« Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/241 » : différence entre les versions

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{{tiret2|der|niers}} temps ? mais comment peut-on vouloir paroître aux yeux du monde, ce monde dont on veut l’estime et l’approbation au delà du tombeau, comment veut-on lui paroître la plus avare personne du monde ? Avare pour les pauvres, avare pour ses domestiques, à qui elle ne laisse rien ; avare pour elle-même, puisqu’elle se laissoit quasi mourir de faim ; et en mourant, lorsqu’elle ne peut plus cacher cette horrible passion, paroître aux yeux du public l’avarice même ? Ma chère Madame, je parlerois un an sur ce sujet ; j’en veux à cette frénésie de l’esprit humain, et c’est m’offenser personnellement que d’en user comme vient de faire {{Mme}} de Meckelbourg ; nous nous étions fort aimées autrefois, nous nous appelions sœurs : je la renonce, qu’on ne m’en parle plus.


Parlons de notre hôtel de Chaulnes, c’est justement le contraire : ce sont des gens adorables, et qui font un usage admirable de leur bien : ce qu’ils reçoivent d’une main, ils le jettent de l’autre ; et quand ils n’avoient point les lingots de Saint-Malo <ref>2. Peut-être quelque droit sur les prises, ces profits dont parle Saint-Simon (tome {{rom-maj|II|}}, {{pg}}181 et 182) : « Les profits immenses du droit d’amirauté de Bretagne, dit-il, attachés au gouvernement de cette province, et qui pendant les guerres avoient été fort hauts, avoient fait croire qu’il (''le duc de Chaulnes'') laisseroit beaucoup de richesses. Il se trouva qu’il avoit tout dépensé... » — Voyez en outre au même tome des ''Mëmoires'', {{pg}}441.</ref>, ils savoient fort bien prendre sur eux—mêmes pour soutenir les grandes places où Dieu les a destinés ; les pauvres se sentent de leur magnificence, enfin ce sont des gens qu’on ne sauroit trop aimer, et honorer, et admirer. J’en suis tellement entêtée, que je loue même {{Mme}} de Chaulnes d’avoir appris l’amitié à Monsieur : c’est une science que les personnes de l’élévation de Monsieur n’ont pas le bonheur de connoître. Je suis fort aise qu’on ne m’oublie point<section end="1402"/>
niers temps ? mais comment peut-on vouloir paroître
aux yeux du monde, ce monde dont on veut l'estime et
l`approbation au delà du tombeau, comment veut-on lui
paroître la plus avare personne du monde ? Avare pour
les pauvres, avare pour ses domestiques, à qui elle ne
laisse rien ; avare pour elle-même, puisqu`elle se laissoit
quasi mourir de faim ; et en mourant, lorsqu`elle ne peut
plus cacher cette horrible passion, paroître aux yeux du
public l'avarice même ? Ma chère Madame, je parlerois
un an sur ce sujet ; j'en veux à cette frénésie de l`esprit
humain, et c`est m'offenser personnellement que d`en
user comme vient de faire Mme de Meckelbourg ; nous
nous étions fort aimèes autrefois, nous nous appelions
sœurs : je la renonce, qu`on ne m`en parle plus.
Parlons de notre hôtel de Chaulnes, c`est justement le
contraire : ce sont des gens adorables, et qui font un
usage admirable de leur bien : ce qu`ils reçoivent d`une
main, ils le jettent de l`autre ; et quand ils n'avoient
point les lingots de Saint-Malo <ref>2. Peut-être quelque droit sur les prises, ces profits dont parle
Saint-Simon (tome II, p, 181 et 182) : « Les profits immenses du
droit d’amirauté de Bretagne, dit-il, attachés au gouvernement de
cette province, et qui pendant les guerres avoient été fort hauts,
avoient fait croire qu’il (e duc de Chaulnes) laisseroit beaucoup de
richesses. ll se trouva qu’il avoit tout dépensé .... » -- Voyez en
outre au même tome des Mëmoires, p. 441,</ref>, ils savoient fort bien
prendre sur eux—mêmes pour soutenir les grandes places
ou Dieu les a destinés ; les pauvres se sentent de leur
magnificence, enfin ce sont des gens qu'on ne sauroit
trop aimer, et honorer, et admirer. J'en suis tellement
entêtee, que je loue même Mme de Chaulnes davoir
appris l`amitié à Monsieur : c'est une science que les personnes
de l`élévation de Monsieur n'ont pas le bonheur
de connoître. Je suis fort aise qu`on ne m`oublie point