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Moins discrètement, il faut le dire, mais instinctivement, Pierre et Violette, auxquels personne ne faisait plus attention, suivirent {{M.|des Aubiers}}. Leur chagrin, nous l’avons dit, était grand, mais le chagrin, à cet âge, n’exclut pas la curiosité.
Moins discrètement, il faut le dire, mais instinctivement, Pierre et Violette, auxquels personne ne faisait plus attention, suivirent {{M.|des Aubiers}}. Leur chagrin, nous l’avons dit, était grand, mais le chagrin, à cet âge, n’exclut pas la curiosité.


— Violette, murmura Pierre à l’oreille de son amie, on va lire le testament de la pauvre Folette. On va donc enfin savoir qui c’était… et qui c’était aussi le beau jeune homme en portrait ! Marie-Claire ! Enfin, on saura tout !
— Violette, murmura Pierre à l’oreille de son amie, on va lire le testament de la pauvre Folette. On va donc enfin savoir qui c’était… et qui c’était aussi le beau jeune homme en portrait ! Marie-Claire ! Enfin, on saura tout !


— Pas possible ! Tu crois ?
— Pas possible ! Tu crois ?


— Je ne crois pas, je suis sûr.
— Je ne crois pas, je suis sûr.
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Il en tira une menue feuille, toussa, déplia la feuille, retoussa et commença de parler.
Il en tira une menue feuille, toussa, déplia la feuille, retoussa et commença de parler.


D’une voix onctueuse et basse, il dit posément :
D’une voix onctueuse et basse, il dit posément :


— Ce que je vais vous lire, monsieur, est le testament de la défunte.
— Ce que je vais vous lire, monsieur, est le testament de la défunte.


— Mais, bien entendu ! reprit {{M.|des Aubiers}}. Je m’en doute.
— Mais, bien entendu ! reprit {{M.|des Aubiers}}. Je m’en doute.


— Oui, monsieur, et ce testament vous concerne.
— Oui, monsieur, et ce testament vous concerne.
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— Ceci est mon testament, lut maître Lampotte. Je soussignée, Marie…
— Ceci est mon testament, lut maître Lampotte. Je soussignée, Marie…


— Ah ! enfin, voici le nom de la pauvre chère Folette qui vient, murmura Violette.
— Ah ! enfin, voici le nom de la pauvre chère Folette qui vient, murmura Violette.


Hélas ! Ces mots la perdirent. L’oreille fine du notaire perçut un chuchotement. Par-dessus ses besicles d’écaille, il coula vers la porte un regard sans clémence et il aperçut les enfants.
Ces mots la perdirent.


— Ne siérait-il pas, monsieur, dit-il, de tirer le battant ? Ce garçonnet et cette fillette ne me paraissent point d’âge à nous ouïr…
L’oreille fine du notaire perçut un chuchotement. Par-dessus ses besicles d’écaille, il coula vers la porte un regard sans clémence et il aperçut les enfants.


— Certainement, fit {{M.|des Aubiers}} en fermant la porte au nez des deux petits, qui, vexés et confus, enfouirent leur curiosité dans leur poche et rejoignirent {{Mme|Boisgarnier}} dans une pièce voisine. Le mystère demeurait inviolé.
— Ne siérait-il pas, monsieur, dit-il, de tirer le battant ? Ce garçonnet et cette fillette ne me paraissent point d’âge à nous ouïr…


Ils n’attendirent pas longtemps. Un quart d’heure plus tard. {{M.|des Aubiers}} les rejoignit pour dire avec quelque agitation à sa voisine et aux petits :
— Certainement, fit {{M.|des Aubiers}} en fermant la porte au nez des deux petits, qui, vexés et confus, enfouirent leur curiosité dans leur poche et rejoignirent {{Mme|Boisgarnier}} dans une pièce voisine. Le mystère demeurait inviolé !


— Celle que… que… nous appelons {{Mme|Folette}} a fait ces jours-ci un testament un peu bizarre, mais parfaitement valable et bien touchant. Elle laisse la moitié de ses biens encore considérables au curé et au maire du bourg pour leurs
Ils n’attendirent pas longtemps. Un quart d’heure plus tard. {{M.|des Aubiers}} les rejoignit pour dire avec quelque agitation à sa voisine et aux petits :

— Celle que… que… nous appelons {{Mme|Folette}} a fait ces jours-ci un testament un peu bizarre, mais parfaitement valable et bien touchant. Elle laisse la moitié de ses biens encore considérables au curé et au maire du bourg pour leurs pauvres.
=== no match ===
L’autre moitié revient à Violette, mais elle m’a abandonné l’usufruit, à charge d’entretenir ses oiseaux. Pour toi, mon petit Pierrot, elle te laisse… une cassette sur le compte de laquelle il ne m’est pas permis de m’expliquer… sous condition que tu aies accompagné ses dépouilles jusqu’au cimetière, car, dit-elle, « il faut aimer jusque dans la mort ». Tu es donc récompensé d’avoir écouté ton bon cœur.

— L’excellente femme ! s’écria {{Mme|Boisgarnier}}.

Et, rougissant un peu, elle ajouta :

— Vous voyez, monsieur, que les questions d’argent n’existent plus entre nous. Vous êtes sans doute maintenant plus riche que nous…

Pierrot regarda encore une fois Violette. Presque souriante, cette fois, celle-ci lui fit le même signe d’acquiescement qu’au dernier entretien. Alors, un peu intimidé, charmant dans sa jeune gaucherie, Pierre prit la main de sa mère et la mit dans celle de {{M.|des Aubiers}} :

— La bonne Folette nous avait assurés, dit-il, qu’avant janvier « des Aubiers et Boisgarnier seraient en justes noces alliés ». Il faut, ma petite maman, que sa prédiction s’accomplisse, et nous habiterons tous le château !

Puis, cachant son émotion, laissant sa mère et son futur beau-père un peu interdits, il entraîna Violette dans le jardin.

Celle-ci sentit bien vite que son petit ami avait besoin d’une diversion. Elle-même était bien émue.

Un automne froid et calme pâlissait le ciel sans nuages, sur lequel montait la grise fumée des usines du bourg.

— Pierrot, fit-elle en les désignant du doigt, il faudra suivre le conseil de François, il faudra aller souvent à la ville visiter ces belles choses utiles, y être bons pour les ouvriers de l’usine que papa aime bien, y apprendre à travailler pour l’avenir, oublier tes vieux contes.

— Les oublier ? répondit Pierrot. Ah ! mais, non ! jamais… Mais seulement savoir que des contes… c’est des jolis contes… et puis c’est tout. On retournera tout de même aussi dans la forêt – je suis un homme, maintenant –, mais – simplement pour m’en amuser – j’aimerai toujours les belles histoires que nous nous sommes racontées tous deux. Et puis, on y pensera à Folette !

— Tu as raison, fit Violette, songeuse.

Et, avec la maturité précoce que donnent souvent les petits drames de la vie, elle ajouta :

— D’autant que cette chère Folette nous a appris à connaître la meilleure des fées.

— Encore des fées ! Laquelle ?…

— La fée de la Sagesse, mon petit Pierrot…