« Orgueil et Prévention (1822, ré-édition 1966)/56 » : différence entre les versions

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{{t3|chapitre 56}}
 
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Huit ou dix jours après que l’engagement entre Hélen
et Bingley eut été formé, comme toute la famille était
ensemble dans le petit salon, le bruit d’une voiture attira
soudain l’attention, et une calèche à quatre chevaux entra
par la grille ; ce n’était pas une heure à attendre des visites,
et d’ailleurs, la voiture ne ressemblait nullement à celle
d’aucun de leurs voisins. Elle paraissait même attelée de
chevaux de poste, et la livrée des gens qui la précédaient leur
était inconnue ; comme il était évident, néanmoins, que
quelqu’un allait se présenter, Bingley engagea Mlle Bennet,
pour éviter toute importunité, à venir avec lui faire un tour
de jardin ; elle y consentit, et ils partirent ensemble, laissant
les autres former, quoique sans succès, les conjectures
les plus diverses ; elles finirent enfin, et la personne
qui les faisait naître parut : c’était lady Catherine de
Brough.
 
Ils s’attendaient assurément à être surpris, mais leur
étonnement passa leur attente ; et quelque grande que fût la
surprise de Mme Bennet et de Kitty à qui cette dame était
entièrement inconnue, elle ne pouvait, cependant, égaler
celle qu’éprouvait Élisabeth.
 
Lady Catherine entra d’un air fort peu aimable, ne
répondit que par une simple inclination de tête au compliment
d’Élisabeth, et s’assit sans proférer un seul mot ;
Élisabeth en la voyant l’avait nommée à sa mère, quoiqu’elle
n’eût en aucune manière demandé cette présentation.
 
Mme Bennet, fort surprise, était flattée cependant
de recevoir une si grande dame, et l’accueillit avec la plus
 
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parfaite politesse. Après avoir été assise quelques instants
en silence, elle dit froidement à Élisabeth :
 
« Votre santé me paraît bonne, mademoiselle Bennet ;
cette dame, je présume, est votre mère ? »
 
Élisabeth répondit très brièvement, qu’elle l’était.
 
« Et celle-ci, sans doute, est une de vos sœurs ?
 
— Oui, madame, dit Mme Bennet, tout enchantée
de parler à une lady, c’est une de mes filles cadettes ; la
plus jeune s’est mariée dernièrement, et l’aînée se promène
en ce moment avec un jeune homme qui, je crois, fera
bientôt partie de notre famille.
 
— Votre parc me paraît bien petit, reprit lady Catherine
après une courte pause.
 
— Il doit sans doute paraître tel, comparé à Rosings,
milady, mais je puis vous assurer qu’il est beaucoup plus
grand que celui de sir William Lucas.
 
— Cette pièce-ci doit être bien désagréable dans les
soirées d’été, elle est en plein couchant. »
 
Mme Bennet l’ayant assurée qu’ils ne s’y tenaient
jamais après le dîner, ajouta :
 
« Oserai-je prendre la liberté de vous demander,
milady, si vous avez laissé M. et Mme Colins en bonne
santé ?
 
— Oui, ils se portent fort bien, je les ai vus avant-hier
soir. »
 
Élisabeth s’attendait maintenant à la voir produire
une lettre de Charlotte à son adresse, pensant que c’était le
seul motif probable auquel on pût attribuer sa visite, mais
cette lettre ne parut point, et elle ne savait plus que penser.
 
Mme Bennet, avec une extrême civilité, offrit à lady
Catherine quelques rafraîchissements ; celle-ci refusa d’une
manière plus décidée que polie, et alors se levant dit à
Élisabeth :
 
« Mademoiselle Bennet, ce petit labyrinthe qui se
trouve d’un côté de l’avenue m’a paru assez joli, je serais
aise d’y faire un tour, si vous vouliez m’accompagner.
 
