« Monographie de la pomme de terre » : différence entre les versions

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Il est vrai que sir Walther Raleigh avait voyagé en Virginie dès l'an 1584, mais, suivant tous les historiens cités par Miller dans son ''Dictionnaire des jardiniers,'' il n'en rapporta des pommes de terre que l'année 1628, et en 1629 selon Parkinson. Tout semble donc prouver que le nord de l'Amérique a fourni d'abord ce précieux tubercule ; et si les Anglais ont pu en rapporter chez eux, il est démontré qu'avant cette époque, la pomme de terre était déjà très-répandue dans le midi de l'Europe, et qu'elle est un des plus riches présents de l'Amérique méridionale, où les premiers conquérants espagnols la trouvèrent. Il parait d'ailleurs certain, si l'on en croit le récit des auteurs espagnols, que l'immense population de l'empire d'Atabalipa et d'Huescar son frère, qui comprenait tout le Pérou, la Nouvelle-Grenade, le royaume de Quito, et s'étendait jusqu'au Chili, au Tucuman, se nourrissait uniquement de maïs et de pommes de terre ou ''papas. ''
 
6. Introduite en Espagne après la conquête du Pérou, la pomme de terre fut transportée presque aussitôt en Italie. Il est en effet tout naturel d'admettre que des guerriers qui revenaient d'Amérique fussent employés aux armées d'Italie à cette époque, et qu'ils y portassent la pomme de terre. Le botaniste Charles l'Ecluses (''Clusius}, ''d'Arras, qui publia, en 1631, une description très-exacte de cette racine, et appela sur elle l'attention des cultivateurs, comme devant offrir, un jour, une grande ressource à l'humanité, disait que ce tubercule était devenu si commun en quelques contrées d'Italie, qu'on en mangeait déjà habituellement avec de la chair de mouton, et qu'on en engraissait les porcsFootNote( porcs<ref>Rarior. Plant. Antw.)</ref>. La plupart des Italiens ne savaient pas d'où venait cette plante, mais, ajoute l'Ecluses, il est certain qu'ils la tiennent des Espagnols et de l'Amérique. Toutefois le même botaniste est en doute si les anciens l'ont connue, et il pense qu'elle pourrait bien être l'''arachidna ''de Théophraste. Cortusus, autre botaniste, supposait aussi que c'était le ''pycnocomon ''de Dioscoride. Enfin ce ne fut qu'en 1590 que Gaspard Bauhin reçut de Scholtz un dessin colorié de la plante, qu'il reconnut être un ''solanum ; ''il décida de son introduction dans quelques cultures de l'Allemagne, de la Suisse, de la Souabe, des environs de Lyon, dans les montagnes des Vosges, etc., et Mathioli la décrivit ensuite dans ses ''Commentaires sur Dioscoride. ''
 
Ce fut donc surtout par l'Italie que les pommes de terre commencèrent à se répandre en Europe, vers le milieu du seizième siècle. Les Italiens les nommèrent ''tartuffoli, ''ou truffes de terre, d'où sont tirés les noms ''tartufflen ''des Allemands, preuve que ces derniers les ont reçues de l'Italie.
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'''2° Pommes de terre cultivées en Piémons.'''
 
15. En Piémont, où la pomme de terre est peu cultivée, on s'attache surtout aux variétés qui suiventFootNote( suivent<ref>Mém. du professeur Dominique Melano, Annali della Reale Società agraria, vol. 1 ; 1840.)</ref>.
 
1° La pomme de terre ''précoce de Savoie. ''— Tubercules presque ronds, de grosseur moyenne ; couleur violette à l'extérieur, jaunâtre à l'intérieur.
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Ce qu'il y a de plus remarquable dans ces calculs, c'est l'effet prodigieux du purin, dont l'action fertilisante est telle, que le produit de la récolte en est presque doublé. Le pain de colza est aussi un excellent engrais pour la pomme de terreFootNote( terre<ref>A. Chanaz, province de Savoie-Propre, un champ planté en pommes de terre de la même espèce, a été fumé moitié avec de l'engrais de bétail peu consumé, et moitié avec des tourteaux de colza. Dans le premier cas, les pommes de terre ont été toutes plus ou moins altérées, et parfaitement saines dans le second. )</ref>.
 
25. On a cru remarquer cette année que les champs de pommes de terre abondamment fumés, avaient fourni des tiges gorgées de sucs, qui avaient été plus promptement détruites à l'automne, ou plus fortement attaquées par les influences atmosphériques du mois d'août, que celles des champs voisins qui avaient reçu des fumures moins abondantes. M. Munter dit qu'à Berlin, les emplacements bas, plats, humides et ''riches en engrais'', sont en général ceux qui ont le plus souffert. Ces cas sont exceptionnels, et les résultats qu'on a observés dans ces sortes de circonstances sont sans doute dus à d'autres causes que celle qui leur a été attribuée. Une remarque que j'ai faite et publiée un des premiers, et qui a été confirmée depuis par d'autres observateurs, a démontré que l'altération des tubercules était loin de correspondre exactement à celle des feuilles et des tiges, et l'on a même constaté que certains pieds de pommes de terre présentaient des feuilles et des tiges parfaitement vertes et vigoureuses, tandis que les tubercules étaient fortement altérés, alors que d'autres touffes, dont les tiges étaient complètement détruites ou noires, n'avaient pas un seul tubercule attaqué. On ne peut donc raisonnablement attribuer à un excès de fumure, une partie égale à celle des mauvaises cultures, dans l'altération des pommes de terre en 1845 ; et comme d'ailleurs, dans les années ordinaires, les produits sont généralement proportionnels à la quantité d'engrais employée, on ne saurait trop engager les cultivateurs à fumer abondamment, en employant, autant que possible, de cinquante à soixante mille kilogrammes au moins de bon fumier par hectare. En Savoie, où la terre est généralement plus compacte qu'en France, dix à douze mille kilogrammes de fumier suffisent au-delà pour un journal de terre.
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James Goodiffe, agriculteur à Granard (Irlande), cultive la pomme de terre depuis ''vingt ans'', en hiver et en été, toujours avec succès. Il plante en septembre et même à Noël ; il récolte depuis février jusqu'en mai, et il plante aussi en avril, pour récolter en été des variétés successivement plus précoces et plus tardives. En un mot, ajoute M. Morren, c'est une récolte continue. Dans les comtés de Sussex, Worcestershire, Somersetshire, il est d'usage de planter en automne, et l'on se loue partout de cette culture.
 
M. Trotter, des environs de Stockton, conseille de planter les tubercules en octobre ou novembre, et d'employer de préférence les variétés printannières qui sont bien saines. On fait choix pour cela d'un terrain convenablement préparé ; des sillons ou des trous de 35 centimètres de profondeur sont creusésFootNote( creusés<ref>La profondeur de 3S centimètres conseillée par M. Trotter, paraît exagérée, an moins relativement à ce qui se pratique en Savoie et ailleurs.)</ref>. On y place les tubercules à la distance ordinaire ; ils sont recouverts de la terre déplacée, et ensuite de fumier en couverture. Les tubercules ne sont point atteints par la gelée ; ils poussent de très bonne heure, et les pommes de terre sont beaucoup plus précoces que par la plantation du printemps. Si ce mode de culture réussit, comme tout porte à le croire, dit un savant
 
botaniste, M. Seringe<ref>Rapport de la Commission nommée par la Société d'Horticulture-pratique du Rhône, au sujet de la maladie des pommes de terre, par N.-C. Seringe, professeur de Botanique et directeur du jardin des plantes de Lyon. — Octobre 1845.</ref>, M. Trotter aura rendu un immense service aux peuples du nord, en hâtant une reproduction qui réparera, au moins en partie, la perte inévitable d'une grande masse alimentaire.
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Rien n'est plus facile, du reste, que de déterminer exactement la proportion d'eau que contient une espèce de pomme de terre. Après avoir pesé une certaine quantité de tubercules préalablement débarrassés de toute terre adhérente, on les coupe en tranches et on les fait chauffer dans une étuve dont la température soit de 25 à 3o degrés. On les pèse ensuite à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'ils ne perdent plus de leur poids, et la différence obtenue après leur entière dessication, fait connaître la proportion d'eau qu'ils renfermaient primitivement.
 
Proust dit que l'eau de végétation d'une patate crue mouille amplement les mains, mais non quand elle est cuite. Il faut attribuer cette différence à l'état particulier où se trouve l'eau dans l'une et dans l'autre. Dans la patate crue, l'eau n'est qu'interposée, elle est libre. Dans la patate cuite, au contraire, elle se trouve combinée avec l'amidon à l'état d'hydrateFootNote( hydrate<ref>On appelle hydrate une combinaison d'eau et d'oxides, ou d'eau et d'un corps organique quelconque.)</ref>. Cette réaction se reproduit dans le blanc d'œuf cuit, regardé aussi comme un hydrate qui renferme 0,84 d'eau, tandis que celui de la pomme de terre n'en contient que 0,75, c'est-à-dire près d'un dixième de moins. On peut donc juger, d'après cela, si une personne qui a mangé, avec son pain, trois ou quatre œufs durs, ou un plat de pommes de terre cuites, a réellement pris un aliment solide et bien nourrissant.
 
32. De 47 variétés de pommes de terre analysées par Vauquelin, nous voyons que les variétés les plus riches en parties alimentaires, sont la ''lehugin'', qui, sur 500 grammes donne 165 grammes de pomme de terre desséchée ; la ''calicuger, ''qui en produit 162 ; la ''violette franche ''et ''l'imbriquée, ''qui se réduisent à 160 gr. ; la ''kidney ''et la ''bleue des forêts, ''qui se réduisent à 157, et la ''grosse zélandaise, ''dont le produit desséché pèse 155 gr. La ''beaulieu ''paraît être la plus aqueuse par la dessication : elle pèse 490 gr., et fournit 110 gr. de pomme de terre desséchée.
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7° ''Au moyen de fragments de tubercules. ''Au moment de la plantation, on coupe les gros et moyens tubercules en fragments de diverses grosseurs, munis chacun de deux yeux au moins. A volume égal, dit M. Antoine de Rouville, on remarque peu de différence entre des tubercules entiers et des fragments de gros tubercules, si on les plante dans un terrain sec. Mais si on les met dans un terrain humide, les morceaux de pommes de terre ont plus de disposition à pourrir. Il paraît au contraire qu'en général les pommes de terre doivent être plantées ''entières, ''quelle que soit la nature du sol auquel on les confie ; nous en verrons bientôt la preuve.
 
8° ''Par la plantation de tubercules entiers. ''Ce moyen, avons-nous dit dans le précédent article, est regardé comme le plus sûr, et même comme le plus économique pour la reproduction des pommes de terre ; quelques agriculteurs, qui n'en ont pas obtenu les mêmes résultats, sont d'un avis contraire. M. Trotter, de Stockton, employa dans un même sol et en même quantité, des tubercules coupés, et d'autres qui furent laissés entiers. La portion de champ qui avait reçu les tubercules coupés offrit une récolte beaucoup plus considérable que celle où les tubercules avaient été déposés entiers. — D'un autre côté, MM. Payen et Chevalier, dont les noms font autorité en science, ont voulu savoir à quoi s'en tenir sur les divers modes de propagation dont nous venons de parler, et reconnaître si ces moyens étaient réellement économiques. Voici les expériences que ces savants ont faites à ce sujetFootNote( sujet<ref>Journal de Pharmacie, tome 9, page 397.)</ref>. Ils ont planté dans le même terrain, et sous diverses formes, la même variété de pommes de terre, la blanche commune à vaches, ou ''patraque blanche ''(14 ''D), ''en rendant, autant que possible, toutes les autres conditions égales. Il a été employé pour chaque plantation, et dans six trous espacés de 70 centim. environ :
 
:1° Six pommes de terre d'une grosseur moyenne ;
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Ecoutons à ce sujet les avis d'un agronome à qui ses travaux en ce genre ont assigné un rang distingué dans l'agriculture pratique. « Pour assurer le succès de toute espèce de culture, on ne saurait donner assez de soin aux semences. Ce soin, si important, et toujours trop négligé, l'est surtout pour la pomme de terre. On commence ordinairement par réserver les plus petites pour semence, comme si cette plante faisait exception à la règle générale, de choisir ce qu'il y a de plus beau pour prévenir la dégénération des espèces. On amoncèle les pommes de terre dans des lieux plus ou moins humides, où elles fermentent bientôt Une végétation prématurée se développe : on enlève les premiers germes, qui sont les plus vigoureux, chez une plante qui a une force étonnante de végétation.
 
Quelque temps après, on recommence la même mutilation ; et si la plantation est très tardive, il n'est que trop ordinaire de revenir une troisième fois à la charge. Enfin, on craint qu'il reste trop de vie à ces tubercules épuisés ; on les coupe en morceaux, et l'on confie à la terre ces tristes restes d'une végétation presque éteinte. La première dégermination de la pomme de terre lui fait perdre plus du quart de son produit ; la seconde, à peu près la moitié, et la troisième, les trois quarts, ou la presque totalitéFootNote( totalité<ref>Observations sur la culture de la pomme de terre, par M. le comte Maria — Annales de la Société Royale d'Agriculture de Savoie, tome 1, page 375.)</ref>. »
 
35. Enfin, M. L. Mollot, notaire à Chamoux, a proposé un moyen de multiplier les pommes de terre en plantant les tiges, après avoir enlevé les tubercules qui les ont produites. « Ce procédé, dit M. Mollot, que j'ai pratiqué moi-même en 1887 et quelques unes des années suivantes, et qui m'a très bien réussi, consiste à arracher, vers les premiers jours de juillet, les pommes de terres dites ''printannières. ''Après avoir enlevé tous leurs tubercules, l'on met, dans de nouveaux sillons pratiqués au même endroit que les autres, les tiges que l'on place à
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38. Une autre maladie des pommes de terre, la plus à craindre de toutes, est celle qui attaque directement les tubercules, et que l'on désigne sous le nom de ''gangrène sèche. ''Selon M. Louis Rasino, pharmacien à TurinFootNote( Turin<ref>Thèse Botanico-Chimique sur le Solanum tuberosum, pour obtenir le titre de pharmacien, soutenue au Collége de Pharmacie de Turin, par Louis Rasino, le 4 août 1845.)</ref>, cette maladie se montra pour la première fois, en 183o, dans quelques districts voisins du Rhin ; elle se propagea ensuite dans le royaume de Saxe, dans le Mecklembourg, la Bohême, la Suisse et principalement dans une province du Bavarois où elle détruisit, en 1840, presque les deux tiers de la récolte.
 
Les tubercules attaqués de la gangrène sèche deviennent tellement durs, qu'ils semblent pétrifiés ; il est même difficile de les rompre à coups de marteau, et ils résistent à l'action de l'eau bouillante, comme à celle de la vapeur dans les fabriques destinées à la préparation de l'eau-de-vie. Ce qu'il y a de pire, c'est qu'on n'aperçoit, dès le principe de la maladie, aucun signe qui puisse avertir de cette grave altération ; les pommes de terre paraissent saines quand elles sont déjà assez gâtées pour n'être plus propres à la reproduction.
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M. Cantù dit être parvenu à découvrir, dans les pommes de terre, des traces d'iode sensibles seulement aux réactifs propres à déceler les quantités les plus
 
minimes de ce métalloïde. J'ai été curieux de répéter les expériences du savant professeur turinais, et j'ai obtenu les mêmes résultats. J'ai de plus constaté, dans ce même tubercule, la présence du bromeFootNote( brome<ref>J'ai annoncé ce fait à la Société Médico-chirurgicale de Turin, dans sa séance du 30 janvier 1846.)</ref> que celle de l'iode m'y avait fait soupçonner. Une pomme de terre, de moyenne grosseur, suffit pour fournir des traces très sensibles d'iode, en suivant, pour cela, le procédé que j'ai découvert et annoncé dans le temps à l'Académie Royale des sciences de ParisFootNote( Paris<ref>Voyez Comptes-rendus de l'Institut Royal de France, séance du 29 mai 1843. —Moniteur universel, juillet 1843, N° 199. — Gazette médicale, 3 juin 1845, N° 22, — etc.)</ref>. Pour le brome, il faut opérer sur une demi-livre au moins de tubercules.
 
