Souvenirs de la Marquise de Créquy de 1710 à 1803/Tome 5/04
CHAPITRE IV.
Ladite année 1770 a vu mourir quantité de personnes célebres dans les sciences ou connues dans la littérature. Ce fut d’abord le fameux Rouelle et l’académicien Mairan, ensuite le président Hénault, le docteur Sénac et le poète Moncrif ; enfin le philosophe d’Argens, Crébillon fils, Gentil-Bernard et le nouvelliste Bachaumont. Procédons par ordre.
Ce que je vous dirai sur le célèbre M. Rouelle ; c’est qu’il était le chimiste du Jardin du Roi, et qu’il revendiquait toujours toutes les découvertes qui se faisaient de son temps. Il accusait tout le monde, et surtout les physiciens allemands, de lui voler toutes ses idées, et l’épithète de plagiaire était pour lui le synonyme du mot scélérat. Pour exprimer l’horreur qu’il éprouva pour le crime de Damien, il avait dit que c’était un plagiaire ; et, comme il était grand patriote, il ne manqua pas d’appliquer la même épithète au Maréchal de Soubise après la bataille de Rosbach.
— Mais, lui disait M. de Buffon, ce n’est pas un plagiat que de s’être laissé battre par des Prussiens ; c’est, au contraire, une invention toute nouvelle de M. de Soubise.
— Allons donc, Monsieur ! ne le défendez pas ! s’écriait le chimiste ; c’est un animal infime, un double cochon borgne, un mulet cornu ! Je suis sûr qu’il a quelque chose de vicié dans la conformation… Enfin c’est un être obtus ; il est indigne de porter le nom de Français ! je vous dis que c’est un ignare, un criminel, un plagiaire !
Si grave et si consciencieux que fût perpétuellement le Comte de Buffon, il avait pourtant fait à M. Rouelle une fameuse espièglerie ; mais c’était pour la première et la dernière fois de sa vie sans doute, et c’était d’ailleurs une mystification scientifique, ainsi que vous allez voir.
Il écrivit donc un Essai sur l’organisation présumable des jeunes Centaures, dissertation qu’il adressa par la poste à son voisin M. Rouelle ; et celui-ci ne manqua pas de crier au voleur. — Il n’est pas, disait-il, une seule observation de ce plagiaire inconnu qui n’ait été pillée, effrontément pillée dans mes discours ou mes écrits !
Quand on l’avait fait sortir de ses cucurbites et de ses matras, il n’avait plus aucune sorte d’idée raisonnable. Toute pensée d’obligation religieuse ou de spiritualité lui était si complétement étrangère que le mot crime et le verbe pécher ne lui donnaient aucune autre idée que celle du plagiat. Dieu, l’Ame et l’Avenir étaient pour lui néant, rien, moins que rien ; le doute lui manquait faute d’idée, et la brute n’avait pas plus de sécurité. — L’homme est un tube actif et digestif, ouvert à ses deux extrémités : voilà sa définition de l’homme, et c’est tout ce qu’il avait vu dans l’Évêque de Marseille, le Président de Coste et le Maréchal du Muy, ses bienfaiteurs.
M. de Beauvau m’a conté qu’on parlait un jour, chez M. de Buffon, des mouvemens naturels, et que c’était dans son cabinet, au Jardin du Roi. — Il m’est impossible, dit le Cardinal de Bernis, de ne pas baisser la tête lorsque j’entre dans une église.
— Il y a comme cela des mouvemens matériels et machinaux qu’il est impossible d’analyser et d’expliquer, observa le professeur de chimie ; car enfin, Monseigneur, pourquoi les ânes et les canards baissent-ils toujours la tête en passant sous les portes cochères et sous les arcades les plus élevées ? J’en ai fait l’expérience : j’ai fait passer des ânes et des canards sous la porte Saint-Antoine ; j’en ai fait passer sous la porte Saint-Denys, qui est bien autrement haute. Eh bien, Messieurs, vous me croirez si vous voulez, mais je vous donne ma parole d’honneur que je n’en sais pas plus que vous.
— Monsieur Rouelle, lui répliqua M. de Bernis avec son air coquet, personne ne vous dérobera pareille idée pour en user comme du sien : le public ne manquerait pas de lapider le plagiaire !…
Le bon curé de Saint-Étienne-du-Mont ne voulait absolument pas enterrer ce pauvre M. Rouelle ; mais M. l’Archevêque en fit donner l’ordre en disant que le savant professeur de chimie, M. Rouelle, était, non pas un impie, mais un ignorant et un innocent.
M. d’Orthoux de Mairan, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, était plus habile dogmaticien que M. Rouelle ; et, du reste, il était le dernier des Cartésiens.
