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Fragment d’un plan de sociologie descriptive
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constituent à nos yeux la géographie humaine et la démographie. Nous n’avons pas eu le courage de briser les articulations d’une science provisoirement mieux faite que celle des parties de la sociologie que nous entreprenions d’étudier. Nous avons donc fini par laisser les phénomènes groupés plutôt par la méthode d’étude (cartographique, historique, quantitative) que par la nature des faits, et nous avons laissé la morphologie sociale paraître comme si elle était une partie spéciale de la sociologie et non pas, en grande proportion, une partie de la sociologie générale. Car les faits démographiques sont, en très grande majorité, vraiment des phénomènes généraux de la vie sociale. Que dire ? ils sont les phénomènes principaux de cette vie générale. Ils sont son corps, avec sa force, sa forme, sa densité, sa masse, son âge, etc. Même dans notre plan tel qu’il est, relativement tronqué par cet abandon, on verra que nous sommes obligés de revenir sur ces faits morphologiques. Eux-mêmes, d’ailleurs, ne doivent pas être séparés de phénomènes de physiologie et de psychologie collectives générales très nets. Comment définir un État, une structure démographique, si l’on fait abstraction de ces représentations collectives et de ces institutions que sont, par exemple, le nom même de la société, nous dirions maintenant le nom de la nation ou de l’État ? De même les frontières à l’in­térieur desquelles elle habite se définissent autant par des sentiments que par des lieux déterminés. Même la masse des membres d’une société se détermine par ses idées et sa volonté. La quantité des « nous » par rapport aux « autres », la quantité des « nous » par rapport aux « moi » individuels, dépendent en effet, au moins dans les sociétés qui relèvent de l’ethnographie, des noms et des droits que les « nous » se donnent entre eux.


2. Nous venons de parler d’État, c’est là que réside notre deu­xième indécision. Sans vouloir entrer dans le fond de la ques­tion, sans trancher un débat qui, dans certaines traditions — allemandes en particulier — est le tout de la sociologie ; sans rien dire des rapports entre la notion d’État et celle de société, il nous faut convenir que, procédant comme nous allons procéder, nous nous exposerions, dans une ethnographie descriptive complète, à des redites entre la sociologie juridique et la sociologie générale. En fait, dans les sociétés archaïques dont nous voudrions diriger l’observation, les institutions, les coutumes et les idées