Souvenirs de la Marquise de Créquy de 1710 à 1803/Tome 7/08
CHAPITRE VIII.
J’avais eu le malheur de me trouver à Versailles pendant les horribles journées des 5 et 6 octobre, et voici pourquoi : votre père était tombé malade d’une esquinancie, et son médecin n’avait pas voulu lui permettre de revenir à Paris, à raison du froid, de la bise, etc. Ma belle-fille était plus malade encore, et n’avait pu sortir de son hôtel de la rue d’Anjou, depuis plus de trois semaines. J’avais trouvé bon d’aller soigner mon fils, à Versailles, et Madame avait eu l’obligeance de me faire donner un appartement chez elle, où j’étais venue m’établir le dimanche 4 octobre, à cinq heures après midi. Après avoir eu l’honneur de saluer cette princesse, j’allai dans la soirée faire ma cour à la Reine qui se tenait dans ses cabinets. Elle m’avait parlé très judicieusement et très courageusement des affaires du Roi ; tandis que nous étions en tête-à-tête, et lorsque deux ou trois huppes-grises de l’ancienne Cour arrivèrent avec les Dames du palais pour se mettre en cercle, elle eut l’air de s’en contrarier péniblement. Je m’étais levée pour me retirer parce que la Cour était en deuil d’une Archiduchesse, et parce que toute chose était déjà dans un si grand désarroi que je n’avais pas songé à me faire habiller de noir ; mais S. M. voulut bien me retenir et je m’y résignai péniblement. — Si la Reine voulait jouer au Loto pour se distraire et se désennuer, dit Mme de Chimay, tout doucement, entre haut et bas ; — Princesse, en parlez-vous sérieusement, lui dit la Maréchale de Mouchy, est-ce qu’il est possible de jouer ici lorsque la Cour est en deuil !… Et mois qui me souvins du piquet de M. de Maurepas, j’osai leur dire : — Est-ce que le Loto n’est pas de deuil ?… — Mais il me semble effectivement, dit la Marquise de la Roche-Aymon, qui a toujours été la plus obséquieuse personne de France et la plus sottement finassière, il me semble que le Loto doit être permis lorsqu’on est en deuil. — Le Loto est de deuil, il est même de grand deuil, ajouta la Reine en me regardant et se retenant pour ne pas rire ; je demande qu’on apprête à ces dames une table pour un Loto Dauphin. Les Dames du palais se mirent à jouer, et la Reine reprit avec moi sa conversation qui dura plus d’une heure, pendant laquelle S. M. me donna quelques ordre en me disant un foule de choses tellement obligeantes que je ne saurais ni les répéter ni les oublier.
On nous dit le lendemain matin, chez Monsieur, que le duc d’Orléans venait d’arriver à Versailles, et qu’on l’avait reconnu malgré qu’il se fût déguisé. Monsieur répondit à cela que tous les ivrognes ressemblaient au Duc d’Orléans qui ressemblait à tous les ivrognes, qu’il y avait en circulation dans Versailles un grand nombre de figures ignobles et scélérates, et que, pour se confondre impunément avec la plus abjecte canaille, le Duc d’Orléans n’avait autre chose à faire que d’ôter son cordon bleu. Je n’avais jamais vu Monsieur en disposition plus rigoureuse et plus équitable envers le Duc d’Orléans ; ce qui m’en fit conclure, à part moi, qu’il avait reçu des informations analogues à tout ce que m’avait dit la Reine.
On apprit bientôt que la grande avenue de Paris était toute couverte d’une multitude de populace horrible à voir, et qui se dirigeait vers le château ; hommes et femmes, enfans et vieillards ; canonniers, mendians, gardes nationaux, vivandières et manouvriers, tout cela se trouvait armé formidablement avec des fusils, des sabres ou des piques : et qui leur avait fourni ces armes ? On n’y concevait rien… Le Roi se trouvait à la chasse aux alentours de Meudon, il arrive, et malheureusement, il ordonne à ses gardes, ainsi qu’à deux régimens qui étaient venus se ranger en avant du château, de se replier dans la cour des Ministres, et puis de se retirer dans leurs casernes. Ces dispositions à l’indulgence encouragent les meneurs de cette populace, au milieu de laquelle on a reconnu le Duc d’Aiguillon sous les habits d’une poissarde[1]. Les gardes-du-corps, assaillis, reçoivent l’ordre de ne pas se défendre, et dix-huit gardes de la porte sont massacrés et mis en lambeaux avant qu’on ait eu le temps de se concerter avec leurs officiers. Heureusement que le Comte de Saint-Priest s’en mêle ; les gardes-du-corps se rassemblent et finissent pas se servir de leurs armes ; ils tiennent bon jusqu’à dix heures du soir, et M. de Lafayette arrive au château. Il établit des postes de sa garde nationale à toutes les grilles, et s’en va se coucher. Pourquoi fut-il se reposer si vite étant arrivé si tard ? Quand il a voulu répondre à ces deux questions, il n’a jamais pu s’en tirer ni honorablement ni raisonnablement[2].