À l’âge de 94 ans, il avait conservé toute la vigueur et la délicatesse de son esprit, ainsi que l’usage de ses jambes et les facultés de son estomac. Il allait dîner hors de chez lui cinq fois par semaine ; et, s’il n’avait pas aimé les oronges à l’huile, je crois, Dieu me pardonne, qu’il vivrait encore ! À cela près de son goût pour cet agaric et pour tous les fongus en général, il était l’homme du monde le plus méticuleux et le plus méthodique. Mme du Châtelet disait qu’il avait fait une échelle de concordance entre les étoffes et les températures, afin d’établir un parfait équilibre entre son thermomètre et l’effet matériel de ses habits. — Rendu, demandait-il à son valet, qu’est-ce que dit mon thermomètre, ce matin ? Rendu lui répondait : — Monsieur, le voilà qui marque fourrure, pendant qu’il était hier au soir à drap de Silésie : je crois que le temps est devenu fou !
J’arrive un soir à l’hôtel du Châtelet, rue de Varennes, et c’était à la suite d’une averse ; on avait fermé toutes les fenêtres à cause de M. de Mairan, qui m’interrogea d’un air soucieux sur la perturbation qui pouvait en être survenue dans l’atmosphère. Je lui-répondis à la manière de Rendu : — Monsieur, habit, veste et culotte de ratine : voilà ma façon de penser.
Ma cousine avait fini par se brouiller avec lui pour le cartésianisme, et c’était à l’instigation de Voltaire, ancien disciple de M. de Mairan tout aussi bien que Mme du Châtelet, qui n’en tinrent compte aussitôt qu’ils furent initiés à la théorie du Chevalier Newton. Voltaire avait écrit sur les forces vives, et sous le nom de Mme du Châtelet, je ne sais plus quoi qui méritait réplique, et peu s’en fallut que le sage et docte académicien n’y répondît sérieusement.
— N’allez donc pas tirer l’épée contre cette pauvre Émilie ! lui disions-nous.
— Je vous supplie d’observer que ce ne serait pas une épée : il suffirait d’un compas, reprenait-il.
C’est bien assez pour opposer à des coups d’éventail.
M. de Mairan mourut le plus chrétiennement possible, assisté de Mme Geoffrin, qu’il avait instituée sa légataire universelle et qui recueillit environ cent mille écus de cette succession. Il est vrai qu’elle en a rendu quelque chose à M. d’Orthoux, neveu du défunt ; mais il est certain qu’elle a gardé le reste en disant que c’était pour le distribuer à des gens de lettres nécessiteux.
— Mon Dieu ! comme il a de l’ordre et comme il est rangé, Mairan ! disait souvent Mme Geoffrin. Je l’aime à cause de cela : l’ordre et l’arrangement sont les diamans de l’esprit. C’est une sorte de similitude ou de comparaison que je ne comprends pas, mais les encyclopédistes ont toujours dit que c’était admirable.
Le philosophe M. d’Argens était un Marquis de fabrique et de la même étoffe que MM. de Condorcet, d’Albaret, du Pourcet, de Luchet, etc. Chamfort avait dit, rudement pour eux, que les bureaux de l’Encyclopédie étaient devenus le Pont-aux-ânes, que c’était dans la salle à manger de Mme Geoffrin que se tenait le Marché-aux-veaux, et que le cabinet de M. d’Holbach était la Foire-aux-marquis. Il faut convenir que MM. les Ducs ont été bien heureux de ce que le Roi s’était réservé l’application de leur titre, car chacun de ces anoblis n’aurait pas manqué de se faire appeler philosophiquement Monsieur le Duc.
Celui-ci fut porter ses talens, ses lumières et ses autres dignités à la cour de Berlin, où jamais il n’a rien fait qui pût justifier le brevet d’académicien dont l’avait gratifié le roi de Prusse. Voltaire en disait des choses épouvantables, et notamment à l’occasion d’un procès qu’il avait eu dans sa jeunesse et dans le comtat Venaissin. Toujours est-il que ce roi philosophe avait fini par le prier de s’en retourner en Provence avec madame la marquise, laquelle avait été danseuse à la comédie de Francfort. C’était, disait-on, le couple le plus affamé, le plus intrigant, le plus philosophiquement cynique et le plus méprisable de la terre.
Le Roi de Prusse n’en a pas moins fait une belle épitaphe latine en l’honneur de M. d’Argens, qu’il y qualifie son chambellan. Il aurait bien dû lui faire, au lieu d’une épitaphe, une pension de quelques mille florins, et surtout la lui payer sans retenue ; car je vous dirai que le grand Frédérick était sujet à l’exercice de la retenue sur ses pensionnaires. Maupertuis ne lui pardonnait pas de l’avoir obligé de contribuer à la construction d’une caserne et la réparation de la citadelle de Spandau pour une somme de mille florins brandebourgeois. Voltaire disait aussi que sur sa pension de deux mille écus on lui avait retenu quatre mille francs pour établir un polygone à Neufchâtel.
Nous allons passer brusquement, et sans aucun artifice de transition grammaticale, à Messire Charles-Jean-François Hénault, Chevalier, Seigneur de Belmont, Conseiller du Roi en sa cour des Pairs et de parlement, Président ez Enquêtes d’Icelle, Chancelier de la Reine et Surintendant de la maison de Madame la Dauphine, l’un des quarante de l’Académie française et membre de celle des inscriptions et belles-lettres, lequel était né le 29 décembre 1684, et mourut le 24 novembre 1770. (— Je laisse toujours dire et penser que je ne suis né qu’en 1685, parce que je ne fus baptisé que sept mois après ma naissance, nous disait-il un soir, et c’est toujours autant de gagné pour la perpétuité de ma réputation de galantin. Il avait alors à peu près soixante et douze ans.)
