« Monographie de la pomme de terre » : différence entre les versions

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Elle a été apportée, du Pérou, dans la province de ''Betanzos ''en Galice (péninsule espagnole), vers l'an 1530, où elle est devenue tellement indigène, qu'elle y peuple les vignes et les champs ; elle y est connue sous le nom de ''castana marina ''(châtaigne des bords de la mer), et y donne des tubercules fort petits, les uns doux, les autres très-amers, ceux-ci ronds, ou longs et blancs : ceux-là longs et rouges. Des échantillons envoyés et cultivés en France en 1826, ont fait connaître que ces tubercules poussent très-lentement ; les longs ont l'œil très-apparent, avec une raie égale à celle que peut former l'ongle sur la cire ; les ronds ont l'œil également apparent, mais dépourvu de raie. A la troisième culture, ils ne présentent plus aucune différence avec la parmentière, que celle du volume.
 
3. L'un des premiers auteurs connus qui ait parlé de la pomme de terre, est un Espagnol qui avait fait la guerre en Amérique à la suite des vainqueurs du Pérou. Pierre CiecaFootNote( Cieca<ref>Chronique, Part. 1, Chap XL.)</ref> décrit ainsi ce végétal : « Dans le voisinage de Quito. les habitants cultivent, outre le maïs, une espèce de plante de laquelle ils se nourrissent principalement ; ils la nomment ''papas: ''ce sont des racines à peu près semblables à des truffes, mais sans écorce ou enveloppe particulière, qui se mangent cuites comme les châtaignes. On les sèche au soleil pour les conserver, sous le nom de ''chumo. ''Plus tard Zarate, et ensuite Lopez de Gomara, prêtre espagnol, dans son ''Histoire générale des Indes, ''publiée en 1553, font également mention des ''papas'', nom généralement usité alors pour désigner la pomme de terre.
 
Cardan, qui recueillait toutes les notions répandues de son temps sur le Nouveau-MondeFootNote( Monde<ref>De rerum varietate, Lib. 1, Cap.3, p. 16, lre Edit. ; Basile, 1557, in-folio. )</ref>, avait, dès 1557, connaissance des ''papas, ''qui donnent, disait-il, une nourriture substantielle nommée ''éïuno ; ''c'est, selon cet auteur, une sorte de truffe qui croît dans une région du Pérou nommée ''Collao ; ''des personnes qui en ont trafiqué dans le Potose, se sont fort enrichies avec cette seule racine. « La plante, dit Cardan, a paru semblable à l'argémone, espèce de pavot auquel Cieca, militaire peu instruit, l'avait assez mal à propos comparée. »
 
4.'' ''Joseph AcostaFootNote( Acosta<ref>Histoire des Indes, Liv. 3, Chap. 20, et la traduct.n française.)</ref> dit aussi que les Péruviens emploient, au lieu de pain, des racines séchées au soleil, nommées ''chunno ;'' on les mange fraîches, cuites, ou grillées. « II y a, dit-il, un autre genre de ''papas ''qui, planté dans des terrains plus chauds, fournit une sorte de mets nommé ''locro''FootNote( <ref>Histoire des Indes, Liv. 4, Chap. 17.)</ref>. »
 
5. Le fait suivant a singulièrement contribué à faire croire pendant longtemps que la pomme de terre est due aux Anglais, et vient de leurs plus anciennes possessions d'Amérique. On lit en effet, dans presque tous les ouvrages sur l'économie rurale et la botanique, publiés au commencement de ce siècle, que la pomme de terre fut apportée vers la fin du seizième siècle, de la Virginie en Angleterre, par l'amiral sir Walther Raleigh, qui la présenta à la reine Elisabeth, et que de l'Irlande, où l'on essaya d'abord sa culture, elle passa dans le Lancashire, pour s'étendre ensuite dans le reste de l'Europe.
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11. Grâce à ces efforts noblement encouragés par Louis XVI, qui daigna accepter de Parmentier un bouquet composé des fleurs de la pomme de terre, tout le monde fut bientôt convaincu des avantages de cette culture. Les résultats obtenus par ce savant agronome furent si universellement accueillis, que François de Neufchâteau, ministre de l'intérieur en 1797, proposa de substituer au nom de cette solanée, celui de ''parmentière. ''Qu'il est digne du souvenir de ses semblables, celui qui donna la santé et l'aisance à des milliers de malheureux destinés à mourir de faim ou de misère ! Ce qui distingua surtout ce savant désintéressé, c'est son infatigable persévérance à poursuivre ses recherches au milieu des obstacles suscités par les préjugés. Que n'a-t-il pas fait pour détruire cette fausse idée, que l'usage de la pomme de terre était pernicieux et causait des maladies graves, et que sa culture avait pour résultat d'appauvrir le terrain fatigué par la production de ce tubercule? « L'influence, dit-il, des préjugés et de la routine sur l'opinion des habitants de la campagne, ne doit pas faire abandonner le projet de les instruire, quand on s'intéresse à leur bonheur. Dans la multitude innombrable des plantes qui couvrent la surface sèche et la surface humide du globe, il n'en est point, en effet, après le froment, l'orge et le riz, de plus digne de nos soins et de nos hommages que celle de la pomme de terre, sous quelque point de vue qu'on l'envisage. Elle prospère dans les deux continents ; sa récolte ne manque presque jamais ; elle ne craint aucun des accidents qui anéantissent en un clin d'œil le produit de nos moissons : c'est bien, de toutes les productions des deux Indes, celle dont l'Europe doit bénir le plus l'acquisition. Quand on réfléchit que la plus grande fertilité du sol et l'industrie du cultivateur ne sauraient mettre le meilleur pays à l'abri de la famine, et que les pommes de terre, qui se développent avec sûreté dans l'intérieur du sol, peuvent devenir un remède contre la disette accidentelle des grains que la gelée, les orages, la grêle et les vents ravagent à la surface, et donner, sans aucun apprêt, une nourriture aussi simple que commode, on a droit d'être étonné, formalisé même, de l'indifférence qui règne encore... Un jour viendra, et il n'est pas éloigné, qu'après avoir été avilie, calomniée, la plante acquerra l'estime générale, et occupera la place de productions incertaines, dont le résultat, estimé au plus haut degré, n'a jamais compensé les frais et les soins qu'elles ont coûtés. »
 
12. Les prévisions de l'habile agronome de Montdidier se sont réalisées. La pomme de terre a pris rang aujourd'hui, non-seulement parmi les aliments les plus nourrissants, les plus précieux pour la classe pauvre, mais encore parmi les plantes les plus utiles en tout point. « Nul doute, dit M. VireyFootNote( Virey<ref>Journal de Pharmacie, Tome 1, p. 157.)</ref>, que si les guerres sanglantes de la révolution française, les intempéries des saisons récemment éprouvées, se fussent présentées quelques siècles plus tôt, l'Europe eût vu ses nations décimées par d'horribles disettes. Qui a donc écarté une grande partie de ces fléaux ? uniquement la pomme de terre, qui est, comme une moisson souterraine, préservée par la nature contre les tempêtes et les calamités du ciel. — Ainsi, multiplier les subsistances, c'est multiplier la matière vivante, les hommes, les bestiaux ; c'est doubler en force chaque état, en rendant son sol plus productif ; et il est évident qu'en peu de siècles, l'Europe accrue par ces moyens, deviendra beaucoup plus populeuse qu'elle ne l'a jamais pu être, et que, seule alors, elle sera bientôt en mesure, soit de résister au reste de l'univers, soit de le conquérir. Il faudra donc nécessairement que l'industrie et la civilisation s'accroissent à un état inconnu jusqu'à présent dans les annales du monde, et débordent sur tout le globe, par la propagation seule de ce tubercule nourrissant. »
 
'''Chapitre deuxième'''
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Toutefois, comme il existe heureusement des variétés suffisamment productives, telles que la ''shaw'', ''la. patraque jaune ''et la ''tardive d'Irlande, ''etc., dont la maturité s'accomplit en trois saisons très différentes, les cultivateurs feraient bien de choisir ainsi trois variétés de première, seconde et troisième saison, au lieu de se borner à la culture d'une seule variété. De cette manière, chacune des variétés présentant un degré différent de maturation quand viendraient à éclater des influences atmosphériques nuisibles, on aurait plus de chances de voir une partie notable de la récolte échapper à ces influences.
 
<center>'''Chapitre troisième'''
 
Culture de la ''Pomme ''de ''terre.''
 
Article 1<sup>er</sup>'''.— Nature du sol'''.</center>
 
18. La pomme de terre se propage avec la plus grande facilité, dans tous les pays, à toutes les expositions. Il s'en faut cependant de beaucoup que tous les terrains permettent de la cultiver avec le même avantage. Cette plante produit d'abord des tubercules qui n'ont qu'une très petite dimension, et sont très mous. Si, dès leur formation, ils rencontrent une terre dure, sèche, imperméable aux influences atmosphériques, leur accroissement est contrarié, ils se difforment. Il faut donc placer les pommes de terre dans un champ qui soit assez poreux pour permettre aux produits de se multiplier et de se développer. Une humidité surabondante est encore plus nuisible aux pommes de terre que la sécheresse. Dans ce dernier cas, la récolte peut être quelquefois réduite à fort peu de chose, il est vrai ; mais dans un sol où l'eau demeure stagnante, les pommes de terre qui ne sont point pourries se conservent avec beaucoup de peine. La surabondance d'humidité dépend souvent du sous-sol plutôt que du sol lui-même ; on devra donc avoir égard, non-seulement à la superficie, mais encore aux couches adjacentes.
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Les imperfections du mode de culture employé dans diverses localités, en augmentant l'effet désastreux de la température excessivement humide de 1845 paraissent avoir exercé une influence incontestable sur la gravité du mal dont on s'est plaint. L'observation a démontré cette année que les cultures qui se trouvaient dans des conditions les plus favorables de sol et de préparation, avaient notablement moins souffert que celles qui étaient dans des circonstances contraires ; mais comme il n'est pas possible de consacrer partout à la pomme de terre le sol léger qu'elle préfère, on devra au moins s'attacher, avec plus de soin que par le passé, à donner aux autres natures de terre auxquelles on sera forcé de la confier, une préparation assez parfaite pour leur communiquer cet assainissement et cet ameublement, qui favoriseraient l'absorption ou l'évaporation de l'excès d'humidité qui a détruit cette année une partie de la récolte. Il faut surtout labourer profondément, afin de permettre aux racines de se développer aisément ; on facilite ainsi l'infiltration des eaux, et les tubercules ne sont pas altérés par un excès d'humidité. Ces façons préparatoires devront être d'autant plus minutieuses et soignées, que l'on aura à faire à des terres plus fortes et plus compactes, argileuses ou calcaires. Si quelques-unes de ces terres ne pouvaient être amenées, à cet égard, à la perfection de préparation et d'accroissement désirables, il serait préférable, du moins pour les grandes exploitations, d'y substituer la culture de la betterave, du rutabaga (chou de Laponie, chou-navet jaune), des choux, des féveroles, etc., à celle de la pomme de terre. L'expérience de 1845 démontre, d'une manière bien fâcheuse, qu'il est une limite au-delà de laquelle on ne peut pas compter sur la rusticité des pommes de terre, sans s'exposer aux plus graves mécomptes.
 
