« Les Puits artésiens - Le puits de Grenelle » : différence entre les versions

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{{journal|Les Puits Artésiens - Le puits de Grenelle|Auteur inconnu|[[Revue des Deux Mondes]] T.30 1842}}
 
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Depuis quelques années, l'attention publique était excitée par les tentatives faites, en différentes localités, pour chercher de l'eau à de grandes profondeurs, lorsqu'on n'en avait pas à la surface de la terre, ou lorsque celle que l'on pouvait s'y procurer ne possédait pas les qualités convenables. Ce sentiment de curiosité s'est changé en un intérêt très vif lorsque nous avons vu, pendant un si long espace de temps, manoeuvrer des machines puissantes de forage dans la plaine de Grenelle. L'attrait de la nouveauté, si grand pour les Parisiens, les difficultés d'une opération qui paraissait gigantesque, l'étonnement du public qui ne comprenait pas, avec son gros bon sens, pourquoi on allait chercher à cinq cents mètres sous terre une eau que la Seine pouvait nous fournir si abondamment et à peu de frais; enfin les accidens nombreux qui n'ont cessé d'entraver cette opération et qui l'ont rendue inutile lorsqu'elle semblait achevée, et après que, dans un premier mouvement d'enthousiasme, la ville de Paris avait récompensé largement ceux qui l'avaient dirigée, toutes ces circonstances ont de plus en plus appelé l'attention sur les puits artésiens. On s'est demandé ce qu'étaient ces puits, on en a voulu connaître l'histoire et la manière de les établir; enfin, à propos du puits de Grenelle, on s'est demandé à quoi ils étaient destinés. On a élevé même des doutes sur la question de savoir si ces puits devaient servir à se procurer de l'eau ou de la boue; la caricature s'en est mêlée, et dans ce moment les puits artésiens sont aussi peu du goût des Parisiens qu'ils étaient admirés et prônés il y a quelques mois. De telles, vicissitudes dans l'opinion publique doivent être expliquées; la question, qui s'est chargée de toutes sortes d'élémens étrangers, a besoin d'être ramenée à ses principes les plus simples, et c'est ce que nous tacherons de faire dans cet article, ou nous nous proposons d'exposer les principaux modes de forage qui ont été inventés jusqu'ici, et de montrer par quelle suite de travaux pénibles et d'artifices ingénieux on est parvenu à former cette espèce d'égout, que quelques personnes appellent encore naïvement la fontaine de Grenelle.
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Les Chinois, ce peuple exceptionnel qui, malgré l'état d'ignorance dans lequel il végète depuis longues années, pourrait, en matière d'industrie, apprendre tant de choses aux Européens, les Chinois ont, de tout temps, admirablement pratiqué ces sondages. Ici, encore nous retrouvons le perpétuel contraste qu'offrent tous les arts, toutes, les oeuvres de cette singulière nation. Vous ne verrez dans aucun autre pays des puits aussi profonds, aussi nombreux, des puits qui soient aussi vite, aussi simplement creusés. Notre puits le plus profond, celui de Grenelle, ne descend qu'à un demi-quart de lieue. Nos voisins du duché de Luxembourg ont été un peu plus loin; mais ces deux merveilles de l'industrie européenne feraient sourire de pitié les paysans de la province d'Ou-Tong-Kiao, ou les sauniers de Tselicou-Tsing, qui entreprennent bravement, pour moins dé trois mille écus, avec quelques méchans outils, des puits d'un quart de lieue, et les achèvent à deux en moins de trois ans. Si le terrain de paris n'était pas plus rebelle à ce genre d'exploration que celui de la Chine, le conseil municipal eût fait évidemment une excellente affaire en traitant avec deux de ces pauvres ouvriers du céleste empire.
 