C’était un homme aimable et poli. Son Abrégé chronologique de l’Histoire de France était le maître fleuron de sa couronne et le cimier de son casque ; c’était avec ce livre au bout du bras qu’il était allé frapper à toutes les portes académiques ; mais j’ai toujours pensé que, si quelque pauvre diable avait composé cet abrégé chronologique, il en aurait tiré douze ou quinze louis d’un libraire, et voilà tout. C’est un ouvrage qui n’est pas dépourvu de quelque mérite, et dont le mérite a toujours été fort exagéré par les amis du Président. Rulhières disait pourtant que ce livre avait été fort utile à Mme et M. Geoffrin, parce qu’ils en avaient appris qu’Henry IV n’était pas le fils d’Henry III et que Louis XII n’était pas le père de Louis XIII, ce qui les avait étonnés au dernier point.
Ce bon Président Hénault ! je le verrai toujours corrigeant, soignant et multipliant les éditions de son abrégé chronologique. Il y mettait son âme et sa vie ; il y trouvait sa gloire et sa joie. La Gazette de France en parlait avec éloge ; on en parlait dans l’Année littéraire : il en a passé soixante et six années de sa vie dans un parfait bonheur.
Il avait fait un bel héritage à la mort du Président de Montesquieu, à raison de ce que, dans la société de la Duchesse d’Anville, on appelait celui-ci Le Président, tout court et par excellence, ce qui ne laissait pas de mécontenter le Président Hénault. Mais, aussitôt que le Président de l’Esprit des lois fut passé dans la région des esprits, le Président chronologique recueillit la succession du Président législatif. Le Président Molé de Champlâtreux en desséchait d’envie ; mais l’hôtel de la Rochefoucauld tint ferme ; et, lorsque la Présidente Meynière y parlait tendrement du Président, il était bien entendu qu’elle ne parlait pas de son mari.
Sept à huit jours avant sa mort, on nous raconta que Mme du Deffand (son amie de jeunesse) était allée s’asseoir auprès de son lit en lui demandant s’il ne la reconnaissait plus. — En aucune façon, répondit-il ; et tout ce que j’y vois, c’est que vous me faites souvenir d’une méchante aveugle… Mme du Deffand s’empressa de l’interrompre et se mit à lui parler (pour le dérouter) de la Baronne de Castelmoron, qu’il avait beaucoup aimée. — Ah ! quelle différence, se prit-il à dire, entre la chère Baronne et cette vilaine égoïste du Deffand ! Elle était belle, elle était bonne, celle-là ; elle était fraîche et franche, elle avait des dents superbes et n’avait pas la peau comme du chagrain… Jamais elle n’a fait ni mauvais trait de noirceur, ni, j’en suis sûr, une seule menterie… La Duchesse de Choiseul m’a dit que la nièce du Président Hénault, Mme de Jonzac[1], n’avait pu jamais réussir à lui faire changer de conversation pendant toute la soirée ; quand il avait fini sur le panégyrique, il argumentait sur le parallèle ; et Mme du Duffand se donnait au diable en faisant bonne contenance autant qu’il se pouvait. Elle avait renvoyé son carrosse, et vous pouvez juger de son embarras ! Le Président Hénault était tombé en enfance dès l’âge de 80 ans ; et ceci peut expliquer l’idée qu’il avait eue de me faire un legs de cent louis pour m’acheter une bague.
Je vous parlerai présentement d’un personnage dont je ne vous ferai pas un grand éloge et pour qui je vous demanderai votre indulgence. Désiré Bernard, surnommé le Gentil', était un beau garçon robuste comme un chêne et fleuri comme un rosier ; il était franc comme un jonc et doux comme un bon fruit. Mais il était toujours ce qu’on appelle entre deux vins, ce qui ne l’empêchait pas de garder une contenance et de rester dans une mesure parfaite, et ce qui lui donnait seulement je ne sais quel air indifférent ou préoccupé qui ne lui messieyait pas du tout, bien loin de là. Il avait servi sous les ordres de votre grand-père en Italie, et c’était nous qui l’avions fait nommer Secrétaire-général des Dragons, ce qui lui valait 12 mille livres de rente, avec un logement sous la galerie du Louvre et l’habit d’Officier. Il avait pris toutes les apparences et les habitudes de la meilleure compagnie, ce qui ne l’empêchait pas d’aller souvent dans la plus mauvaise… Il avait eu des succès inconcevables, autant pour la qualité que pour la quantité ; mais la vanité ne pouvait rien du tout sur sa discrétion, et quand ses amis les dragons l’entreprenaient sur ses bonnes fortunes, il s’en impatientait et se débattait comme un diable. Il avait du caractère de M. de Létorières et de la tournure de M. de Lauzun, mais en plus naïf et plus solide. Je n’ai jamais vu que lui qui fût parfaitement heureux de sa position sociale et pleinement satisfait de sa fortune. Il n’était pas, disait-il, assez pauvrement petit pour ne pouvoir approcher des grands, ni assez grand pour ne pouvoir s’associer avec les plus petits. — Je suis deux fois plus heureux qu’un grand Seigneur ou qu’un petit bourgeois, par la raison que j’ai deux facultés, deux cordes à mon arc, et parce que je vis double, me disait-il un jour ; il y a du plaisir et de l’intérêt pour moi dans la confiance et la familiarité des petites gens : c’est, pour les émotions du cœur et le repos de l’esprit comme une excursion champêtre ; et si la fatigue me prend, je monte en voiture : j’ai l’honneur de venir vous faire ma cour, Madame, et j’ai celui de me trouver chez vous côte à côte avec Mgr le Duc de Penthièvre et Mme la Landgrave de Hesse. Il n’est rien de tel que de changer de côté, pour éviter la fatigue et l’engourdissement.