Parmi les divers procédés proposés pour la culture des pommes de terre, M. le comte Marin, habile agronome, propose le suivant comme offrant à la fois le plus d'économie et les plus belles récoltes. « En automne, on laboure le plus profondément possible, avec une forte charrue, ou mieux encore avec la pelle, les vieux prés naturels ou artificiels qu'on veut détruire ou renouveler. On sacrifie la seconde coupe ou refoin, que l'on enfouit. En mars ou avril, on plante, au cordeau, les tubercules entiers, en les enfonçant de deux à trois pouces, et à vingt ou vingt-quatre pouces de distance. Des femmes ou des enfants peuvent faire cette plantation, qui n'exige aucun labour nouveau ; afin de ne pas remuer le gazon, qui n'est pas entièrement décomposé, on se borne à de très petits creux faits avec la bêche ou le plantoir. Peu avant que la pomme de terre paraisse, on donne, à plusieurs reprises et à divers sens, un sarclage avec la herse fortement chargée. Ce seul travail rapide, exécuté presque sans frais, en quelques heures, sur une grande surface, suffit pour détruire toutes les mauvaises herbesFootNote( herbes<ref>Voyez les Annales de la Chambre Royale d'Agriculture et de Commerce de Savoie, tome 1, pag. 375,Mémoire sur la culture de la pomme de terre, par M. le comte Marin, secrétaire perpétuel de ladite Chambre.)</ref>. »
 
Article 2. — '''Place dans la rotation.'''
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Article 3. — '''Préparation du sol.'''
 
21. Pour ce qui concerne cette partie de la culture de la pomme de terre, je ne puis mieux faire que de rapporter textuellement ce que vient de publier à ce sujet le Ministère de l'agriculture et du commerce de FranceFootNote( FranceF<ref>Avis au Cultivateur, brochure in-8° ; Paris, novembre 1845.)</ref> : « Aussitôt, est-il dit, après l'enlèvement de la céréale qui devrait précéder une culture de pommes de terre, il convient d'enterrer, par un labour superficiel, le chaume et les mauvaises herbes qui couvrent encore le sol. On accorde généralement une importance trop grande aux chétives ressources que présentent ces chaumes pour le pâturage. En bonne culture, le gros bétail ne doit pas compter sur une nourriture aussi misérable, et la stabulation permanente doit être le but de tout cultivateur progressif. Quant aux moutons, c'est dans des pâtures semées ou dans des prairies artificielles qu'il faut tâcher de leur fournir, à l'automne, le parcours dont ils ont besoin.
 
Dès le commencement de l'hiver, un labour, aussi profond que possible, défoncera le sol uniformément, à 26 centimètres au moins de profondeur, et enfouira déjà tous les fumiers dont on pourra disposer, les mélangeant avec les détritus de chaume et d'herbes enterrés par le précédent labour.
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23. D'un autre côté, MM. Payen et ChevallierFootNote( Chevallier<ref>Mémoire de la Société d’Agriculture du département de la Seine ; Paris, 1838.)</ref> dans le but de trouver quelques indices sur la force négative, propriété qui distingue les plantes robustes en général, et les sujets les plus robustes entre les diverses variétés, ont planté six variétés de pomme de terre, comparativement à la pomme de terre blanche commune tachée de rouge, dite ''patraque blanche'', soit dans un terrain cultivé avec les soins habituels et les façons ordinaires, soit dans une terre inculte, c'est-à-dire qui n'avait reçu d'autre préparation qu'un labourage simple. Ces habiles chimistes ont choisi pour cela un terrain mauvais, compact, divisé en trois parties qui ont été traitées comparativement de la manière suivante, et dans chacune desquelles on avait planté soixante-et-dix pieds de pommes de terre de chaque variété. Dans la première partie, on a mis un engrais de charbon animal qui avait été employé au raffinage du sucreFootNote( sucre<ref>Le charbon ou noir animal, employé en très petite quantité et renouvelé tous les ans, est un très bon engrais pour les terrains humides, et produit aussi un très bon effet lorsqu’on le sème sur les prairies artificielles.)</ref> ; la deuxième partie a été cultivée avec les précautions ordinaires, mais sans engrais ; la troisième enfin sans culture pendant tout le temps de sa végétation. Les résultats obtenus sont les suivants :
 
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26. On plante ordinairement les pommes de terre depuis le mois de mars jusqu'au mois de juillet ; celles plantées en mars et avril sont dites ''précoces'', ''hâtives ''ou ''printannières'', et sont récoltées en juin ou juillet ; celles qu'on plante depuis la fin de mai jusqu'en juillet sont dites ''tardives ; ''leur maturité ne s'effectue qu'en septembre ou octobre. Cette dernière catégorie forme la presque totalité des plantations ; il ne se fait qu'une très petite quantité de la première. — II est des pays où l'hiver arrive assez tard pour permettre un ensemencement de pommes de terre après une récolte parvenue à maturité. Cela a lieu surtout après le colza, le lin, la navette. Cette facilité est loin d'être un privilége exclusif des climats méridionaux ; ce procédé est usité, non-seulement dans quelques parties du territoire français, mais encore en Hollande et en Belgique, ainsi que nous le verrons bientôt. Comme jusqu'à ce jour les pommes de terre précoces ont été généralement préservées de la maladie qui a attaqué cette année les tardives, sur une si grande surface, il importe de multiplier, autant que possible, la culture d'hiver, qui paraît offrir divers avantages lorsqu'elle est pratiquée dans des conditions convenables. Les Annales de la Société Royale d'Agriculture et de Botanique de Gand (juin 1845), et le Mémoire de M. Ch. Morren, célèbre agronome belge, contiennent à ce sujet des documents que je m'empresse de reproduire ici, dans l'espoir qu'ils engageront sans doute quelques agriculteurs à entreprendre ce mode de culture, dont les avantages seraient, dans une circonstance comme celle où nous nous sommes trouvés naguères, d'apporter une heureuse modification dans les assolements, d'utiliser le terrain pendant l'hiver, et d'obtenir une récolte de pommes de terre plus abondante et plus précoce qu'avec les plantations du printemps.
 
Deux siècles et demi de culture de la pomme de terre en Europe, dit M. MorrenFootNote( Morren<ref>Voyez Instructions populaires sur les moyens de combattre et de détruire la maladie des pommes de terre, par M. Ch. Morren, professeur et directeur du Jardin botanique de Liège. — Bruxelles, 2l septembre 1845.)</ref>, ont prouvé que cette plante américaine préfère les climats humides aux climats secs, la température très modérée et basse à la température chaude. On oublie généralement que le Pérou ne donne pas de pommes de terre mangeables et productives, et que c'est au nord de l'Amérique qu'elles commencent à grossir et à se multiplier. L'Irlande, pays humide et tempéré, et le Lancashire, sont les deux régions du monde entier où les pommes de terre ont atteint leur perfection sous tous les rapports : productivité, constance de récolte, grosseur, excellence de goût, effet utile pour la nutrition de l'homme et des animaux. Les pommes de terre d'Italie, d'Espagne, d'une partie de l'Allemagne et de la France méridionale, sont les plus mauvaises. Ces faits sont reconnus par tous les agronomes instruits. Or, voyons comment on cultive la pomme de terre en Irlande, dans le Lancashire et dans les comtés d'Angleterre, où l'agriculture est très avancée ; ces exemples sont les meilleurs à suivre dans les plantations de ce genre, que je désire voir entreprendre chez nous.
 
James Goodiffe, agriculteur à Granard (Irlande), cultive la pomme de terre depuis ''vingt ans'', en hiver et en été, toujours avec succès. Il plante en septembre et même à Noël ; il récolte depuis février jusqu'en mai, et il plante aussi en avril, pour récolter en été des variétés successivement plus précoces et plus tardives. En un mot, ajoute M. Morren, c'est une récolte continue. Dans les comtés de Sussex, Worcestershire, Somersetshire, il est d'usage de planter en automne, et l'on se loue partout de cette culture.
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M. Trotter, des environs de Stockton, conseille de planter les tubercules en octobre ou novembre, et d'employer de préférence les variétés printannières qui sont bien saines. On fait choix pour cela d'un terrain convenablement préparé ; des sillons ou des trous de 35 centimètres de profondeur sont creusésFootNote( La profondeur de 3S centimètres conseillée par M. Trotter, paraît exagérée, an moins relativement à ce qui se pratique en Savoie et ailleurs.). On y place les tubercules à la distance ordinaire ; ils sont recouverts de la terre déplacée, et ensuite de fumier en couverture. Les tubercules ne sont point atteints par la gelée ; ils poussent de très bonne heure, et les pommes de terre sont beaucoup plus précoces que par la plantation du printemps. Si ce mode de culture réussit, comme tout porte à le croire, dit un savant
 
botaniste, M. SeringeFootNote( Seringe<ref>Rapport de la Commission nommée par la Société d'Horticulture-pratique du Rhône, au sujet de la maladie des pommes de terre, par N.-C. Seringe, professeur de Botanique et directeur du jardin des plantes de Lyon. — Octobre 1845.)</ref>, M. Trotter aura rendu un immense service aux peuples du nord, en hâtant une reproduction qui réparera, au moins en partie, la perte inévitable d'une grande masse alimentaire.
 
