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LE BANQUET

risible ; tandis que rien ne t’empêchait de parler en paix !” Aristophane se mit à rire : “Éryximaque, dit-il, tu as raison ; mettons que je n’ai rien dit ! Mais de grâce, pas de garde autour de moi ! Car ce qui m’effraie pour les propos que je dois tenir, non, ce n’est pas qu’ils ne soient point risibles (ne serait-ce pas en effet tout bénéfice pour notre Muse, en même temps que son produit naturel ?), mais bien qu’ils ne soient ridicules ! — Oui-dà ! repartit l’autre : le trait lancé, tu te figures, Aristophane, que tu vas m’échapper ! Fais au contraire bien attention ; et, tandis que tu parleras, songe toujours que tu as cà rendre des comptes ! Possible d’ailleurs que je t’en tienne quitte, si c’est mon idée…

— Tu l’as dit, Éryximaque, commença Aristophane : oui, c’est mon intention de parler dans un autre sens que vous ne l’avez fait, aussi bien toi que Pausanias[1]. Mon opinion est en effet que les hommes n’ont absolument pas conscience de ce qu’est le pouvoir de l’Amour : si vraiment ils en étaient conscients, ce sont les temples les plus magnifiques qu’ils lui auraient élevés, et des autels, et ils lui offriraient les plus magnifiques sacrifices. Au contraire, rien de tout cela n’existe aujourd’hui à sa gloire, et il faudrait absolument que tout cela existât. Il n’y a pas de dieu den effet qui soit plus ami de l’homme ; car il vient en aide à l’humanité, car il guérit ces maux dont peut-être la guérison est pour l’espèce humaine la plus grande des félicités[2]. Je m’efforcerai donc de vous révéler[3] quel est son pouvoir ; et, en vous, les autres à leur tour trouveront qui les instruise.


Anthropologie
fantastique.

Mais ce que vous devez apprendre en premier, c’est quelle est la nature de l’homme et quelles ont été ses épreuves ; c’est qu’en effet, au temps jadis, notre nature n’était point identique à ce que nous voyons qu’elle est maintenant, mais d’autre sorte. Sachez d’abord que l’humanité comprenait trois genres, et non pas deux, mâle et femelle, comme

  1. Cf. 188 e, 193 d fin. La fantaisie lyrique d’Aristophane contrastera en effet avec le pédantisme des deux précédents orateurs.
  2. La médecine ne guérit pas ce mal : l’aspiration inquiète de l’âme vers un bien dont elle se sent obscurément dépourvue. Cf. surtout 191 d, 192 c-193 a.
  3. C’est au mystère même de la nature humaine qu’Aristophane