Il avait été l’intime ami de Mme de Pompadour avant sa faveur auprès de Louis XV ; et, si elle ne l’eût pas fait nommer bibliothécaire du Roi en son château de Choisy, personne ne se serait jamais douté que Gentil-Bernard eût été connu d’elle. Il a fait des poésies délicieuses et n’a jamais fait imprimer aucun de ses ouvrages (à l’exception de son opéra de Castor et Pollux, attendu que la chose était d’ordonnance et de nécessité rigoureuse). Il avait refusé d’entrer à l’Académie française en disant qu’il n’avait aucun titre pour établir et justifier cette prétention-la. Il n’a jamais voulu me lire son poëme de L’Art d’aimer, qu’il a gardé manuscrit jusqu’à sa mort. La philosophie de ce bon enfant (c’est le mot propre) ne l’avait pas pourtant empêché de tomber dans une décrépitude anticipée. Toutes les femmes le reprochaient à Bacchus et tous les hommes s’en prenaient à Vénus. Comme je n’étais ni homme ni femme, j’en accusais l’un et l’autre.
M. Opportun-Daniel Sénac était un vieux Conseiller de sa Majesté très-Chrétienne en ses conseils, d’état et privé, Officier de la couronne et Surintendant des eaux minérales du royaume, et membre de l’Académie royale des sciences, et Chevalier de l’ordre de St-Michel avec brevet d’anoblissement pour lui comme aussi pour ses hoirs ; le tout en vertu de la charge qu’il exerçait ; et vous en conclurez, s’il vous plaît, que l’Office de Premier Médecin du Roi de France est la principale dignité de l’univers médical.
Le vieux Sénac était presque toujours silencieux et sombre comme un tombeau. Il était savant, mais il ne croyait guère à l’utilité de la médecine, et l’exercice de sa profession n’était pour lui qu’un moyen de fortune, avec le plaisir d’expérimenter et celui d’ajouter à son instruction. J’ai connu bon nombre de médecins pareils à lui, mais à la science près.
Je me rappelle que, lorsqu’il parvint à la charge de premier médecin, il se fit remplacer au Palais-Royal par un docteur de Montpellier nommé Fizes, qui était un bavard et fut disgracié par le Duc d’Orléans au bout d’un mois. — « Je lui avais prescrit, nous disait Sénac, d’approcher gravement de son malade, de tâter le pouls, de faire tirer la langue et de regarder sérieusement dans les bassins, de ne point parler, de s’enfoncer dans sa perruque et d’y rester un moment les yeux fermés, de prononcer son arrêt et de s’en aller sans penser à faire la révérence. Au lieu de cela, mon imbécile a jabotté comme une pie ; il a parlé politique et littérature, en disant Votre Altesse Sérénissime à tout bout de champ. Il n’a que ce qu’il mérite ; et voilà ce qui doit arriver à ceux qui n’écoutent pas leurs anciens ! »
Quant à l’examen des empiriques et la surveillance des charlatans, dont il avait le monopole en vertu de sa charge, il abandonnait l’administration de cette partie du casuel à Mme Sénac, à qui tous les marchands d’onguent céleste et d’eau merveilleuse allaient s’adresser pour obtenir un brevet de son mari, moyennant rétribution. Elle en retirait parfois plus de quatre-vingt mille livres par an. Elle était associée pour moitié dans l’entreprise de la fameuse poudre capitale des frères Aumer, et l’on disait que la belle terre de Meillan avait été payée sur le profit que les Sénac ont tiré de cette poudre infernale.
L’unique héritier de ce bon ménage est M. de Meillan, qui se pavane aujourd’hui dans son intendance avec tant de fatuité. C’est à lui qu’on prenait la liberté d’appliquer cette vilaine épigramme de Piron : « il était blême et blond comme un pou d’hôpital ; » ce que je n’ai pu vérifier qu’à moitié, bien entendu.