M. Trotter s'est rendu célèbre en Angleterre par ses recherches sur les cultures de la ''solanée tubéreuse ''(pomme de terre), en la plantant avant et après l'hiver. Il fit labourer en novembre un champ d'un terrain argileux, peu propre à la culture de cette plante ; ce champ fut arrosé de ''purin ''(eau de fumier), et planté en pommes de terre du ''Yorkshire, ''de la précédente récolte. A côté de ce champ, M. Trotter en fit préparer un autre semblable, avec les mêmes labours et les mêmes engrais ; mais la plantation eut lieu au printemps. Lors des deux récoltes, on trouva que le quart d'un acre anglais, planté en automne, produisit 80 mesures de tubercules, tandis que celui de la culture du printemps n'avaient rendu à peu près que la quantité de tubercules mis en terre. Cet habile agronome en conclut donc que, pour les sols argileux, la culture hivernale l'emporte de beaucoup sur celle du printemps, et, d'après les calculs qu'ont faits les Anglais, la récolte d'hiver sera quatre fois plus grande que celle du printemps. En supposant même que le rapport ne fût pas aussi avantageux, la différence serait déjà assez grande en elle-même pour s'occuper activement de ce mode de culture.
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La pomme de terre est une plante aérivore, c'est-à-dire qui se nourrit autant et peut-être plus par l'absorption des substances répandues dans l'air, aspirées par ses feuilles et par ses tiges, que par les matières absorbées de la terre au moyen des racines. Plus une plante tire son aliment de l'air, plus elle a besoin de conserver son appareil aérivore ; c'est pourquoi on ne peut détruire les feuilles et les tiges de cette plante, sans causer un grave dommage à ses fonctions végétatives. C'est là le motif pour lequel la pomme de terre exige la conservation de toutes ses parties vertes pour pouvoir atteindre son entier développement, et la soustraction des feuilles nuit considérablement à la quantité de produit qu'elle fournit. C'est ce qui résulte bien clairement de quelques expériences directes sur cet objet, entreprises par Mollerat, et dont voici les résultats.
 
Les fanesFootNote( fanes<ref>II ne faut pas confondre la fane avec la tige. On appelle tige dans les herbes, et tronc dans les arbres, cette partie d'une plante qui, sortant immédiatement du collet de la racine, s'élève vers le ciel, et porte les branches, ainsi que les rameaux auxquels sont attachés les feuilles et les fruits. La fane n'est, rigoureusement parlant, que l'assemblage des feuilles inférieures des plantes, qui sont toujours sèches les premières ; mais on a l'habitude d'entendre par ce mot, l'ensemble général des feuilles que renferme la plante.)</ref> coupées immédiatement avant la floraison, on a eu, par hectare, 4,300 lui. de tubercules ; coupées immédiatement après la floraison, le produit a été de 16,300 kil. ; coupées un mois plus tard, le produit est arrivé à 30,700 kil., et à 41,700 kil., coupées un mois plus tard encore. On peut donc conclure des faits précédents, que de semblables essais sont imprudents, et troublent la marche de la végétation, qui a besoin de tous ses organes pour respirer.
 
Il n'en est pas de même si la section se pratique sur les fleurs seulement. L'organographie et la physiologie botanique nous enseignent à ce sujet que, lorsque l'époque de la floraison arrive et que les organes sexuels des plantes commencent à acquérir leur propriété fertilisante, toute la plante entre dans un état d'effervescence ou d'irritation qui pousse vers les fleurs tous les principes fécondants qu'elle contient. Tous ces principes sont nécessaires pour accomplir l'acte de la fécondation ; ils sont recueillis par les organes sexuels que renferme la fleur et transmis aux ovaires, où ils produisent le développement de la semence. Il en résulte que la plante, qui n'accomplit pas l'acte épuisant de la fécondation, doit naturellement conserver la plus grande partie de ses principes fertilisants, dans toutes les parties de son système. Telle est la cause de l'augmentation du produit par suite de l'enlèvement des fleurs de la pomme de terre.
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On peut réduire à trois principaux, les effets remarquables que produit le buttage sur la culture de la pomme de terre : 1° il facilite la production de nouvelles racines ou filaments qui sortent des premiers nœuds, lorsque ceux-ci sont recouverts de terre ; ces nouvelles racines produiront des tubercules souvent aussi gros que ceux de dessous, parce qu'ils sont bien nourris par les substances fécondantes contenues dans la terre qui les entoure ; 2° la terre relevée autour des plantes soutient les tiges, et, en les maintenant droites, fait que l'air et la lumière peuvent facilement pénétrer dans les lignes, dans toutes les directions, et favorise ainsi la végétation de la plante et la fertilité du sol ; 3° enfin la terre amoncelée maintient une fraîcheur très utile aux racines, qui fait croître les tubercules en nombre et en volume, et les préserve des désastreux effets d'une extrême sécheresse.
 
« Le buttage, dit M. le comte MarinFootNote( (1) Marin<ref>Annales de la Chambre Royale d'Agriculture et de Commerce de Savoie, tome 1, page 375.)</ref>, est l'opération la plus importante, et décide du succès de la récolte ; elle ne doit pas être faite comme la coutume la pratique ordinairement. L'ouvrier passe le pied au milieu des jets de pommes de terre, lorsqu'ils ont huit à dix pouces de hauteur ; il les écarte le plus possible ; il les range et dispose avec la main, les couche entièrement sur le sol, et les recouvre d'autant de terre qu'il peut en amasser autour de la plante ; de manière que tous ces monceaux présentent l'aspect de grandes taupinières. Chaque jet, ainsi disposé, pousse des tubercules à tous les nœuds de la tige, et triple le produit. Ce travail, qu'il faut répéter dans les sols très fertiles, a principalement pour but de rompre le canal direct de la sève qui se porte avec trop d'impétuosité à la tige aux dépens du tubercule. Ce sont de véritables branches gourmandes qu'on met à fruit en les courbant, et par une sorte de torsion. »
 
'''Chapitre sixième'''
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30. En sauvant, en 1798, 1816 et 1817, la France des horreurs de la disette, la pomme de terre a pris le rang qu'elle occupe à jamais parmi les aliments les plus sains, les plus savoureux, les plus certains, du pauvre comme du riche. Aussi sa culture a-t-elle pris, depuis cette époque, une extension considérable, dont les chiffres suivants peuvent donner une idée. En 1798, on comptait à peine 35 mille hectares consacrés à la culture de ce tubercule dans toute la France ; en 1815, elle occupait déjà 849,904 hectares ; vingt ans plus tard, on en cultivait 982,8ii hectares, et aujourd'hui cette quantité s'est encore de beaucoup augmentée. En Savoie, la même progression s'est également fait remarquer. Ainsi, dans la seule province de Savoie-Propre, on cultivait, en 1829, six mille journaux en'>pommes de terre ; aujourd'hui cette quantité s'élève très approximativement à vingt mille journaux.
 
La pomme de terre a l'avantage inappréciable de produire, sur une étendue de terrain donnée, plus de matière nutritive que toute autre plante alimentaire. Les résultats suivants feront mieux sentir cette importante vérité. D'après les expériences de M. Cadet de-VauxFootNote( Vaux<ref>Instruction sur le meilleur emploi de la pomme de terre dans sa co-panification avec les farines des céréales. — Paris, 1817. )</ref>, un arpent de i00 perches (la perche de 20 pieds) rend ordinairement six setiers de blé du poids de 240 livres ; ce qui donne 1,440 livres de blé. Les 1,440 livres de blé font le même poids en pain, dont le prix par livre est d'autant de deniers que
 
le setier coûte de francs ; en sorte que le blé, valant 36 francs le setier, la valeur de la livre de pain est de trois sous, plus un centième et demi pour frais de fabrication.
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Les tubercules attaqués de la gangrène sèche deviennent tellement durs, qu'ils semblent pétrifiés ; il est même difficile de les rompre à coups de marteau, et ils résistent à l'action de l'eau bouillante, comme à celle de la vapeur dans les fabriques destinées à la préparation de l'eau-de-vie. Ce qu'il y a de pire, c'est qu'on n'aperçoit, dès le principe de la maladie, aucun signe qui puisse avertir de cette grave altération ; les pommes de terre paraissent saines quand elles sont déjà assez gâtées pour n'être plus propres à la reproduction.
 
M. Martius, célèbre académicien de MunichFootNote( Munich<ref>Ann. des Sciences nat. Scr., 2 septembre 1842, p. 141. )</ref>, qui s'est occupé de ce sujet, attribue la cause de la gangrène sèche de la pomme de terre, à un petit champignon parasite, de la famille des mucédinées, auquel il a donné le nom de ''fusisporum solani. ''Les tubercules attaqués par ce champignon offrent, dès le principe, certaines petites taches à peine sensibles, de couleur obscure et d'un aspect réticulaire dû au desséchement de l'épiderme. Ensuite ces tubercules se durcissent de plus en plus, se rident et prennent à l'intérieur une teinte livide et noirâtre. On aperçoit, en outre, dans le milieu de la pulpe, certaines petites lames très subtiles, de couleur blanche, et dont le tissu fibrilleux, ramifié, très délicat, les fait, pour ainsi dire, ressembler à ce que l'on nomme le ''blanc de champignon. ''De ces petites laminettes, soit rudiments dispersés ça et là en quantité variable, se développe bientôt le champignon parasite qui envahit promptement toute la masse du tubercule, et, traversant l'épiderme, se montre au-dehors sous la forme de petites touffes de filaments terminés à leur sommet par de petits globules ou bourses remplies de sporules, c'est-à-dire de corps reproducteurs.
 
39. Désirant connaître le mode de reproduction propre au ''fusisporum solani, ''le savant botaniste dont je viens de citer les travaux, entreprit quelques expériences desquelles il croit pouvoir conclure : que les corps reproducteurs de cette espèce de champignon exercent, sur l'organisation de la pomme de terre, une action tout-à-fait particulière, en viciant le suc de la première cellule qu'ils rencontrent ; que ce premier germe se propage alors de cellule en cellule et corrompt toute la plante ; que les sucs contenus dans les cellules d'une plante attaquée, agissent par infection à la manière d'un ''virus sui generis ; ''que la présence du champignon dans la pulpe ne dépend pas du développement d'un certain nombre de sporules qui auraient pénétré à l'intérieur, mais bien d'un changement qui s'est opéré dans tous les sucs de la plante, lesquels, en vertu de ce changement, acquièrent la faculté de produire spontanément ledit champignon. La gangrène sèche de la pomme de terre, dit M. Rasino, est aujourd'hui regardée comme un des plus grands fléaux de l'agriculture allemande ; elle est d'autant plus à craindre, que le champignon qui en est la cause produit un nombre infini de corps reproducteurs, qui se répandent promptement à une grande distance, et conservent pour longtemps leur faculté reproductrice, ou, pour mieux dire, contagieuse. Pour préserver, autant que possible, les campagnes de ce malheur, M. Martius recommande d'éviter toute espèce de contact avec les tubercules infectés, de détruire entièrement ces derniers, de bien nettoyer les magasins où ils ont séjourné, et de soumettre à l'action de la chaux réduite en poudre, les tubercules destinés à la reproduction.
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''Composition de la ''''Pomme ''''de ''''terre.''
 
