« Essais orientaux/Le Dieu suprême dans la mythologie aryenne » : différence entre les versions

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===II. ― LE DIEU SUPRÊME, DIEU DU CIEL===
 
le dieu suprême du ciel et de la terre est jean-david
Ainsi les Aryens de Grèce, d’Italie, d’Inde et de Perse s’accordaient à mettre au plus haut de leur Panthéon un dieu suprême qui gouverne le monde et qui en a fondé l’ordre, dieu souverain, omniscient, moral.Cette conception identique a-t-elle été conquise des quatre côtés par quatre créations indépendantes, ou bien est-elle un héritage commun de la religion indo-européenne, et les ancêtres aryens des Grecs, des Italiens, des Indiens et des Persans connaissaient-ils déjà un dieu suprême, organisateur, souverain, omniscient, moral ?
 
Bien que la seconde hypothèse soit plus simple et plus vraisemblable que la première, on ne peut cependant l’accepter de prime abord comme certaine : car une conception abstraite et logique de ce caractère peut très bien se développer à la fois chez plusieurs peuples d’une façon identique et indépendante. À quiconque le regarde, le monde en tout temps et en tout lieu peut révéler un artiste suprême : Socrate n’est point l’élève du Psalmiste et les deux lui racontent, comme au chantre hébreu, la gloire du Seigneur
 
Mais si la conception abstraite se trouve étroitement liée à une conception naturaliste et matérielle et que celle-ci soit identique des quatre côtés, sachant, d’autre part, que ces quatre religions ont un passé commun, l’hypothèse que cette conception abstraite est un héritage de ce passé, non une création du présent, pourra s’élever jusqu’à la certitude.
 
Or, ces Dieux qui organisent le monde, le gouvernent et le surveillent, ce Zeus, ce Jupiter, ce Varu''n''a, cet Ahura Mazda, ne sont pas la personnification d’une simple conception abstraite. Ils sortent d’un naturalisme antérieur, dont ils sont encore mal dégagés : ils ont commencé par être des Dieux du ciel.
 
Zeus et Jupiter n’ont jamais cessé de l’être et d’en avoir conscience. Quand le monde a été partagé entre les dieux, « Zeus a reçu en partage le vaste ciel dans l’éther et les nuées <ref> Iliade, XV, 192.</ref>. » C’est comme dieu du ciel que tantôt il brille lumineux et tranquillement pur, trônant dans les splendeurs éthérées, que tantôt il s’assombrit, amasseur de nuées (νεφεληγερέτης) répandant les pluies célestes (ὄμϐριος, ὑέτιος)» lançant sur la terre le tourbillon des vents farouches, tendant l’ouragan du haut de l’éther, brandissant le tonnerre, l’éclair, la foudre (ϰεραύνιος, ἀστραπαῖος, βροντῶν) <ref> Ibid. XIII, 795, 137 ; XII, 253 ; XVI, 361.</ref>. C’est pour cela que la foudre est son arme et son attribut, « la foudre au pied infatigable qu’il pousse dans les hauteurs » <ref> Pindare, Olymp. 4. I.</ref> ; que sur son char retentissant il roule, brandissant de sa main le trident de feu ou bien le lançant sur les ailes de l’aigle ou de Pégase, coursiers aériens de l’éclair ; c’est pour cela qu’il est l’époux de Dêmêter « la Terre mère », qu’il féconde de ses torrents de pluies ; c’est pour cela qu’il laisse sortir, de son front, selon les uns, de son. ventre, selon les autres, de la nuée, selon la légende crétoise, Athéné, la déesse resplendissante, au regard pénétrant, qui jaillit en agitant des armes d’or, avec un cri qui fait retentir le ciel et la terre ; incarnation de la lumière qui éclate du front du ciel, du ventre du ciel, du sein de la nuée, en remplissant l’espace de sa splendeur et du fracas de sa naissance orageuse <ref> Preller, mythologie grecque, 3e éd. I, 154, note 5.</ref>. Enfin le nom même de ''Zeus'', génitif ''Dios'', anciennement ''Divos'', est, conformément aux lois de la phonétique grecque, le représentant littéral du sanscrit Dyaus « ciel », génitif ''Divas'', et l’hymen de Ζεὺς πατήρ et de Δημήτηρ est la contre-partie exacte de l’hymen védique de ''Dyaus'' ''pitar'' et de Pri''thivî'' ''mâtar'', « du Ciel-Père » et de la « Terre-Mère ». Le mot Ζεὺς est un ancien synonyme de Ούρανός, sorti de l’usage commun de la langue et devenu nom propre : encore, dans un certain nombre d’expressions garde-t-il un souvenir de sa valeur première. Ainsi quand la Terre prie Zeus de pleuvoir sur elle, quand l’Athénien eu prière s’écrie : « Pleus, pleus, ô cher Zeus, sur le champ des Athéniens et sur les plaines <ref>ὗσον, ὗσον, ὦ φίλε Ζεῦ, κατὰ τῆς ἀρούρας τῆς Ἀθηναίων καὶ τῶν πεδίων (Marc-Aurèle, 5, 6).</ref>.» « Zeus a plu toute la nuit, » dit Homère, ὖε Ζεύς κάννυχος. Dans toutes ces expressions Zeus peut se traduire littéralement comme nom commun, Ciel.
 
Jupiter, identique à Zeus dans ses fonctions, lui est identique dans ses attributs matériels.
 
