« Monographie de la pomme de terre » : différence entre les versions

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Royale d'Agriculture, Sciences et Arts<br />
de Lyon.</center></small>
 
 
 
 
Jamais aucune question n'a plus sérieusement occupé l'attention générale, que la maladie dont les pommes de terre ont été frappées en 1845 ; jamais aucun des fléaux, qui de temps à autre déciment la pauvre humanité, n'a plus vivement exercé l'esprit et la verve des savants de tous pays ; jamais enfin aucun sujet n'a inspiré plus d'intérêt et de sollicitude aux chimistes, aux médecins, aux agriculteurs, aux botanistes, aux cultivateurs, aux micrographes, aux Académies, aux Sociétés savantes et aux Gouvernements eux-mêmes. Beaucoup de personnes ont parlé à ce sujet, mais la lumière est venue d'un petit nombre d'entre elles. Il est résulté de ce conflit une grande exagération du mal, dont l'apparition subite a effrayé d'abord, et la propagation d'idées mal fondées, qui n'ont pas peu contribué à augmenter les pertes.
 
De tous les présents faits à l'Europe par l'Amérique, aucun n'a eu une action plus puissante sur la civilisation que la pomme de terre, car l'espèce humaine s'est le plus rapidement multipliée dans les pays où ce précieux tubercule a presque entièrement remplacé les céréales dans la consommation des classes ouvrières. L'Irlande et la Grande-Bretagne sont des exemples frappants de cette imposante réalité. C'est donc avec raison que la maladie de 1845 a excité tant de sympathie de la part des divers Corps savants, et en particulier de la part de la Chambre Royale d'Agriculture et de Commerce de Savoie, qui a bien voulu me charger d'étudier cette grave question. J'ose croire que mon zèle et les résultats auxquels je suis parvenu, répondent à une mission aussi honorable, et je remercie la Chambre d'avoir jugé ce Mémoire digne de figurer dans ses Annales.
 
La maladie des pommes de terre envisagée sous le seul point de vue de la science, aurait offert un travail qui n'aurait pu être lu ou compris que par quelques spécialités. En la considérant, comme je l'ai fait, dans ses rapports statistiques et géographiques, dans sa nature, ses causes, son influence sur l'alimentation et les moyens d'y remédier ou de la prévenir ; en étudiant comparativement, et d'une manière pratique, les questions d'économie qui s'y rattachent, au nombre desquelles figurent les divers procédés de conservation, l'action, sur la germination, des agents employés à cet effet, la transmissibilité de la maladie des tubercules de semences aux tubercules de reproduction, e te. ; en faisant enfin connaître, sous forme d'extrait, les opinions et les travaux des principaux observateurs qui ont étudié le mal partout où il a sévi, j'ai formé ainsi une histoire générale qui pourra toujours être consultée avec fruit dans des circonstances analogues, et qui offrira aux générations futures le tableau fidèle de l'examen approfondi de toutes les phases qui ont précédé, accompagné et suivi cette singulière maladie.
 
Pour donner plus d'intérêt à cette histoire, je l'ai rattachée à l'étude complète de la pomme de terre que je publie aujourd'hui sous le titre de Monographie, formant elle-même trois Parties distinctes. La première est consacrée aux diverses questions relatives à la partie agricole de cette solanée ; on y trouve en outre des documents nouveaux sur sa culture hivernale, et des renseignements utiles pour les plantations de cette année ; la seconde Partie résume la maladie de 184S sous toutes ses faces ; la troisième enfin, tout industrielle, renferme la description des procédés à l'aide desquels on peut se procurer tous les produits que l'on peut obtenir de la pomme de terre saine et malade, tels que fécule, gomme, sirop, sucre, pain, aliments divers, etc.
 
Comme on le voit, cet ouvrage n'est pas seulement fait pour les savants ; il intéresse toutes les classes, et en particulier les agriculteurs et les propriétaires. Il renferme tous les éléments nécessaires, soit pour améliorer et perfectionner la culture de cette plante précieuse, et en obtenir le meilleur résultat possible, soit pour tirer un parti très avantageux des tubercules, par leur conversion en produits industriels, les années où une abondante récolte en abaisse trop la valeur commerciale, ainsi que dans le cas où une maladie analogue à celle qui les a frappés naguères, viendrait à se montrer de nouveau.
 
Dans toute circonstance semblable, il faut prêcher par l'exemple ; la pratique seule porte la conviction dans les esprits. Pendant que des savants recommandables se contentaient d'annoncer, d'après leur simple manière de voir, que les pommes de terre malades pouvaient être mangées sans danger, le public n'était point satisfait, et l'on continuait chaque jour à abandonner sur le sol, ou à faire jeter à l'eau des quantités immenses de ce précieux tubercule qui auraient pu, tout au moins, fournir des masses de fécule ou d'eau-de-vie de qualité plus que médiocre ! Peu de jours après, je publie le même avis. Mon opinion, immédiatement transmise dans toute l'Europe par la voie de la presse, et confirmée successivement de tous côtés, rassure les masses en leur faisant connaître le véritable état des choses. Les tubercules altérés cessent aussitôt de devenir la proie des poissons, et servent dès lors, sans danger, à l'alimentation des hommes aussi bien qu'à celle des animaux, avec la seule précaution de les monder des parties gâtées !.. C'est que mon opinion,à moi, n'était pas seulement hypothétique ; basée sur des expériences entreprises sur moi-même (9 5), elle était la juste conséquence de résultats irrécusables. J'ai payé de ma personne, mais j'ai atteint mon but!.. Je crois donc n'avoir pas été seulement utile à mon pays, mais encore aux populations entières chez qui le même mal a sévi ; à ce titre seul, ne puis-je pas espérer de mes lecteurs indulgence et sympathie ?...