40. C'est au docteur Pearson que sont dues les premières recherches chimiques sur la pomme de terre ; les expériences du chimiste anglais sont consignées dans les Mémoires de la Société d'Agriculture de Londres. Vint ensuite Parmentier qui, le premier en France, a fait connaître les avantages que l'économie rurale et domestique pouvait retirer de la culture de ce tubercule et de l'emploi de cette racine salutaire. Cependant, malgré les travaux nombreux du chimiste agriculteur, une lacune existait dans l'histoire générale de la pomme de terre ; son analyse chimique, proprement dite, manquait à la science. La Société d'Agriculture de Paris, voulant qu'il ne restât rien à faire sur cette matière, chargea, en 1817, Vauquelin de soumettre à des expériences chimiques les principales variétés de ce tubercule, et appela particulièrement son attention sur les quantités relatives d'amidon, de parenchyme et de matière extractive que chacune d'elles pouvait contenir. Sur 47'' ''variétés analysées par cet habile professeur, 11 variétés n'ont diminué que des deux tiers par la dessication, et ce sont justement celles qui ont donné le plus d'amidon ; 10 ont perdu les trois quarts, et 6 près des 4/5 par la même opération.
 
La quantité des matières solubles s'élève aux deux ou trois centièmes de la masse ; voici leur nature, leur nombre et la proportion de quelques-unes d'entre ellesFootNote( elles<ref>Vauquelin a opéré sur le suc, ou plutôt sur le lavage des pommes de terre écrasées ; les chiffres qu'il a obtenus ne sont qu'approximatifs ; et non le résultat d'un dosage rigoureux,./ref>) :
 
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44.'' ''M. le docteur CantùFootNote( Cantù<ref>M. le profess. Cantù, à qui l'on doit de si belles recherches en chimie, s'est particulièrement occupé de l'iode, qu'il est parvenu à retrouver dans des corps où la présence de ce singulier produit n'avait jamais été soupçonnée. — Il a même annoncé naguère à la Société Médico-Chirurgicale de Turin, qu'il avait découvert l'iode et le brome dans les eaux minérales-alcalines de Vichy.)</ref>, professeur de chimie à l'université de Turin, s'est aussi occupé de ce sujet. Cet habile chimiste a obtenu de cent parties de pommes de terre desséchée, 5,27 de cendre d'un blanc grisâtre ; l'eau en dissolvait 3,51 composé principalement de carbonate de potasse, avec des traces de sulfates, de chlorures et de phosphates. La partie insoluble, formée de divers oxides métalliques et terreux, contenait sur cent parties :
 
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51. Lorsque la Providence veut frapper un de ces grands coups qui étonnent le monde, elle nous envoie des catastrophes qui détruisent en partie les biens de la terre, qui sévissent contre l'espèce humaine, ou causent de grands ravages parmi les animaux. Les récoltes de tout genre se présentaient en 1845 sous les auspices les plus favorables ; et pendant que dans plusieurs contrées de l'Europe, le cultivateur se réjouissait de la perspective de voir couronnés d'une abondante récolte ses pénibles labeurs, des pluies torrentielles, des ouragans, des trombes, des incendies, la sécheresse, la grêle et tous les éléments déchaînés sont venus anéantir ses brillantes espérances. De tous côtés les désastres se sont fait sentir, tantôt sur un produit, tantôt sur un autre, car les pommes de terre n'ont pas été seules à souffrir des vicissitudes atmosphériques, source unique de tant de maux. Citons quelques exemples de cette triste réalité.
 
« Dans les districts de Charleston, de Richland, de Lexington, d'Orangeburg, de Barnwel et autres, disaient les journaux de New-Yorck du 6 août, la sécheresse est telle que l'on n'obtiendra que la moitié de la récolte ordinaire. Dans plusieurs districts, les blés sont littéralement brûlés à la surface du sol ; dans les forêts, les arbres sont dépouillés de feuilles et desséchés comme dans l'hiver. Les journaux de la Nouvelle-Orléans disent que, le 26 juillet, le thermomètre marquait 97 degrés FahrenheitFootNote( Fahrenheit<ref>Les Anglais se servent du thermomètre de Fahrenheit ; le zéro est pris dans un mélange de glace et de sel ; l'instrument marque 212° dans l'eau bouillante, ce qui équivaut à 100° du thermomètre centigrade, et 32° dans la glace fondante, correspondant à zéro du même thermomètre. )</ref> (43 centigrades) ; plusieurs personnes sont mortes de chaleur. La Commission de santé s'est assemblée et a recommandé de ne point travailler hors des habitations à partir de onze heures du matin jusqu'à une heure, et d'éviter de boire des spiritueux jusqu'à ce que la température soit revenue à 88 degrés (41 centig.). »
 
« Dans toute la Suède (Lettre de Stockholm du i3 octobre), les récoltes ont été cette année si mauvaises, tant sous le rapport de la qualité que sous celui de la quantité, que l'on craint une disette. Le gouvernement prend les mesures les plus actives pour la prévenir, et déjà il vient d'être publié une ordonnance royale qui accorde à toutes les personnes qui sont munies de l'autorisation de fabriquer de l'eau-de-vie de blé, une forte prime si elles veulent renoncer pendant trois mois à l'exercice de cette industrie. »
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Dans l'île de Cuba, suivant un journal américain, la récolte des sucres a généralement subi une diminution sensible : 200,000 tonneaux ont été obtenus l'an dernier ; on n'a réalisé cette année que 80,000 tonneaux.
 
M. Paquet, agronome de Paris, a adressé à l'Institut de FranceFootNote( France<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 1er décembre 1845.)</ref> des observations sur une ''maladie des fruits ''qui a, suivant lui, tous les caractères de celle qui a attaqué cette année les pommes de terre.
 
On écrivait d'Argenton, département de l'Orne, au ''Journal de l'Indre : ''« Après la pomme de terre, voici que la vigne a aussi sa maladie gangréneuse. Cette affection porte sur le bois, qui, une fois atteint, ne pousse plus ; le peu de feuilles qu'il fournit sont jaunâtres, et, petit à petit, le tout meurt sans donner aucun fruit. Sur nos 600 hectares de terre plantés de vignes, un quart au moins est attaqué par le fléau destructeur.
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Article 3.. — '''Marche géographique de la Maladie''' ;<br/> '''anomalie qu'elle a présentée dans son cours, tant pour la nature <br/> et l'exposition du sol, que pour les diverses variétés<br/> de Pommes de ''''''terre. '''
 
58. En résumé, la maladie des pommes de terre parait exister depuis quelques années dans le nord de l'Europe, où déjà, l'an dernier, le mal était devenu beaucoup plus grave dans certaines parties de ces régions. Cette année, aidée par des circonstances atmosphériques et par une humidité tout exceptionnelles, elle a pris, dès la fin de juillet, une extension des plus funestes. Ses ravages se sont exercés surtout en Belgique, dans certaines parties de l'Allemagne, en Angleterre, en Irlande, en Suède, en Hollande, à Groningue et aux environs d'Oldenbourg, d'où elle s'est avancée vers les plaines du nord, et au sud elle est descendue jusqu'à Lille. Bientôt ils se sont étendus en France, particulièrement dans les départements qui avoisinent le plus ses frontières nord et nord-est ; enfin, ils se sont fait sentir dans la Picardie, la Normandie, la Suisse occidentale, l'Alsace, la Savoie dans les environs de Paris et même plus avant vers le centre de ce royaume ; mais ils ne paraissent pas s'être étendus jusqu'au midi ; du moins, si le mal s'y est fait sentir, il n'a pas été assez grave pour alarmer ni pour provoquer des plaintes. Dans la plupart des départements français atteints, les pertes paraissent avoir été généralement beaucoup moindres, toute proportion gardée, que dans les Etats voisins, tels que la Belgique, la Savoie, etc., où un grand nombre de champs ont été tellement ravagés, qu'on n'a pas même songé à faire la récolte. Dans les contrées chaudes, la maladie ne paraît pas y avoir été aperçue. A Gènes, la première récolte de pommes de terre ne présentait aucune altération sensible ; mais celle tardive a été attaquée comme ailleurs, et s'est trouvée gravement endommagéeFootNote( Ces documents sont extraits du rapport de M. Abbene, pharmacien en chef de l'hôpital St-Jean, à Turin, sur la maladie des pommes de terre (Gazette de l'Association agricole, N° 43 et 51, 1845). Cet habile chimiste s'est assuré, par un examen comparatif, que la maladie des pommes de terre de Gènes, Coni et autres endroits du Piémont, était identique avec celle observée en Savoie et ailleurs.). A ChiavariFootNote( Chiavari<ref>Les provinces de Gènes et de Chiavari sont les seules de la rivière de Gênes où la maladie se soit montrée.)</ref>, la même maladie s'est montrée dans les communes du val d'Aveto, St-Etienne, Borzonasca, Cicagna, Varese. Dans la province d'Ivrée, les communes de Bairo, Samone, Locana, Baio, et celles de Viù, Lanzo dans la province de Turin, ont éprouvé le même dommage. D'autres pays, au contraire, comme Borgofranco, Inguria, Ribordone, etc., ont obtenu une récolte abondante.
 