45. La matière animale de la pomme de terre jouit de propriétés assez remarquables. « Sa saveur, dit Vauquelin, est analogue à celle des champignons comestibles. Elle est insoluble dans l'alcool déphlegmé ; elle n'est coagulée ni par les acides, ni par le chlore, ni par la noix de galle ; on ne peut la confondre avec l'albumine altérée par une légère ébullition. »
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« Dans toute la Suède (Lettre de Stockholm du i3 octobre), les récoltes ont été cette année si mauvaises, tant sous le rapport de la qualité que sous celui de la quantité, que l'on craint une disette. Le gouvernement prend les mesures les plus actives pour la prévenir, et déjà il vient d'être publié une ordonnance royale qui accorde à toutes les personnes qui sont munies de l'autorisation de fabriquer de l'eau-de-vie de blé, une forte prime si elles veulent renoncer pendant trois mois à l'exercice de cette industrie. »
 
A Bourbon, un fléau de même nature que celui qui a frappé les pommes de terre dans plusieurs parties de l'Europe, paraît s'être déclaré dans les plantations de cannes à sucre. Des document officiels nous apprennent que la colonie de Bourbon, si productive et si florissante depuis quelques années, se trouve attaquée en partie et généralement menacée par un fléau terrible. La maladie attaque les cannes à sucre, et l'on ne connaît aucun moyen de les en garantir, ni d'arrêter ses progrèsFootNote( progrès<ref>Lettre du capitaine Latupie, venant des mers de l'Inde, fin septembre, et adressée au Courrier de la Gironde les premiers jours d'octobre.)</ref>.
 
Dans l'île de Cuba, suivant un journal américain, la récolte des sucres a généralement subi une diminution sensible : 200,000 tonneaux ont été obtenus l'an dernier ; on n'a réalisé cette année que 80,000 tonneaux.
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C'est sur la fin du mois d'août que la maladie des pommes de terre a été observée aux environs de Paris, par M. Ruger, à Andilly, Boulogne, Epinay, Enghien, Ormesson ; à Brunoy, par M. de la Marre, propriétaire, où elle a frappé de grandes surfaces, tout en épargnant ça et là des cultures semblables. A la même époque, M. Elisée Lefebvre a communiqué à la Société Royale et Centrale d'agriculture les premières notions sur ce sujet. Les premiers jours de septembre, la maladie ayant pénétré dans plusieurs départements du nord et de l'ouest, M. le Ministre de l'Agriculture et du Commerce a adressé une série de questions à la même Société et aux principaux Instituts agricoles de France. Dans le centre de ce royaume, et au 20 septembre, la maladie avait fait, depuis peu, de si rapides progrès, que la récolte était presque détruite, tandis que, quinze jours auparavant, il y avait à peine 1/10 d'affecté.
 
La ''Gazette de Metz ''annonçait vers le 15 septembre : « La contagion a gagné plusieurs communes des environs de Sarreguemines ; c'est surtout dans les terres fortes et humides que le dommage est le plus grand. Les tubercules infectés ne peuvent plus être donnés aux bestiaux sans danger. Le fléau s'étend du côté de Sarrelouis, de Leybach, et plusieurs pétitions viennent d'être adressées au gouvernement prussien pour solliciter la suspension de la distillation des pommes de terreFootNote( IIterre<ref>Il ne s'agit sans doute ici que de la distillation des pommes de terre saines, qui se pratique en grand dans toute l'Allemagne, où l'on fait une grande consommation de l'eau-de-vie ainsi préparée. La distillation des pommes de terre altérées est au contraire le meilleur moyen de tirer parti de ce tubercule désorganisé.)</ref>. On recommande généralement le plus prompt arrachage.
 
''« ''A Stenay (Meuse), écrivait-on sous date du 15 septembre, la maladie dont sont attaquées les pommes de terre des Flandres française et belge, a étendu ses ravages dans nos localités. C'est un véritable malheur. Les tubercules, dont les tiges sont étiolées, sont mous, imprégnés d'eau ; ils ne peuvent tarder à se pourrir totalement, et, tels qu'ils sont, il y a danger à en faire sa nourriture. »
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inline:Image5.png Les provinces de Maurienne et de Tarentaise sont les seules qui aient été à peu près épargnées ; les autres en ont toutes été plus ou moins frappées dans la proportion de 1/4 à 2/3. M. l'abbé Fr. Martin nous apprendFootNote( apprend<ref>Courrier des Alpes, 29 janvier 1846.)</ref> que la commune d'Allèves (Genevois), a éprouvé, à elle seule, une perte de plus de quatre-vingt mille kilogrammes de pommes de terre, perte qui, d'après les calculs des plus habiles économistes, équivaut à celle de trente mille kilogrammes de blé. En établissant un calcul sur des bases assez exactes, c'est-à-dire sur le nombre de journaux de terre cultivés en pommes de terre dans la Savoie, à raison d'un demi-journal par famille, sur la quantité des tubercules employés pour semence, sur le produit que l'on obtient ordinairement, et sur le prix de cette denrée dans le commerce, on peut évaluer la récolte totale du Duché à 3,894,590 quintaux métriques qui, à 4 fr., représentent un capital de 15 millions 578 mille 360 fr. — La perte totale doit donc se monter à ''cinq millions ''au moins !...
 
gangrène sèche appelée par lui ''végétale''FootNote( <ref>II faut cependant bien se garder de confondre la maladie d'aujourd'hui avec la gangrène séche décrite par M. de Martius (30), qui a sévi cruellement en Allemagne il y a quinze ans environ, et détruisit en grande partie les récoltes de la Bavière. )</ref>. Dans une communication analogue (séance du 6 octobre), M. Durand fait remarquer également que cette maladie a été déjà observée en France, et que lui-même a eu l'occasion d'en constater précédemment l'existence sur des tubercules qui avaient végété dans un sol humide, par exemple, dans certaines terres argileuses du pays d'Auge.
 
Selon toute apparence, le même mal aurait été aussi observé, à diverses époques, dans quelques localités en Savoie, à la suite des mêmes causes, mais en si petite proportion qu'on n'y a jamais pris garde. Pour moi, je crois fermement que, si l'on avait soumis à un examen rigoureux, comme on l'a fait cette année, les quelques tubercules altérés ou corrompus que l'on rencontre chaque année dans les champs de pommes de terre, on aurait trouvé la plus grande analogie entre cette altération partielle, rare à la vérité, de tous les ans, et celle qui a sévi en 1845 sur une si grande surface. Mais, je le répète, il a fallu des circonstances atmosphériques tout exceptionnelles pour que le fléau atteignit une surface aussi considérable, et la vaste étendue qu'il a embrassée dans sa marche est la seule cause du caractère tout particulier qu'on a voulu lui attribuer. Voici du reste une communication officielle propre à trancher nettement la question de nouveauté qui se rattache à la maladie qui a sévi cette année en Europe, en établissant que cette maladie, ou une maladie à peu près semblable, est endémique dans les Cordillères, la patrie originaire de ce tubercule.
 
M. le colonel Acosta écrivait à M. Boussingault sur la ''maladie des pommes de ''''terre ''dans la Nouvelle-GrenadeFootNote( Grenade<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 17 novembre 1845.)</ref>. « La maladie dont les pommes de terre sont atteintes sur le plateau de Bogota, dans les années pluvieuses, et même tous les ans dans les lieux humides et marécageux, est une espèce de champignon ou excrescence qui se développe sur différents points, et qui corrode plus ou moins profondément ces tubercules. Cependant, ce qui reste après avoir été les parties gâtées, est encore employé comme aliment, quoique cette substance soit alors loin d'être aussi bonne, comme nourriture, que le sont les pommes de terres saines.
 
Vous savez mieux que moi, que les pommes de terre sont indigènes sur les plateaux des Andes, et je ne doute point que la maladie dont je vous ai parlé a toujours été connue ; mais jamais les Indiens n'en sont alarmés, quoiqu'ils se nourrissent principalement de pommes de terre.
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Article 3.. — '''Marche géographique de la Maladie''' ;<br/> '''anomalie qu'elle a présentée dans son cours, tant pour la nature <br/> et l'exposition du sol, que pour les diverses variétés<br/> de Pommes de ''''''terre. '''
 
58. En résumé, la maladie des pommes de terre parait exister depuis quelques années dans le nord de l'Europe, où déjà, l'an dernier, le mal était devenu beaucoup plus grave dans certaines parties de ces régions. Cette année, aidée par des circonstances atmosphériques et par une humidité tout exceptionnelles, elle a pris, dès la fin de juillet, une extension des plus funestes. Ses ravages se sont exercés surtout en Belgique, dans certaines parties de l'Allemagne, en Angleterre, en Irlande, en Suède, en Hollande, à Groningue et aux environs d'Oldenbourg, d'où elle s'est avancée vers les plaines du nord, et au sud elle est descendue jusqu'à Lille. Bientôt ils se sont étendus en France, particulièrement dans les départements qui avoisinent le plus ses frontières nord et nord-est ; enfin, ils se sont fait sentir dans la Picardie, la Normandie, la Suisse occidentale, l'Alsace, la Savoie dans les environs de Paris et même plus avant vers le centre de ce royaume ; mais ils ne paraissent pas s'être étendus jusqu'au midi ; du moins, si le mal s'y est fait sentir, il n'a pas été assez grave pour alarmer ni pour provoquer des plaintes. Dans la plupart des départements français atteints, les pertes paraissent avoir été généralement beaucoup moindres, toute proportion gardée, que dans les Etats voisins, tels que la Belgique, la Savoie, etc., où un grand nombre de champs ont été tellement ravagés, qu'on n'a pas même songé à faire la récolte. Dans les contrées chaudes, la maladie ne paraît pas y avoir été aperçue. A Gènes, la première récolte de pommes de terre ne présentait aucune altération sensible ; mais celle tardive a été attaquée comme ailleurs, et s'est trouvée gravement endommagéeFootNote( endommagée<ref>Ces documents sont extraits du rapport de M. Abbene, pharmacien en chef de l'hôpital St-Jean, à Turin, sur la maladie des pommes de terre (Gazette de l'Association agricole, N° 43 et 51, 1845). Cet habile chimiste s'est assuré, par un examen comparatif, que la maladie des pommes de terre de Gènes, Coni et autres endroits du Piémont, était identique avec celle observée en Savoie et ailleurs.)</ref>. A Chiavari<ref>Les provinces de Gènes et de Chiavari sont les seules de la rivière de Gênes où la maladie se soit montrée.</ref>, la même maladie s'est montrée dans les communes du val d'Aveto, St-Etienne, Borzonasca, Cicagna, Varese. Dans la province d'Ivrée, les communes de Bairo, Samone, Locana, Baio, et celles de Viù, Lanzo dans la province de Turin, ont éprouvé le même dommage. D'autres pays, au contraire, comme Borgofranco, Inguria, Ribordone, etc., ont obtenu une récolte abondante.
 
A Valdengo et dans d'autres communes de la province de Bielle, les pommes de terre ont un peu souffert, bien qu'en général les variétés cultivées dans ce pays, la rouge et la blanche, n'aient pas éprouvé d'altération notable, excepté quelques tubercules qui, d'après le rapport du Comice, se sont gâtés par suite de l'humidité excessive, tandis que les tiges et les feuilles étaient encore vertes. Celles cultivées dans les environs des villes et provinces de Pallanza, Voguère, Tortone, Casai, Pignerol, Asti, Mortare, Novare, Brà, Novi, Carignan et autres endroits, ne paraissent pas avoir été altérées ; mais il faut remarquer que, dans ce pays, la culture de la pomme de terre est assez restreinte, et que la production de ce tubercule, en Piémont, n'y forme qu'une récolte tout-à-fait secondaire, qui ne s'élève pas, en totalité, au-delà du tiers de toute la production de la Savoie.
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62. Je termine cette partie statistique de la maladie des pommes de. terre par l'article suivant, qui, pour avoir puisé son sujet dans une seule localité, résume assez bien les généralités qui ont été observées sur divers points, et que je viens de décrire. Ces conclusions sont de M. l'abbé F. Martin, qui a étudié le fléau dans la vallée d'Allèves, dès son apparition dans cette commune de la province du Genevois.
 
« 1° La maladie a complètement ravagé les champs tournés directement au nord, les pommes de terre ont été entièrement putréfiées. 2° Les champs situés dans la partie orientale de la commune, composés d'un sol calcaire léger, sec, graveleux et sablonneux, ont été beaucoup moins maltraités que les terrains argileux, forts et compactes. 3° Plus l'inclinaison du sol était grande, moins aussi les tubercules étaient altérés, et, sous ce rapport, la différence était sensible dans un même champ. Les localités à surface horizontale ont éprouvé les plus grandes pertes. 4° Là où l'engrais avait été mis en plus grande quantité, les pommes de terre étaient plus gâtées ; et l'on a observé que l'engrais provenant des moutons a été plus nuisible que celui des autres animaux. 5° Les tubercules rouges communs du pays, ont plus souffert que les pommes de terre jaunes, et celles-ci plus que les ''printanières. ''6° Celles qui ont été plantées tôt et arrachées tard, sont celles qui ont le mieux réussi. Quelques individus qui avaient cru devoir en opérer la récolte de bonne heure, ont vu avec regret que, malgré leur belle apparence, la putréfaction les a promptement détruites. 7° Celles qui ont été plantées tard, ont généralement péri. 8° Aucune différence n'a été remarquée entre les tubercules placés près de la surface du sol et ceux qui étaient à une plus grande profondeurFootNote( profondeur<ref>Cette conclusion est en opposition avec ce qui a été remarqué ailleurs par la majorité des observateurs. )</ref>. 9° Au-dessous des tiges saines ou peu altérées, il y avait autant de pommes de terre gâtées qu'au-dessous de celles dont les tiges et les parties foliacées se trouvaient entièrement pourries. i0° La coupe précoce des tiges ne produit aucun résultat satisfaisant ni même appréciable. ii11° Dans quelques champs, l'altération complète de toutes les tiges s'est opérée en moins de trois jours. i2° La substance alibile ordinaire a été réduite de moitié, par l'effet de la maladie, dans les plantes les moins offenséesFootNote( offensées<ref>Courrier des Alpes, 29 janvier 1816. )</ref>. »
 
 
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Article 1<sup>er</sup>. — '''Nature de la Maladie'''.
 
63. C'est de M. Payen, l'un de ses membres, que l'Académie Royale des Sciences de Paris a reçu le premier travail sur la maladie des pommes de terreFootNote( terre<ref>Séance du 8 septembre.)</ref>. L'illustre académicien s'occupa d'étudier ce phénomène, dès qu'il fut signalé, aux environs de Paris, par une communication de M. Elisée Lefebvre à la Société Centrale d'Agriculture ; il étudia aussi les échantillons des pieds atteints que ce dernier avait pris dans ses cultures, de même que d'autres provenant de diverses localités où la maladie avait frappé de grandes surfaces, tout en épargnant cà et là des cultures semblables. Laissons parler M. Payen: « Partout, dit-il, j'ai vu les feuilles et les tiges attaquées avant les tubercules ; il me semble donc que l'altération est transmise des tiges aériennes aux tubercules.
 
Société Centrale d'Agriculture ; il étudia aussi les échantillons des pieds atteints que ce dernier avait pris dans ses cultures, de même que d'autres provenant de diverses localités où la maladie avait frappé de grandes surfaces, tout en épargnant cà et là des cultures semblables. Laissons parler M. Payen: « Partout, dit-il, j'ai vu les feuilles et les tiges attaquées avant les tubercules ; il me semble donc que l'altération est transmise des tiges aériennes aux tubercules.
 