De si magnifiques résultats, si simplement obtenus, indiqueraient chez les Chinois un développement industriel très avancé, si ce peuple ne faisait preuve d'ignorance et de routine chaque fois qu'il rencontre un terrain dont la nature se montre quelque peu rebelle à l'unique mode de sondage qu'il sache pratiquer. L'Européen, dans un cas semblable, trouverait quelque combinaison nouvelle; il modifierait ses outils, ses procédés; le Chinois ne sait pas ou ne veut pas sortir d'embarras; il trouve plus simple d'abandonner le puits commencé, fût-il à deux doigts du but. Les Annales de la propagation de la foi (n° 16, janvier 1829) contiennent une lettre d'un missionnaire français, M. Imbert, où l'on trouve des détails, sinon complets, du moins fort curieux, sur le procédé chinois. J'extrais de cette lettre les passages relatifs à l'opération mécanique du forage. « Il y a quelques dizaines de mille puits salans dans un espace d'environ dix lieues de long sur quatre ou cinq lieues de large. Chaque particulier un peu riche se cherche un associé et creuse un ou plusieurs puits. C'est une dépense de 7 a 8,000 fr… Tous les puits sont dans le rocher. Ces puits ont ordinairement de 15 à 1,800 pieds français de profondeur, et n'ont que 5 ou 6 pouces au plus de largeur. Si la surface est de terre de 3 ou 4 pieds de profondeur, on y plante un tube de bois creux surmonté d'une pierre de taille qui a un orifice de 5 ou 6 pouces; ensuite on fait jouer dans ce tube un mouton ou tête d'acier de 3 ou X00 livres pesant. Cette tête d'acier est crénelée en couronne, un peu concave par-dessus et ronde par-dessous. Un homme danse toute la matinée sur une bascule qui soulève cet éperon à 2 pieds de haut, et le laisse tomber de son poids; on jette de temps en temps quelques seaux d'eau dans le trou pour pétrir les matières du rocher et les réduire en bouillie. L'éperon, ou tête d'acier, est suspendu par une bonne corde de rotin, petite comme le doigt, mais forte comme nos cordes de boyau; cette corde est fixée à la bascule; on y attache un bois en triangle, et un autre homme est assis à côté de la corde. A mesure que la bascule s'élève, il prend le triangle et lui fait faire un demi-tour, afin que l'éperon tombe dans un sens contraire. Quand ils ont creusé 3 pouces, on tire cet éperon avec toutes les matières dont il est surchargé (car j'ai dit qu'il était concave par-dessus), par le moyen d'un grand cylindre qui sert à rouler la corde. De cette façon, ces petits puits ou tubes sont très perpendiculaires et polis comme une glace. Quelquefois tout n'est pas roche jusqu'à la fin, mais il se rencontre des lits de terre, de charbon, etc.; alors l'opération devient des plus difficiles et quelquefois infructueuse, car, les matières n'offrant pas une résistance égale, il arrive que le puits perd sa perpendiculaire (1)<ref>En d'autres termes, la direction du forage n'est plus celle du fil à plomb.</ref>, mais ces cas sont rares. Quelquefois le gros anneau de fer qui suspend le mouton vient à casser, alors il faut cinq ou six mois pour pouvoir, avec d'autres moutons, broyer le premier et le réduire en bouillie. Quand la roche est assez bonne, on avance jusqu'à deux pieds dans les vingt-quatre heures. »
 
On le voit, le sondeur chinois ne sait opérer à coup sûr que dans un terrain de roches bien homogènes. Dès qu'il rencontre une de ces couches de sable, d'argile, de houille, que nos sondeurs d'Europe ont tous les jours à forer, il ne sait plus guider son outil et lui conserver sa direction perpendiculaire. Le trou de sonde dévie bientôt; le poids de l'outil est impuissant à le faire descendre; il y a même danger de ne plus pouvoir le retirer de la fausse position dans laquelle il s'est engagé. Le forage est arrêté.
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atteindre les eaux. On a bien pu constater que les points du sol de la, France, tels que Lusigny, où s'infiltrent les eaux dans la terre, sont plus élevés que Paris; mais dire de combien les eaux auraient pu s'élever au dessus de la surface du sol, c'était chose impossible pour les physiciens et les géologues qui ont attaqué cette question.
 