A Valdengo et dans d'autres communes de la province de Bielle, les pommes de terre ont un peu souffert, bien qu'en général les variétés cultivées dans ce pays, la rouge et la blanche, n'aient pas éprouvé d'altération notable, excepté quelques tubercules qui, d'après le rapport du Comice, se sont gâtés par suite de l'humidité excessive, tandis que les tiges et les feuilles étaient encore vertes. Celles cultivées dans les environs des villes et provinces de Pallanza, Voguère, Tortone, Casai, Pignerol, Asti, Mortare, Novare, Brà, Novi, Carignan et autres endroits, ne paraissent pas avoir été altérées ; mais il faut remarquer que, dans ce pays, la culture de la pomme de terre est assez restreinte, et que la production de ce tubercule, en Piémont, n'y forme qu'une récolte tout-à-fait secondaire, qui ne s'élève pas, en totalité, au-delà du tiers de toute la production de la Savoie.
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59. Si l'on cherche maintenant à connaître les expositions où la maladie s'est déclarée le plus fréquemment, ou .a produit le plus de ravages, on se trouve presque embarrassé pour résoudre cette question sans restriction aucune, car des faits très divers et même contradictoires existent à ce sujet. En effet, les sables et les terres légères, les sols gras et profonds, les terres bourbeuses comme les calcaires, tout a été en même temps frappé comme par un souffle destructeur, depuis les plaines les plus basses jusqu'aux plus hauts sommets où s'élève la culture de la pomme de terre ; partout les mêmes phénomènes ont été observés sous des influences les plus opposées.
 
Cependant, au milieu de ce chaos, en présence de tant d'anomalies si singulières, qui semblent déjouer la science, en analysant les observations nombreuses que l'on connaît aujourd'hui, on peut admettre que, toutes choses égales d'ailleurs, le danger a été plus grand, le mal a été plus violent, plus profond dans les terres basses, humides, compactes et argileuses, que dans les terres élevées ou inclinées, légères, sablonneuses ou siliceuses. Dans la presqu'île de St-Aubin, selon M. GrelleyFootNote( Grelley<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 1er décembre.)</ref>, il n'y a eu de tubercules gâtés que dans les terrains compactes. Un fait observé sur divers points, qui ne souffre pas d'exceptions, à ma connaissance du moins, et que j'ai été à même de remarquer dans plusieurs localités, c'est que toutes les parties des champs qui se trouvaient abritées par des arbres, par des rochers, ou par toute autre cause analogue, ont été épargnées ou à peu près. Cette circonstance paraît confirmer l'opinion qui attribue la maladie aux influences atmosphériques.
 
60. Toutes les règles qu'on a voulu établir pour l'envahissement du mal, par rapport aux espèces de pommes de terre atteintes, se sont également trouvées contredites par des observations variées. Les tubercules les plus avancés en maturité sont attaqués les premiers, écrivaient quelques naturalistes, quand d'autres assuraient que la ''gangrène ''s'est montrée d'abord sur les fruits les plus aqueux et les moins mûrs. Ces deux opinions peuvent être vraies, suivant les localités, puisque la marche de la maladie n'a rien eu de normal. Dans un champ, les américaines ; dans un autre voisin, les pommes de terre blanches ; plus loin, les rouges ; dans un même champ parfois, tantôt une espèce, tantôt une autre, ont montré des traces d'altération plus avancées, sans qu'il soit possible de rien conclure ou des semences, ou des engrais. Dans l'ouest et le centre, les variétés rouges et celles qui sont ou très hâtives, ou très tardives, sont signalées comme ayant beaucoup moins souffert que les variétés dites de seconde saison, que l'on cultive généralement ; c'est précisément le contraire qui a été observé dans le nord-est, où la ''schaw, ''la ''hollande jaune ''et la ''truffe d'août ''notamment, ont présenté, dans la majeure partie des cas, beaucoup plus d'altération que la ''patraque jaune'', la ''rouge ''ou ''faulqucmone, ''la ''violette, l'ox noble, ''etc. Dans certaines localités, la ''vitelotte ''a été fortement attaquée, tandis qu'elle est restée intacte dans d'autres. Aux environs de Versailles, le ''cornichon de Hollande ''est, de toutes les variétés, celle qui a été le plus affectée ; il y a eu plus de la moitié des tubercules de perdus, et ceux qui paraissaient sains, se flétrissaient d'abord, et s'altéraient ensuite plus ou moins. La pomme de terre commune, grosse, ronde, celle dont on obtient ordinairement la fécule, était très avariée, suivant les localités et les époques où elle avait été plantée ; dans quelques champs, la moitié de la récolte a été perdue, et un cinquième seulement dans d'autres. A Berlin et aux environs, l'influence des variétés de la pomme de terre a été extrêmement sensible. Voici en effet, d'après M. le professeur Munter, qui a étudié la maladie dans le nord de l'Allemagne, le tableau des proportions dans lesquelles ont souffert cinq des variétés les plus répandues à BerlinFootNote( Berlin<ref>Comptes-rendus de l'Institut Royal de France. )</ref>.
 
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« 1° La maladie a complètement ravagé les champs tournés directement au nord, les pommes de terre ont été entièrement putréfiées. 2° Les champs situés dans la partie orientale de la commune, composés d'un sol calcaire léger, sec, graveleux et sablonneux, ont été beaucoup moins maltraités que les terrains argileux, forts et compactes. 3° Plus l'inclinaison du sol était grande, moins aussi les tubercules étaient altérés, et, sous ce rapport, la différence était sensible dans un même champ. Les localités à surface horizontale ont éprouvé les plus grandes pertes. 4° Là où l'engrais avait été mis en plus grande quantité, les pommes de terre étaient plus gâtées ; et l'on a observé que l'engrais provenant des moutons a été plus nuisible que celui des autres animaux. 5° Les tubercules rouges communs du pays, ont plus souffert que les pommes de terre jaunes, et celles-ci plus que les ''printanières. ''6° Celles qui ont été plantées tôt et arrachées tard, sont celles qui ont le mieux réussi. Quelques individus qui avaient cru devoir en opérer la récolte de bonne heure, ont vu avec regret que, malgré leur belle apparence, la putréfaction les a promptement détruites. 7° Celles qui ont été plantées tard, ont généralement péri. 8° Aucune différence n'a été remarquée entre les tubercules placés près de la surface du sol et ceux qui étaient à une plus grande profondeurFootNote( Cette conclusion est en opposition avec ce qui a été remarqué ailleurs par la majorité des observateurs. ). 9° Au-dessous des tiges saines ou peu altérées, il y avait autant de pommes de terre gâtées qu'au-dessous de celles dont les tiges et les parties foliacées se trouvaient entièrement pourries. i0° La coupe précoce des tiges ne produit aucun résultat satisfaisant ni même appréciable. ii° Dans quelques champs, l'altération complète de toutes les tiges s'est opérée en moins de trois jours. i2° La substance alibile ordinaire a été réduite de moitié, par l'effet de la maladie, dans les plantes les moins offenséesFootNote( Courrier des Alpes, 29 janvier 1816. ). »
 
 
<center>'''Chapitre deuxième'''
 
'''Étude de la Maladie'''
 
''considérée dans sa nature, sa cause, son influence<br/> sur l'alimentation, et les moyens d'y remédier<br/> ou de la prévenir.''</center>
 
Après avoir passé en revue ce qui concerne la maladie des pommes de terre dans ses détails statistiques et sa marche géographique, nous devons nous occuper de l'étude de la maladie elle-même, considérée dans ses rapports scientifiques, économiques et industriels. Cette singulière altération a donné naissance à un grand nombre de travaux et de recherches, dont l'importance est loin d'être la même. Les agronomes, les chimistes, les micographes, les gouvernements eux-mêmes, les sociétés savantes, les chambres d'agriculture, se sont préoccupés de cette grave question. Les recherches qui ont été faites, les opinions qui ont été émises, les nombreux écrits qui ont été livrés à la publicité, amènent à des conséquences si variées, si diverses, souvent même si contradictoires, qu'il serait difficile d'arrêter ses idées au milieu de tant de divergences, si l'on devait tenir compte du résultat des observations de quelques auteurs, dont les conclusions, souvent assez différentes, auxquelles ils ont été conduits, n'ont peut-être pas peu contribué à répandre dans le public des craintes sur les dangers qui pouvaient résulter de l'usage des pommes de terre, et sur la perte future de la culture de cette plante tant en France qu'à l'étranger. Toutefois, je vais essayer ''de ''présenter un tableau aussi complet que possible de l'état actuel de la question, en l'envisageant successivement sous ses divers points de vue ; je ferai connaître ce que renferment de plus substantiel, les divers travaux qui ont été publiés sur la maladie des pommes de terre, et j'exposerai les opinions principales qui ont été émises sur les diverses questions que pouvait soulever son apparition dans nos contrées. De mon côté, j'ai examiné la pomme de terre dans un grand nombre de localités, tant en Savoie qu'en France, aux environs de Lyon où je m'étais transporté dans ce but ; je l'ai étudiée, analysée, essayée sur moi-même, ete. ; j'ai interrogé beaucoup d'agriculteurs et de propriétaires, comparé et approfondi les résultats de leurs observations, et, réunissant le concours de mes propres travaux aux recherches et expériences des auteurs qui se sont occupés de ce sujet, j'espère pou- ' voir donner une solution satisfaisante des principales questions qui se rattachent à ce genre d'altération du plus utile des aliments.
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63. C'est de M. Payen, l'un de ses membres, que l'Académie Royale des Sciences de Paris a reçu le premier travail sur la maladie des pommes de terreFootNote( Séance du 8 septembre.). L'illustre académicien s'occupa d'étudier ce phénomène, dès qu'il fut signalé, aux environs de Paris, par une communication de M. Elisée Lefebvre à la
 
Société Centrale d'Agriculture ; il étudia aussi les échantillons des pieds atteints que ce dernier avait pris dans ses cultures, de même que d'autres provenant de diverses localités où la maladie avait frappé de grandes surfaces, tout en épargnant cà et là des cultures semblables. Laissons parler M. Payen: « Partout, ditildit-il, j'ai vu les feuilles et les tiges attaquées avant les tubercules ; il me semble donc que l'altération est transmise des tiges aériennes aux tubercules.
 
Cela paraît plus évident lorsque l'on voit l'altération spéciale des tubercules se manifester et s'étendre des points rapprochés des tiges, autour du tubercule sous l'épiderme, puis envahir par degrés la couche corticale, avançant de la périphérie vers le centre.
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Partout où ces apparences se manifestent, le tissu est amolli et se désagrége plus facilement que dans les parties saines, blanchâtres et fermes.
 
Des tranches très minces, observées sous le microscope, laissent voir aux limites de l'altération progressive un liquide offrant une légère nuance fauve qui s'insinue dans les méats intercellulaires ; ce liquide enveloppe graduellement presque toute la périphérie de chacune des cellules ; dans les parties fortement attaquées, il a tantôt augmenté, tantôt détruit Jl'adhérence des cellules entre elles, ce qui explique la désagrégation facile des tissus en ces endroits.
 