— Allez ma fille, s’écria la mère, montrez à milady les
différentes allées, je crois que l’ermitage sera de son goût. »
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Élisabeth obéit, et courant à sa chambre prendre son
parasol, descendit avec lady Catherine ; comme elles passaient
dans le vestibule, cette dame ouvrit la porte du salon
et de la salle à manger, et avoua, après les avoir quelques
instants examinées, que ces pièces étaient passables, et
continua son chemin.
 
En passant près de la voiture, Élisabeth vit que la
dame de compagnie y était restée. Toutes deux elles traversèrent,
en silence, la grande allée qui conduisait au labyrinthe.
Élisabeth était décidée à ne point chercher à lier
conversation avec une personne qui toujours hautaine et
fâcheuse l’était maintenant à un point intolérable.
 
« Comment ai-je jamais pu trouver qu’elle ressemblait
à son neveu ? » se dit-elle en la regardant.
 
Dès qu’elles furent dans le petit bois, lady Catherine
rompit ainsi le silence :
 
« Vous pouvez facilement comprendre, mademoiselle
Bennet, le sujet qui m’amène ici. Votre cœur, votre conscience
doivent assez vous le dire. »
 
Une surprise vive et bien naturelle se peignit dans
tous les traits d’Élisabeth.
 
« En vérité, madame, vous vous trompez ; je n’ai pu
d’aucune manière m’expliquer l’honneur que vous nous
faites aujourd’hui.
 
— Mademoiselle Bennet, reprit lady Catherine d’un
ton courroucé, vous deviez savoir qu’on ne se joue pas de
moi, mais enfin qu’il vous convienne ou non d’être sincère,
je ne vous en ferai pas moins savoir mes sentiments ; mon
caractère a toujours été admiré pour sa noble franchise, et
dans une affaire aussi importante que celle-ci, je ne changerai
certainement pas de principes. Un rapport des plus alarmants
m’est parvenu il y a deux jours ; on m’a dit que non
seulement votre sœur allait faire un mariage très brillant,
mais que vous ! que Mlle Élisabeth Bennet serait, selon
toutes les apparences, bientôt unie à mon neveu, mon
propre neveu, M Darcy ; bien que je sache que cela ne
peut être qu’une fausseté scandaleuse, quoique je ne veuille
pas lui faire l’injure de penser même qu’une semblable
 
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chose fût possible… cependant je me suis décidée à me rendre
sur-le-champ ici, afin de vous parler moi-même.
 
— Si ce rapport vous paraît si dénué de vérité,
repartit Élisabeth, rouge d’étonnement et d’indignation, il
me surprend, madame, que vous vous soyez donné la
peine de venir si loin. Quel pouvait être votre but ?
 
— D’ordonner, d’enjoindre que ce bruit fût sur-le-champ
contredit.
 
— Votre apparition à Longbourn, votre visite à ma
famille, dit froidement Élisabeth, le confirmeraient plutôt
si vraiment il existait.
 
— Si ! prétendriez-vous par hasard l’ignorer ? N’est-ce
pas vous et vos parents, qui l’avez adroitement répandu ?
Ou du moins, ne savez-vous pas qu’il n’est question que de
cela dans le voisinage ?
 
— Je n’en avais jamais ouï parler !
 
— Et pouvez-vous également affirmer que ce rapport
est sans fondement ?
 
— Je n’ai pas la prétention, madame, d’imiter votre
franchise. Vous pouvez me poser des questions, auxquelles
il ne me conviendra pas de répondre.
 
— Cela n’est pas supportable ! Mademoiselle Bennet,
j’insiste pour savoir la vérité ! Vous a-t-il… Mon neveu
vous a-t-il demandé en mariage ?
 
— Vous avez déclaré que cela était impossible.
 
— Cela devrait l’être, s’il a encore un peu de sang dans
les veines, mais votre finesse, votre artificieuse coquetterie
ont pu le conduire, dans un moment de faiblesse, à oublier
ce qu’il se devait à lui-même, vous l’avez peut-être séduit !
 