Cela paraît plus évident lorsque l'on voit l'altération spéciale des tubercules se manifester et s'étendre des points rapprochés des tiges, autour du tubercule sous l'épiderme, puis envahir par degrés la couche corticale, avançant de la périphérie vers le centre.
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64. Dans une seconde note<ref>Séance du 15 septembre.</ref>, M. Payen fait connaître d'abord le procédé auquel il a soumis des tubercules attaqués, procédé qu'il a déjà exposé dans ses ''Mémoires sur le développement des végétaux. ''Le tubercule a été soumis pendant trois heures à l'action de l'eau bouillante ; après ce temps, tandis que dans les parties saines le gonflement des grains de fécule, arrondissant les cellules, a détruit leur adhérence, dans les parties déjà malades, malgré le gonflement de la fécule, les cellules restent solidaires, surtout sur les points malades, de manière à se séparer aisément du tissu sain adjacent. Après cet isolement, la fécule est éliminée par l'action prolongée, pendant quatre heures, d'eau aiguisée d'un centième d'acide sulfurique. On lave ensuite, et la substance pulpeuse qui reste se prêle fort bien aux observations microscopiques, à l'aide desquelles il a pu reconnaître un lacis filamenteux, de couleur jaune oranger, qui enveloppe les grains de fécule.
 
M. Payen a reconnu, par l'analyse, l'analogie de composition qui existe entre ce parasite et les autres champignonsFootNote( (l) champignons<ref>On a dû s'apercevoir déjà que l'habile chimiste attribue la cause de la maladie des pommes de terre a un champignon criptogamique ; cette opinion sera discutée dans l'article suivant (75).)</ref> ; ainsi il a trouvé dans le premier 9,75 d'azote pour 100, tandis que le champignon de couche en contient 9,78.
 
Les cellules envahies par les portions avancées du champignon, sont remplies de grains de fécule normale, enserrés dans les mailles du réseau qui s'est développé à l'intérieur ; mais, entre ces parties plus pénétrantes d'un côté, l'épidémie et le tissu herbacé d'autre part, qui ne contenaient jamais d'amidon, se trouve une couche plus ou moins épaisse de tissu offrant des cellules plus ou moins complètement vidées de leur fécule ; M. Payen explique par-là l'opinion des observateurs qui ont admis la disparition de la fécule par l'effet de la maladie.
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Voici, d'après M. Payen, les phases successives de cette affection. D'abord la substance organique azotée qui était appliquée sur la paroi interne de chaque cellule, s'en détache et forme une sorte de sac renfermant les grains de fécule encore à l'état normal ; bientôt ceux-ci diminuent et s'altèrent. Attaqués sur un point de leur surface, leur substance interne se désagrége et se dissout ; les parois de la cavité sont sillonnées de fentes irrégulières qui deviennent de plus en plus profondes. La substance comprise entre ces érosions se détache, disloque chaque grain ; le volume des débris amylacés diminue, l'enveloppe détachée se rétrécit et s'amincit peu à peu ; alors la cellule est presque toute vidée ; le sac, réduit à un très petit volume, contient seulement quelques fragments irréguliers, arrondis, de matière féculente. Enfin presque tout disparaît ; il ne reste que la chambre cellulaire diaphane et vide. Quelquefois les grains de fécule, attaqués sur plusieurs points extérieurs, se dissolvent concentriquement, couche par couche.
 
65. M. PouchetFootNote( Pouchet<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 15 septembre.)</ref>, professeur de zoologie à Rouen, admet, dans l'altération morbide des tubercules, quatre périodes distinctes :
 
:1° La production de granules bruns ;
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M. Pouchet a reconnu que les effets de la maladie se manifestent de deux manières, tantôt par un durcissement très prononcé, tantôt, au contraire, par un ramollissement total. Du reste, il a vainement cherché dans les tubercules des traces du champignon parasite, et 51 pense dès lors que l'altération qu'ils subissent est « tout simplement analogue à celle de certains fruits, tels que les poires, les pommes, etc. »
 
66. M. BouchardatFootNote( Bouchardat<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 15 septembre.)</ref> distingue deux phases dans le développement de la maladie : i° tubercules intacts ; couleur brune apparaissant par plaques irrégulières, assez fréquemment bornée à la partie corticale, s'irradiant irrégulièrement vers le centre. On y voit alors les grains de fécule intacts, entourés d'un liquide très légèrement coloré, contenant des particules plus colorées que le liquide, extrêmement ténues, de forme irrégulière, qui nagent dans le liquide. 2° Tubercules envahis par des cryptogames divers et par des animalcules microscopiques. La pellicule brune de la pomme de terre est fissurée, la masse est spongieuse ; c'est alors qu'on remarque des cellules où les grains de fécule sont beaucoup plus rares. Cette altération est secondaire. La maladie proprement dite consiste dans une altération spontanée de la matière albuminoïde, qui a donné aux parties envahies cette couleur fauve, caractéristique, qu'on remarqué sur les tubercules qui ont été privés de vie soit par la gelée, soit par une autre cause. Cette opinion étant admise, dit M. Bouchardat, on n'a pas à craindre de voir le mal s'étendre à d'autres récoltes.
 
2° Tubercules envahis par des cryptogames divers et par des animalcules microscopiques. La pellicule brune de la pomme de terre est fissurée, la masse est spongieuse ; c'est alors qu'on remarque des cellules où les grains de fécule sont beaucoup plus rares. Cette altération est secondaire. La maladie proprement dite consiste dans une altération spontanée de la matière albuminoïde, qui a donné aux parties envahies cette couleur fauve, caractéristique, qu'on remarqué sur les tubercules qui ont été privés de vie soit par la gelée, soit par une autre cause. Cette opinion étant admise, dit M. Bouchardat, on n'a pas à craindre de voir le mal s'étendre à d'autres récoltes. 67. M. le docteur Decerfz, de la Châtre (Indre)FootNote( <ref>Académie dus Sciences de Paris, séance du 15 septembre.)</ref>, dit que tous les symptômes que l'on assigne à la maladie extraordinaire des pommes de terre, caractérisent une maladie assez commune parmi les plantes d'une nature aqueuse, et qu'il a désignée, le premier, sous le nom de ''gangrène des végétaux, gangrène végétale. ''Aucune autre maladie ne saurait occasionner d'aussi grands ravages ; ce ne sont pas non plus des champignons d'une espèce parasite et microscopique qui seraient capables de détruire les récoltes d'une contrée entière. Cette cause ne pourrait produire que des effets partiels ou limités. Pour ce médecin, la maladie qui a attaqué simultanément des champs entiers de pommes de terre, et qu'il a été à même d'observer plusieurs fois, mais partiellement, en France, s'est déclarée d'abord sur les feuilles, puis sur les tiges, et a envahi les tubercules, qui se sont ramollis, désorganisés, et ont uni par se réduire en une sorte de pulpe ou putrilage noirâtre et fétide. « Ce sont assurément, dit-il, les caractères que j'ai assignés à la gangrène végétale, qui s'annonce par un point ou par une zone livide sur la tige, s'étend ou se multiplie sur toute la plante, et amène promptement la mort, après l'avoir réduite en une sorte de putrilage fétide. Au commencement de sa note, M. Decerfz rapporte les expériences qu'il a faites sur l'inoculation de cette maladie. La transmission du mal s'est opérée rapidement sur les herbes de nature aqueuse, et elle a déterminé leur mort en quatre ou cinq jours ; elle a eu lieu aussi sur les herbes d'une nature sèche, mais elle ne les a pas détruites entièrement. Enfin la même inoculation n'a produit aucun effet sur les plantes ligneuses.
 
M. Payen a communiqué à l'Académie une troisième note sur l'altération des pommes de terre<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 22 septembre.</ref>, dans laquelle il a développé ses idées et ses expériences relatives aux questions de savoir, si la maladie peut s'introduire dans les tubercules sans l'intervention de leurs tiges aériennes et de leurs racines, et si elle peut se transmettre des tubercules affectés aux tubercules sains. Nous reviendrons plus tard sur ce sujet.
 
68. M. Stas, professeur à l'Ecole polytechnique de Bruxelles, s'est constamment occupé de l'étude de la maladie des pommes de terre, dès le moment de son invasion en Belgique. Voici les principaux résultats auxquels ce savant est arrivéFootNote(arrivé<ref> id. id. )</ref>.
 
En prenant le mal à son origine, dit M. Stas, on observe d'abord sur la pomme de terre des taches jaunes, brunes ou noirâtres. Si le mal est faible, les taches sont rares ; quelquefois il n'y en a qu'une seule, d'autrefois plusieurs. Dans quelques circonstances, au lieu de taches, on trouve une dépression sans changement de teinte. Dans cet état, si l'on coupe le tubercule par tranches, on n'observe absolument aucun phénomène particulier dans son intérieur. Quand la maladie a fait quelques progrès, les taches se montrent en plus grand nombre où les dépressions sont plus fortes. En coupant les tubercules, on remarque, à l'endroit des taches, des marbrures jaunes, brunes ou noirâtres. Si le mal est encore plus intense, une grande partie des tubercules est atteinte de ces marbrures. Quand la tache est unique, elle se développe en épaisseur et en profondeur, en affectant la forme d'un cône dont la base est à la surface, le cône au centre du tubercule ou même au-delà.
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Ces résultats, comparés à ceux qui ont été exposés précédemment en traitant de la valeur réelle de la pomme de terre (31), prouvent en effet que ce tubercule contient, cette année, une plus grande quantité d'eau que d'habitude, circonstance qui n'est peut-être pas étrangère à la nature même de la maladie que nous analysons en ce moment.
 
69. A la même époque, je communiquai à l'Institut de France<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 22 septembre.</ref> le résultat des recherches que j'avais faites à ce sujet aux environs de Chambéry, et dont j'avais, quelques jours auparavant, donné connaissance à la Chambre Royale d'Agriculture et de Commerce de SavoieFootNote( Savoie<ref>Voyez le Courrier des Alpes, 20 septembre 1845.)</ref>, par qui j'avais été spécialement chargé d'étudier la maladie des pommes de terre. Voici la partie de mon Mémoire qui se rapporte à la nature même de l'altération.
 
« La partie de la plante qui végète dans l'air présente un aspect des plus tristes. Les feuilles sont noircies et desséchées au point de pouvoir être mises en poudre. Cette action désorganisatrice n'a attaqué qu'une petite partie des tiges, dont le plus grand nombre sont restées vertes ; quelques-unes se sont desséchées, mais non noircies, et, dans un petit nombre de cas, on en remarque qui contiennent un suc trouble, épais, d'un jaune brunâtre, d'une odeur désagréable et d'une saveur acre.
 
Quant à l'altération des tubercules eux-mêmes, on peut la diviser en deux catégories, selon qu'elle est profonde ou partielle. Dans le premier cas, la pomme de terre est entièrement ou presque entièrement désorganisée, convertie en une pulpe blanche, jaune ou brunâtre, d'une consistance plus ou moins molle, douée d'une odeur infecte et d'une saveur acre, piquante et nauséabonde ; quelques tubercules se trouvent même liquéfiés en partie, ou se liquéfient quand on les presse dans la main. L'odeur provient à la fois de la décomposition de la matière azotée contenue dans la pomme de terre, matière qui possède des propriétés assez remarquables (45), et d'une petite quantité de gaz acide sulfhydrique (hydrogène sulfuré), dont la présence est facilement décelée par une solution d'acétate de plomb, qui communique à la pulpe une teinte brunâtre : j'ajouterai que cette odeur disparaît en grande partie sous l'influence du sel plombiqueFootNote( plombique<ref>La présence de l'hydrogène sulfuré, dans les pommes de terre malades, à certain degré d'altération, que j'ai le premier constatée, a été confirmée depuis par MM. Girardin et Bidard, de Rouen (71).)</ref>.
 
La pulpe possède une réaction acide faible, mais très sensible ; mise en contact avec de la teinture d'iode, elle bleuit entièrement, ce qui prouve que la fécule n'est pas altérée, au moins dans sa constitution chimique. Cependant l'extraction de la fécule serait très difficile, sinon impossible, en raison de son mélange intime avec la partie fibreuse que la décomposition a réduite à un état de ténuité extrême. Les pommes de terre ainsi altérées ne sont bonnes à rien
 
et doivent être rejetéesFootNote( rejetées<ref>Les pommes de terre ainsi altérées ne peuvent servir, il est vrai, ni à l'alimentation de l'homme, ni à celle des animaux, ni à l'extraction de la fécule ; mais elles peuvent très bien être converties en eau-de-vie. (Voyez la troisième Partie de l'ouvrage). )</ref>. Heureusement, celles que comprend cette première catégorie, sont en très petit nombre ; elles forment approximativement un quarantième de la masse attaquée jusqu'ici par la maladie. Dans le second cas, c'est-à-dire quand l'altération n'est que partielle, la pomme de terre contient ça et là des taches dont la couleur varie du jaune foncé au brun marron, et qui pénètrent le tubercule à une profondeur moyenne d'une à deux lignes seulement. La partie ainsi altérée est tantôt ferme, tantôt molle ; son odeur est fade, parfois à peine sensible, et elle possède une saveur de pourri, sans autre. En coupant par tranches une de ces pommes de terre, on trouve que les taches dont je viens de parler, ont un aspect assez semblable à celles qu'on observe dans les pommes ordinaires qui commencent à se gâter. Dans cette seconde catégorie, on rencontre quelques pommes de terre dont l'altération, au lieu d'être superficielle comme dans le plus grand nombre des cas, a envahi une assez grande étendue de la surface des tubercules qu'elle a ramollie, décomposée et rongée comme un ulcère, jusqu'à une certaine profondeur. Mais ici encore, comme partout ailleurs, au-dessous et à côté de la partie gâtée, la pomme de terre est très-saine, et très bonne à manger, ce que j'ai mis hors de doute, ainsi que je le dirai plus loin (95). »
 
Comme on le voit, cet exposé résume en peu de mots l'altération des pommes de terre ; les principaux faits se trouvent en parfait rapport avec les idées des auteurs que nous avons déjà passés en revue, et avec ceux dont il nous reste à analyser les travaux. Je ferai connaître, en traitant de ces deux questions, mes expériences et mes opinions sur la cause de cette singulière maladie, ainsi que son influence sur l'alimentation des hommes et des animaux.
 
70. M. Payen continuant ses recherches sur l'altération spéciale des pommes de terre, a présenté une 4<sup>me</sup> noteFootNote( note<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 29 septembre.)</ref>, dans laquelle il expose l'examen chimique qu'il a fait des parties malades et des parties saines d'un même tubercule, en opérant sur une pomme de terre blanche, volumineuse, d'une qualité en général peu riche de fécule, et récemment sortie d'une terre très humide. La portion corticale envahie, excisée pour l'expérience, sur une épaisseur de 7 millimètres, pesait 5 grammes 670 ; son poids, après dessication, était de 1 gramme. Une partie corticale saine, excisée de même épaisseur, un peu plus large, pesait 7 g. 700, et se réduisait à 1 g. 538. D'où l'on déduit en centièmes,
 
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M. Payen a constaté que le tissu envahi pèse deux fois plus que le tissu normal, ce qui s'accorde bien, dit-il, avec la supposition d'un développement parasite. De plus, tandis que, dans un tissu sain, l'habile académicien trouvait 15,08 de fécule, le tissu envahi par la maladie n'en fournissait plus que 12,08. Ainsi, par le fait de l'altération spéciale, une portion du tissu perdit 3 de fécule sur 15, ou 20 pour 100. Cette altération avait introduit, en outre, un corps résistant organisé, contenant une substance grasse, et offrant la composition immédiate et élémentaire des champignons. Comme il est facile de le voir, l'illustre chimiste tient à soutenir la thèse qu'il a avancée en premier lieu, en attribuant la cause de la maladie des pommes de terre à une végétation cryptogamique. Cependant, malgré l'autorité d'un nom aussi remarquable, j'oserai manifester une opinion contraire qui, du reste, se trouve partagée par le plus grand nombre d'observateurs. Mais revenons à la question qui nous occupe en ce moment.
 
71. MM. Girardin et BidardFootNote( Bidard<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 29 septembre)</ref>, chargés par les Sociétés centrales d'Agriculture et d'Horticulture de la Seine-Inférieure, d'étudier la maladie qui a régné sur les pommes de terre, et de chercher les moyens d'utiliser celles qui étaient attaquées, se sont livrés à ce travail dès la fin du mois d'août. On peut résumer ainsi les résultats obtenus par les chimistes de Rouen, sur la nature même de cette altération. — Sur une même touffe de pommes de terre, il y a eu souvent des tubercules entièrement sains et des tubercules en voie de décomposition. Les premiers ont offert les caractères suivants : la peau ou épiderme tient fort peu au parenchyme intérieur ; elle s'enlève facilement par un léger frottement. Si l'on coupe un de ces tubercules en deux par le milieu, on remarque qu'il n'y a pas homogénéité dans la masse, on aperçoit des stries ou veines se dirigeant en tout sens, et qui paraissent être d'une densité moins grande que le tissu environnant ; ces veines sont plus transparentes, et, à la vue, on serait tenté de croire qu'elles contiennent plus d'eau.
 