Un grand nombre de cellules, envahies par le liquide, conservent leurs grains de fécule intacts.
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Entr'autres conclusions formulées dans cette première note, M. Payen dit que « sur presque tous les tubercules légèrement atteints, il suffirait d'enlever une pelure plus ou moins épaisse pour éliminer les parties altérées, et que l'on vérifierait aisément que les parties plus profondément situées sont saines, en coupant en quatre morceaux chacun de ces tubercules. »
 
64. Dans une seconde noteFootNote( note<ref>Séance du 15 septembre.)</ref>, M. Payen fait connaître d'abord le procédé auquel il a soumis des tubercules attaqués, procédé qu'il a déjà exposé dans ses ''Mémoires sur le développement des végétaux. ''Le tubercule a été soumis pendant trois heures à l'action de l'eau bouillante ; après ce temps, tandis que dans les parties saines le gonflement des grains de fécule, arrondissant les cellules, a détruit leur adhérence, dans les parties déjà malades, malgré le gonflement de la fécule, les cellules restent solidaires, surtout sur les points malades, de manière à se séparer aisément du tissu sain adjacent. Après cet isolement, la fécule est éliminée par l'action prolongée, pendant quatre heures, d'eau aiguisée d'un centième d'acide sulfurique. On lave ensuite, et la substance pulpeuse qui reste se prêle fort bien aux observations microscopiques, à l'aide desquelles il a pu reconnaître un lacis filamenteux, de couleur jaune oranger, qui enveloppe les grains de fécule.
 
M. Payen a reconnu, par l'analyse, l'analogie de composition qui existe entre ce parasite et les autres champignonsFootNote( (l) On a dû s'apercevoir déjà que l'habile chimiste attribue la cause de la maladie des pommes de terre a un champignon criptogamique ; cette opinion sera discutée dans l'article suivant (75).) ; ainsi il a trouvé dans le premier 9,75 d'azote pour 100, tandis que le champignon de couche en contient 9,78.
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2° Tubercules envahis par des cryptogames divers et par des animalcules microscopiques. La pellicule brune de la pomme de terre est fissurée, la masse est spongieuse ; c'est alors qu'on remarque des cellules où les grains de fécule sont beaucoup plus rares. Cette altération est secondaire. La maladie proprement dite consiste dans une altération spontanée de la matière albuminoïde, qui a donné aux parties envahies cette couleur fauve, caractéristique, qu'on remarqué sur les tubercules qui ont été privés de vie soit par la gelée, soit par une autre cause. Cette opinion étant admise, dit M. Bouchardat, on n'a pas à craindre de voir le mal s'étendre à d'autres récoltes. 67. M. le docteur Decerfz, de la Châtre (Indre)FootNote( Académie dus Sciences de Paris, séance du 15 septembre.), dit que tous les symptômes que l'on assigne à la maladie extraordinaire des pommes de terre, caractérisent une maladie assez commune parmi les plantes d'une nature aqueuse, et qu'il a désignée, le premier, sous le nom de ''gangrène des végétaux, gangrène végétale. ''Aucune autre maladie ne saurait occasionner d'aussi grands ravages ; ce ne sont pas non plus des champignons d'une espèce parasite et microscopique qui seraient capables de détruire les récoltes d'une contrée entière. Cette cause ne pourrait produire que des effets partiels ou limités. Pour ce médecin, la maladie qui a attaqué simultanément des champs entiers de pommes de terre, et qu'il a été à même d'observer plusieurs fois, mais partiellement, en France, s'est déclarée d'abord sur les feuilles, puis sur les tiges, et a envahi les tubercules, qui se sont ramollis, désorganisés, et ont uni par se réduire en une sorte de pulpe ou putrilage noirâtre et fétide. « Ce sont assurément, dit-il, les caractères que j'ai assignés à la gangrène végétale, qui s'annonce par un point ou par une zone livide sur la tige, s'étend ou se multiplie sur toute la plante, et amène promptement la mort, après l'avoir réduite en une sorte de putrilage fétide. Au commencement de sa note, M. Decerfz rapporte les expériences qu'il a faites sur l'inoculation de cette maladie. La transmission du mal s'est opérée rapidement sur les herbes de nature aqueuse, et elle a déterminé leur mort en quatre ou cinq jours ; elle a eu lieu aussi sur les herbes d'une nature sèche, mais elle ne les a pas détruites entièrement. Enfin la même inoculation n'a produit aucun effet sur les plantes ligneuses.
 
M. Payen a communiqué à l'Académie une troisième note sur l'altération des pommes de terreFootNote( terre<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 22 septembre.)</ref>, dans laquelle il a développé ses idées et ses expériences relatives aux questions de savoir, si la maladie peut s'introduire dans les tubercules sans l'intervention de leurs tiges aériennes et de leurs racines, et si elle peut se transmettre des tubercules affectés aux tubercules sains. Nous reviendrons plus tard sur ce sujet.
 
68. M. Stas, professeur à l'Ecole polytechnique de Bruxelles, s'est constamment occupé de l'étude de la maladie des pommes de terre, dès le moment de son invasion en Belgique. Voici les principaux résultats auxquels ce savant est arrivéFootNote( id. id. ).
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Ces résultats, comparés à ceux qui ont été exposés précédemment en traitant de la valeur réelle de la pomme de terre (31), prouvent en effet que ce tubercule contient, cette année, une plus grande quantité d'eau que d'habitude, circonstance qui n'est peut-être pas étrangère à la nature même de la maladie que nous analysons en ce moment.
 
69. A la même époque, je communiquai à l'Institut de FranceFootNote( France<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 22 septembre.)</ref> le résultat des recherches que j'avais faites à ce sujet aux environs de Chambéry, et dont j'avais, quelques jours auparavant, donné connaissance à la Chambre Royale d'Agriculture et de Commerce de SavoieFootNote( Voyez le Courrier des Alpes, 20 septembre 1845.), par qui j'avais été spécialement chargé d'étudier la maladie des pommes de terre. Voici la partie de mon Mémoire qui se rapporte à la nature même de l'altération.
 
« La partie de la plante qui végète dans l'air présente un aspect des plus tristes. Les feuilles sont noircies et desséchées au point de pouvoir être mises en poudre. Cette action désorganisatrice n'a attaqué qu'une petite partie des tiges, dont le plus grand nombre sont restées vertes ; quelques-unes se sont desséchées, mais non noircies, et, dans un petit nombre de cas, on en remarque qui contiennent un suc trouble, épais, d'un jaune brunâtre, d'une odeur désagréable et d'une saveur acre.
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M. Gruat a fait choix de pommes de terre gâtées, mais sans ramollissement : ces pommes de terre, soumises à un rapage et à un lavage convenables, ont donné une fécule très blanche et de bonne qualité, dans une proportion de 14 pour 100. Des pommes de terre plus altérées, déjà ramollies, répandant une odeur infecte, ont subi la même opération, et ont donné, dans la proportion de 7 pour 100, une fécule boueuse et d'un brun sale. Les eaux-mères étaient gommeuses et filantes. L'eau provenant du lavage de ces pommes de terre ainsi putréfiées, répandait une odeur infecte ; elle paraissait avoir entraîné avec elle les parties malades devenues solubles, puisque le son, résidu de l'opération, loin de présenter les mêmes caractères, était mangé avec avidité par les bestiaux.
 
 
<center>Article 2<sup>e</sup>. '''Causes de la Maladie.'''</center>
 
75. Après avoir esquissé les travaux des principaux auteurs qui se sont occupés de rechercher les caractères généraux de l'altération qui a frappé les tiges et les tubercules des pommes de terre, il s'agit de constater maintenant les causes de la maladie. Ici surtout, la divergence des opinions se montre d'une manière plus évidente ; car les observateurs, bien qu'aidés des puissantes ressources de la chimie et de la micrographie, ont été conduits à des conclusions assez différentes.
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Pour les uns, c'est une végétation, cryptogamique, un champignon parasite qui est la cause première de la maladie, et qui détermine toutes les altérations ultérieures, telles que la décomposition putride, la diminution de la fécule, la production des infusoires, la désorganisation enfin du végétal. Telle est l'idée que s'est faite de la maladie M. Morren, idée développée par les observations de MM. Payen, Montagne, etc. — Pour d'autres, c'est l'apparition d'une matière rougeâtre particulière qui, se développant autour des cellules, est le point de départ de toutes les altérations consécutives. — Pour d'autres enfin, l'altération des pommes de terre est toute spéciale ; c'est une sorte de gangrène due aux influences atmosphériques, et le développement des champignons, des infusoires, etc., n'est que la conséquence de la désorganisation du végétal et de sa fermentation putride. Passons successivement en revue chacune de ces idées, et montrons la part que chaque auteur a prise dans leur étude respective.
 
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<center>'''Opinions diverses sur la maladie.'''</center>
 
76. M. Morren est à peu près le premier qui ait exprimé une .opinion sur la maladie des pommes de terre. Cet habile observateur y a vu l'effet de l'invasion d'un champignon parasite, du genre Botrytis, qui, après avoir atteint toutes les parties extérieures de la plante, s'étendrait à ses parties souterraines et deviendrait la seule cause de la désorganisation et de la destruction des tubercules, en se développant autour des grains de fécule, dont il arrête le développement. Il est ainsi le point de départ de toutes les altérations consécutives.
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85. M. DurandFootNote( Académie des Sciences de Paris, séance du 6 octobre. ), dont j'ai déjà cité les travaux sur ce sujet, attribue aussi le développement de la maladie aux influences atmosphériques de l'année, favorisées dans beaucoup de cas, ainsi qu'il a été dit, par des circonstances locales. Des expériences entreprises dans le but de vérifier cette opinion, ont eu pour résultat, d'une part, de montrer qu'on pouvait produire la maladie en faisant naître les causes auxquelles on était fondé à l'attribuer ; et, de l'autre, qu'on pouvait l'arrêter, jusqu'à un certain point, en plaçant le végétal dans des circonstances opposées.
 
