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en se retirant discrètement.

Moins discrètement, il faut le dire, mais instinctivement, Pierre et Violette, auxquels personne ne faisait plus attention, suivirent M. des Aubiers. Leur chagrin, nous l’avons dit, était grand, mais le chagrin, à cet âge, n’exclut pas la curiosité.

— Violette, murmura Pierre à l’oreille de son amie, on va lire le testament de la pauvre Folette. On va donc enfin savoir qui c’était… et qui c’était aussi le beau jeune homme en portrait ! Marie-Claire ! Enfin, on saura tout !

— Pas possible ! Tu crois ?

— Je ne crois pas, je suis sûr.

Violette écarquilla les yeux et tendit l’oreille. Les enfants demeuraient cois dans l’embrasure de la porte du salon tandis que maître Lampotte, assis en face de M. des Aubiers, sortait de sa serviette de cuir une toute petite enveloppe.

Il en tira une menue feuille, toussa, déplia la feuille, retoussa et commença de parler.

D’une voix onctueuse et basse, il dit posément :

— Ce que je vais vous lire, monsieur, est le testament de la défunte.

— Mais, bien entendu ! reprit M. des Aubiers. Je m’en doute.

— Oui, monsieur, et ce testament vous concerne.

— Je m’en doute encore davantage, puisque vous me le lisez, fit M. des Aubiers, un peu impatienté par ces précautions oratoires.

Les oreilles de Violette et de Pierre étaient si attentives qu’elles eussent suivi le vol du plus petit des moucherons.

— Je commence, fit le notaire, encore plus solennel, tirant sur ses manchettes.

— C’est ça, monsieur, commencez donc, répondit M. des Aubiers en caressant sa barbe.

— Ceci est mon testament, lut maître Lampotte. Je soussignée, Marie…

— Ah ! enfin, voici le nom de la pauvre chère Folette qui vient, murmura Violette.

Hélas ! Ces mots la perdirent. L’oreille fine du notaire perçut un chuchotement. Par-dessus ses besicles d’écaille, il coula vers la porte un regard sans clémence et il aperçut les enfants.

— Ne siérait-il pas, monsieur, dit-il, de tirer le battant ? Ce garçonnet et cette fillette ne me paraissent point d’âge à nous ouïr…

— Certainement, fit M. des Aubiers en fermant la porte au nez des deux petits, qui, vexés et confus, enfouirent leur curiosité dans leur poche et rejoignirent Mme Boisgarnier dans une pièce voisine. Le mystère demeurait inviolé.

Ils n’attendirent pas longtemps. Un quart d’heure plus tard. M. des Aubiers les rejoignit pour dire avec quelque agitation à sa voisine et aux petits :

— Celle que… que… nous appelons Mme Folette a fait ces jours-ci un testament un peu bizarre, mais parfaitement valable et bien touchant. Elle laisse la moitié de ses biens encore considérables au curé et au maire du bourg pour leurs