MM. Girardin et Bidard établissent trois périodes de la maladie. Dans la première, le mal commence à se manifester par quelques points rougeâtres qui prennent naissance sous l'épiderme des tubercules. Le nombre de ces points augmente rapidement dans les premiers temps, et ils ne tardent pas à former, dans toute la circonférence, un cercle de deux à trois millimètres d'épaisseur.
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MM. Girardin et Bidard concluent en définitive que : i° la maladie des tubercules résulte d'une simple fermentation, qui rentre dans le cadre des fermentations ordinaires ; 2° la cause ne peut en être attribuée à un développement anormal de champignons, mais plutôt à la production de cette matière rougeâtre qui apparaît au début de la maladie, et qui, agissant à la manière d'un ferment, détermine bientôt la putréfaction de l'albumine, laquelle, à son tour, provoque la désorganisation du tissu cellulaire ; l'origine du phénomène remonte aux conditions atmosphériques peu favorables de cette année ; 3° à aucune époque de la maladie, la fécule ne subit d'altération ; 4° à l'exception d'un peu d'hydrogène sulfuré, il ne se forme aucun produit important ; 5° à la première période de la maladie, les tubercules peuvent servir sans inconvénient à la nourriture des bestiaux.
 
72. Jusqu'ici les divers auteurs dont nous avons parlé, ont représenté l'altération des tiges comme précédant toujours celle des tubercules ; M. Durand, d'accord avec mes propres observations (69), écrit à l'AcadémieFootNote( Académie<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 14 octobre.)</ref> que les faits qu'il a recueillis ne paraissent pas confirmer cette loi. Il a vu, en effet, dans beaucoup de cas où les fanes étaient mortes avant l'époque ordinaire, les tubercules parfaitement sains, tandis que dans d'autres où les fanes étaient encore entièrement vertes, plus d'un tubercule était attaqué. Dans les localités où la plante a le plus souffert, rarement les pieds malades ont offert plus de deux ou trois tubercules malades, et l'on a rencontré assez souvent des pieds parfaitement sains.
 
M. PayenFootNote( Payen<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 22 septembre.)</ref> s'est livré à des expériences très ingénieuses pour connaître si la maladie peut s'introduire dans les tubercules sans l'intervention de leurs tiges aériennes et des racines, et si elle peut se transmettre des tubercules affectés aux tubercules sains. — Dix tubercules attaqués furent rangés sur un plateau autour de deux tubercules sains d'une autre variété, et dont un était coupé par un plan passant dans l'axe. Le plateau fut maintenu sous une cloche, dans un air presque saturé d'humidité, à une température de 20 à 28° centigrades.
 
Au bout de huit jours, on n'apercevait aucun signe de transmission ; quatre jours plus tard un changement s'était manifesté à la surface de l'axe des sections du tubercule coupé. Cette surface paraissait sèche et blanche comme de la fécule en poudre. Soumise à l'observation microscopique, la partie offrant l'aspect pulvérulent se composait, en effet, de fécule débarrassée des enveloppes cellulaires. Les débris des cellules se retrouvaient parmi cette masse blanche inerte. Au-delà, et sur la limite de la masse blanche, se sont retrouvés des organismes de couleur orangé fauve, semblable à ceux qui paraissaient à M. Payen, représenter la tête du champignon.
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Ici la transmission du mal ne s'est pas faite par contact direct, mais à la faveur de l'agitation imprimée à l'air. Du reste, à l'inverse de ce qui arrive dans les tubercules envahis sur pied, la propagation avait lieu du centre à la périphérie. Ainsi, dans certaines circonstances, ajoute M. Payen, la maladie peut arriver sans l'intervention des tiges. Des tubercules sains ont été mis ensuite presque jusqu'en contact avec des tubercules malades, mais dans une atmosphère en grande partie privée d'humidité ; après douze ou quinze jours, il n'y avait aucune apparence d'altération quelconque. — Ce fait, que j'ai eu occasion de confirmer, est très intéressant, en ce qu'il indique d'une manière plus certaine les influences à redouter, ainsi que la nature des précautions à prendre pour les éviter ou les amoindrir.
 
73. La Société Royale d'Agriculture de Lyon s'est réunie en séance extraordinaire, le i0 octobre, sous la présidence de M. Guimet, pour s'occuper de la maladie des pommes de terre qui frappait en ce moment les environs de ce département. Dans cette séance, à laquelle j'ai eu l'honneur d'assisterFootNote( assister<ref>Voyez le Compte-rendu de cette séance dans la Gazette de Lyon, Numéro d'octobre 1845.)</ref>, M. le docteur Jourdan a fait part à la Société des recherches auxquelles il s'était livré et se livrait encore à cette époque, soit sur ses causes, soit enfin sur les conséquences qu'elle pouvait avoir. Relativement au premier point, la maladie, selon M. Jourdan, est caractérisée surtout par des plaques roussâtres qui se développent dans un ou plusieurs points, et marchent avec une rapidité extrême ; cette maladie se développe partout, à toutes les profondeurs, sur toutes les parties de la plante, les tiges, les pédoncules, les graines et les tubercules. Pour preuve, M. Jourdan fit passer sous les yeux de la Société des plantes qui offraient ces diverses altérations à des degrés différents, et qui démontraient que le mal s'établit partout indistinctement, au lieu de se communiquer de la tige au tubercule, comme on l'a dit ; il montra des tiges saines et des tubercules malades, des tiges malades et des tubercules sains, des tiges malades, un tubercule sain, et, à l'extrémité de ce dernier, un second tubercule affecté. Des graines malades se présentaient sur des tiges saines avec des tubercules malades. C'est donc là la démonstration positive de ce fait, que la maladie peut attaquer et a attaqué également tous les organes de la plante.
 
Plusieurs autres membres de la Société ont également pris part à la discussion ; ce sont MM. Guimet, président ; Hénon, secrétaire ; Tissier, Lortet, Bottex, Gariot, Jourdan, Montain, Pravaz, Bonjean, etc. — J'aurai occasion de citer ailleurs les opinions de ces honorables membres, les sujets qu'ils ont traités se rapportant à une autre partie de l'histoire de la maladie des pommes de terre, que celle qui vient de faire l'objet de cet article.
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74. Une des faces les plus intéressantes de la question est celle qui a rapport à l'action de la maladie sur la fécule. D'abord quelques observateurs avaient été portés à admettre que cette matière disparaissait dans les tubercules affectés ; mais des observations plus exactes sont venues détruire cette manière de voir que j'ai combattue dès le principe (69), et, aujourd'hui, il est parfaitement démontré que la fécule se conserve saine et intacte au milieu de l'altération des substances qui l'entourent, et qui semblent l'enlacer dans une sorte de réseau de couleur brune. C'est seulement dans la plus haute période de la maladie qu'elle peut subir elle-même les atteintes de l'altération, mais alors déjà les tubercules de cette catégorie, qui sont en petit nombre, ne sont plus dans un état qui permette de les utiliser.
 
D'après MM. Girardin et Bidard, de RouenFootNote( Rouen<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 29 septembre.)</ref>, la fécule, dans les tubercules les plus avancés en décomposition, n'a perdu aucun de ses caractères physiques et chimiques. Dans l'eau froide qui a macéré sur les tubercules pourris, on ne trouve ''ni sucre ni dextrine. ''Lorsqu'on examine au microscope un fragment de parenchyme altéré, on n'aperçoit aucune portion du tissu tégumentaire des globules d'amidon. L'analyse comparative des pommes de terre saines et gâtées vient corroborer le fait de la non-altération de la fécule. Voici les proportions de fécule retirées, par ces chimistes, de 100 parties des unes et des autres :
 
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Cette légère différence, dans les rudiments, ne peut être attribuée à une destruction de la fécule par suite de la fermentation. L'on sait d'ailleurs que la quantité de principe amylacé varie avec chaque espèce de pomme de terre, et qu'une même variété de ce tubercule peut en produire des proportions très différentes, selon la nature du sol où elle a cru, l'époque à laquelle la fécule a été extraite, etc.
 
Dans une réunion du Comice de Chambéry qui a eu lieu le 11 octobre 1845, pour entendre le rapport d'une Commission chargée d'étudier la maladie des pommes de terreFootNote( terre<ref>Courrier des Alpes, 25 septembre et 14 octobre.)</ref>, M. Félix Gruat, l'un des directeurs de la papeterie de l'Aisse et conservateur du Musée agricole de la Société Royale d'histoire naturelle de Savoie, a fait, au nom de cette Commission, l'exposé des recherches auxquelles il s'est livré pour connaître la quantité des substances alimentaires contenues dans la pomme de terre altérée.
 
M. Gruat a fait choix de pommes de terre gâtées, mais sans ramollissement : ces pommes de terre, soumises à un rapage et à un lavage convenables, ont donné une fécule très blanche et de bonne qualité, dans une proportion de 14 pour 100. Des pommes de terre plus altérées, déjà ramollies, répandant une odeur infecte, ont subi la même opération, et ont donné, dans la proportion de 7 pour 100, une fécule boueuse et d'un brun sale. Les eaux-mères étaient gommeuses et filantes. L'eau provenant du lavage de ces pommes de terre ainsi putréfiées, répandait une odeur infecte ; elle paraissait avoir entraîné avec elle les parties malades devenues solubles, puisque le son, résidu de l'opération, loin de présenter les mêmes caractères, était mangé avec avidité par les bestiaux.
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84. M. Philippar, professeur à l'Institut de Grignon, combat également l'opinion qui attribue la maladie à la présence d'un champignon microscopique. Il regarde le développement de ces parasites comme un des effets et non la cause du mal. Cette affection, qu'il a soin de distinguer de plusieurs autres dont j'ai parlé précédemment (36), et auxquelles la même plante est sujette, qui en attaquent, les unes, telles que la ''frisolée, ''les parties vertes, les autres, comme la ''gangrène sèche, ''les tubercules, est, suivant ce professeur, due en grande partie aux influences extérieures, aux conditions météorologiques de l'année. Cette conclusion, à laquelle il a été conduit par ses propres observations, fait qu'il ne partage pas complètement, pour l'avenir, les craintes qu'ont manifestées plusieurs agronomes ; M. Bouchardat est de cet avis.
 
Cette opinion, je l'ai manifestée de bonne heure dans le Mémoire que j'ai lu à la Chambre d'Agriculture de Savoie, le 18 septembre (69), et qui a été reproduit ensuite dans plusieurs journaux de France et de l'étrangerFootNote( étranger<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 22 septembre. — Courrier de Lyon, 24 septembre. — Echo du Monde savant, 5 octobre, etc.)</ref>. Je m'exprimais ainsi sur les causes de la maladie :
 
« On s'est effrayé à tort, en répandant l'idée que ce genre d'altération pouvait bien être l'invasion d'une maladie qui viendrait, pour ainsi dire, prendre en Europe son droit de domicile, ou provenir de quelque champignon microscopique d'une espèce parasite qui, ayant fructifié dans nos pays, menacerait de désoler de la même manière les récoltes futures!... Rassurons-nous à cet égard. Il est très certain que les circonstances atmosphériques exceptionnelles qui ont signalé cette saison, sont seules la cause de ce désastre, et que, comme on l'a déjà dit, les alternatives fréquentes de pluie et de soleil, et de froid peut-être, suffisent pour expliquer la désorganisation des tissus chez une plante gorgée en partie de fluides aqueux.
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La pluie seule, le trop d'humidité, ne sont pas fa cause déterminante de cette maladie, car les tubercules les plus attaqués sont ceux qui effleurent la terre, tandis qu'on en trouve à peine dans la partie la plus inférieure ; ainsi donc, je le répète, ce fléau paraît être le résultat exclusif du mélange combiné et alternatif des pluies et d'un soleil ardent. »
 
85. M. DurandFootNote( Durand<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 6 octobre. )</ref>, dont j'ai déjà cité les travaux sur ce sujet, attribue aussi le développement de la maladie aux influences atmosphériques de l'année, favorisées dans beaucoup de cas, ainsi qu'il a été dit, par des circonstances locales. Des expériences entreprises dans le but de vérifier cette opinion, ont eu pour résultat, d'une part, de montrer qu'on pouvait produire la maladie en faisant naître les causes auxquelles on était fondé à l'attribuer ; et, de l'autre, qu'on pouvait l'arrêter, jusqu'à un certain point, en plaçant le végétal dans des circonstances opposées.
 
86. La cause du mal, dit M. Gerard<ref>(S) id. id. du 20 octobre.</ref>, est dans la présence de cette substance brune et résistante, non encore suffisamment étudiée, qui semble agglutiner les grains de fécule et en empêche l'isolement. Malgré ses essais réitérés, et l'emploi de tous les réactifs, M. Gerard n'a jamais pu obtenir d'autres résultats que de la déchirer en lamelles conservant leur coloration, quelque ténu que fût chaque lambeau, et il y a vu les vaisseaux colorés sans avoir changé de structure, mais paraissant d'une densité plus grande que dans l'état naturel. Cette maladie elle-même n'est sans doute, selon le même auteur, que le résultat de circonstances atmosphériques contraires, qui ont amené brusquement et entretenu pendant plusieurs jours la stagnation des fluides nourriciers, ce qui a opéré dans le tissu de la pomme de terre en voie de maturation, une altération qui a gagné de proche en proche les tissus voisins, sans altérer la fécule qu'on retrouve jusque dans les tubercules dans l'état le plus complet de décomposition, mais d'une extraction difficile. « On peut donc regarder cette maladie, ajoute M. Gérard, comme une ''gangrène sèche, ''et l'on n'a pas besoin, pour l'expliquer, de recourir aux parasites : jamais, dans la gangrène des tissus animaux, on n'a cherché cette explication ; pourquoi alors l'apporter pour celle des tissus végétaux, et ne pas regarder plutôt les parasites comme le résultat que comme la cause de l'altération des tissus ? »
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Pour la Commission nommée par la direction centrale de l'Association Agricole, à Turin<ref>Cette Commission était composée de MM. les chevaliers Despines, ingénieur en chef des raines ; Moris, professeur de botanique, et de MM. Tessier, médecin des hôpitaux, et Abbene, pharmacien-chimiste, rapporteur.</ref>, « la maladie des pommes de terre doit être attribuée à l'humidité, aux longues pluies, aux changements subits de température pendant le jour et la nuit, aux accidents atmosphériques qui ont eu lieu pendant le cours de l'année, lesquels, en altérant les feuilles et ensuite la tige de ce végétal, ont fait cesser les fonctions de la végétation. — Les champignons et les insectes observés sont l'effet et non la cause de la maladie<ref>Gazette de l'Association agricole des Etats Sardes, 24 octobre et, 19 décembre 1845.</ref>. »
 
87. Enfin, M. Munter, qui a étudié cette maladie dans le nord de l'AllemagneFootNote( Allemagne<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 3 novembre 1845.)</ref>, n'a pu trouver ni les tiges ni les feuilles de la plante infectées par la présence d'un champignon parasite microscopique, ou par l'altération connue sous le nom de ''frisotte. ''L'envahissement des tubercules par le mal a eu lieu d'une manière tout-à-fait subite aux environs de Berlin, entre le 5 et le 8 septembre, au dire des cultivateurs. On se rappelle que c'est précisément à cette époque que les premiers symptômes de la maladie ont été remarqués en Savoie (56).
 