C'est à l'année 1833 que remonte le commencement du forage de Grenelle. On ignorait alors à quelle profondeur (2)<ref>M. Arago estimait cette profondeur à moins de 250 mètres. Il s'exprimait ainsi dans une notice sur les puits artésiens, publiée dans l'Annuaire des longitudes pour l'année 1834 : « Près de Paris, à Suresne, dans la campagne de M. Rotschild, MM. Flachat ont poussé un sondage, déjà commencé par M. Mulot, à la profondeur de 215 mètres. On s'est arrêté quand il n'y avait peut-être plus qu'une vingtaine de mètres à traverser pour atteindre la nappe d'eau. » Cette estimation est de plus de 300 mètres au-dessous de la réalité.</ref> serait atteinte, la nappe d'eau logée dans les sables verts dont les fontaines jaillissantes d'Elbeuf, de Tours, de Rouen, indiquaient déjà l'existence. Cette incertitude devait, ce nous semble, rendre plus défiantes les personnes chargées d'exécuter et de surveiller le forage de Grenelle; elle leur commandait d'opérer dès l'abord sur un diamètre assez large pour ne pas craindre ce rétrécissement graduel des tubes de retenue des terres dont nous avons parlé. Malheureusement on opéra tout d'abord comme si les eaux allaient être atteintes à une faible profondeur, et bientôt les tubes inférieurs furent trop petits pour laisser passer et descendre plus bas la sonde. On retira donc les tubes, et on élargit le trou de haut en bas, en replaçant des tuyaux plus larges mais le remède n'était pas suffisant, et, après avoir prolongé le forage un peu plus loin, on fut arrêté une seconde fois par un obstacle semblable. Alors nouvelle extraction des tubes, nouvel élargissement général du puits et sans plus de succès. Croirait-on qu'un semblable remaniement s'est reproduit jusqu'à cinq fois dans le forage de Grenelle? A cette cause de retard et de perte d'argent il faut ajouter les chutes d'outils au fond du puits, les ruptures d'appareils qui ont eu lieu à diverses reprises. On devine ce qu'il a fallu de temps et de peine pour retirer ou pour refouler latéralement dans les parois du trou ces outils, ces pièces isolées que ne pouvait plus ramener la sonde.
 
C'est ainsi qu'a traîné pendant huit ans cette opération de forage que des mains plus habiles ou armées de meilleurs instrumens eussent pu terminer en moins de trois ans. Il ne serait pas exact de mettre exclusivement sur le compte des accidens et des reprises générales dont nous venons de parler, la lenteur de cette opération; il faut faire la part des lourds et peu maniables instrumens dont on a cru devoir se servir. La tige au bout de laquelle étaient emmanchés les outils qui travaillaient au fond du puits, était formée de barres de fer carrées ayant sur chaque coté plus d'un demi-décimètre, longues chacune de 8 mètres, et emmanchées les unes dans les autres. Le poids total de cet assemblage est, on l'a déjà vu, de plus de trente-un milliers. Joignez à cela les chaînes tout aussi massives qui servaient à la suspension de cette énorme tige, les rouages grossiers et les manéges aux rudes frottemens, et vous comprendrez la fatigue, qu'éprouvaient les huit chevaux qu'il fallait atteler au manége dans les derniers temps de l'opération.
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Après avoir examiné la question d'art et d'hydraulique qui se rattache au forage de Grenelle, il me reste à discuter le problème scientifique à la solution duquel devait conduire ce grand travail.
 
Il s'agissait, on se le rappelle, quand le puits de Grenelle a été entrepris, de profiter de cette circonstance pour déterminer la loi suivant laquelle s'accroît la température dans l'intérieur de la terre à mesure qu'on s'y enfonce plus profondément. Il n'a été donné qu'à deux savans de suivre toute la série des observations que nécessitait cette recherche (3)<ref>Nous ne mentionnons que pour mémoire l'illustre Dulong, qui est mort long-temps avant la fin de l'opération.</ref>. L'un est le célèbre académicien dont nous avons parlé plusieurs fois dans ce travail; l'autre est M. Walferdin, qui s'est fait un nom par ses recherches géologiques et thermométriques. D'autres observateurs auraient désiré faire à part de nouvelles expériences pour les comparer à celles de ces deux savans, mais on assure que la porte de l'atelier de Grenelle ne s'est pas ouverte pour eux. Nous devons regretter d'autant plus vivement cette absence de coopération, que les résultats obtenus par MM. Arago et Walferdin paraissent incomplets à un certain nombre de savans, et qu'on a même cru voir dans la manière d'opérer de ces deux physiciens l'oubli le plus étrange des grandes lois qui régissent l'état thermal de notre planète.
 
Fourier, de savante mémoire, qui fut, lui aussi, pendant longtemps secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, Fourier a le premier coordonné, dans son grand traité mathématique de la chaleur, les principes relatifs à l'état calorifique du globe. Négligeant les faibles différences que présentent les diverses matières qui composent l'écorce terrestre, dans leur manière de propager la chaleur, Fourier a montré que la température devait croître dans notre planète proportionnellement à la profondeur. Mais Fourier négligeait deux causes qui modifient singulièrement cette loi; ces causes sont l'action des eaux et de l'air qui pénètrent dans la croûte du globe jusqu'à une assez grande distance, et qui, par leur mobilité, transportant la chaleur de bas en haut, troublent très sensiblement l'état de chaque couche. Les physiciens qui se sont occupés, après Tourier, de la chaleur du globe, soit d'une manière théorique, soit expérimentalement, ont tous, à l'exception d'un seul, négligé d'apprécier cette double influence, et, dans ses expériences sur le puits de Grenelle, M. Arago n'a pas mieux fait que les autres; il avait touché d'abord ce point délicat, mais il semble ne pas l'avoir vu nettement, et il ne l'a pas soumis au calcul.
 