Je vous dirai cette aventure de l’Abbé d’Espagnac avec M. l’intendant, qui tenait la banque au pharaon, chez M. Girardin, d’Ermenonville, et qui, voyant l’Abbé s’avancer avec un écu, lui cria du haut de sa tête et de sa voix insolente et grêle : — Monsieur, je ne tiens que de l’or. Voilà ce grippe-sou d’Abbé qui s’approche de lui, tenant son écu pincé du pouce et de l’index, et qui va lui faire une croix sur le front, en lui disant comme au jour des cendres : — Memento, homo, quia pulvis es, etc., « souviens-toi que tu es un homme de poudre et que tu reviendras en poudre ! » Je vous reparlerai de M. Sénac de Meillan, qui faisait les délices et l’admiration de l’hôtel de Liancourt.
Je vous ai déjà dit du Sieur de Moncrif (on prononçait Moncri), qu’il était Lecteur de la Reine et qu’il était puriste. Il ne faudra pas en inférer que ce fût un pédant, car il était l’homme de France et l’académicien le moins prétentieux, le plus simple et le plus naturellement agréable. Il me semble que ses poésies fugitives, et surtout ses romances, ne laissent rien à désirer pour la perfection du style et la délicatesse de sentiment. Il avait fait un Essai sur les moyens de plaire qui n’avait pas trouvé celui de nous charmer à l’égal de ses poésies. Il écrivait mal en prose, et voilà ce que je ne saurais m’expliquer de la part d’un bon versificateur. Qu’un prosateur habile ne puisse pas bien écrire en vers, on conçoit cela ; mais un bon poète qui ne sait pas faire de la bonne prose, c’est-à-dire un superlatif sans comparatif et sans positif, je vous avoue que c’est une chose incompréhensible à mon sens naturel, à mon instinct mathématique et ma raison grammaticale.
Moncrif avait écrit une Histoire des chats dont Voltaire et tous ses amis ne manquaient jamais l’occasion de se moquer ; mais c’était de parti pris et sans nulle raison, car c’est un recueil de plaisanteries tout-à-fait divertissantes. Voltaire agissait toujours comme un enragé contre les écrivains qui ne l’adulaient pas, et surtout contre les gens de lettres à qui les Communs de Versailles étaient ouverts. Sa préoccupation continuelle était celle d’aller à la cour, et le plus beau jour de sa vie fut sans contredit celui où il reçut de Mme de Pompadour un brevet de gentilhomme ordinaire, honoraire et surnuméraire de la chambre du Roi. Il en pleurait, il pâmait, il en délira ! Mais il ne tarda pas à reconnaître la vanité creuse et la légèreté de cette qualification sans exercice ; et, du reste, Mme du Châtelet, qui savait le monde et la cour un peu mieux que l’algèbre et la géométrie, n’avait pas manqué de se moquer de l’extrême satisfaction qu’il en montrait. C’était pour en modérer l’éclat, disait-elle, et pour qu’il n’en restât pas marqué d’un ridicule ineffaçable…
— Le voilà magnifiquement récompensé pour sa dédicace à cette Mme Le Normand d’Étioles ! nous disait-elle… Et comment trouvez-vous qu’un si grand homme ait pu solliciter (en cachette de moi) cette misérable place de gentilhomme ordinaire ?
— Ne m’en parlez pas ! disait la Maréchale de Luxembourg, attendu que j’en suis confondue ; c’est comme un géant dans un entresol !
Quand Voltaire apprit que Moncrif avait obtenu l’emploi d’historiographe de France, il se mit à crier : Historiographe ? Il est impossible que la Reine ait voulu compromettre son crédit à ce point-là ! c’est historiogriffe que vous voulez dire…
Je me rappelle encore, à propos de cette Histoire des chats, que Moncrif avait entrepris d’appliquer des coups de canne sur le dos d’un insolent et mauvais poète appelé Roy. Ce dernier, qui était le plus jeune et le plus ingambe, opérait sa retraite à reculons devant son agresseur, bien assuré que celui-ci ne manquerait pas d’observer la convenance et ne voudrait pas lui porter un seul coup, s’il n’avait pas le dos tourné. C’est qu’on n’aurait pas voulu, dans ce temps-là, s’exposer à frapper avec un bâton sur le visage d’un homme : on n’y pouvait toucher qu’avec la main ; c’était une obligation de charité ; c’était une affaire de respect humain ; le contraire aurait été considéré comme un crime de lèse-majesté sacramentelle, une sorte de sacrilége anabaptiste ; enfin, c’était la règle établie. Mais il y avait une chose dont l’offensé Moncrif, historien des chats, ne pouvait s’empêcher de rire, et c’était que ce plat et méchant faiseur d’épigrammes lui criait encore en s’enfuyant : — Patte de velours, Minet ; patte de velours !
Moncrif avait toujours eu de la piété, de la dignité dans les habitudes et des mœurs irréprochables….