— S’il en est ainsi, pouvez-vous croire, madame,
que je veuille l’avouer ?
 
— Mademoiselle Bennet, me connaissez-vous ? Je n’ai
pas été accoutumée à un pareil langage, je suis pour ainsi
dire, la plus proche parente qu’il ait maintenant au monde,
et j’ai le droit de connaître ses plus chers intérêts.
 
— Mais, vous n’avez nul droit de connaître les miens,
et une telle conduite n’est guère propre à gagner ma confiance.
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— Écoutez-moi, je vous prie ; cette alliance à laquelle
vous avez la présomption d’aspirer ne peut jamais avoir
lieu, non jamais ! M. Darcy est promis à ma fille ; maintenant,
qu’avez-vous à me répondre ?
 
— Un mot seulement, c’est que s’il en est ainsi,
vous ne pouvez avoir aucune raison de supposer qu’il
me fasse l’offre de sa main. »
 
Lady Catherine réfléchit quelques instants, puis elle
reprit.
 
« Leur engagement est d’une nature toute particulière :
dès leur enfance, ils ont été destinés l’un à l’autre ; la mère
de M. Darcy désirait comme moi cette alliance : nos enfants
étaient encore au berceau, lorsque nous en formâmes le
projet, et maintenant que toutes nos espérances se pourraient
réaliser par leur mariage, serais-je réduite à voir mon
attente trompée ? Et pour qui ? pour une jeune personne sans
naissance ni fortune, et parfaitement inconnue de notre
famille. Ne faites-vous aucun cas des désirs de ses parents,
de cet engagement tacite avec Mlle de Brough ? Avez-vous
perdu tout sentiment d’honneur et de délicatesse ? Ne vous
souvient-il plus de m’avoir entendu dire qu’il était destiné
à sa cousine ?
 
— Si vraiment ! j’en avais même ouï parler auparavant,
mais qu’est-ce que cela me peut faire, s’il n’y a aucun
autre obstacle à mon mariage avec votre neveu ? La connaissance
du désir qu’avait sa mère et sa tante de l’unir à Mlle
de Brough ne saurait m’empêcher de le conclure ; vous avez
toutes deux fait tout ce qui était en votre pouvoir en concertant
cette alliance, son accomplissement dépendait d’autres
que de vous. Si l’homme ou l’inclination ne lie pas M. Darcy
à sa cousine, pourquoi lui serait-il défendu de faire un autre
choix ? Et si je suis la femme qu’il a choisie, pourquoi ne
pourrais-je accepter sa main ?
 
— Parce que l’honneur, la bienséance, la prudence
votre intérêt même le défendent. Oui, mademoiselle Bennet,
votre intérêt, car ne vous attendez pas à être reconnue par aucun
de ses parents si vous agissez volontairement contre leur
désir ! Vous serez censurée, méprisée par tous ceux qui lui
 
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appartiennent ; votre alliance le couvrira de honte, et
jamais votre nom ne sera même prononcé par aucun de
nous.
 
— Ces malheurs sont grands, en vérité, répondit
Élisabeth, mais la qualité d’épouse de M. Darcy doit
par elle-même être une si grande source de bonheur, que
celle qui en serait revêtue ne pourrait, après tout, avoir
aucun sujet de se plaindre.
 
— Quel égoïsme ! quel entêtement ! j’en rougis pour
vous ! Est-ce là la reconnaissance que vous ont inspirée
les attentions dont je vous ai comblée le printemps dernier ;
ne me devez-vous rien de ce côté-là ?
 
« Asseyons-nous. Il vous faut bien comprendre,
mademoiselle Bennet, que je suis venue ici avec la ferme
intention d’atteindre mon but, et rien ne saurait m’en dissuader ;
je ne suis point femme à me soumettre au caprice
de qui que ce soit, et je n’ai point été accoutumée à me
voir contrariée d’aucune manière.
 