Ainsi, d'après M. Munter, ni la surface du tubercule, ni l'intérieur des cellules ne sont le siége d'un champignon. Lorsque l'altération a déjà fait de certains progrès, la pulpe ne se borne plus à une simple désagrégation ; elle finit par présenter au contact et à l'œil nu, tous les caractères du pus qu'on retirerait d'un abcès, ou d'une plaie en suppuration sur le corps d'un animal.
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Ces recherches, quelque exactes qu'elles puissent être, ne sauraient détruire cette opinion que les influences atmosphériques sont la cause, la plus apparente du moins, de la maladie qui a atteint les pommes de terre en 1845. Les chiffres établis par le noble pair ne prouvent rien en faveur d'une opinion contraire ; car, dans la plupart des cas, personne n'ignore que c'est moins la quantité de pluie, le " nombre de pluies et les degrés du froid qui influent sur les produits d'une récolte, que l'époque même de la végétation et l'état où celle-ci se trouve quand elle est frappée par des causes extérieures contre nature. 89. Parmi les divers observateurs dont je viens de rapporter l'opinion, et dont on pourrait encore étendre la liste, nous avons vu que les uns ont attribué le mal à l'action d'un champignon parasite ; les autres n'y ont vu qu'une modification morbide du contenu des cellules, modification qui cependant, ainsi que nous l'avons établi, ne s'étend pas jusqu'à la fécule ; d'autres enfin, et c'est le plus grand nombre, en rattachent la cause aux influences atmosphériques. Qu'on n'aille pas croire que tout est fini là, et que l'on soit réduit à chercher la vérité dans le cadre ''mesquin ''des opinions qui viennent d'être décrites. La nature du sujet offrait un champ trop vaste à l'imagination des micrographes, pour que nous ne dussions pas attendre, de leurs doctes élucubrations, des résultats plus complexes ; c'est ce que vient, de faire un savant, en donnant à ce sujet des proportions vraiment gigantesques. M. Gruby<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 22septembre 1845.</ref>, l'auteur qui s'est le plus servi du microscope, a vu dans les pommes de terre avariées, une épopée tout entière ; des armées d'animalcules rivaux se livrant d'horribles combats, tandis que les autres s'abandonnaient à la vie molle et paresseuse du sérail, en rongeant les pommes de terre sans souci du lendemain.
 
S'il faut en croire M. Gruby, les pommes de terre auraient non pas une mais trois maladies, c'est-à-dire trois maladies scientifiques ; elles seraient atteintes, 1° d'une maladie parasitique animale ; 2° d'une maladie mélanotiqueFootNote( mélanotique<ref>Mélanotique, de Mélanore, maladie noire.)</ref> ; 3° d'une maladie parasitique végétale. Ce savant a vu dans les parties altérées, des espèces de nids renfermant une grande quantité d'acarus de tout âge, des femelles en état de gestation, des œufs, des fétus et des tests d'acarus morts. Ces animalcules porteraient deux paires de membres articulés, recouverts de poils et réunis à leur extrémité par un ongle recourbé et pointu ; la tête de ces monstres invisibles à l'œil nu, porte deux mâchoires sur les côtés et deux poils très pointus sur le front. Ces acarus, suivant l'habile micrographe, sont semblables à ceux qu'on rencontre dans les vésicules de la gale des animaux. Jusqu'à présent, on avait cru ces parasites doués d'appétits franchement carnassiers ; il parait qu'ils ont soudain adopté le régime des pommes de terre. M. Gruby ne s'est pas contenté de constater leur présence, il a été témoin de leurs querelles, de leurs luttes, de leurs guerres intestines, et il a tracé d'une main vigoureuse, conduite par une imagination trop féconde, le tableau pittoresque de leurs mœurs dramatiques.
 
90. Passons maintenant à quelques détails plus ''rassurants, ''et terminons ce qui nous reste à dire sur la cause de la maladie des pommes de terre, par citer les travaux d'un autre auteur qui a bien également observé des animaux microscopiques sur les tubercules altérés, mais sans leur attribuer toutefois un rôle aussi actif que celui que M. Gruby a prétendu leur faire jouer dans la circonstance qui nous occupe.
 
M. Guérin-MénévilleFootNote( Ménéville<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 13 octobre.)</ref>, membre de la Société Royale et Centrale d'Agriculture de Paris, a étudié avec soin ces êtres si nombreux, observés jusqu'ici dans les pommes de terre malades, et destinés à concourir, avec d'autres forces de la nature, à la transformation incessante de la matière. Les petits animaux qui font le sujet de son travail, appartiennent à quatre grandes divisions zoologiques, les ''acariens, ''les ''myriapodes, ''les ''insectes ''et les ''helminthes. ''L'auteur pense, ainsi que beaucoup d'autres observateurs, que la présence de ces animaux n'est que la conséquence de l'altération des pommes de terre et non sa cause ; ils se sont développés dans ces tubercules parce que ceux-ci et la plante entière, rendus malades par les froids du printemps et l'humidité constante qui a régné cette année, leur ont offert un sol convenablement approprié à leurs mœurs, un sol garni de cryptogames dont ils se nourrissent, présentant un commencement de fermentation propre à faciliter le développement de leurs germes, etc.
 
Parmi les ''Scandes, ''M. Guérin-Ménéville a observé deux espèces nouvelles appartenant à deux genres distincts, et trouvées en grand nombre sur les pommes de terre altérées, ou dans de petites cavernes des tubercules malades. L'auteur donne à la première le nom de ''Glyciphagus feculorum'', et à l'autre celui de ''Tyroglyphm feculœ. ''Ces deux espèces doivent se développer dans d'autres matières féculentes analogues ; mais M. Guérin n'a pu trouver dans les auteurs aucune observation sur ce sujet. Il est probable aussi que la fécule de divers végétaux, en se modifiant, doit donner naissance à diverses espèces de ces petits animaux, lesquels jouent peut-être un rôle indispensable dans les phénomènes qui constituent ces modifications ; mais la science manque encore de faits bien observés à ce sujet.
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Parmi les ''Myriapodes'', une petite espèce du genre Iule a été remarquée ; c'est ''l'Julus guttutatus ''des auteurs. Ce myriapode se trouve dans toutes les matières végétales en décomposition ; on le rencontre à la racine des plantes potagères, sous les amas d'herbes mortes, dans les fruits tombés et meurtris, dans les fraises qui posent à terre, etc. Ces animaux ont 15o pattes, et cependant leur marche est très lente.
 
Les ''Insectes ''observés jusqu'ici dans les pommes de terre malades, font partie de l'ordre des Coléoptères et de celui des Diptères ; plusieurs n'ont été trouvés qu'à l'état de larve ; et comme ces larves appartiennent aux espèces les plus petites, et par conséquent les moins connues, M. Guérin n'a pu arriver qu'à les déterminer approximativement. La plupart de ces larves ou des insectes parfaits appartiennent aux groupes si nombreux dont les diverses espèces se nourrissent de champignons, de moisissures et d'autres Cryptogames, afin d'en hâter la décomposition ; on a trouvé parmi ceux-ci une ou deux espèces carnassières, venues là pour leur donner la chasse et s'en nourrir. Parmi ces insectes, au nombre de neuf, je citerai seulement une larve de Taupin, découverte par M. Royer, inspecteur de l'Agriculture, près de Metz. Cette larve perfore les pommes de terre malades et saines, et devient très nuisible aux récoltes. On sait, du reste, qu'en Angleterre les agriculteurs ont signalé la larve du Taupin des céréales, comme nuisant aussi beaucoup aux navets, aux carottes, aux pommes de terre, aux choux, aux salades, etc., etc., et, dans les jardins fleuristes, auxiridées, lobelliées, œillets, etc. Elles pénètrent quelquefois en grand nombre dans ces diverses racines, et dévorent tout leur intérieurFootNote( intérieur<ref>Un horticulteur, M. Hogg, a fait connaître le moyen qu'il emploie pour en préserver ses fleurs, Ayant remarque que ces larves sont plus friandes de laitues, il répand sur le sol des tranches de la tige de cette plante, pour y attirer les vers, qui ne manquent pas de s'y rendre la nuit, et il n'a plus qu'à secouer ces fragments sur une toile, pour en faire tomber les larves, qu'il détruit ainsi avec facilité. On a remarqué que les faisans les recherchent avec avidité, et que l'estomac de plusieurs de ces oiseaux en était empli.)</ref>.
 
Enfin les ''Helminthes ''trouvés dans les pommes de terre malades appartiennent à une nouvelle espèce de Rhabditis, genre qui comprend les vibrions du blé, de la colle et du vinaigre. Cette espèce se distingue par plusieurs caractères faciles à saisir ; M. Guérin-Ménéville lui a donné le nom de ''Rhabditis feculorum. ''
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94. L'altération des tubercules est plus importante et mérite un sérieux examen. Quelle qu'ait été l'époque de l'invasion de la maladie, et les lieux où elle ait sévi, elle a toujours présenté trois périodes d'intensité : la première, indiquée par des taches qui envahissent la surface, et qui pénètrent un peu dans l'intérieur, en s'annonçant par une couleur rousse ou fauve, analogue à celle que l'on remarque dans les pommes meurtries ; dans la seconde, les taches s'agrandissent et pénètrent plus profondément ; les parties gâtées cèdent à la pression, laissent échapper un liquide, et répandent une odeur désagréable ; la troisième enfin est marquée par l'altération complète des tubercules, qui répandent une odeur infecte, et sont remplis de larves et de vers de toutes espèces ; conséquence toute simple, et non la cause, de l'altération des différentes parties du végétal, de même qu'on a vu naître, dans les mêmes circonstances, des animalcules, sans les considérer comme l'origine de cet état morbide. Ces altérations qu'ont éprouvées les pommes de terre, tant dans leurs tiges que dans les tubercules, peuvent se comparer, dans leur ensemble et avec assez d'exactitude, aux effets de la gelée. En effet, comme dans ce dernier cas, le parenchyme des tubercules a perdu sa résistance, et les cellules qui le composent ont cessé d'adhérer les unes aux autres. II en résulte, par les progrès du mal, une pulpe sans consistance, colorée en jaune brun, signe caractéristique de la maladie de 1845. Dans tous les cas, les grains de fécule ne sont que peu ou pas altérés, fait intéressant qui sauve, à lui seul, une grande partie du dommage causé par le fléau.
 
M. Reverdy, pharmacien-chimiste à Moûtiers, qui a aussi étudié cette maladie dans son arrondissement, a rencontré plusieurs variétés de tubercules, en petit nombre il est vrai, chez lesquelles le phénomène s'est produit avec des caractères tout-à-fait particuliers, et qui semblent montrer ses différentes phases. « Les taches, dit cet habile confrèreFootNote( confrère<ref>Gazette de l’Association agric. des Etats Sardes, 19 dëcdéc. 184*1845.)</ref>, passent de la teinte violacée au rouge ; elles présentent des dépressions irrégulières, variant d'un demi-millimètre de profondeur, produites par la décomposition du tissu sous-cutané, qui est alors coriace et d'un brun foncé, s'il est peu épais ; dans le cas contraire, c'est-à-dire s'il a quelques millimètres, il est également brun à la superficie, mais souvent blanc et mou au-dessous ; d'autres fois il est blanc, spongieux, ou bien sec et pulvérulent. Ces trois dernières conditions indiquent évidemment des degrés successifs d'altération, du commencement à la fin. »
 
En coupant en travers un tubercule attaqué, on remarque que ses portions atteintes ont une couleur brune qui les fait facilement reconnaître. Cette couleur brune est surtout prononcée vers l'extérieur, mais on la remarque aussi plus avant dans l'intérieur ; et, avec un peu d'attention, on ne tarde pas à l'observer sur des points entièrement entourés de tissu encore sain, et par conséquent isolés. Si cet examen superficiel ne satisfait pas, il est facile de pénétrer plus avant dans la nature même de l'affection, en appelant à son secours le microscope. On reconnaît alors que cette couleur brune est due à une matière qui suit toutes les parois des cellules attaquées, et qui s'étend aussi dans tout leur intérieur. Disons enfin, pour terminer, que tous les tubercules n'ont pas été généralement attaqués, bien qu'ils aient pu l'être ; fréquemment le mal a commencé par la surface. C'étaient d'abord une ou plusieurs taches brunes, plus ou moins étendues et à peine visibles, qui, s'élargissant peu à peu, se réunissaient entre elles, gagnaient bientôt le centre, finissaient par altérer la plus grande partie de la pomme de terre, désagrégeaient sa substance et lu rendaient molle, brunâtre, infiltrée d'un liquide grisâtre, d'une odeur fétide et pénétrante qui rappelait celle du moisi ou des champignons altérés (79).
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Tel est l'exposé, aussi fidèle que possible, des caractères particuliers de la maladie des pommes de terre, ainsi que des opinions émises sur la nature et les causes de cette altération. J'ai cru devoir étudier* cette partie de la question avec quelques détails, parce que les conséquences auxquelles elle conduit sont de la plus haute importance. En effet, si la maladie est due à l'influence d'un champignon parasite, rien ne nous garantit contre sa réapparition l'année prochaine ; si, au contraire, elle consiste uniquement dans une altération organique, les causes extérieures qui l'ont produite cette année peuvent très bien ne plus se présenter, nous l'espérons du moins, et dès lors l'avenir de cette précieuse ressource vient s'offrir sous un jour beaucoup moins sombre.
 
Les opinions qui attribuent la maladie de la pomme de terre à une espèce de fermentation putride, me paraissent les plus probables ; elles sont au moins conformes à l'observation des autres végétaux. M. GrelleyFootNote( . Grelley<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 1er décembre.)</ref> pense que l'on ne peut voir là qu'une fermentation du parenchyme avec ses conséquences naturelles. Quant à la présence des végétaux cryptogames et des animaux parasites, je crois qu'elle est tout-à-fait secondaire. D'ailleurs, comme l'a dit avec raison M. Lesquereux, au point où en est l'étude des
 
cryptogames et des insectes parasites, il est impossible d'assigner à leur reproduction, à leur développement, à leur apparition enfin, des causes certaines. Sur ce sujet, les observations, quelque scrupuleuses qu'elles soient, ne seront jamais d'accord ; car, dès qu'une plante est atteinte d'une prédisposition morbide, elle se couvre bientôt de diverses espèces de ces petits champignons, qui toutes sont à la mort végétale ce que sont les insectes aux décompositions animales,'plus souvent encore le résultat que la cause.
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« Dans l'état des choses, on s'est naturellement demandé si les animaux et les hommes mêmes peuvent manger sans danger les tubercules plus ou moins altérés, et, dans le cas contraire, quel autre parti on pourrait en tirer. Déjà MM. Payen et Philippar ont répondu affirmativement, en ajoutant de prendre la précaution de laisser de côté les parties entachées par une altération sensible. Mais l'opinion de ces savants n'a point satisfait l'esprit public, qui exigeait des faits pratiques bien constatés, et non de simples opinions ou conjectures probables ; et, en attendant, on a continué à jeter une immense quantité de pommes de terre diversement atteintes de la maladie, et qui auraient pu nourrir cet hiver des populations entières ! Sentant combien il importait de savoir à quoi s'en tenir à ce sujet, je n'ai pas craint d'entreprendre sur moi-même des expériences propres à faire disparaître l'ombre même du plus léger doute à cet égard.
 
Après avoir fait ramasser, au hasard, des pommes de terre gâtées et abandonnées sur le sol, comme rebut, ''je m'en suis presque exclusivement nourri pendant trois jours consécutifs'', ''sans rien ôter de ce qui était gâté'', mais après avoir toutefois fait enlever celles qui forment la première catégorie dont il a été question au commencement de cet article (69). J'en ai ainsi mangé quatre kilogrammes, apprêtées au beurre, en soupe, ou simplement cuites à l'eau, sans en avoir éprouvé autres chose que des digestions un peu pénibles, symptôme qui ne se serait pas même manifesté, si j'avais eu soin de prélever les portions gâtéesFootNote( gâtées<ref>Cette action pénible de la digestion que j'accuse ici, provient plutôt de l'espèce d'aliment dont je n'étais pas habitué à faire ma nourriture de la journée, plutôt que de sa nature même.)</ref>. J'ai été plus loin ; j'ai bu, le matin à jeun, un verre (8 onces) de l'eau qui avait servi à faire cuire deux kilogrammes et demi de tubercules pourris ; cette eau était d'un gris jaunâtre, trouble, épaisse, sans être visqueuse, d'une odeur légèrement désagréable, et d'une saveur nauséabonde suivie d'une àcrété qui a persisté dans l'arrière-bouche pendant une heure ; je n'ai éprouvé d'autres symptômes de l'ingestion de ce liquide, qu'une chaleur incommode qui m'a fatigué la poitrine ; deux heures ensuite, tout était dissipé. Mes deux commis et mon domestique, me voyant manger ces pommes de terre sans aucune répugnance et surtout sans inconvénients, ont suivi mon exemple dès le deuxième jour, et ne s'en sont pas trouvés plus mal pour cela
 
Après de semblables faits, j'espère qu'on cessera de regarder comme ''poison ''les parties des pommes de terre atteintes de la maladie, et comme ''dangereuses, ''les pommes de terre elles-mêmes qu'on aura privées de tout ce qu'elles contenaient de gâté. Curieux de connaître ce qu'il était possible de retirer de mangeable des tubercules que l'on jette ainsi à pure perte, j'en ai fait ramasser cent livres, sans choix, et je les ai fait ''largement ''monder de toutes leurs parties malsaines.
 