Toute cette canaille était restée campée sur la place d’Armes, ainsi que dans la grande rue de l’Intendance, et pendant que M. de la Fayette était à dormir, j’étais à veiller auprès de mon fils.
À deux heures après minuit j’entends des cris forcenés du côté de la cour de marbre, et je vous assure que le danger qui nous menaçait personnellement votre père et moi, n’était que le moindre de mes soucis. La famille royale insultée ; la famille royale égorgée, peut-être !… et je m’élançai de corridors en escaliers jusque dans l’appartement des femmes de la Reine, qui communiquer à celui de la Comtesse d’Ossun (Dame d’Atours), où je ne trouvai que des girandoles et des lustres allumés. Le cœur me faillit d’inquiétude ou d’extrême fatigue, et ne pouvant plus respirer ni me soutenir, je fus obligée de m’asseoir et de rester là jusqu’au jour. Épouvantée, frémissante et désespérer du bruit que j’entendais, tourmentée de ce que je ne voyais pas, alarmée sur nos princes, inquiétée pour mon fils, je ne saurais vous exprimer tout ce que j’y souffris d’affliction, d’effroi, mais surtout d’impatience ; car il me semblait, et je ne sais pourquoi, que c’était ce mauvais sentiment qui prédominait sur le reste ?
Je n’ai rien de particulier à vous dire sur les détails de cette nuit affreuse, où je n’ai rien vu, puisque je l’ai passée toute seule, et clouée sur un fauteuil ! Il est assez connu qu’au milieu de la nuit, des gardes nationaux (en qui M. de la Fayette avait si bonne confiance) avaient introduit dans la cour de la chapelle, et de là, dans le corps du château, une trouve de sept ou huit cents forcenés qui se précipitèrent du côté de l’appartement de la Reine, en proférant des imprécations atroces. Deux gardes-du-corps en faction pour le service de S. M. (c’étaient messieurs de Varicourt et Desuttes}} furent égorgés à la deuxième porte de son appartement, et ce fut uniquement la résistance de quelques autres gardes-du-corps (et notamment du brave du Repaire), qui lui donna le temps de se dérober aux poignards de ces égorgeurs, qui pénétrèrent jusqu’à son lit, et qui le déchirèrent à coups de sabre et de coutelas ensanglantés. Le Duc d’Orléans se trouvait dans le château parmi les assassins. Messieurs de Montmorin, de Saint-Priest, de Mailly, de Castries, de Vesins, de Sesmaisons. de Villeneuve et de Laurencin, l’ont vu, ce qui s’appelle vu, dans le salon de la Pendule, et, plus tard, à l’entrée de l’Œil-de-Bœuf. Ses affidés cherchaient à forcer la porte du Roi, mais le courage ne tarda pas à lui manquer ; il s’esquiva pour aller se cacher dans une auberge, et l’Évêque d’Agen le rencontra qui s’enfuyait par la route de Saint-Cloud, sur un mauvais cheval de poste.