— Votre position, madame, n’en sera alors que plus
pénible, mais une semblable considération ne peut avoir
aucun effet sur moi.
 
— Je ne veux pas être interrompue, écoutez-moi en
silence. Ma fille et mon neveu sont nés l’un pour l’autre,
le même sang coule dans leurs veines ; tous deux ils sont
descendus, par leur mère, d’une illustre maison, et peuvent
se vanter l’un et l’autre d’appartenir, du côté paternel, à
une famille des plus anciennes, quoique sans titre : leurs
fortunes à tous deux sont considérables, tous les membres
de leur noble famille les destinèrent l’un à l’autre ; et qui
donc peut les séparer ? les ambitieuses prétentions d’une
femme sans nom, sans fortune ? Cela n’est pas supportable,
on saura l’empêcher ! Si vous connaissiez même votre
propre avantage, vous ne chercheriez pas à sortir de la
classe où vous êtes née.
 
— Et en épousant votre neveu, je ne croirai pas en
sortir ; il est gentilhomme, je suis la fille d’un gentilhomme ;
ainsi, sur ce point, nous sommes égaux.
 
— Il est vrai, vous êtes la fille d’un gentilhomme ;
 
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mais qui était votre mère ? Quel état professent encore vos
oncles ? Croyez-vous que j’ignore ce qu’ils sont ?
 
— Quelles que soient mes liaisons, dit Elisabeth, si
votre neveu n’y fait point d’objection, elles ne sauraient
aucunement vous importer.
 
— Dites-moi une fois pour toutes, êtes-vous engagée
avec M. Darcy ? »
 
Répondre à cette question dans la seule vue d’obliger
lady Catherine, voilà ce qu’Élisabeth n’aurait point voulu
faire ; cependant elle ne put s’empêcher de dire, après un
moment de réflexion :
 
« Je ne le suis pas. »
 
Lady Catherine parut satisfaite.
 
« Et voulez-vous me promettre de ne jamais former
avec lui aucun engagement de ce genre ?
 
— Je ne saurais vous faire une semblable promesse.
 
— Mademoiselle Bennet, je suis surprise, choquée de
votre conduite ; je m’attendais à trouver en vous une femme
raisonnable ; mais ne vous flattez pas que je veuille me
désister de ma demande ; je ne sortirai pas d’ici que vous ne
m’ayez donné la promesse que j’exige.
 
— Vous ne l’obtiendrez jamais ; je ne suis point d’un
caractère à me laisser dicter des lois si déraisonnables. Vous
voulez, madame, que M. Darcy épouse votre fille ? Mais si
même je vous donnais cette promesse tant désirée, cela
rendrait-il leur mariage plus probable ? Supposez que votre
neveu me soit attaché, qu’il m’offre sa main ! Mon refus pourrait-il
l’engager à la donner à sa cousine ? Permettez-moi
de vous dire, lady Catherine, que les raisonnements avec
lesquels vous avez soutenu cette extraordinaire démarche,
m’ont paru aussi frivoles que la démarche était en elle-même
peu sensée ; vous vous êtes vraiment abusée, si vous
pensiez que de semblables arguments me pussent faire
impression. Si votre neveu approuve ou non votre intervention
dans ses affaires, voilà ce que j’ignore, mais certainement
vous n’avez nul droit de vous mêler des miennes.
Je vous supplierai donc de ne me point importuner davantage
à ce sujet.
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— Un peu moins de vivacité, je vous prie, il me reste
plus d’un mot à vous dire. À toutes les objections déjà
mentionnées par moi, j’en puis ajouter une bien plus fondée
encore : la conduite, la fuite honteuse de votre sœur n’est
pas ignorée par moi, j’en connais les moindres détails ; je
sais tout ce qu’il en a coûté à votre père et à votre oncle pour
conclure ce mariage. Hé quoi ! se pourrait-il qu’une femme
semblable devînt la sœur de mon neveu, et son mari, qui
est fils de l’intendant de feu M. Darcy, sera le beau-frère
de celui qui fut jadis son maître ? Ô ciel ! y pensez-vous ?
Verrai-je à ce point profaner les ombrages de Pemberley ?
 