Après cette opération, il est resté 73 livres de pommes de terre exemptes de toute altération, et dont je ne ferai pas la moindre difficulté de me nourrir comme des plus belles que l'on trouve au marché. C'est donc les trois quarts environ des pommes de terre que l'on jette, qu'il est possible de tirer partiFootNote( (1) parti<ref>Cette proportion est devenue moindre depuis cette époque, l'altération :iy ;iut continué à faire des progrès plus ou moins étendus.)</ref>. Heureux si mes essais et mes observations peuvent contribuer à conserver au pauvre laboureur une grande partie du plus précieux de ses aliments, dont une prévention funeste eût pu le priverFootNote( (2) priver<ref>Immédiatement après la publication de cet article, M. le comte de Belgrano, Intendant Général à Chambéry, s'empressa d'en annoncer officiellement ces résultats à toutes les Intendances du Duché, pour être ensuite transmis aux Syndics de chaque commune. C'est d'après la lettre-circulaire de cet habile Administrateur, que MM. les Recteurs de chaque paroisse ont publiquement fait con naître, en chaire, à leurs paroissiens, l'usage qu'ils pouvaient faire des tubercules malades, soit pour l'alimentation de l'homme, soit pour celle des animaux. C'est ainsi qu'on est parvenu à profiter d'une grande quantité de pommes de terre malades, que des préjugés mal fondés voulaient faire sacrifier à pure perte. — Cette sage mesure a été suivie par tous les Gouvernements voisins, qui se sont bien trouvés de l'avoir mise en pratique. Je ne dois pas passer sous silence une proclamation faite dans ce but, par un maire de campagne (Isère), et affichée à la poile de sa commune dans l'intérêt de ses administrés. En voici la copie textuelle, telle que l'ont publiée plusieurs journaux français, et entr'autres la Presse du 26 octobre 1845 :
 
<center>Maladies Des Pome De Ter
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Art. 7. — Attendu tout cela que les pomes de 1er gates ne son pas malsain, ordonnons à tous les habilans, vache, bœu, chcvau et cochons de la présente commune de manger de pome de 1er gates car sa ne nui pas.
 
Art. 8. — Ordonnons que les dites pome de ter soit triés, mise au four pour les faire séché et pas en tas dans les caves. Fait en Mairie 15 octobre 1845.) ï</ref>
 
«
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96. M. H. Lecoq, de Clermont-Ferrand, a voulu répéter mes expériences ; il a mangé pendant plusieurs jours des pommes de terre tachées et dont la maladie n'était encore qu'au premier degré : il n'en a éprouvé aucune espèce de malaise.
 
97. M. Durand, professeur de pharmacie à CaenFootNote( Caen<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 6 octobre.)</ref>, a publié que, depuis un mois et plus, on mangeait dans le pays, et qu'il mangeait lui-même comme les autres, des pommes de terre viciées dont on jetait la partie altérée, comme on le fait des fruits, sans que personne en ait ressenti la moindre indisposition.
 
98. Les expériences positives auxquelles s'est livrée la Commission nommée par la Société d'Agriculture de Seine-et-Oise, sont venues pleinement confirmer ce que j'avais annoncé moi-même et ce qu'en avaient dit d'autres observateurs. Voici le résumé de ce rapportFootNote( rapport<ref>Rapport de M. Frémy père, séance du 19 septembre. )</ref>, dont les conclusions sont, comme on va le voir, en parfaite harmonie avec celles qui viennent d'être citées, et que je communiquais le 18 septembre, à la Chambre Royale d'Agriculture de Savoie.
 
« Trois membres de la Commission font usage, depuis huit jours, de pommes de terre avariées, avec la seule précaution d'enlever la partie avariée, sans avoir éprouvé aucune espèce d'incommodité.
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Deux lapins mangent depuis vingt jours des pommes de terre avariées, dont on n'a pas enlevé la partie avariée ; non-seulement ils ne sont pas malades, mais ils ont sensiblement engraissé. »
 
99. Dans l'assemblée tenue par le Comice de Chambéry, le 11 octobreFootNote( octobre<ref>Courrier des Alpes, 14 octobre. 1845. )</ref>, M. le docteur Revel, professeur de médecine, a entretenu l'assemblée de l'influence de la pomme de terre malade sur l'économie animale. Les recherches de cet habile praticien ont établi « que l'état sanitaire de notre ville et des environs est le même qu'il a été les années précédentes aux mêmes époques, quoique l'on y fasse un emploi très considérable de pommes de terre plus ou moins altérées. »
 
100. M. le docteur Mongellaz, de Reignier, en Faucigny, a publié à ce sujet des principes que l'expérience condamne et que je dois réfuter ici.
 
« Relativement à l'usage des pommes de terre, dit-ilFootNote( il<ref>Courrier des Alpes, 9 octobre 1845.)</ref>, le mieux sans doute serait de les jeter, ou plutôt de les enfouir, pour que des animaux affamés ne se rendissent pas malades en les dévorant, mais la disette de ce précieux tubercule le fera tellement rechercher dans plusieurs localités, qu'on ne se décidera pas volontiers à faire le sacrifice de toutes les pommes de terre entachées de la maladie, et qu'on voudra les utiliser comme nourriture ; voici donc quelques précautions à prendre pour y parvenir : la première, c'est de ne jamais les donner crues aux animaux, parce qu'elles sont presque toujours nuisibles, et qu'elles peuvent, dans certains cas, devenir un véritable poison ; à plus forte raison, ne faut-il point leur donner, sans cuisson, les pelures et autres rebuts des pommes de terre gâtées, dont on aura séparé avec le couteau les parties saines, comme on le pratique généralement pour les usages domestiques. Il y a déjà bon nombre d'exemples de ce genre qui ont été funestes, non-seulement aux cochons, à qui cet usage cause une dyssenterie et une inflammation d'entrailles qui les mine sourdement, mais encore aux vaches, à qui le même usage fait perdre le lait et l'embonpoint, et peut occasionner d'autres accidents plus funestes encore. »
 
Je ferai observer d'abord que le dérangement mentionné par M. Mongellaz, est un fait assez constant, même lorsqu'on donne aux animaux des tubercules sains en abondance. Dans ce dernier cas, la pomme, de terre est regardée comme un régime débilitant, et, généralement, il n'en faut pas donner plus de la moitié de la ration qui doit composer la nourriture journalière (105).
 
101. M. Hénon, secrétaire de la Société d'Agriculture de Lyon, cite un exempleFootNote( exemple<ref>Séance de cette Société, 10 octobre 1845.)</ref> tiré de la pratique de M. de Rochefort, l'un des premiers éleveurs du Charollais, qui, pour utiliser les pommes de terre atteintes en grand nombre parla maladie, les a données à ses bœufs à l'engrais ; il a même forcé la dose, sans observer aucun effet fâcheux ; des cochons nourris avec des pommes de terre tachées, cuites, les ont mangées sans inconvénient.
 
102. La Classe d'agriculture de Genève a fait connaître, par une circulaire adressée aux cultivateurs du Canton, les premiers jours d'octobre, que loin de jeter les tubercules atteints, il fallait autant que possible les utiliser au plus tôt, en commençant par les plus malades qui seront donnés aux bestiaux. « Quelques membres de la Classe d'agriculture, est-il dit, ont constaté, par des expériences suivies depuis huit jours, que les pommes de terre malades, données en nourriture, cuites ou crues, même sans en ôter la partie malade, n'avaient eu aucun inconvénient pour les bestiaux qui les ont consommées. Il en a été de même pour la nourriture des hommes, qui, jusqu'à présent, mangent, sans aucun effet fâcheux, des tubercules dont on a ôté la partie malade. »
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106. Qui ne sait d'ailleurs que toutes les substances ne sont pas, à beaucoup près, également nutritives. Un grand nombre d'agriculteurs ont fait des expériences à ce sujet, et ont trouvé des résultats dont
 
les valeurs fournies par la pratique, s'accordent assez bien avec les chiffres assignés par la théorie, dans cette supposition, vraie dans bien des cas, que la valeur de diverses substances alimentaires végétales, était à peu près proportionnelle à la quantité d'azote ou de gluten que renferment ces végétaux. Le tableau suivantFootNote( suivant<ref>Echo du Monde Savant, il11 janvier 1846.)</ref> indique les quantités théoriques et pratiques de substances alimentaires que l'on peut substituer à 10 kilogrammes de foin.
 
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Quoi qu'il en soit, je vais exposer ici les divers moyens qui ont été proposés, soit pour effacer dans les tubercules malades les traces de l'altération produite en eux par la maladie, soit pour permettre de les conserver après les avoir traités préalablement de manière à les purifier.
 
108. Le procédé suivant est dû au docteur Variez, de Bruxelles : « Placez pendant 18 à 20 minutes, les tubercules atteints de sphacèle dans un four chauffé à ''6l ''ou 65 degrés R.FootNote( <ref>La Commission du Comice agricole de Turin, nommée à cet effet, pense que la chaleur ne doit pas dépasser 50 degrés centig. f Courrier des Alpes, 18 octobre 1845.) )</ref> (80 cent.). Une eau noirâtre et fétide découle des tubercules redevenus sains et même meilleurs à manger que dans l'état ordinaire ; une pellicule brunâtre sèche, que l'on peut enlever avant de faire cuire, recouvre la place attaquée, mais elle est sans action désorganisatrice ultérieure du tubercule, qui se conserve parfaitement sain. Il paraît cependant que si on lave les tubercules avant de les soumettre à l'action de la chaleur, la gangrène gagne jusqu'au cœur, et le but n'est pas atteint. »
 
Ce procédé, tenté par d'autres personnes, n'a pas toujours fourni des résultats aussi satisfaisants que ceux obtenus par le docteur Variez. Je citerai entre autres, Mgr Billiet, archevêque de Chambéry, et président de la Société Royale Académique de Savoie. Ce digne prélat, dont le zèle égale les lumières, a répété ces expériences sur une assez large échelle, et les tubercules passés au four à divers degrés de température, ont continué à se pourrir comme ceux auxquels on n'avait pas fait subir cette opération.
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La chaux, à l'état de lait, a paru fournir de bons résultats ; la plupart des observateurs sont d'accord sur ce point.
 
M. le docteur DecerfzFootNote( Decerfz<ref>Académie des Sciences de Paris, séances du 27 octobre et du 24 novembre 1845.)</ref> l'a employée à la dose de 30 grammes pour 5 litres d'eauFootNote( (2) eau<ref>Cette quantité de chaux paraît bien faible ; il serait au contraire préférable de se servir d'un lait de chaux assez épais, pour que les pommes de terre en soient recouvertes d'une légère couche lorsqu'on les en retire. On les étend ensuite pour les faire sécher.) (2)</ref>. « Le chaulage, dit-il, est peu dispendieux et facile à pratiquer ; il ne paraît devoir altérer en rien la faculté reproductive des tubercules, et ne s'oppose d'ailleurs, en aucune façon, à leur emploi comme aliment, dans les cas où l'on n'en ferait pas usage pour les semailles. »
 
110. MM. Philippe Rosset, De Passy, et François Grosset, mécanicien à Mégève, en Faucigny, conseillent d'ajouter au lait de chaux, une certaine quantité de chlorure de cette terre. « Le chlorure de chaux, disent-ils, désinfecte non-seulement la partie corrompue, mais il détruit le principe corrupteur, qui est la tendance de l'humidité étrangère au tubercule, à la putréfaction, en ce qu'il évapore cette humidité et qu'il purge le tubercule de toute la matière qui n'est pas entièrement de sa nature. Lorsque, après l'opération, les pommes de terre sont complètement séchées, la partie endommagée devient inerte, et on se borne alors à la rejeter dans l'usageFootNote( usage<ref>Courrier des Alpes, 1 octobre 1843.)</ref>. »
 
111. A l'appui des expériences des auteurs précités, le ''Constitutionnel Neuchâtelois ''a publié le moyen suivant, qui paraît être assez efficace : « Les pommes de terre saines et malades, après avoir été lavées, doivent être mises pendant une demi-heure dans une dissolution de chlorure de chauxFootNote( chaux<ref>Le chlorure de chaux ne se dissout dans l'eau qu'en très petite quantité ; il suffit de le délayer dans ce liquide.)</ref> (une livre de chlorure pour cent litres d'eau) ; on les place ensuite pendant vingt minutes dans une dissolution de soude, faite dans les mêmes proportions d'une livre d'alcali pour cent litres d'eau. On nettoie les pommes de terre dans de l'eau fraîche, et on les sèche à l'air. Une livre de chlorure de chaux et une livre de soude, suffisent pour sauver 500 livres de pommes de terre.
 
Ce moyen simple, à bon marché et tout-à-fait innocent, est-il dit, garantira les pommes de terre saines de toute pourriture, et arrêtera immédiatement la maladie chez celles qui sont déjà attaquées ; les pommes de terre saines ne perdent ni leur couleur, ni leur odeur, ni leur goût ordinaire ; celles qui sont destinées à servir de semences, sont complètement préservées. Le chlore détruit la pourriture et les champignons, s'il y en a ; il est ensuite neutralisé par la soude. »
 
112. M. Amoudruz, d'Annecy, qui s'occupe beaucoup d'agriculture, a conseillé l'emploi du gypse cuit et en poudre ; une coupe de cette substance peut conserver cinq coupes de pommes de terre. Voici ce procédéFootNote( procédé<ref>Courrier des Alpes, 14 octobre 1845.)</ref> :
 
« 1° On saupoudre de gypse, à une ligne d'épaisseur, le lieu de la cave ou sellier où l'on veut leur faire passer l'hiver.
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On obtient ainsi une conservation des plus parfaites, tant pour les tubercules destinés à être mangés et employés à la cuisine, que pour ceux que l'on veut garder pour semence. »
 
113. Parmi les agents anti-sceptiques, le sel marin, employé depuis plusieurs années en Suisse dans le même but, et si favorable d'ailleurs à la nutrition, a été conseillé par plusieurs personnes et notamment, en Savoie, par mon honorable collègue, M. Bebert, pharmacien et professeur de chimie à Chambéry. A ce sujet, la ''Gazette du Simplon''FootNote( <ref>Numéro du 18 octobre 1845.)'' ''(i)</ref> rapporte ce qui suit ;: « Un procédé qui est fort en usage dans les environs de Thônes pour la conservation des pommes de terre, c'est de les plonger dans l'eau bien salée de sel de cuisine, de les y laisser pendant six à huit heures, puis de les mettre en tas après avoir eu soin de les sécher. Ce procédé n'enlève rien à la faculté germinatrice des plants, qui lèveront très bien le printemps prochain. Le sel étant un élément conservateur de sa nature, détruit la pourriture et maintient le tubercule dans un état très sain. »
 
La Commission nommée par le Comice agricole de Chambéry, pour étudier la maladie des pommes de terreFootNote( terre<ref>Courrier des Alpes, 14 octobre 1845.)</ref>, a aussi essayé ce mode de conservation, dont elle a obtenu de bons résultats.
 
