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NOTICE

Phèdre fournirait également des éléments de comparaison ; dans la Notice qui lui sera consacrée il sera possible de reprendre l’ensemble de la question et de chercher à voir quelle est dans l’idéalisme platonicien la fonction de l’Amour et quelle place y doit être faite à la méthode qui l’utilise.

Dès à présent on peut dégager toutefois quelques idées essentielles. Parti de l’émotion sensible la plus profonde et la plus troublante, l’amour, discipliné par la philosophie, intellectualisé par la suite des désindividualisations qu’elle lui prescrit dans des domaines toujours plus riches d’intellectualité, aboutit enfin à l’Intelligible. Il l’atteint dans une Idée très haut placée sur l’échelle hiérarchique des essences intelligibles, et l’acte par lequel il l’atteint est un acte de connaissance intuitive : ainsi se termine donc le débat sur le savoir qui s’était élevé au début du dialogue entre Socrate et Agathon (cf. 176 e et p. xxx et p. lxiv). D’autre part, entre les concepts de beau et de bon, le Banquet a indiqué une réciprocité (cf. 204 e sq., 205 e sq.). Or, dans l’Idée du beau, les dernières pages du Philèbe montreront le premier des aspects, supérieur même au Vrai, que revêt le Bien pour se manifester en une pluralité d’essences intelligibles hiérarchisées. De la sorte on entrevoit la possibilité de compléter et d’élargir l’interprétation des mythes de l’Amour-démon, de l’Amour fils d’Expédient et de Pauvreté (cf. p. lxxviii-lxxx). L’Amour est le fruit de la nature sensible, laquelle n’a droit qu’aux miettes du festin de l’intelligibilité absolue, et de la nature intelligente, qui y a été conviée, mais qui n’a pas su en jouir sobrement et dont l’ivresse a été suivie de l’oubli dans le sommeil. Aussi le véritable amour, synthèse de ces deux contraires, sera-t-il comme un réveil, grâce auquel l’âme se sentira libérée de son union ténébreuse avec le corps sensible, pour se lever vers la lumière des Idées[1].

c. Et maintenant une question se présente, apparentée à celle que se pose le Phédon pour le vrai philosophe (64 a-67 c, 82 c-84 b) : que sera et que vaudra la vie du véritable amoureux, de celui qui aime sous l’espèce de la philosophie ou, dirait-on, sub specie aeterni ? Cet homme, une fois son amour parvenu à ce qui en est le terme, la contemplation du

  1. Provisoirement, sur tout ceci voir, op. cit., en outre des passages déjà indiqués dans la note précédente, les pages 167 sq.