La distance de la surface de la terre à son centre étant six mille fois plus grande que la hauteur des puits les plus profonds qu'ait jusqu'ici creusés l'industrie humaine, on ne peut juger de la distribution générale de la chaleur dans toute l'épaisseur du globe par l'état de la mince écorce que nous avons entamée. Cet état moyen de l'enveloppe terrestre est l'effet combiné des eaux, de l'air et de la partie solide de la terre; il faut donc apprécier l'action séparée de l'eau et de l'air, en partant des connaissances que nous ont acquises les travaux de plus illustres physiciens (1)<ref>Gay-Lussac, Dalton, Rudberg, Despretz, Regnault.</ref>; puis, distinguant dans l'effet mixte des trois influences ce qui appartient à ces deux fluides, il faut ensuite calculer quel serait l'état de la partie solide prisé seule. Ce résultat une fois obtenu, il restera plus tard à chercher s'il s'applique aussi aux profondeurs du globe que l'homme n'a pu atteindre, à ces roches, à ces métaux dont les masses condensées ne sont pénétrées ni par les eaux ni par l'air.
 
Dans la question particulière du puits de Grenelle, il fallait tenir compte d'abord des eaux qui, dès l'origine du forage, ont constamment rempli le trou de sonde, et dans lesquelles ont été plongés les thermomètres qui devaient indiquer le degré de chaleur des couches terrestres plus ou moins profondes. M. Arago, qui, comme tout le monde, savait que dans une masse liquide chauffée par en bas il peut s'établir des courans ascendans d'eau chaude et des courans descendans d'eau froide, M. Arago a dit d'abord que de tels courans avaient probablement lieu dans le puits et devaient en réchauffer les parties supérieures aux dépens du fond, mais il n'a pas été plus loin. Se bornant à prendre de temps à autre la température de l'eau dans le fond, à mesure qu'avançait le forage, il a cru ou laissé croire, chaque fois qu'il annonçait à l'Académie les nombres observés, que ces températures étaient celles des couches correspondantes de la terre.
 
Un savant déjà célèbre, bien qu'il n'ait pas de fauteuil à l'Académie, et qui a lutté plus d'une fois avec l'illustre secrétaire de cette compagnie, M. Saigey, a le premier comblé ,la lacune dont nous venons de parler. Omettant d'abord l'influence de l'air sur l'écorce terrestre, il a supputé celle de la colonne d'eau des puits artésiens (avant le jaillissement, bien entendu), et il a pu, grace à cette correction difficile, donner une première évaluation de l'accroissement de la chaleur souterraine (5)<ref>Il faut diviser la somme des profondeurs auxquelles ont été faites les observations par celle des accroissemens de température en passant de chacune d'elles à la suivante; le résultat est la profondeur dont il faut descendre pour trouver un degré de plus, à savoir 26 mètres environ.</ref>, en s'appuyant sur des observations mieux dirigées que celles de MM. Arago et Walferdin.
 
Dans la théorie nouvelle, sur laquelle repose cette première approximation, il est essentiel que les observations de température faites à diverses profondeurs soient simultanées. Or MM. Arago et Walferdin n'ont jamais satisfait à cette condition; ils ont observé successivement à 248 mètres, à 298, à 400, à 505, etc., mais à des époques fort éloignées. Aussi leurs nombres n'ont-ils pu donner qu'un résultat douteux, et ne peut-on leur appliquer utilement la correction dont j'ai parlé plus haut.
 