La Commission a fait ses essais avec une solution saturée à raison de 40 livres (de gabelle) de sel sur 50 litres d'eau. M. le baron Fortis, l'un des vice-présidents du Comice, a fait, de son côté, des essais très satisfaisants sur une centaine de quintaux, avec une solution de 30 livres seulement par tonneau d'eau, soit 400 kilogrammes environ. Les pommes de terre immergées dans ces solutions et séchées ensuite au grand air, se sont parfaitement conservées, tandis que celles qui avaient été abandonnées aux conditions ordinaires, ont continué à pourrir rapidement.
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Si le sel réussit à conserver les pommes de terre, il paraît que l'on n'obtient ce résultat qu'en opérant sur des tubercules sains. M. Dumas, membre de l'Institut de France et l'un des chimistes les plus distingués de l'époque, a pensé que d'abord il convenait d'observer les effets du sel sur les tubercules attaqués, et il a reconnu que ce composé, eh faibles proportions, hâte d'une façon extraordinaire la putréfaction des tubercules envahis. J'ai obtenu moi-même les mêmes résultats, et beaucoup d'autres n'ont pas été plus heureux dans leurs essais. Il paraît donc, en définitif, que le sel peut préserver des pommes de terre saines de la contagion qui envahit une récolte, mais qu'il produit des effets tout opposés sur les tubercules malades.
 
114. M. PayenFootNote( Payen<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 22 septemb. 1845,).</ref> a conseillé la tannée, qui a paru réussir, et l'acide sulfureux, qui prévient ou suspend les fermentations de tout genre. — La tannée, stratifiée par couches avec les pommes de terre, absorberait l'oxigène de l'air et l'empêcherait de venir en aide à la fermentation. J'ai essayé moi-même ce procédé sur trente quintaux de pommes de terre plus ou moins altérées. — Malheureusement, dans le but d'obtenir de meilleurs résultats, j'avais fait sécher la tannée dans un four, et je l'employai encore tiède. — Comme j'opérais sur une quantité assez considérable, il se déclara bientôt au centre de la masse une fermentation telle, que les pommes de terre se trouvèrent presque à moitié cuites. Je fis immédiatement étendre les tubercules pour leur donner de l'air ; malgré cela, ils continuèrent à se pourrir et n'ont servi à autre chose qu'à faire du fumier. Employée sur une masse de six à huit quintaux seulement de pommes de terre, la tannée, parfaitement sèche, sans être chaude, peut fournir de bons résultats.
 
« L'acide sulfureux, dit M. Payen, a blanchi et maintenu en bon état des tubercules malades exposés momentanément à son action ; on aurait, dans la combustion du soufre brut, le moyen d'appliquer à peu de frais cet acide en grand. »
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116 ''bis. ''L'action de la lumière paraît avoir eu une grande influence sur la continuation du mal chez les tubercules arrachés. En effet, lorsque toutes les autres conditions étant égales, on place des tranches de pommes de terre, les unes dans l'obscurité, les autres à la lumière du jour, on trouve que celles-ci se colorent beaucoup plus que les premières. La lumière favorise donc l'action de l'oxigène sur l'extractif, et cette circonstance peut expliquer en partie l'influence de l'obscurité sur la conservation des fruits.
 
M. ChatinFootNote( Chatin<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 2 février 1846.)</ref> a fait des expériences très intéressantes pour prouver que les alcalis n'empêchent pas l'altération de l'extractif, qui colore tous les tubercules malades et constitue le principe de la coloration des fruits blets, tandis que les acides s'opposent à cette altération de la manière la plus absolue.
 
117. Quoi qu'il en soit des divers procédés qui viennent d'être énumérés, disons, pour être vrais, que les progrès du mal se sont considérablement ralentis, et, pour ainsi dire, arrêtés depuis la cessation des pluies, et aussi depuis que les précautions hygiéniques prescrites, presque en même temps par plusieurs agronomes, ont été généralement adoptées. Partout où l'on a placé les pommes de terre dans les lieux spacieux, secs et aérés, en couches peu épaisses, qu'on les a remuées souvent, et enlevé, à chaque inspection, les tubercules tachés, on a éprouvé très peu de perte. M. DurandFootNote( Durand<ref>id. du 6 octobre 1845.)</ref> s'est assuré, par exemple, qu'en ayant soin de séparer des tubercules malades les tubercules sains, et en plaçant ceux-ci dans des lieux secs et à ''Cabri de la lumière, ''on parvenait à les conserver comme dans les années ordinaires. « A l'Hôtel-Dieu de Caen, dit-il, 300 hectolitres de pommes de terre se conservent de cette manière depuis plus d'un mois sans altération, bien que le triage des tubercules affectés n'ait pas été fait avec tout le soin désirable. »
 
Dans le cas où l'on serait obligé d'amonceler les pommes de terre en tas, ceux-ci devront être aussi petits que possible et isolés les uns des autres. Ceux à qui les emplacements ont permis de les étendre en une seule couche, ont fort bien réussi ; et, avant de les emmagasiner ainsi, deux ou trois journées d'exposition à l'air sec et au soleil, ont eu une influence très favorable sur la conservation ultérieure. C'est en suivant ce mode d'opérer, qu'un habile administrateur, M. le comte de Quincy, syndic de première classe de cette ville, est parvenu à sauver assez de pommes de terre pour suffire aux semences de ses vastes propriétés du Chablais.
 
118. L'ensilotage ordinaire, disait M. PayenFootNote( Payen<ref>Académie dus Sciences de Paris, séance du 22 septembre 1845.)</ref>, serait l'un des plus mauvais moyens, car la fermentation putride se propage avec une grande rapidité au contact d'un tubercule à l'autre, même jusque parmi les plus sains : elle gagnerait ainsi toute la masse enfermée dans un silos. Selon M. BoussingaultFootNote( Boussingault<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 17 novembre 1845.)</ref>, c'est surtout dans les caves et les silos que le mal aurait fait de grands progrès ; ainsi, dans une exploitation agricole, la perte qui, au moment de la récolte, n'atteignait pas 8 pour 100, s'est élevée, après un court séjour des tubercules dans un silos, à près de 33 pour 100, tant a été rapide la contagion.
 
J'ai voulu m'assurer, de mon côté, ce qu'il en était à cet égard, et connaître par moi-même si l'ensilotage, qui réussit très bien pour conserver les pommes de terre saines jusqu'au printemps, ne pouvait pas produire d'aussi bons résultats avec des tubercules avariés. J'ai donc placé, la première huitaine de novembre dernier, dans un fossé pratiqué dans un terrain en pente, 40 quintaux de pommes de terre altérées, avec la précaution de garnir d'une bonne couche de paille les parois du silos, et de recouvrir le tout d'une couche de terre de deux pieds d'épaisseur, en forme de dos d'âne et bien battue, pour empêcher aux eaux pluviales de s'infiltrer et de pénétrer dans l'intérieur du fossé. On trouvera à la fin de cet ouvrage, une note qui fera connaître l'époque de l'ouverture de ce silos, et l'état dans lequel les tubercules y auront été trouvés.
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122. Conclusions générales.
 
1° Si la maladie de 1845, ou toute autre altération analogue, venait à se produire de nouveau, il ne faudrait pas trop se hâter d'arracher les pommes de terre ; on a remarqué en Suisse et dans d'autres localités, que les tubercules arrachés prématurément ont fini, comme les autres, par se gâter tout-à-fait, malgré les précautions prises pour les conserver. Il n'est pas exact de dire que ceux laissés en terre se sont entièrement ''guéris, ''ni même ''améliorés, ''comme l'ont écrit quelques journaux ; mais il paraît que, la pomme de terre une fois atteinte, la maladie faisait moins de progrès en terre que clans toute autre circonstance où des causes physiques tendaient sans cesse à l'augmenterFootNote( augmenter<ref>M. Charvet, notaire à la Chapelle-Blanche et membre de la Société d'Agriculture de Grenoble, a eu occasion de faire fa même remarque ; il a de plus fait un grand nombre d'observations intéressantes, qui, toutes, sont venues confirmer ce qui a été dit et écrit relativement à la marche anormale suivie par la maladie, soit par rapport au sol et à l'exposition, soit par rapport aux diverses variétés de pommes de terre atteintes.)</ref>.
 
2° Dans tous les cas, extraire la pomme de terre par des jours secs, avec toutes les précautions pour ne pas la blesser ; les pommes de terre ainsi entamées par l'instrument, se sont comparativement pourries plus vite que les autres.
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Tout ce qui va être dit dans cette troisième Partie s'applique aux pommes de terre avariées comme aux pommes de terre saines ; toutefois, je donnerai avec soin les explications qui seraient exceptionnellement exigibles dans le premier cas, et je ferai en outre connaître la différence qui pourrait résulter de l'emploi, pour un même produit, des tubercules sains et des tubercules malades.
 
De tous les principes qui composent la pomme de terre, le plus intéressant est sans doute la fécule ou l'amidonFootNote( amidon<ref>Sous le point de vue industriel, l'amidon et la fécule Sontsont deux choses bien distinctes ; mais, sous le rapport chimique, ces deux dénominations sont synonymes. On nomme plus particulièreparticulièrement meolamidonamidon la fécule que l'on retire des céréales, et fécule l'espèce de farine contenue dans un grand nombre de racines, principalement dans la pomme de terre. )</ref> qu'elle renferme. C'est donc à l'extraction de ce principe que nous allons consacrer le premier Chapitre de cette dernière Partie de l'ouvrage; je décrirai ensuite les principaux produits auxquels il peut donner naissance, par suite des réactions que l'on fait subir à ses divers éléments constitutifs, et je terminerai enfin par faire connaître quelques-unes des productions alimentaires les plus essentielles, obtenues avec la pomme de terre elle-même ou avec la fécule en nature.
 
'''Chapitre premier'''
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Le jour où l'on voudra commencer l'exploitation de la fécule, on commence par procéder au lavage des pommes de terre. Cette opération a pour but de séparer la terre qui revêt les tubercules, exercerait une action nuisible sur les dents de la râpe, et salirait la fécule en se précipitant au fond de l'eau avec elle. Immédiatement après, les pommes de terre sont soumises à l'action de la râpe.
 
129. La pulpe qui provient du râpage est reçue dans une caisse placée au-dessous de la râpe. Cette pulpe, composée d'un parenchyme ligneux, de fécule et d'un suc coloré, est portée dans le tamis à gros tissu qui plonge jusqu'aux trois quarts de sa hauteur, dans un tonneau ou cuvier aux trois quarts plein d'eau. En imprimant à la pulpe un mouvement circulaire à l'aide d'un morceau de bois, la fécule passe à travers le tissu du tamis, tandis que le parenchyme ou matière fibreuse reste dessus. Au bout de huit à dix minutes, l'opération est terminée, le tamis est porté sur un autre cuvier, et l'on fait arriver, sur le résidu qu'il renferme, un courant d'eau qui enlève les dernières portions de fécule qui peuvent y rester interposées. On reconnaît que le résidu ne contient plus de fécule, quand l'eau qui s'écoule n'est plus laiteuseFootNote( laiteuse<ref>Ce résidu, quelque soin que l'on prenne, retient toujours une portion de fécule qui a échappé à l'action de la râpe ; c'est pour cela qu'il conserve encore quelques propriétés nutritives dont on a cru pouvoir tirer parti (131 bis).)</ref>.
 
130. L'amidon se dépose rapidement, au fond du cuvier ; trois quarts d'heure ou une heure suffisent pour cela. Lorsque la couche a environ 35 à 45 centim. (1 pied à 18 pouces) d'épaisseur, on arrête l'opération. La liqueur qui surnage, étant fortement colorée par la matière extractive de la pomme de terre, on la décante et on la remplace par de l'eau claire, en agitant fortement avec une pelle de bois, pour suspendre de nouveau la fécule dans le liquide. Pendant le brassage, qui ne doit pas discontinuer, le mélange est versé, à mesure qu'il passe, dans le tamis à tissu fin placé sur un tonneau vide et très propre, et que l'on agite constamment. La fécule passe seule avec l'eau, et la pulpe fine, qui s'y trouvait mélangée, reste sur le tamis.
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133. Telle est la marche que l'on suit ordinairement dans les grandes fabrications de fécule pour les besoins du commerce ; mais, comme toutes les manipulations exigées, quoique très simples et très faciles à mettre à exécution, pourraient effrayer les personnes qui désireraient préparer seulement une petite quantité de ce produit, voici le procédé qu'on pourra suivre à cet égard, en le modifiant toutefois selon les circonstances. Il faut râper les pommes de terre, passer la râpure dans un tamis de crin, verser de l'eau dessus en même temps qu'on la remue et qu'on la presse pour séparer le son de la fécule, et cela, jusqu'à ce que l'eau qui en découle soit claire ; car la fécule entraînée par l'eau se dépose promptement au fond du vase placé sous le tamis, et quelques lavages lui donnent toute sa blancheur. Si, après le lavage, des parties jaunâtres restaient mélangées à la fécule, il faudrait la passer de nouveau au tamis. Il faut faire sécher promptement la farine ainsi obtenue, sans toutefois l'exposer à une haute température ; pour cela, on l'étend sur des planches ou sur des claies, dans un lieu bien aéré, et on la remue souvent. On peut profiter de la chaleur d'un four, élevée seulement à 30 ou 40 degrés centigrades, en plaçant la fécule dans des corbeilles garnies de toile. — Pour ne laisser aucun doute, enfin, sur la facilité qu'il y a de se procurer en très peu de temps de la fécule de pommes de terre, j'ajouterai que j'en ai préparé moi-même, ''en un quart d'heure'', plusieurs onces, pour faire voir aux personnes qui m'entouraient comment cela se pratique. Cette opération peut donc se faire très en grand, et sur une petite échelle ; elle peut être mise en usage par de petits ménages, aussi bien que par les grands cultivateurs. 134. Dans les divers pays où la maladie de 1845 a attaqué les pommes de terre, des industriels ont cherché à tirer parti des tubercules altérés en en extrayant la fécule. On a pu se convaincre qu'aucune partie attaquée par la maladie ne reste dans la farine lorsqu'elle est bien lavée. Les pommes de terre altérées au premier degré ont fourni de la fécule très blanche, celles qui commençaient à se putréfier en ont donné de grisâtre ; dans le premier cas, la quantité obtenue différait peu de celle fournie par les mêmes pommes de terre saines, ainsi que nous l'avons démontré précédemment (74).
 
On a remarqué que la fécule provenant des pommes de terre les plus fortement altérées, ne pouvait pas se déposer, et qu'elle n'était pas vendable en raison des matières étrangères qu'elle contient en grande proportion. M. Payen a cherché à faire disparaître cet inconvénient, et il y est parvenu en ajoutant quelques millièmes d'acide sulfureux ou de sulfites, dans l'eau servant à délayer le dépôtFootNote( dépôt<ref>Société Royale et Centrale d'Agriculture de Paris, séance du 7 janvier 1846.)</ref>. La fécule s'est précipitée au fond la première, blanche et bien lassée, et la matière organique rousse a formé un second dépôt léger, facile à enlever. L'illustre académicien a également trouvé, dans l'addition de 2 à 3 centièmes de chaux fusée, un autre moyen d'amener promptement la putréfaction de la matière azotée.
 
Les uns ont fait de la fécule pour la consommer dans leur ménage ; d'autres ont exploité cette industrie sur une échelle plus ou moins grande. Parmi ces derniers, je citerai M. Colomb, syndic de la commune de Grésy-sur-Aix (Savoie-Propre), qui a travaillé dans ce but 7 à 800 quintaux de pommes de terre altérées, et dont il a retiré, en moyenne, 14 pour °/0 d'une fécule assez belle. Cet habile mécanicien, auteur des presses hydrauliques à bascule, et connu fort au loin par son génie particulier à fabriquer toute espèce de machine, a construit de lui-même un appareil au moyen duquel il peut convertir en fécule ''cent ''quintaux de pommes de terre par jour ; la râpe, mue par eau, broie dix quintaux de tubercules à l'heure, et, à la rigueur, une seule personne, deux au plus, suffisent pour toutes les manœuvres de l'opération. J'ai vu fonctionner cet ingénieux appareil, et je l'ai trouvé parfait, remplissant en un mot toutes les conditions désirablesFootNote( désirables<ref>L'appareil complet de M. Collomb coûte 4 à 500 francs ; mais on peut facilement se procurer, pour 15 à 20 fr, un cylindre-râpe capable de féculer dix quintaux de pommes de terre par jour, à l'aide d'un seul homme seulement.
 