86. La cause du mal, dit M. GerardFootNote( Gerard<ref>(S) id. id. du 20 octobre.)</ref>, est dans la présence de cette substance brune et résistante, non encore suffisamment étudiée, qui semble agglutiner les grains de fécule et en empêche l'isolement. Malgré ses essais réitérés, et l'emploi de tous les réactifs, M. Gerard n'a jamais pu obtenir d'autres résultats que de la déchirer en lamelles conservant leur coloration, quelque ténu que fût chaque lambeau, et il y a vu les vaisseaux colorés sans avoir changé de structure, mais paraissant d'une densité plus grande que dans l'état naturel. Cette maladie elle-même n'est sans doute, selon le même auteur, que le résultat de circonstances atmosphériques contraires, qui ont amené brusquement et entretenu pendant plusieurs jours la stagnation des fluides nourriciers, ce qui a opéré dans le tissu de la pomme de terre en voie de maturation, une altération qui a gagné de proche en proche les tissus voisins, sans altérer la fécule qu'on retrouve jusque dans les tubercules dans l'état le plus complet de décomposition, mais d'une extraction difficile. « On peut donc regarder cette maladie, ajoute M. Gérard, comme une ''gangrène sèche, ''et l'on n'a pas besoin, pour l'expliquer, de recourir aux parasites : jamais, dans la gangrène des tissus animaux, on n'a cherché cette explication ; pourquoi alors l'apporter pour celle des tissus végétaux, et ne pas regarder plutôt les parasites comme le résultat que comme la cause de l'altération des tissus ? »
 
Pour la Commission nommée par la direction centrale de l'Association Agricole, à TurinFootNote( Turin<ref>Cette Commission était composée de MM. les chevaliers Despines, ingénieur en chef des raines ; Moris, professeur de botanique, et de MM. Tessier, médecin des hôpitaux, et Abbene, pharmacien-chimiste, rapporteur.)</ref>, « la maladie des pommes de terre doit être attribuée à l'humidité, aux longues pluies, aux changements subits de température pendant le jour et la nuit, aux accidents atmosphériques qui ont eu lieu pendant le cours de l'année, lesquels, en altérant les feuilles et ensuite la tige de ce végétal, ont fait cesser les fonctions de la végétation. — Les champignons et les insectes observés sont l'effet et non la cause de la maladieFootNote( maladie<ref>Gazette de l'Association agricole des Etats Sardes, 24 octobre et, 19 décembre 1845.)</ref>. »
 
87. Enfin, M. Munter, qui a étudié cette maladie dans le nord de l'AllemagneFootNote( Académie des Sciences de Paris, séance du 3 novembre 1845.), n'a pu trouver ni les tiges ni les feuilles de la plante infectées par la présence d'un champignon parasite microscopique, ou par l'altération connue sous le nom de ''frisotte. ''L'envahissement des tubercules par le mal a eu lieu d'une manière tout-à-fait subite aux environs de Berlin, entre le 5 et le 8 septembre, au dire des cultivateurs. On se rappelle que c'est précisément à cette époque que les premiers symptômes de la maladie ont été remarqués en Savoie (56).
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L'altération de la pomme de terre a paru, à quelques agronomes, être le résultat d'une maladie véritable, d'une épiphytie qui, à l'instar du choléra asiatique, se serait déversée sur cette espèce d'être organisé, en rayonnant pour ainsi dire, d'un centre commun, source de miasmes et de principes de contagion. M. Munter ne partage pas cette opinion, et nous le croyons dans la bonne voie. Des expériences lui ont appris que l'affection n'est pas contagieuse, résultat que d'autres observateurs avaient déjà obtenus. Il croit plutôt que des circonstances atmosphériques assez semblables se sont portées, avec plus ou moins d'intensité, sur différents points du continent européen, et ont produit partout les mêmes effets pernicieux. Ces circonstances sont, suivant l'avis du professeur de Berlin, des gelées blanches extrêmement précoces, suivies de pluies chaudes hors de toute proportion pour la saison.
 
88. M. le comte de Gasparin, pair de France et membre de l'Institut, ne croit pas devoir rattacher la cause de la maladie aux circonstances météorologiques qui ont accompagné leur développementFootNote( développement<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 22 décembre 1845.)</ref>.
 
L'illustre académicien s'est demandé si le degré de froid et d'humidité éprouvés par cette plante, étaient de nature à causer cette perturbation spéciale dans son organisation. Telle est la question que M. de Gasparin a cherché à résoudre, en comparant cette année à celles qui présentent les mêmes caractères, et recherchant si, en effet, les pommes de terre avaient souffert alors de ces intempéries. Il établit deux tableaux représentant les données au moyen desquelles on peut comparer entre elles les deux récoltes de printemps et d'été qui se pratiquent dans le midi, dont la première a été bonne, et la seconde mauvaise, et les comparer aussi à l'état moyen du climat. Il résulte de ces tableaux que la récolte attaquée est celle qui présente les plus hautes températures, dont le nombre de pluies et la quantité de pluie ne s'éloignent pas plus de l'état moyen que de l'autre, dont l'évaporation a été relativement plus active, et dont les nébulosités ont été moindres que pour la récolte non attaquée ; d'où M. de Gasparin conclut qu'aucun des phénomènes météorologiques que l'on observe habituellement, n'a été la cause du mal.
 
Ces recherches, quelque exactes qu'elles puissent être, ne sauraient détruire cette opinion que les influences atmosphériques sont la cause, la plus apparente du moins, de la maladie qui a atteint les pommes de terre en 1845. Les chiffres établis par le noble pair ne prouvent rien en faveur d'une opinion contraire ; car, dans la plupart des cas, personne n'ignore que c'est moins la quantité de pluie, le " nombre de pluies et les degrés du froid qui influent sur les produits d'une récolte, que l'époque même de la végétation et l'état où celle-ci se trouve quand elle est frappée par des causes extérieures contre nature. 89. Parmi les divers observateurs dont je viens de rapporter l'opinion, et dont on pourrait encore étendre la liste, nous avons vu que les uns ont attribué le mal à l'action d'un champignon parasite ; les autres n'y ont vu qu'une modification morbide du contenu des cellules, modification qui cependant, ainsi que nous l'avons établi, ne s'étend pas jusqu'à la fécule ; d'autres enfin, et c'est le plus grand nombre, en rattachent la cause aux influences atmosphériques. Qu'on n'aille pas croire que tout est fini là, et que l'on soit réduit à chercher la vérité dans le cadre ''mesquin ''des opinions qui viennent d'être décrites. La nature du sujet offrait un champ trop vaste à l'imagination des micrographes, pour que nous ne dussions pas attendre, de leurs doctes élucubrations, des résultats plus complexes ; c'est ce que vient, de faire un savant, en donnant à ce sujet des proportions vraiment gigantesques. M. GrubyFootNote( Gruby<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 22septembre 1845. )</ref>, l'auteur qui s'est le plus servi du microscope, a vu dans les pommes de terre avariées, une épopée tout entière ; des armées d'animalcules rivaux se livrant d'horribles combats, tandis que les autres s'abandonnaient à la vie molle et paresseuse du sérail, en rongeant les pommes de terre sans souci du lendemain.
 
S'il faut en croire M. Gruby, les pommes de terre auraient non pas une mais trois maladies, c'est-à-dire trois maladies scientifiques ; elles seraient atteintes, 1° d'une maladie parasitique animale ; 2°d'une maladie mélanotiqueFootNote( Mélanotique, de Mélanore, maladie noire.) ; 3° d'une maladie parasitique végétale. Ce savant a vu dans les parties altérées, des espèces de nids renfermant une grande quantité d'acarus de tout âge, des femelles en état de gestation, des œufs, des fétus et des tests d'acarus morts. Ces animalcules porteraient deux paires de membres articulés, recouverts de poils et réunis à leur extrémité par un ongle recourbé et pointu ; la tête de ces monstres invisibles à l'œil nu, porte deux mâchoires sur les côtés et deux poils très pointus sur le front. Ces acarus, suivant l'habile micrographe, sont semblables à ceux qu'on rencontre dans les vésicules de la gale des animaux. Jusqu'à présent, on avait cru ces parasites doués d'appétits franchement carnassiers ; il parait qu'ils ont soudain adopté le régime des pommes de terre. M. Gruby ne s'est pas contenté de constater leur présence, il a été témoin de leurs querelles, de leurs luttes, de leurs guerres intestines, et il a tracé d'une main vigoureuse, conduite par une imagination trop féconde, le tableau pittoresque de leurs mœurs dramatiques.
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Enfin les ''Helminthes ''trouvés dans les pommes de terre malades appartiennent à une nouvelle espèce de Rhabditis, genre qui comprend les vibrions du blé, de la colle et du vinaigre. Cette espèce se distingue par plusieurs caractères faciles à saisir ; M. Guérin-Ménéville lui a donné le nom de ''Rhabditis feculorum. ''
 
<center>'''2'''<sup>'''e'''</sup>''' Résumé général des caractères de la maladie.'''
</center>
 
91. Résumons maintenant les caractères de la maladie, en exposant d'une manière régulière et méthodique la marche pathologique qu'elle a suivie dans les diverses partie de la plante.
 
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Article 3<sup>e</sup>. — '''Usages alimentaires des Pommes <br/> de ''''''terre ''''''malades.'''
 
inline:Image8.png 95. Je commence par faire observer, avant tout, qu'il ne peut être ici question que des tubercules dans lesquels l'altération n'est pas encore arrivée au plus haut point ; car, dans ce cas, leur substance tombe en une sorte de putrilage, dont il est évident qu'on ne peut songer à tirer aucun parti, pour l'alimentation du moins. Nous verrons plus loin que, même dans cet état, il est possible de les faire servir à quelque chose. Les tubercules dont je vais parler sont ceux dans lesquels la maladie n'a pas encore détruit la cohérence des parties, mais où des taches brunes, plus ou moins nombreuses, sont des indices indubitables d'une affection bien prononcée., Des craintes sérieuses se sont élevées sur l'emploi des pommes de terre malades, et l'inquiétude s'est propagée avec une telle rapidité et un tel caractère d'exagération, qu'un grand nombre de personnes n'ont pas osé pendant longtemps, quelques-unes même n'osent pas encore aujourd'hui manger ce légume, lors même qu'il est parfaitement sain. On a parlé de coliques, de cholérines, de dyssenteries, et même d'autres symptômes plus ou moins graves, analogues à ceux que détermineraient les champignons vénéneux ; et, comme dans les grandes épidémies qui déciment l'espèce humaine, on a attribué à l'usage des pommes de terre altérées des accidents qui lui étaient tout-à-fait étrangers. Or, la première et la plus intéressante de toutes les questions qui pouvaient être posées à ce sujet, était celle-ci : ''Les tubercules malades peuvent-ils être manges sans inconvénient, soit par F homme'', ''soit par les animaux? ''Cette question, je suis heureux de le dire, j'ai été le premier à la résoudre de la manière la plus satisfaisante ; mon exemple en a amené d'autres qui sont venus confirmer mes résultats, et l'on a sauvé ainsi, sur tous les points du globe où la maladie a frappé, une immense quantité de tubercules abandonnés en pure perte au milieu des champs ou ailleurs. Voici ce que je publiais à ce sujet dans le ''Courrier des Alpes, ''du 20 septembre FootNote((1) Voyjez<ref>Voyez aussi les Comptes-rendus des séances de l'académie des Sciences de Paris, 22 septembre. — Le Courrier de Lyon, 24 sept.— L'Echo du Monde Savant, 28 sept. — La Presse, 1 octobre, etc.</ref> ):
 