Un physicien plus soigneux, M. de Larive, de Genève, a observé la règle négligée par MM. Arago et Walferdin; malheureusement, le puits dans lequel il a expérimenté n'est pas, par sa profondeur, aussi favorable à ce genre de recherches (6)<ref>Le puits artésien de Prégny, près de Genève; sa profondeur est de 220 mètres environ.</ref>. Quoi qu'il en soit, les nombres fournis par cet exemple donnent, quand on les soumet à la théorie dont j'ai parlé tout à l'heure, 26 mètres environ pour un degré d'accroissement dans la température, c'est-à-dire qu'il faut s'enfoncer de 26 mètres dans la terre pour que le thermomètre s'élève de 1 degré. Pareil résultat se déduit d'observations faites avec plus d'exactitude encore par M. Magnus de Berlin, dans un puits artésien, sur la rive droite de l'Elbe, à Pitzpuhl, près de Magdebourg. M. Magnus est, on le sait, l'inventeur de ces thermomètres ingénieux à l'aide desquels nous savons aujourd'hui mesurer dans les profondeurs des mers, dans les lacs, dans les puits artésiens, le degré le plus grand de chaleur qu'ait pu atteindre telle ou telle couche (7)<ref>Dans ces instrumens, que M. Walferdin a modifiés depuis, il s'opère, à mesure que la chaleur s'élève, un transvasement, un déversement dans une poche en verre, d'une portion de plus en plus grande du mercure que contenait le thermomètre; ce déversement indique le degré maximum de chaleur.</ref>.
 
Bien avant les expériences que je viens de rappeler, M. Cordier, l'ingénieur des mines, aujourd'hui membre de la chambre des pairs, avait réuni, dans un ouvrage remarquable, toutes les observations faites pour arriver au même but. En employant ces nombres conformément à la même théorie, on trouve également près de 26 mètres pour un degré. Tel serait donc le véritable chiffre de l'accroissement de la chaleur dans la masse solide de notre planète, s'il ne fallait en même temps tenir compte de l'action de l'air, qui, aussi bien que les eaux, pénètre dans l'écorce du globe et en modifie l'état.
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Avouons-le donc en toute humilité, quelque peu flatteur que soit cet aveu pour l'amour-propre national, les directeurs. du. forage de Grenelle n'ont su traiter convenablement ni la question industrielle ni la question de physique qu'ils avaient si intrépidement abordées. S'ils ont voulu faire une expérience de physique, cette expérience, fort, chère, a été mal dirigée et n'a rien appris de nouveau. S'ils ont voulu, comme ils, l'affirment sans cesse, doter la ville de. Paris d'un immense appareil hydraulique, et faire un excellent placement d'argent, pour voir comment ils ont réussi, on n'a qu'à aller visiter le puits de Grenelle. Nous l'avons déjà dit, la dépense nécessaire pour enlever les boues que vomit ce puits représente un capital supérieur à ce que coûterait une machine hydraulique destinée à tirer de la Seine une masse d'eau supérieure à celle qui surgit à Grenelle. Et cependant il ne faut pas se décourager. Les puits artésiens offrent de nombreux avantages dont la science et l'industrie sauront tirer parti : on les emploie déjà pour les mines, pour le desséchement des, marais, dans les manufactures. Bientôt l'Algérie réclamera des puits forés. Il est donc nécessaire d'encourager les progrès de cet art difficile. Les ingénieurs habiles ne manquent pas chez- nous. Si la ville de Paris se décide à faire exécuter un nouveau sondage, il est à, croire que nous serons plus heureux; les hommes capables ne manqueront pas au conseil municipal; il saura, sans doute où les trouver.
 
 
 
(1) En d'autres termes, la direction du forage n'est plus celle du fil à plomb.
 
(2) M. Arago estimait cette profondeur à moins de 250 mètres. Il s'exprimait ainsi dans une notice sur les puits artésiens, publiée dans l'Annuaire des longitudes pour l'année 1834 : « Près de Paris, à Suresne, dans la campagne de M. Rotschild, MM. Flachat ont poussé un sondage, déjà commencé par M. Mulot, à la profondeur de 215 mètres. On s'est arrêté quand il n'y avait peut-être plus qu'une vingtaine de mètres à traverser pour atteindre la nappe d'eau. » Cette estimation est de plus de 300 mètres au-dessous de la réalité.
 
(3) Nous ne mentionnons que pour mémoire l'illustre Dulong, qui est mort long-temps avant la fin de l'opération.
 
(4) Gay-Lussac, Dalton, Rudberg, Despretz, Regnault.
 
(5) Il faut diviser la somme des profondeurs auxquelles ont été faites les observations par celle des accroissemens de température en passant de chacune d'elles à la suivante; le résultat est la profondeur dont il faut descendre pour trouver un degré de plus, à savoir 26 mètres environ.
 
(6) Le puits artésien de Prégny, près de Genève; sa profondeur est de 220 mètres environ.
 
(7) Dans ces instrumens, que M. Walferdin a modifiés depuis, il s'opère, à mesure que la chaleur s'élève, un transvasement, un déversement dans une poche en verre, d'une portion de plus en plus grande du mercure que contenait le thermomètre; ce déversement indique le degré maximum de chaleur.
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