— Mais on m’a conté hier une belle histoire de M. de Moncrif, disait un jour Voltaire, après souper, chez sa bonne amie Mme Grimod d’Orsay. Il est allé jeudi dernier à l’Opéra, derrière le rideau, après la dernière pièce, et lorsqu’il a pensé que tout le monde devait être sorti de la salle, alors cet honnête dévot s’est approché d’un groupe de nymphes en leur disant discrètement entre haut et bas : « Si quelqu’une de ces demoiselles était tentée de souper avec un petit vieillard bien propre, il y aurait quatre-vingt-douze marches à monter, un petit souper assez bon et dix louis à gagner. ». C’est la jolie petite Mlle Vigu, continua l’honnête Voltaire, qui m’a dit ceci hier au soir. Elle connaît parfaitement bien ce grand poète, et d’autant mieux qu’elle a déjà grimpé cinq ou six fois dans le haut de son pavillon de Flore, au sommet de son Olympe, ou son Hélicon, si vous l’aimez mieux…
— Je pense qu’elle en a menti pour jeudi dernier, interrompit M. de Crône, attendu que M. de Montrif est bien certainement en Normandie depuis plus de deux mois. Il est à Médavy, chez Mme Thiroux, ma grand’mère ; et j’ai reçu de lui, précisément jeudi matin, une lettre dans laquelle il me prie de faire renouveler son abonnement à l’Année littéraire.
— Vous dites à l’Année littéraire ? Ah ! c’est un lecturier de l’Abbé Desfontaines et de cet exécrable Fréron ! Voilà ce que je ne savais pas. Je ne m’étonne plus de son hypocrisie, de son infâme conduite !…
— Calmez-vous donc, M. de Voltaire, apaisez-vous donc, s’il vous plaît, lui dit le Baron d’Hunolstein qui était un vieux pince-sans-rire. La demoiselle Vigu dont vous parlez vient de mourir en couches, et je puis vous assurer qu’elle a été enterrée mardi dernier, c’est-à-dire la surveille du jour où elle aurait vu Moncrif à l’Opéra. J’en suis certain, et je puis ajouter que je n’en suis pas fâché ; car elle était la maîtresse de mon fils, qui lui donnait beaucoup trop d’argent. Je crains que vous n’ayez été la dupe de quelque mystification…
Ce qu’on découvrit de plus amusant dans tout ceci, c’est qu’il ne s’y trouvait un mot de vérité ni de part ni d’autre. Voltaire avait fait un indigne mensonge ; et quand on voulut éclaircir la chose, il se trouva que ces deux Messieurs, de Crône et consort, avaient (sans s’être concertés ni s’être entendus le moins du monde) fabriqué chacun leur histoire, à dessein de se moquer de Voltaire et de sa méchante invention. Il en prit la fièvre de colère, à ce que nous dit le Baron.
M. de Moncrif devait avoir au moins cent ans quand il est mort, en 1770. Son père avait été Doyen des Conseillers à la Cour des Monnayes, et sa mère était la nièce du fameux La Calprenède. M. de Maurepas disait toujours à propos de l’âge de Moncrif, dont celui-ci ne parlait jamais, que Moncrif avait appris le manége et l’escrime en même temps que M. de Pontchartrain, qui était le père de M. de Maurepas, et qui était Secrétaire d’état sous Louis XIV, en 1695.
Un littérateur angevin, nommé le sieur de la Place, avait fait, à l’occasion de la mort de ce bon Moncrif, un quatrain dont j’ai pris note et que je vais copier avec plaisir :
« Réalisant les mœurs de l’âge d’or,
« Ami sûr, auteur agréable,
« Ci-gît qui, vieux comme Nestor,
« Fut moins bavard et plus aimable. »
Il me reste à vous parler de l’auteur de Tanzaï, d’Alcibiade et du Sopha, Prosper Joliot, sieur de Crébillon, lequel était frère aîné de la sauvage Electre et de Rhadamiste et Zénobie, qui sont bien assurément les trois personnages les plus sombrement farouches et les plus rudement ineuphoniques de notre scène tragique.
Lorsque vous aurez lu quelques-unes de ses productions, œuvres de licence et d’impertinence, vous ne manquerez certainement pas de vous représenter le fils Crébillon comme un papillon sémillant, brillant et triomphant de la pudeur de toutes les fleurs, de toutes les roses et du tendre jasmin, qui prodiguaient à ses vœux les trésors de leur sein (il y a toujours de ces mauvaises rimes-là dans sa prose) ; mais voici le portrait de l’auteur du Sopha tracé par la demoiselle Beauvoisin, qui le connaissait de reste : « Pédant, vilain pédant, tu es si pédant, si sérieux, si sec et si gourmé, si composé, si empesé et si ennuyeux, que je ne veux pas que tu viennes souper avec nous chez Monticour. Les demoiselles Avrillet ont dit à Collé que tu n’avais pas trouvé autre chose à leur dire que j’ai l’honneur de vous présenter mon très-humble hommage, ou bien mes devoirs les plus respectueux, pour changer. Va donc ! tu n’es qu’un manche à balai galonné ! tu ne fais pas autre chose que des révérences à la « vieille mode, etc. »
Si vous êtes surpris de me trouver si bien au fait de la correspondance de la Beauvoisin, je vous dirai que sa lettre avait circulé dans tout Paris, par la raison que la fin du billet, que je ne saurais vous rapporter, était la chose du monde la plus originale.