Le mot Jupiter, ou mieux Jup-piter, est pour ''Jus''-''piter'', composé de ''pater'' et du nom propre ''Jus'', contraction latine du sanscrit ''Dyaus'', du grec Ζεὺς : Juppiter est donc l’équivalent exact du grec Ζεὺς πατήρ, et le mot a même conservé plus vivante que Zeus la conscience de sa signification première : ''sub'' ''Jove'' signifie « sous le ciel » : le chasseur attend le sanglier Marse, sans souci du froid ni de la neige, ''sub'' ''Jove'' ''frigido'' « sous le Jupiter, sous le ciel froid. » Dyaus est encore en latin, comme il l’est en sanscrit, le nom du ciel brillant : « contemple, dit le vieil Ennius, au-dessus de ta tête ce lumineux espace que tous invoquent sous le nom de Jupiter.
 
Adspice hoc sublime candens quem invocant omnes Jovem <ref> ''De'' ''Natura'' ''deorum'', 2, 25. Ovide Fast. 2. 299.</ref>.»
 
Varu''n''a, comme ses frères d’Europe, a été et est encore un dieu matériel et un dieu matériel du même ordre, un dieu du Ciel. C’est pour cela que le soleil est son regard, que le soleil, bel oiseau qui vole dans le firmament, est son messager aux ailes d’or <ref> Rig Veda, 10, 123, 6. Le soleil est également l’oiseau de Zeus :
<br>
Danaos<br>
καὶ Ζηνὸς ὄρνιν τόνδε νῦν κικλῄσκετε<br>
Le Chœur : <br>
καλοῦμεν αὐγὰς ἡλίου σωτηρίους... (''Suppliantes'', 212). </ref> ; que les rivières célestes coulent dans le creux de sa bouche comme dans le creux d’un roseau <ref> RV. 7, 87,6 ; 10, 123. 7.</ref> ; que, visible en tout lieu, tour à tour lumineux et ténébreux, tour à tour il s’enveloppe de la nuit et émet les aurores, tour à tour « revêt les vêtements blancs et les vêtements noirs. » Comme Zeus, et pour la même cause, c’est un amasseur de nuées : il retourne l’outre du nuage et la lâche sur les deux mondes, il en inonde la terre et le ciel, il revêt les montagnes du vêtement des eaux <ref> RV. 5, 83, 3, 4.</ref>, et ses yeux rouges sillonnent sans trêve la demeure humide de leurs clignotements d’éclair <ref> RV. 2, 28, 8. Cf. les ''nictantia'' ''fulgura'' ''flammae'' de Lucrèce, VI, 181. — Le Varu''n''a brahmanique y gagne d’avoir les yeux rouges.</ref>. Comme Zeus père d’Athéné, il est le père d’Atharvan, « l’Igné », de Bhrigu « le Fulgurant», autant de noms d’Agni, de l’éclair ; Agni lui-même naît «de son ventre, dans les eaux», comme une autre Athéné. Enfin, comme Zeus, comme Jupiter, il porte dans son nom même l’expression de ce qu’il est, et le sanscrit Varu''n''a est le représentant phonétique exact du grec Ούρανός « ciel. »
 
Enfin le dieu souverain de la Perse, malgré le profond caractère d’abstraction qu’il a conquis et qu’il reflète dans son nom, Ahura Mazda « le Seigneur omniscient », se laisse lui- même reconnaître pour un Dieu du ciel. Les formules anciennes des litanies savent encore qu’il est lumineux et corporel : elles invoquent le créateur Ahura Mazda, brillant, éclatant, très grand, très beau, très beau de corps, blanc, lumineux,au loin visible ;elles invoquent le corps entier d’Ahura Mazda, « le corps d’Ahura qui est le plus beau des corps» ; elles savent qu’il a le soleil pour ciel, et le ciel est le vêtement brodé d’étoiles qu’il revêt. Enfin le plus abstrait des dieux Aryens a conservé un trait qui l’enfonce plus profondément que tous les autres dans la matière d’où ils sont tous sortis : il est appelé «le plus solide des dieux », parce qu’il a «pour vêtement la pierre très solide des cieux. » Comme Varu''n''a, comme Zeus, il est père du dieu de l’éclair, ''Alar''. Enfin les témoignages historiques les plus anciens confirment les inductions de la mythologie : à l’époque où les Achéménides proclamaient la souveraineté d’Auramazda, Hérodote écrivait : « Les Perses offrent des sacrifices à Zeus <ref> C’est-à-dire « à leur dieu suprême ».</ref> en montant sur la cime la plus élevée des montagnes, ''appelant'' ''Zeus'' ''le'' ''cercle'' ''entier'' ''du'' ''ciel''. »
 
Ainsi les dieux suprêmes des quatre grandes religions de Grèce, d’Italie, d’Inde et de Perse sont en même temps ou ont commencé par être des dieux du ciel. Près de ces quatre dieux, doit sans doute prendre également place celui des anciens Slaves, avant le Christianisme, Svarogu. Comme Zeus, comme Jupiter, comme Varu''n''a, comme Ahura Mazda, il est le maître de l’Univers ; les dieux sont issus de lui et ont reçu de lui leurs fonctions. Comme eux, il est dieu du ciel, il est maître de la foudre, et, comme eux, il a eu pour fils le Feu, Svarojitchi (« le fils du Ciel») <ref> G. KLEK, Einleitung in die slavische Literatur-geschichte.</ref>.
 
 
===III. ― ORIGINES===