Nous rentrâmes dans Paris à la suite de la famille royale. Que vous dirai-je de cette majestueuse Princesse et de ce bon Roi, qu’on amène à Paris, comme deux esclaves, au milieu de leurs assassins et précédés pour trophée par les têtes sanglantes de ces deux défenseurs de la Reine ? Ces ingrats et perfides sujets, ces stupides citoyens, ces femmes cannibales et ces montres déguisés ; ces cris de Tous les Évêques à la lanterne ! au moment où ce bon M. de la Fayette ramène le Roi dans sa capitale avec deux Évêques de son conseil dans sa voiture ; trois coups de fusil, et je ne sais combien de coups de pique que j’ai vu tirer et donner dans les carrosses de la Reine ; et M. Bailly qui vient appeler tout cela un beau jour, en félicitant le Roi d’avoir été conquis par son peuple ! C’était grand’pieité, mon cher ami, que de voir tous ces jeunes gens, si fidèles et si courageux, ces pauvres gardes-du-corps, entourant jusqu’) la fin la famille royale, et marchant à pied au milieu de cette outrageuse cohorte, les uns sans chapeau, les autres sans habit, le visage pâle et mourant. J’en ai vu deux qu’on venait de blesser cruellement dans la grande rue de Sèvres, l’un d’eux était un vieux brigadier de l’Écossaise, et l’autre un gentilhomme du Midi, qui s’appelait M. de Lentilhac ; celui-ci n’avait pas dix-sept ans, et je les fis monter tous deux dans notre carrosse de Madame. — Nous verrons, Monsieur, criai-je à M. de La Fayette, si vous laisserez égorger sous mes yeux un parent de votre femme ?… On a traîné durant plus d’une heure un corps dépouillé tout à côté de cette voiture où nous étions, et l’on disait que c’était celui de M. de Varicourt ? J’ai vu toute cela, mon Enfant, et je ne sais comment j’ai pu survivre à ces terribles visions. Mais ce qui m’a le plus révoltée, c’était l’horrible figure de ce d’Orléans, ivre de vengeance et de joie hideuse, qui venait se montrer avec ses louveteaux sur la terrasse du château de Passy, pour y voir défiler cette cohue sanguinaire et sacrilége[3]
J’allai quelques jours après faire ma cour à Monsieur qui était venu se réfugier au Luxembourg. Il commença par me raconter ponctuellement comme quoi M. d’Aiguillon, qui voulait jouer la bonne conscience en faisant bonne contenance, avait été faire un beau salut à l’Abbé Maury qui se promenait sur la terrasse des Tuileries, et que cet Abbé lui avait dit en le regardant ferme et froid. — Passe ton chemin, Salope ! Comme il me disait aussi qu’il était question de conférer la présidence de l’Assemblée nationale à M. d’Aiguillon, je lui répondis que ce serait sans doute en signe de dérogation à la loi salique, et ce fut une finesse qui ne manqua pas d’obtenir son approbation.
Il me dit ensuite que l’Abbé Grégoire avait eu l’impertinence de lui écrire, afin de le complimenter sur son patriotisme et pour lui demander l’aumône à l’intention d’un vainqueur de la Bastille ; mais S. A. R. ajouta que, pour toute réponse, elle avait envoyé porter un pain de munition chez ce même bourreau.
Jusqu’ici toute chose entre nous deux s’était passée le mieux du monde, mais ayant eu la coupable franchise ou du moins l’imprudence de dire à l’Évêque de Seez, en présence de Monsieur, que Mirabeau l’aîné se conduisait, non-seulement comme un scélérat, mais comme un fripon, S. A. R. me répliqua très sèchement que, pour les vues politiques et la supériorité des talens, M. de Mirabeau n’avait pas son second dans l’Assemblée nationale. Je n’étais pas obligée de savoir pourquoi mon observation n’avait pas fait le compte de S. A. R., à qui je répondis avec non moins de sécheresse, que j’avais toujours partagé cette opinion de Monsieur, mais que je n’en persistais pas moins dans la mienne. En outre, il y avait eu, dans ce qu’il disait sur les affaires de la Noblesse et sur le projet de constitution, certaines choses qui ne me plaisaient guère, et voilà pourquoi je n’ai pas revu Monsieur.
En sortant de chez lui, j’allai rendre mes devoirs à Madame avec qui je suis toujours restée dans les meilleurs termes, et je me rappelle aussi qu’on lui raconta la bonne aventure de M. de Bonne-Savardin qui s’était sauvé de l’Abbaye la veille de la fédération. Deux infâmes suppôts de l’Aristocratie, déguisés en aides-de-camp du général La Fayette, s’étaient présentés à la geôle avec un ordre du comité des Recherches, où les noms et la date avaient été grattés et remplacés fort obligeamment pour ce pauvre condamné. Ils le trouvèrent (M. de Savardin) qui soupait assez paisiblement. Ils se mirent à l’injurier et finirent par l’emmener dans la rue où ils le lâchèrent en lui disant de s’aller cacher le mieux possible. Le comité des Recherches en fut dans une furieuse colère, et fit afficher son signalement naturel, où l’on disait notamment qu’il avait un gilet vert avec une gance d’acier à son chapeau, ce qui fit rire tout le monde.