Ce Crébillon n’avait aucun autre inconvénient dans la société que celui d’être ennuyeux. On le rencontrait quelquefois à l’hôtel de Surgères et chez une anglaise appelée Mme Wortley, qui était parente de sa femme. Écrivain licencieux et pédant frivole, il était, ce qui pourra vous étonner, Censeur royal, à l’effet d’examiner les nouveaux livres et d’accorder ou de refuser les priviléges du Roi pour leur publication. Un jour, il voit arriver dans son cabinet de censure, à l’imprimerie royale, une assez belle personne qui lui dit, entre autres choses, qu’elle avait lu le Sopha, qu’elle éprouvait pour lui, M. Crébillon, l’auteur d’un si bel ouvrage et Censeur royal, un sentiment d’admiration, d’estime et d’amour insurmontable ; qu’elle arrivait d’Angleterre afin de le demander en mariage, et qu’elle était la fille aînée de Milord Halfort ; ce qui était l’exacte vérité sur tous les points[2].
Comme elle était fille majeure, elle devint Miladi Crébillon dans la quinzaine, et l’on ne s’est jamais aperçu qu’elle se soit repentie du choix qu’elle avait fait ; l’auteur du Sopha la rendit aussi parfaitement heureuse que peut l’être une Anglaise avec des révérences.
Il est résulté du Sopha, du mariage et des révérences une grande fille toute noire, qui vient d’épouser je ne sais quel autre Milord, à qui j’en fais mon compliment.
N’admirez-vous pas que l’effet d’un conte libertin, d’un misérable opuscule et d’un mauvais petit livre, ait été de faire épouser à son auteur une fille de distinction, et (pour le plus essentiel au bonheur et l’exigence de M. Crébillon,) une honnête fille, à la même époque où l’amant de Julie, le délicat, l’ardent, le passionné St.-Preux, finissait par épouser une infâme servante[3] ? Il est à remarquer aussi que l’auteur des Égaremens du cœur et de l’esprit a marié sa fille unique avec un Pair d’Angleterre, tandis que l’auteur du Contrat social et du Traité sur l’éducation d’Émile a fait porter ses quatre ou cinq enfans à l’hôpital des Enfans-trouvés. Mais il est juste d’observer que ce pauvre M. Crébillon n’était pas philosophe, il n’était que futile ; et, grâce à la philosophie, ce n’est pas J.-J. Rousseau qui s’est montré le plus raisonnable des deux.
Pour en finir avec les oraisons funèbres, je vous dirai quelques mots sur le sieur de Bachaumont, qui était un imbécile dans le genre de l’historien Suétone, et qui n’a jamais su faire autre chose que d’écouter et d’enregistrer des bruits de carrefour.
Il est mort en 1770, âgé de 82 ans ; les notes manuscrites qu’il a laissées ne commencent qu’à l’année 1759 et finissent en 1766 : ainsi les prétendus Mémoires de Bachaumont, qui vont jusqu’à la fin de l’année 1787 (c’est-à-dire plus de 22 ans après la mort de ce nouvelliste), sont nécessairement apocryphes. On disait qu’il était fils naturel du Maréchal de Villars ; et, dans tous les cas, il n’avait aucune espèce de rapport avec cet autre Bachaumont, le caudataire du Cardinal de Retz, l’un des auteurs du voyage en Provence et le compagnon de l’aimable Chapelle. Celui dont il est question passait sa vie chez Mme Doublet de Persan, qu’il avait aimée constamment et sans distraction depuis sa jeunesse ; et l’on peut dire qu’il est mort en adoration devant elle. Elle avait de l’esprit, la Présidente Doublet, et, si elle avait eu l’usage d’un autre monde, elle aurait été bien aimable. Elle est morte en 1772, à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, et depuis quarante-deux ans elle n’était pas sortie de sa chambre à coucher. On la rencontrait jadis à l’hôtel de Béthune et chez les d’Aligre, où j’étais fâchée de ne la plus trouver ; mais je n’ai jamais pu me résoudre à la voir chez elle : je n’ai jamais pu supporter les bureaux d’esprit, les lectures et les preneurs de notes.
Je vous ai déjà dit que les Nouvelles à la main sortaient de chez Mme Doublet, et voici comme on y procédait régulièrement. Le secrétaire de la Présidente enregistrait les anecdotes et toutes les nouvelles de la soirée ; ses deux laquais (qui devaient absolument savoir écrire) en faisaient six copies, ce qui les occupait souvent pendant toute la nuit ; on envoyait ces bulletins par des commissionnaires, et dans la matinée, à tous les principaux amis de la maison, qui étaient MM. de Mirabeau, de Mairan, Falconnet, de Bachaumont, Trublet et Trudaine. Mais ce qui ne manquait pas d’arriver souvent, c’était que ces Messieurs manquaient de prudence, et que leurs valets recopiaient ces bulletins, dont ils se faisaient un gros bénéfice en les distribuant aux Ambassadeurs, aux étrangers de marque, et même à des financiers, se disait-il. Il en résultait des tracasseries insupportables : on chassait des laquais, on cherchait à s’expliquer ; et tout ceci finissait par une visite où l’on se disait les plus aimables choses en ayant soin de ne se parler de rien. Ce qu’il y avait d’ennuyeux, c’est que c’était toujours à recommencer.