— Vous ne pouvez avoir autre chose à me dire,
répondit-elle avec émotion, vous m’avez insultée de toutes
les manières, il est temps que je rentre chez moi. »
 
Elle se leva en prononçant ces mots ; lady Catherine
suivit cet exemple, et elles reprirent ensemble le chemin de la
maison. L’indignation de cette dame était au comble.
 
« Vous n’avez donc aucun égard à l’honneur, à la
réputation de mon neveu ? Fille insensible ! modèle parfait
d’égoïsme ! ne savez-vous pas qu’une alliance avec vous le
déshonorera pour jamais ?
 
— Lady Catherine, je n’ai plus rien à vous dire, vous
connaissez mes sentiments.
 
— Vous êtes donc décidée à l’épouser ?
 
— Je n’ai point dit une pareille chose, je suis seulement
décidée à agir de la manière qui pourra le mieux, selon
moi, assurer mon bonheur, sans consulter ni vous, madame,
ni aucune autre personne étrangère à ma famille.
 
— Fort bien, vous {{corr|refurez|refusez}} donc de m’obliger ?
Vous refusez d’obéir à la {{corr|voir|voix}} de l’honneur, de la reconnaissance ?
Vous êtes résolue à lui faire perdre l’estime de ses
amis ? Vous voulez le rendre la risée du public ?
 
— Ni l’honneur, ni la reconnaissance, repartit
Élisabeth, n’ont rien à m’imposer dans la présente circonstance ;
en épousant M. Darcy, je ne croirais nullement violer
aucuns de mes devoirs ; et quant à l’indignation de ses
parents, si elle était réellement l’effet de son mariage avec
moi, elle ne saurait me causer un moment de souci, et le
 
==[[Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/367]]==
monde en général serait trop sensé pour partager leur
opinion.
 
— Et voilà votre sentiment, votre dernière résolution,
cela me suffit : je saurai maintenant comment agir !
mais ne vous imaginez pas, mademoiselle Bennet, voir jamais
votre ambition satisfaite. J’étais venue vous éprouver, je
m’attendais à vous trouver plus raisonnable ; mais soyez
assurée que {{Corr|j’attendrai|j’atteindrai}} mon but. »
 
Ainsi parla lady Catherine, tout en se rendant à sa
voiture ; et avant d’y monter, elle ajouta :
 
« Je ne prends pas congé de vous, miss Bennet,
je ne vous charge d’aucun compliment pour votre mère ;
vous ne méritez pas une telle faveur ; vous m’avez sérieusement
offensée. »
 
Élisabeth ne fit aucune réponse, et sans chercher à
engager cette dame à rentrer dans la maison, en prit elle-même
tranquillement le chemin ; comme elle montait
l’escalier, elle entendit partir la voiture ; sa mère d’un air
fort empressé vint à sa rencontre, pour lui demander pourquoi
lady Catherine n’était pas rentrée se reposer.
 
« Cela ne lui a pas convenu, dit sa fille, elle a voulu
partir.
 
— Elle est bien belle femme vraiment ! Sa visite est
d’une honnêteté extrême, car elle est venue, je présume,
nous dire que les Colins se portent bien ; elle passait sans
doute par Meryton et alors elle a pensé qu’elle ferait aussi
bien de venir vous voir. J’imagine, Lizzy, qu’elle n’avait
rien de particulier à vous dire ? »
 
Élisabeth se vit forcée de trahir ici quelque peu la
vérité, car avouer le sujet de leur conversation, était absolument
impossible.