Vous pouvez bien préjuger que dans la situation d’inquiétude et d’isolement où se trouvait la famille royale aux Tuileries, je ne manquais par d’aller y faire une cour assidue. — Vous venez saluer des ruines, me dit la Reine, après le 20 juin, et je me souvient qu’elle me fit signe de ne rien dire en présence d’une de ses femmes, appelée Mme Campan, qui venait d’entrer pour lui présenter quelque chose, et je crois me rappeler que c’était un livre sur un plateau.
Quand celle-ci fut sortie du cabinet, je dit à cette malheureuse princesse : — Hélas ! Madame, est-ce que la Reine s’en défie ?…
— Ce n’est pas seulement de la défiance, répondit-elle, c’est de la terreur. Elle est en correspondance avec Brissot de Varville et Latouche-Treville, elle écrit quelquefois à Barnave ; — Elle a ri le 6 octobre, poursuivit la Reine, avec une expression du regard et de la voix qui faisait frémir ; — mais on a décidé qu’il fallait patienter : jugez tout ce que la vue de cette femme me fait souffrir[4].
Mesdames, filles de Louis XV et tantes du Roi, étaient parvenues à sortir du royaume, où la dignité de leur grand âge et de leur haute vertu n’vait pules soustraire aux persécutions patrioques du commandant Lamollière et du citoyen Gorsas. Madame, Comtesse de Provence, était à son petit ménage du Luxembourg ; Mme la Comtesse d’Artois était allée se réfugier avec M. le Duc d’Angoulême et M. le Duc de Berry, ses deux enfans, chez les Roi son père, à Turin ; enfin Madame Élisabeth avait obtenu qu’on ne la séparât point de son malheureux frère, auprès duquel elle était restée comme un ange de consolation. Madame Royale était déjà ce qu’elle a toujours été, c’est-à-dire une princesse accomplie.
L’esprit juste et droit, l’âme élevée, religieuse et compatissante ; le cœur haut surtout et partout ![5] Il y a, dans la physionomie, le caractère et la parole de cette fille de France, quelque chose qui participe de l’historique et du légendaire : il y a de la souveraineté et de la sainteté ; de l’autorité Capétienne et de l’auréole du martyr. On dirait, sans la connaître, en voyant cette personne si grandement noble et si prodigieusement simple ; ce ne peut être que la fille d’un roi, et d’un grand roi. Oh oui, en voyant cette femme qui regarde avec tant de sécurité, qui parle si bref et si bien, on entrevoit derrière elle un entassement de prospérités magnifiques et de revers éclatans, des vertus sublimes, et comme une effusion de grandeurs inouies ! Des siècles accumulés, des cœur-de-lion, des père-du-peuple, des paladins, des croisés, des conquérans et des saints ; voilà toutes les idées qu’elle vous donne ou vous rappelle au premier coup d’œil, et c’est l’impression que la Duchesse d’Angoulême a toujours produite à l’étranger. Comment les personnes qui l’ont connue dans son pays ne l’aimeraient-elles pas, à jamais !…
C’était Mme de Tourzel qui avait remplacé la Duchesse de Polignac auprès des Enfans de France. — Je les avais confiés à l’amitié, lui dit la reine en lui donnant l’investiture de cette charge, — je les remets avec confiance entre les mains de la vertu.
Quand on demandait à les voir dans leur appartement, ceci ne faisait aucun plaisir à la Reine, attendu qu’on les détournait de leurs études ou qu’on les pouvait gêner dans leurs récréations. J’en étais prévenus, et voilà pourquoi je n’ai vu M. le Dauphin qu’une ou deux fois, et notamment chez Mme de Maurepas, qui ne pouvait plus sortir de sa chambre, et chez qui la Reine avait eu la bonté de l’envoyer. C’était le plus bel enfant du royaume, avec un teint de lys et de roses, et de charmans yeux bleus ; ses cheveux étaient blonds de la même finesse et de la même nuance que ceux de la mère, et ce qu’il avait de singulièrement joli, c’était un sourire ingénu, bienveillant et fin. Je me rappelle que Mme de Maurepas (il appelait Mme de Maurepas, Bonne maman, et c’était par ordre de la Reine, ce qui me rendait un peu jalouse), Mme de Maurepas, vous dirai-je, lui fit un jour cadeau d’un agréable médaillon sculpté par Houdon, qui représentait une grive morte et suspendue par la patte à un clou de bronze ; c’était une œuvre de patience et d’illusion prodigieuses. Le petit Dauphin commença par examiner cet oiseau, tristement ; et puis il demanda pour quoi on l’avait tué ?… On lui dit que c’était un oiseau de marbre jaspé. — Ah ! répliqua-t-il, est-ce qu’on fait des plumes avec du marbre ?
