« Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/67 » : différence entre les versions

AkBot (discussion | contributions)
Pywikibot touch edit
 
État de la page (Qualité des pages)État de la page (Qualité des pages)
-
Page corrigée
+
Page validée
En-tête (noinclude) :En-tête (noinclude) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
{{nr||VOYAGES DE GABRIEL PAYOT.|63}}
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
toujours, je lui dis que ce qu’il voyait n’était pas la nature, mais
toujours, je lui dis que ce qu’il voyait n’était pas la nature, mais un tableau. Il tomba sur un banc.
un tableau. Il tomba sur un banc.


— Oh ! que vous m’avez fait de mal ! me dit-il, et il se mit à pleurer.
— Oh ! que vous m’avez fait de mal ! me dit-il, et il se mit à pleurer.
Ligne 8 : Ligne 7 :
— Cet homme, c’est un guide de Chamouny ; il a cru revoir son pays, et il pleure. Voilà tout.
— Cet homme, c’est un guide de Chamouny ; il a cru revoir son pays, et il pleure. Voilà tout.


— Je vous demande pardon, dit Payot en se relevant ; mais cela a été plus fort que moi. Il tourna de nouveau les yeux vers le tableau. — Oh ! que voilà bien ma vallée ! dit-il ; et il croisa les bras et regarda en silence, abîmé dans une contemplation muette et avide, cette toile qui lui rappelait tous les souvenirs de la jeunesse, tous les bonheurs de la famille, toutes les émotions de la patrie.
— Je vous demande pardon, dit Payot en se relevant ; mais cela
a été plus fort que moi. Il tourna de nouveau les yeux vers le tableau. — Oh ! que voilà bien ma vallée ! dit-il ; et il croisa les bras
et regarda en silence, abîmé dans une contemplation muette et
avide, cette toile qui lui rappelait tous les souvenirs de la jeunesse,
tous les bonheurs de la famille, toutes les émotions de la patrie.


Je profitai de sa distraction, pour sortir. J’avais peur qu’on ne
Je profitai de sa distraction, pour sortir. J’avais peur qu’on ne me prît pour un compère.
me prît pour un compère.


Le lendemain, à sept heures du matin, Payot était chez moi,
Le lendemain, à sept heures du matin, Payot était chez moi, rue Bleu.
rue Bleu.


— Pourquoi donc vous êtes-vous en allé ? me dit-il.
— Pourquoi donc vous êtes-vous en allé ? me dit-il.


— Je croyais vous faire plaisir, et je vous avais fait peine ; j’étais
— Je croyais vous faire plaisir, et je vous avais fait peine ; j’étais désolé.
désolé.


— Oh ! peine, au contraire ; c’est toujours bon de revoir son pays, même en peinture. Vous autres Parisiens, vous n’avez pas de pays, vous avez une rue, et ce n’est pas votre faute si vous ne savez pas cela ; il faut être né dans un village, voyez-vous, pour comprendre ce que c’est. À Chamouny, il n’y a pas une maison que je ne voie de loin comme de près ; dans cette maison, pas un homme qui me soit étranger, et dans le cimetierre, pas une tombe que je ne connaisse. Je n’ai qu’à fermer les yeux et je revois tout, tandis qu’à Paris, la vie de dix hommes, mise à la suite l’une de l’autre, ne suffirait pas même à apprendre le nom des rues.
— Oh ! peine, au contraire ; c’est toujours bon de revoir son
pays, même en peinture. Vous autres Parisiens, vous n’avez pas de
pays, vous avez une rue, et ce n’est pas votre faute si vous ne
savez pas cela ; il faut être né dans un village, voyez-vous, pour
comprendre ce que c’est. À Chamouny, il n’y a pas une maison que
je ne voie de loin comme de près ; dans cette maison, pas un homme
qui me soit étranger, et dans le cimetierre, pas une tombe que je
ne connaisse. Je n’ai qu’à fermer les yeux et je revois tout, tandis
qu’à Paris, la vie de dix hommes, mise à la suite l’une de l’autre,
ne suffirait pas même à apprendre le nom des rues.


— Oui, c’est vrai, vous avez raison, mon ami ; mais qu’êtes-vous devenu après mon départ ?
— Oui, c’est vrai, vous avez raison, mon ami ; mais qu’êtes-vous devenu après mon départ ?


— Eh bien ! il y avait là un monsieur qui avait été à Chamouny,
— Eh bien ! il y avait là un monsieur qui avait été à Chamouny, et même au Jardin, où vous n’avez pas voulu aller, vous. Alors il m’a fallu expliquer la chose à tout le monde, comment on avait
et même au Jardin, où vous n’avez pas voulu aller, vous. Alors il
m’a fallu expliquer la chose à tout le monde, comment on avait