœur de la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#Langres|Langres]] ouvre un large champ à l'étude de la construction pendant le XII<sup>e</sup> siècle; nous avons l'occasion d'y revenir aux mots
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]], [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9, Voûte|Voûte ]].
 
<span id="footnote5">[[#note5|5]] : Cette loi, bien entendu, ne s'applique pas seulement aux bases, mais à tout l'ensemble comme aux détails des constructions du moyen âge, à partir du XII<sup>e</sup> siècle (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]]).
 
<span id="footnote6">[[#note6|6]] : Ce chœur est malheureusement détruit, et les bases restent seules à leur place, ainsi que l'indique notre dessin.
 
<span id="footnote7">[[#note7|7]] : Les profils de l'église de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes M#Montreal.Yonne|Montréal]] sont d'une pureté et d'une beauté très-remarquables, et leur exécution est parfaite. Dans ce monument, toutes les bases et profils
à la portée de la main sont polis, tandis que les parements sont taillés au taillant
simple d'une façon assez rustique. Ce contraste entre la taille des moulures et des
parements est fréquent à la fin du XII<sup>e</sup> siècle et au commencement du XIII<sup>e</sup>; il prête
un charme tout particulier aux détails de l'architecture (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9, Taille|Taille ]]).
<span id="footnote8">[[#note8|8]] : Combien ne voyons-nous pas dans nos édifices modernes de ces corniches de stylobates présenter leurs angles vifs à la hauteur de l'œil? de ces arêtes de pilastres ou de bases que l'on maudit avec raison lorsque la foule vous précipite sur elles?
 
<span id="footnote9">[[#note9|9]] : Ces bases de la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]] doivent avoir été taillées et mises en place entre les années 1175 et 1180.
 
<span id="footnote10">[[#note10|10]] : Base de l'église de Notre-Dame de Semur, de Notre-Dame de Dijon, etc. Voyez aussi(37) la figure d'une base de la cathédrale de Laon, commencement du XIII<sup>e</sup> siècle.
 
<span id="footnote11">[[#note11|11]] : Combien d'édifices, dont l'effet intérieur était détruit par ces amas de chaises ou de bancs encombrant leurs bases, paraissent cent fois plus beaux une fois ces meubles
enlevés.
 
<span id="footnote12">[[#note12|12]] : Commencement du XIII<sup>e</sup> siècle.
 
<span id="footnote13">[[#note13|13]] : Cette construction datait des dernières années du XV<sup>e</sup> siècle.