C’est le plus joli propos d’un enfant que j’aie entendu dire ou citer ; à moins que ce ne fût l’histoire de Madame Clotilde avec les deux Béthune quand ils étaient des marmots. — Ma nièce de Piémont les avait rencontrés se promenant dans Bellevue, disait Madame Adélaïde, et leur avait cru pouvoir demander comment ils s’appelaient ? Mais Charost, qui a toujours été dissimulé, téméraire et désobligeant, se mit à dire à son frère aîné pour l’empêcher de répondre à Mme de Piémont, — dis-lui pas ton nom, Sully ![6]
Je ne sais trop comment j’ai pu vous parler d’autres enfans à l’occasion de ce jeune martyr, mais je vous dirai que le souvenir de ses grâces naïves et de sa gentillesse est inséparable, pour ceux qui l’ont connu, du souvenir de ses tortures. Je vois toujours ce bel enfant si doux, si candide et si pur, exténué, mourant, insulté, profané, peut-être ?… Je vois toujours un immonde savetier qui le menace d’un bras sacrilége, et qui lève son horrible main sur le fils de saint Louis ! Je crois toujours entendre cet infâme Simon, qui vient crier, pendant la nuit, aux oreilles de cet innocent prisonnier, cet enfant royal assoupi sur un grabat de misère : — Capet, dors-tu ? lève-toi ! Oh ! combien de fois, pendant mes prières au milieu de la nuit, j’ai cru le voir s’élever dans l’appareil de sa gloire céleste, en nous disant : Espérez et pardonnez…[7]
- ↑ Armand de Vignerod du Plessix-Richelieu, Duc d’Aiguillon, Comte d’Aegnois et de Condomois, Baron de Veret, Pair de France, Noble Génois, etc. Il vient de mourir à Hambourg, âgé de 49 ans. (Note de l’Auteur.)
- ↑ Ces vers de l’abbé Delille sont à peu près inconnus en France, attendu que la censure populaire les a fait retrancher dans l’édition française de son poème de la Pitié :
« Voyez-vous ce blafard, ce héros ridicule,
« De l’astre de Cromwell pâle et frois crépuscule,
« Intrigant à la guerre et guerrier dans la paix,
« Qui d’un air bénévole ajuste des forfaits,
« Prend Target pour idole et Favras pour victime,
« Fait honte du succès et fait pitié du crime,
« Arme des assassins, égorge par la loi,
« Veille pour les brigands et dort contre son Roi. - ↑ « La famille royale captive, au moment d’arriver à Paris, après plus de cinq heures d’une marche lugubre, y rencontre un dernier outrage. Sur la terrasse du château de Passy, un homme fut aperçu qui se cachait derrière un groupe d’enfans, et cherchait à voir sans être vu ; c’était d’Orléans. On avait amené ses fils qu’on avait placés en première ligne pour assister à la honte de la monarchie et au crime de leur père. L’aîné de ses fils venait d’atteindre, ce jour-là même, sa seizième année ; la joie était empreinte sur son front. Sa sœur exprimait par un rire convulsif, triste expression des traits de son père, tout ce qu’elle ressentait de bonheur au milieu de tant d’abaissement et de si augustes infortunes. (Histoire de la Révolution de France, par le Vte F. de Colly, vol. 4, page 376). »
L’historien ne pousse pas plus loin un si pénible rapprochement ; mais l’âme oppressée du lecteur n’y supplée que trop, et le présent vient accroître les angoisses du passé. Aujourd’hui ce fils aîné du régicide est sur le trône ; Mlle d’Orléans est auprès de son frère, aux Tuileries, et l’auguste fille de Louis XVI est retournée dans l’exil, escortée, comme cette première fois, par des mandataires et des affidés du Duc d’Orléans.