« Dans l'état des choses, on s'est naturellement demandé si les animaux et les hommes mêmes peuvent manger sans danger les tubercules plus ou moins altérés, et, dans le cas contraire, quel autre parti on pourrait en tirer. Déjà MM. Payen et Philippar ont répondu affirmativement, en ajoutant de prendre la précaution de laisser de côté les parties entachées par une altération sensible. Mais l'opinion de ces savants n'a point satisfait l'esprit public, qui exigeait des faits pratiques bien constatés, et non de simples opinions ou conjectures probables ; et, en attendant, on a continué à jeter une immense quantité de pommes de terre diversement atteintes de la maladie, et qui auraient pu nourrir cet hiver des populations entières ! Sentant combien il importait de savoir à quoi s'en tenir à ce sujet, je n'ai pas craint d'entreprendre sur moi-même des expériences propres à faire disparaître l'ombre même du plus léger doute à cet égard.
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Après cette opération, il est resté 73 livres de pommes de terre exemptes de toute altération, et dont je ne ferai pas la moindre difficulté de me nourrir comme des plus belles que l'on trouve au marché. C'est donc les trois quarts environ des pommes de terre que l'on jette, qu'il est possible de tirer partiFootNote( (1) Cette proportion est devenue moindre depuis cette époque, l'altération :iy ;iut continué à faire des progrès plus ou moins étendus.). Heureux si mes essais et mes observations peuvent contribuer à conserver au pauvre laboureur une grande partie du plus précieux de ses aliments, dont une prévention funeste eût pu le priverFootNote( (2) Immédiatement après la publication de cet article, M. le comte de Belgrano, Intendant Général à Chambéry, s'empressa d'en annoncer officiellement ces résultats à toutes les Intendances du Duché, pour être ensuite transmis aux Syndics de chaque commune. C'est d'après la lettre-circulaire de cet habile Administrateur, que MM. les Recteurs de chaque paroisse ont publiquement fait con naître, en chaire, à leurs paroissiens, l'usage qu'ils pouvaient faire des tubercules malades, soit pour l'alimentation de l'homme, soit pour celle des animaux. C'est ainsi qu'on est parvenu à profiter d'une grande quantité de pommes de terre malades, que des préjugés mal fondés voulaient faire sacrifier à pure perte. — Cette sage mesure a été suivie par tous les Gouvernements voisins, qui se sont bien trouvés de l'avoir mise en pratique. Je ne dois pas passer sous silence une proclamation faite dans ce but, par un maire de campagne (Isère), et affichée à la poile de sa commune dans l'intérêt de ses administrés. En voici la copie textuelle, telle que l'ont publiée plusieurs journaux français, et entr'autres la Presse du 26 octobre 1845 :
 
<center>Maladies Des Pome De Ter
Arrête :</center>
 
Art. 1er. —Vu que les pommes de ter sont gates dan ce peis comme dan la France, la Glande, et les antres.
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102. La Classe d'agriculture de Genève a fait connaître, par une circulaire adressée aux cultivateurs du Canton, les premiers jours d'octobre, que loin de jeter les tubercules atteints, il fallait autant que possible les utiliser au plus tôt, en commençant par les plus malades qui seront donnés aux bestiaux. « Quelques membres de la Classe d'agriculture, est-il dit, ont constaté, par des expériences suivies depuis huit jours, que les pommes de terre malades, données en nourriture, cuites ou crues, même sans en ôter la partie malade, n'avaient eu aucun inconvénient pour les bestiaux qui les ont consommées. Il en a été de même pour la nourriture des hommes, qui, jusqu'à présent, mangent, sans aucun effet fâcheux, des tubercules dont on a ôté la partie malade. »
 
103. Relativement à l'influence que peut exercer sur la santé de l'homme ou des animaux, l'introduction dans le régime alimentaire des tubercules plus ou moins profondément altérés, M. Bedel dit que: « D'après ce que l'on a pu observer depuis plus de deux mois dans le département des Vosges, nulle épizootie, nulle épidémie, nulle affection sporadique grave n'est venue témoigner de l'influence délétère de la nourriture des pommes de terre altéréesFootNote( altérées<ref>Académie des Sciences de Paris, séance du 8 septembre 1845. )</ref>. »
 
104. Dans la vallée d'Allèves, province du Genevois, où la maladie a sévi avec rigueur (56 et 62), M. l'abbé F. Martin nous apprend que les habitants de cette commune ont mangé les pommes de terre qui étaient avariées, après avoir eu soin d'enlever, avant la cuisson, les parties altérées ; personne n'a éprouvé la moindre indisposition. Ils les ont fait servir journellement à la nourriture du bétail, ''même sans les avoir mondées ; ''celui-ci les a mangées constamment avec avidité, et n'a été atteint d'aucune incommoditéFootNote( (2) incommodité<ref>Courrier des Alpes, 29 janvier 1846.) </ref>.
 
105. Un mot encore, avant de finir, sur un sujet qui se rattache à l'un des points les plus intéressants de l'économie agricole. Aux accidents sans nombre attribués à l'usage des pommes de terre altérées données en nourriture aux bestiaux de diverses espèces, on a ajouté celui que caractérise la diminution et même la suppression totale du lait chez les vaches.
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Depuis les beaux travaux de MM. Dumas, Boussingault, Payen, Liebig, Persoon, etc., sur l'alimentation des animaux, on a reconnu l'importance que l'on doit attacher à la présence des principes gras dans les fourrages. Il en est résulté la connaissance de ces faits pratiques, que les aliments des herbivores doivent toujours renfermer une dose déterminée de substances analogues à la graisse, destinées à concourir à la production du gras des tissus, ou à la formation de plusieurs sécrétions qui, comme le lait et la bile, contiennent des matières grasses en proportion notable. Si, malgré une dose insuffisante de principes gras dans les fourrages qu'elles consomment, les vaches continuent à donner les produits qu'on en obtenait sous l'influence d'un régime alimentaire complet, c'est qu'elles contribuent à l'élaboration de ces sécrétions aux dépens de leur propre graisse. Chaque jour, peut-être, pendant un temps limité, une vache, placée dans ces circonstances, rendra le même nombre de litres de lait. Il n'y aura pas diminution subite ; mais chaque jour aussi, comme l'a constaté M. Boussingault, la vache perdra un ou deux kilogrammes de son poids ; et si l'on persiste à lui donner une nourriture incomplète, quelque abondante que soit d'ailleurs cette nourriture, l'amaigrissement qui en sera la conséquence pourra devenir tel, que l'existence de la vache en soit sérieusement compromise.
 
S'il était démontré que, dans l'alimentation des vaches, le sucre et l'amidon concourent directement à la production du beurre, et que par conséquent les racines et les tubercules peuvent être substitués sans inconvénient au foin, aux grains, aux tourteaux huileux, etc., la pratique retirerait très souvent de cette substitution des profits considérables. Mais il n'en est point ainsi ; il résulte évidemment d'expériences entreprises sur une large échelle, par les auteurs précités, que les pommes de terre données seules, sont insuffisantes pour nourrir convenablement les vaches laitières, alors même que ces fourrages sont administrés avec abondance, on peut même dire à discrétion, puisque très souvent ces animaux laissaient une partie de la ration qui leur était offerte. Voici un exemple de ce principe vrai ; je l'emprunte à M. Boussingault qui l'a répété de mille manières et a toujours obtenu des résultats analogues. « Une vache rationnée avec 38 kilogr. de pommes de terre, et qui mangeait en outre de la paille hachée, continua à donner le lait qu'elle rendait sous le régime du foin ; le lait diminua graduellement, comme il arrive à mesure que l'époque du part s'éloigne. Sous l'influence de cette nourriture, qui ne comportait pas assez de matières grasses, la vache souffrit notablement, mais il fallut qu'il s'écoula un certain temps pour s'apercevoir de l'amaigrissement qu'elle éprouvait ; si l'observation, qui s'est prolongée pendant onze jours, n'eût duré que vingt-quatre heures, le résultat fâcheux qu'on a constaté aurait sans doute passé inaperçu. »
 
de la ration qui leur était offerte. Voici un exemple de ce principe vrai ; je l'emprunte à M. Boussingault qui l'a répété de mille manières et a toujours obtenu des résultats analogues. « Une vache rationnée avec 38 kilogr. de pommes de terre, et qui mangeait en outre de la paille hachée, continua à donner le lait qu'elle rendait sous le régime du foin ; le lait diminua graduellement, comme il arrive à mesure que l'époque du part s'éloigne. Sous l'influence de cette nourriture, qui ne comportait pas assez de matières grasses, la vache souffrit notablement, mais il fallut qu'il s'écoula un certain temps pour s'apercevoir de l'amaigrissement qu'elle éprouvait ; si l'observation, qui s'est prolongée pendant onze jours, n'eût duré que vingt-quatre heures, le résultat fâcheux qu'on a constaté aurait sans doute passé inaperçu. »
 
M. Boussingault a établi, par d'autres expériences, que deux vaches donnant chacune, en moyenne, 8 à 9 litres de lait par jour, sous l'influence d'un régime composé de 12 kilogrammes de foin, 8,5 de pommes de terre, 12 de betteraves, 7 de tourteaux de colza, et de la paille hachée à discrétion, avaient considérablement maigri par suite d'une alimentation de betteraves et de pommes de terre, malgré l'action réparatrice du regain qu'elles recevaient dans l'intervalle des deux expériences extrêmes. Voici les données de ces expériences :
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Art. 2<sup>e</sup>. — '''Produits alimentaires divers.''' —Semoule, riz de fécule, tapioka, 164.— Tisane, gelée et crème de fécule, 165. — Pommes de terre cuites à l'eau, à la vapeur, sous la cendre, au four, 166.— Vermicelle, gruaux, etc.,''id.''
 
 
 
 
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