C'est avec un aussi modeste instrument, les autres objets nécessaires se trouvant dans toutes les campagnes, que M. Baurille fils aîné, substitut-procureur en cette ville, est parvenu à convertir en fécule assez belle, une assez grande quantité de pommes de terre malades, dont il ne pouvait tirer qu'un bien faible parti Tous frais faits, ces pommes de terre altérées ont encore rendu 2 fr. environ par quintal du pays ! .. .)</ref>.
 
135. La plus grande partie des frais qu'entraîne, en grand, la fabrication de la fécule, provient de sa dessication. M. Barruel, chimiste distingué de Paris, et dont je m'honore d'avoir été l'élève, a trouvé le moyen de la conserver saine pendant un an. Ce moyen, à la fois simple, peu dispendieux et d'une facile exécution, consiste à mettre la fécule, parfaitement dépouillée de sa matière colorante, dans des tonneaux bien cerclés, et à la recouvrir de 50 à 60 centimètres (1 pied i/2 à 2 pieds) d'eau très limpide ; on renouvelle cette eau tous les douze à quinze jours en hiver, et tous les quatre à cinq jours en été, en agitant chaque fois pour suspendre la farine dans le liquide. 1200 livres de fécule ont pu être conservées ainsi dans le bassin d'un petit jet d'eau, avec une perte de 2 pour °/0 seulement. — Cette manière de faire est mise à profit lorsqu'on se propose de convertir la fécule en matière sucrée, en eau-de-vie, vinaigre, etc. ; outre qu'il est avantageux d'employer, dans ces sortes de circonstances, l'amidon humide, dit ''amidon vert, ''qui exige moins de frais de main-d'œuvre pour être délayé, on fait encore les bénéfices des frais entiers de sa dessication. C'est ce que nous verrons dans le Chapitre qui va suivre.
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136. Kirkoff, chimiste russe, a découvert qu'en faisant bouillir de la fécule avec de l'eau additionnée d'acide sulfurique (huile de vitriol), elle disparaissait complètement, en donnant naissance à une liqueur sucrée. En effet, non-seulement l'acide sulfurique convertit la fécule en matière sucrée par l'effet de la réaction qu'il détermine entre les éléments de la fécule et ceux de l'eau, mais tous les acides minéraux, ainsi que quelques acides végétaux, jouissent de cette propriété, quoique à un degré moindre. L'acide sulfurique est choisi de préférence, parce qu'il est le moins cher, qu'il réussit le mieux, et que, par ses propriétés, il possède l'immense avantage de pouvoir être facilement séparé de la matière sucrée, et cela, par le moyen le moins coûteux qu'il soit possible d'imaginer. — Voici comment on opère.
 
137. Pour saccharifier 25 livres de fécule, il faut employer 50 livres d'eau et une livre d'acide sulfurique à 66 degrés. Après avoir mêlé l'eau et l'acide en agitant avec un morceau de bois, on porte la liqueur à l'ébullition dans un vase de cuivre bien étamé. On verse ensuite dans ce mélange une portion seulement de la fécule délayée dans assez d'eau pour l'amener à un état de bouillie claire, et l'on continue ainsi jusqu'à ce que toute la fécule soit introduite, avec la précaution de n'ajouter une nouvelle portion de celle bouillie, que lorsque la première est arrivée à l'état d'ébullitionFootNote( ébullition<ref>Quand on opère en grand, on se sert de grands cuveaux en bois, et le liquide est chauffé par la vapeur ; mais je ne puis entrer ici dans tous les détails que comportent les fabriques de ces sortes de produits.)</ref>.
 
A mesure que la conversion en dextrine s'opère, le liquide devient fluide et doit se maintenir tel jusqu'à ce que la saccharification soit terminée, ce que l'on reconnaît à la transparence du liquide, ou bien en laissant refroidir quelques gouttes de celui-ci sur une soucoupe, et s'assurant que l'iode n'y accuse plus la présence de la matière amylacée.
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| ||Farine d'orge préparée comme il vient d'être dit|| 8||lit.||
|-
| ||HoublonFootNote( (1) Houblon<ref>Cette quantité de houblon peut varier suivant le degré d'amertume que l'on veut donner à la bière.)</ref>|| 1||id. 8 onc.||
|-
| ||Levure de bière|| 0 4||id.||
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154. La dextrine pure est blanche, insipide, sans odeur, très transparente sous forme de plaques minces, friable et à cassure vitreuse, lorsqu'elle est bien desséchée. Ordinairement, elle est un peu colorée en jaune ou en brun. Elle se dissout très bien et en grande quantité dans l'eau, soit à froid, soit à chaud ; la dissolution, qui est mucilagineuse comme avec la gomme, peut, en se concentrant, prendre l'état sirupeux et conserver, par la solidification, l'état amorphe de la gomme arabique. Enfin, l'iode ne la colore point en bleu, et la levure de bière est sans action sur elle, à moins qu'elle ne contienne du sucre, qui, seul, donnerait lieu à un commencement de fermentation spiritueuse.
 
155. ''Usage de la dextrine. ''M. Dumas, membre de l'Institut de FranceFootNote(France <ref>Voyez son Traité de chimie appliqué aux arts, vol. 6, p. 132. )</ref>, distingue sous ce rapport la dextrine sirupeuse ou liquide, plus ou moins sucrée, obtenue par la réaction de la diastase (153), de la dextrine pulvérulente ou ''fécule soluble et gommeuse ''(152). La première, soit fabriquée à part, soit résultant de la dissolution de la fécule dans la trempe des brasseurs, sert à la confection de la bière ; amenée à l'état sirupeux, on peut l'employer dans diverses préparations alimentaires, notamment pour édulcorer et gommer des tisanes, pour fabriquer des pains de luxe dits de dextrine et de facile digestion. Sa qualité hygroscopique la rend propre à fabriquer des feutres et des rouleaux d'imprimerie, à tenir humide le parou des tisserands, etc.
 
156. La dextrine pulvérulente est d'un transport et d'un emploi beaucoup plus facile ; elle devient chaque jour plus usuelle dans les apprêts, encollages, application des mordants, impression et gommage des couleurs, composition des bains mucilagineux à imprimer sur soie, collage des papiers à lavis, etc.
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M. Félix d'Arcet, digne fils d'un père qui a légué à la science un nom honorable, a disposé un petit appareil fort commode pour dextriner les bandes ; il permet de préparer ainsi et d'enrouler une longueur de 12 mètres en trois minutes. — Voici la description de cet appareil, qui est aujourd'hui utilement employé dans la plupart des hôpitaux de France et ailleurs.
 
On empli t la petite mesure qui contient 100 grammes de dextrine, on la verse dans un bol ou une terrine, et l'on y ajoute 60 grammes d'eau-de-vie camphrée ordinaire, qui se trouve immédiatement dosée en remplissant de ce liquide la portion ''b c ''de la double mesure. On délaye la dextrine très vite et facilement, car elle ne s'hydrate que peu à peu en enlevant de l'eau à l'''alcool ; ''au bout de 5 minutes, le mélange acquiert la consistance du miel ; on y ajoute 40 grammes d'eau, que l'on obtient en remplissant la portion ''b d ''de la double mesure retournée ; on malaxe bien et la liqueur est prêteFootNote( prête<ref>On peut à la rigueur se passer de l'appareil de M d'Arcet, en opérant dans une simple terrine avec les doses suivantes de substances : dextrine, 3 onces 1/2 ; eau-de-vie camphrée, 2 onces ; eau, 1 once 1/2.)</ref>.
 
Versée dans l'appareil, on plonge la bande enroulée sur le petit cylindre à manivelle, et le rouleau dextriné s'emploie immédiatement suivant les doses approximatives suivantes :
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En modifiant un peu son procédé, M. Clerget obtient une farine jaune, qui, selon lui, convient très bien pour donner du liant aux farines qui en manquent.
 
163. Pour utiliser les pommes de terre malades de 1845, on avait conseillé de les piler, après en avoir ôté la partie altérée, et d'en exprimer le suc. Le tubercule desséché devait servir à faire de la farine qu'on aurait ajoutée à celle du froment pour faire du pain. M. Calloud, pharmacien à Annecy, notre doyen d'âge et de science, a préparé un tourteau semblable, qu'il a fait cuire et qu'il a goûté ; il en a trouvé la saveur ''repoussante. ''((Après une heure et demie de décoction, dit-ilFootNote( il<ref>Courrier des Alpes, 11 octobre 1845. )</ref>, l'eau était restée presque claire, peu gluante ; les morceaux sont restés entiers, la plupart durs, et glissant entre les doigts, en raison de la fécule qui s'apercevait, avant la cuisson, à la surface de chaque fragment. »
 
Art. 2e. — '''Produits alimentaires divers.'''
 
164. Outre les diverses applications dont nous venons de parler, la fécule sert à confectionner une foule de produits alimentaires dont la découverte de quelques-uns d'entre eux est due au hasard. — Une grande fabrication de Labriche, près Paris, dans le but de sécher plus rapidement de l'amidon qui devait être livré à époque fixe, avait fait placer sous son étuve deux poêles en fonte, et évité par-là de faire essorer la fécule sur l'aire en plaire (132). Au bout de i2 heures, l'amidon était converti en gâteaux d'un blanc de lait, et assez durs pour ne plus pouvoir être réduits en farine. La fécule s'était combinée intimement avec l'eau. — Pour tirer parti de ce résultat inattendu, on acheva de dessécher ces gâteaux à un feu plus modéré, et on les pila ensuite en les passant successivement dans des tamis à tissus de diverses grosseurs. Les grains les plus fins se sont vendus sous le nom de ''semoule de fécule, ''les grains moyens sous le nom de ''riz de fécule, ''et enfin les plus gros sous celui de ''tapioka''FootNote( <ref>Le véritable tapioka est la fécule du ''Jatropha Manihot'', plante de l'Amérique méridionale.)</ref>.
 
165. En délayant 1/4 d'once de fécule de pommes de terre dans 2 onces d'eau froide, et versant ce mélange dans un litre d'eau que l'on a préalablement fait bouillir, on obtient une tisane excellente pour les estomacs débiles et les convalescents. Cette boisson peut être sucrée à volonté. On prépare aussi une gelée médicamenteuse, employée dans les mêmes cas que la tisane. On prend : fécule 1 once, sucre ''4 ''onces, eau ''l ''livre. On fait dissoudre le sucre dans l'eau, on porte à l'ébullition, et l'on verse la fécule qu'on a délayée dans un peu d'eau froide. Après quelques bouillons, on coule dans un pot de la farine de pommes de terre, cuite dans du lait, avec un peu de sucre et une feuille de laurier-cerise, fournit une crème et une excellente nourriture pour les enfants et les vieillards. Une cuillerée de cette farine cuite, ajoutée à une bavaroise au lait ou à l'eau, communique à celle-ci une vertu très nourrissante. Il faut que les liquides soient très chauds quand on y met la farine, et il suffit de remuer le tout ensemble pendant quatre à cinq minutes.
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166. La pomme de terre elle-même, telle qu'on la récolte, peut être instantanément convertie en aliment. Cent livres, crues, rendent un poids égal de pommes de terre cuites, c'est-à-dire cent livres d'un excellent pain azyme ou sans levain, surtout si, comme en Angleterre, en Hollande, en Flandre, etc., on ajoute à chaque tranche une pointe de beurre ou une bouchée de viande, qui rendent cette racine plus assimilable, et par conséquent plus nutritive.
 
La pomme de terre se cuit de différentes manières : dans l'eau, sans eau, à la vapeur, sous la cendre. Cuite et desséchée dans un four, elle en sort jaune-rousse, légère, friable comme un échaudé sec, demi-transparente et ayant l'aspect d'une gomme ; dans cet état, elle peut se conserver sans attirer l'humidité, sans être attaquée par les animaux rongeurs. Cuite à la vapeur et réduite en pâte, on peut la vermiceller et la gruauter, en la faisant passer par un cylindre dont la base est percée de trous, et en faisant agir un piston par une forte pression. Des pommes de terre préparées par des moyens analogues ont été envoyées au Comice de ChambéryFootNote( Chambéry<ref>Séance du 20 novembre 1845 ; Courrier des Alpes du 25 nov. )</ref>, par M. Julien Rey, ouvrier tourneur, à Albert-Ville (Haute-Savoie), auteur de plusieurs machines propres à la transformation alimentaire des pommes de terre, et que le congrès d'Annecy a récompensé l'année dernière. Le procédé de M. Rey consiste à presser dans un cylindre creux et dont le fond est percé de trous très rapprochés, des pommes de terre préalablement cuites et bien mondées ; à leur sortie, elles imitent assez bien les pâtes de farine, et, séchées à une chaleur modérée, elles peuvent ensuite se conserver longtemps. Dans une année malheureuse, où les pommes de terre seraient menacées de pourriture, l'on peut ainsi, sans frais, dans les moments perdus de la soirée, assurer leur valeur alimentaire ; et, dans les années d'abondance où la pomme de terre est à bas prix, la prévoyance peut tirer un grand parti d'un moyen si facile.
 
Après le blé, la pomme de terre peut être considérée comme une production de première nécessité ; quand la récolte des grains manque, elle y supplée, elle est même ordinairement, ces années-là, plus abondante. C'est à cette précieuse racine qu'on a recours dans les temps de disette et de famine dont elle a tant de fois sauvé une multitude de pays. La pomme de terre, il est vrai, n'a qu'un temps limité pour sa conservation en vert, passé lequel elle devient dure et se pourrit ; son volume et sa pesanteur s'opposent à ce qu'on puisse l'emmagasiner, cumuler deux récoltes ensemble, et la transporter à une distance un peu éloignée d'un endroit où elle abonde dans celui qui en est privé. Mais, à l'aide des divers moyens qui viennent d'être exposés, on peut remédier en grande partie à ces inconvénients, et prolonger pour nos besoins futurs, et sous une autre forme, la substance nutritive de la pomme de terre, soit par sa dessication entière, soit par l'extraction de sa fécule, soit enfin par les produits gommeux, sucrés, alcooliques et autres que cette dernière est susceptible de produire sous les diverses influences que j'ai fait connaître.
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ART. 2<sup>e</sup> - — '''Variétés.''' — Pommes de terre cultivées en France, 14 ;
 
— en Piémont,15 ; — en Savoie, 16 ; — en Saxe, 17 ; — néerlandaises, ''id. ; — ''anglaises, ''id. ''—Terrains propres à chaque variété, 11 ''bis''FootNote( <ref>Le Numéro 18 de la page 22 doit être pris pour 17 bis. )</ref>. — Avantages de planter trois variétés de première, deuxième et troisième saison, ''id. ''
 
CHAPITRE TROISIÈME.<br/> ''Culture de la ''''Pomme ''''de ''''terre. ''
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''Statistique. ''
 
Art. 1<sup>er</sup>. — '''Début de la Maladie, et envahissement successif des diverses contrées qui en ont été atteintes.''' — Paris et ses environs, 52FootNote( 52<ref>Le Numéro 52 de la page 109 doit être transporte à la page 110.)</ref>. — Les départements du Nord et de l'Ouest, Sarregnemines, Sarrelouis, Leybach, Stenay, ''id. ''— Snède, Hollande, Belgique, Prusse, Danemarck, Gothie méridionale, 53. — La Haie, Schévéningue, le Westland, Leyde, Nassau, ''id. ''— Irlande, Angleterre, 54. — En Suisse, les communes d'Orsières, de Troistorrens, Lausanne, St-Gall, Berne ; quelques localités du Jura ; canton de Claris et de Schwylz, Zug, Bâl-Ville, Bâle-Campagne, district de Porrentruy, Schaflbuse, Lucerne, district
 
de Sursée (les 29 communes), canton de Zurich, Jorat supérieur et autres endroits du canton de Vaud, le Vallais, etc., 55.— En Savoie, 56 — Localités qui ont le plus souffert, «'</. — Provinces épargnées, ''id. ''— Tableau des pertes occasionnées par la maladie, dans la seule province de Savoie-Propre, ''id. ''