« Dans le ciel/2 » : différence entre les versions

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Malgré l’étrangeté refroidissante de cette réception, malgré l’état de fatigue où j’étais à la suite de ce long voyage et de cette pénible ascension de la côte, sous le soleil, je n’osais plus insister pour rester dans cette délicieuse retraite. Il y avait dans les yeux de mon ami une telle souffrance accablante, un tel douloureux effarement !
 
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– Allons… partons…
 
Je maugréais en moi-même, et me repentais d’avoir obéi à un sentiment d’absurde générosité, de m’être si facilement laissé duper par ce fantôme de la pitié, cet obstiné fantôme qui revient, aux heures d’abandon, forcer la porte des cœurs les mieux défendus contre l’amour. Et qu’allait-il m’arriver, avec ce fou ? Ce mot « auberge » remuait en moi des images de crime. Non, vraiment, je n’étais pas rassuré. Il me semblait que je venais de tomber stupidement dans un guet-apens. Au fait, depuis quinze ans, je ne savais rien de X… Ses lettres ?… Mais que d’hypocrisies, que de mensonge dans les lettres !… Je regardai X…, tentant de pénétrer en lui,
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au fond de lui, de m’expliquer ses bizarres allures. Il me fit presque pitié. Il était, sous le regard du ciel, tremblant comme un lièvre sous le souffle du chien qui l’arrête.
 
– Partons ? fis-je d’une voix légèrement irritée…
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– Tu es malade, dis-je…
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– Mais non, je ne suis pas malade… Pourquoi serais-je malade ?… L’air est pur, là-haut… Il a passé sur les forêts, il a passé sur la plaine… Il s’est filtré, au filtre des arbres, au filtre des fleurs… Je suis tout seul… et tout seul, si impur que je sois, je ne puis pas empoisonner tout cet air… Je ne suis pas malade.
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Et comme je souriais, mon ami ajouta :
 
– Non… non… Ça n’est pas ce que tu crois… Ah ! Dieu non !… Mais voir de la beauté autour de soi, de la beauté vivante… de la beauté terrestre !… Des yeux, une bouche, une flexion de la taille, des mains qui remuent, des cheveux qui frissonnent dans le soleil… entendre un frôlement de robe, des rires gais, des paroles douces comme des chants !… Eh bien, elle est partie, chassée par ce ciel, chassée par ces nuages… Et, depuis, aucune n’a voulu revenir… J’ai eu un chien aussi… Toute une nuit il aboya. Le lendemain, lorsque je descendis pour le voir, pour lui parler, je vis qu’il avait rompu sa chaîne, et que, lui aussi, avait fui… Croirais-tu qu’il n’y a pas un oiseau, là-haut !… Il n’y a que des taupes… Parbleu c’est clair !… Tu comprends bien que…
==[[Page:Mirbeau - Dans le ciel, paru dans L’Écho de Paris, 1892-1893.djvu/9]]==
taupes… Parbleu c’est clair !… Tu comprends bien que…
 
L’incohérence de ces paroles m’était pénible. Je voulus détourner le cours de cette conversation démente.
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Nous entrâmes dans l’unique auberge. Des grosses voix, de la fumée, une odeur forte d’alcool et de boissons suries, de beurre rance, de friture âcre.
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– Viens par ici, me dit X… en me tirant par la manche de mon paletot.