(Note de l’Éditeur.) - ↑ On avait déjà parlé de Mme Campan dans la première partie de cet ouvrage, et nonobstant les mémoires qui portent son nom, mais qui, comme on sait, ont été rédigés par M. Girod, parce que Mme Campan n’aurait pas été capable de les écrire ; on peut être assuré que l’opinion de Mme de Créquy a toujours été celle de la famille royale et celle de toutes les personnes attachées à la maison de la Reine. Il en existe encore un assez grand nombre pour que notre assertion ne soit pas difficile à vérifier.
Toutes les protestations de fidélité de Mme Campan sont venues tomber, après la restauration, devant la persévérance avec laquelle Madame la Duchesse d’Angoulême a toujours refusé de lui accorder une seule audience.
Il y a deux ou trois personnes que nous pourrions nommer, et qui mettent beaucoup d’amour-propre à justifier et glorifier Mme Campan, par la bonne raison qu’elles ont reçu leur éducation dans son pensionnat. Nous sommes fâchés d’être à les contrarier, mais certains ouvrages que les mêmes personnes ont fait attribuer à cette ancienne femme de chambre de la Reine, ne sont pas exempts d’insinuations calomnieuses et de perfidie : La justice et la vérité doivent l’emporter sur la complaisance, et voilà ce qui nous détermine à nous adjoindre à Mme de Créquy pour faire justice à Mme de Campan.
(Note de l’Éditeur.) - ↑ Lakanal et Robespierre ont dit à l’Abbé Fauchet, qui l’a dit à l’Abbé Emmery (son confesseur à la Conciergerie), de qui je tiens, qu’ils étaient entrés dans la chambre de cette jeune princesse à la tour du Temple, après la mort de tous ses parens, et qu’elle avait répondu à leur interrogatoire avec un laconisme d’intrépidité si fière et si resignée, que ces deux monstres en avaient éprouvé, disait Robespierre, un sentiment de sensibilité respectueuse et d’embarras. (Note de l’Auteur.)
- ↑ À propos de naïveté puérile, il faut absolument que j’annote ici la réponse du petit d’Entraignes à l’Empereur d’Allemagne, qui l’avait trouvé dans l’orangerie de Luxembourg avec son Bobinet de précepteur, et qui lui avait demandé des nouvelles de ses parens. — César, lui répondit consciencieusement ce petit garçon, Papa et Maman sont malades de chagrin, à cause de mon infâme conduite !… — Qu’avez-vous donc fait ? reprit César ; et ce bénet d’enfant lui dit qu’il avait pocheté des olives ; et qu’il en avait mangé dans l’intervalle de ses repas. C’est une histoire d’émigration qui m’avait été mandée curieusement par la Maréchal de Ligne. Ma version ne vaudra pas la sienne, il avait fait mille façons pour la bien écrire, et j’ai dit qu’il fallait vous garder sa lettre. (Note de l’Auteur.)
- ↑ Note de l’Auteur en l’année 1799, le 8 septembre.
Louis-Charles, Dauphin de France, et depuis Roi titulaire et légitime, sous le nom de Louis XVII, est mort dans la tour du Temple en 1795, à la suite d’une maladie de consomption qui n’a pas duré moins de dix-huit mois ; maladie, dont le gouvernement révolutionnaire a fait observer toutes les phases, et dont il s’est faire rendre un compte officiel et journalier jusqu’à l’instant de sa mort. On a dit que ses restes avaient été portés dans le cimetière de Ste.-Marguerite ; mais comme aucunes mains amies n’avaient soutenu son corps défaillant et soulevé sa tête mourante, il ne s’est trouvé aucune main pieuse pour bénir cette misérable fosse, et pour y marquer ce coin de terre où venaient aboutir tant de gloire et d’atrocités, tant d’espérances déçues et de lâchetés féroces. Il n’est donc pas étonnant que les fouilles ordonnées par le Roi son oncle, en 1797, n’aient produit aucun résultat. Il ne faut pas être surpris, non plus, de ces tromperies au moyen desquelles on voudrait exploiter la crédulité publique. Il a déjà paru depuis la mort de ce Prince, jusqu’à cette présente année 1798 (le 8 septembre), quatre Louis XVII en compétition l’un de l’autre, aussi bien qu’en instance de contribution de la part des Royalistes. Vous imaginez bien qu’aucun de ces faux Dauphins ne s’est jamais présenté devant Mme de Touzel, à qui nous en avons toujours référé pour décider notre recognition. C’est une fourberie, comme tant d’autres, mais elle ne saurait être adoptée sans une insigne folie.
(Note de l’Auteur.)