En 1757, on m’avait attribué (dans les Nouvelles à la main, s’entend) une épigramme contre le Maréchal de Soubise, que je ne voudrais pas copier et que je n’avais assurément pas faite. Ceci devint une grande affaire, et le Lieutenant de Police avait envoyé parler à Mme Doublet. Le Bailly de Froulay fut le prier de vouloir bien se tenir tranquille, attendu qu’il y avait en nous-mêmes assez d’autorité pour ne pas avoir besoin de la sienne. Il se trouva que l’épigramme en question n’était jamais sortie de chez la Présidente, et que c’était M. de Mirabeau qui l’avait fait ajouter sur l’exemplaire de son bulletin, qu’il avait envoyé courir le pays. Comme on avait décidé que je le recevrais lorsqu’il viendrait m’en faire excuse[4], il eut la gaucherie d’entamer une explication à laquelle je répondis par une véritable épigramme en quatre paroles ; il me semble que c’était sur les amis de l’humanité, qui ne sont pas les amis des femmes ; mais je ne me rappelle plus comment je lui tournai ce compliment-là.
Ce n’était pas la première et ce n’est pas la dernière fois qu’on m’ait attribué des épigrammes ; et ce qu’il y a de curieux, c’est qu’il ne m’est jamais arrivé de faire des vers qu’une seule fois pendant toute ma vie, et encore n’était-ce que des bouts-rimés.
Il faut que je vous les dise, mes bouts-rimés. J’arrivais des eaux de Forges en 1790 ; le Chevalier de Boufflers, excité par Mme de Lénoncour, voulut absolument que je leur fisse des vers et me donna ces rimes du diable :
J’ai quatre-vingt-dix-ans, j’arrive — d’Épidaure ;
Esculape a reçu mon premier — Ex-voto.
On aime ses vieux jours autant que son — Aurore.
Chacun sur mon voyage avait crié — Haro !
L’espérance soutient et le succès — restaure ;
Me voici rajeunie et presque sans — bobo.
Mon front était ridé, mon teint celui d’un — Maure ;
Quand je parlais, mes dents partaient — ex abrupto,
Une seule restait, servant de — memento.
À peine ai-je eu touché le serpent qu’on — adore,
Vieille comme Baucis et sourde comme — Io,
Je deviens aussi leste, aussi belle que — Laure !
Remerciant le Dieu, j’ai promis — in petto
Au moins cinq ou six fois d’y retourner — encore.
Mon fils, comme je ne veux pas être suspectée par vous d’aveuglement maternel, et de prétention littéraire encore moins, je vais agir avec une sincérité parfaite en vous faisant un aveu pénible : j’ai conservé presque toutes mes dents ; j’ai, grâce à Dieu, l’oreille très fine ; je n’ai jamais entendu dire que la nymphe Io fût sourde, et j’avoue que tout cela sont des licences poétiques. J’aurai la précaution d’ajouter que la particule incidente était indispensable pour la correction de mon avant-dernière période, et que je n’ai su comment l’y placer. Enfin, mon dernier vers est doublement défectueux, en ce que c’est par inversion qu’on y trouve une cheville ; et cette inversion des cinq ou six fois ne me satisfait pas du tout.
Je vous avais parlé des entretiens littéraires de Mme Doublet, et je suis bien aise de vous en donner une idée sommaire au moyen de cette dissertation critique.
- ↑ Marie-Françoise-Gertrude Hénault d’Amorézan, mariée en 1713 à Pierre-Louis-Joseph d’Esparbès de Lussan-Bouchard d’Aubeterre, Comte de Jonzac et Vicomte de Saint-Martin-sur-Gironde. Elle est morte de la petite vérole en 1779. (Note de l’Auteur.)
- ↑ L’éditeur de la Correspondance de Grimm, ainsi que plusieurs articles biographiques, lui donnent le nom de Strasford, et c’est une erreur. Elle s’appelait Lady Anna Black de Halfort, filte d’Éward Lord Halfort et de très honorable Susanna Russell. C’est ainsi qu’elle est qualifiée dans son acte de mariage. (Note de l’Éditeur.)
- ↑ Thérèse Levasseur a fini par épouser un laquais d’Ermenonville appelé Nicolas Montretout ; mais son maître en avait fait un garde-chasse, à cause de son alliance avec la veuve de l’illustre Rousseau, disait-il.
Je ne crois pas qu’il y ait jamais en dans le monde un niais comparable à ce compositeur d’inscriptions et de points de vue champêtres ; et, sans l’enthousiasme encyclopédique et la philanthropie, qui étaient venus s’adjoindre à sa niaiserie naturelle, on ne se serait jamais moqué d’un homme autant que de ce M. Girardin.
- ↑ L’inscription de son nom sur la liste du suisse n’aurait pas été suffisante, et l’on devait retourner chez la personne offensée.
jusqu’à ce qu’on la trouvât chez elle. Tel était l’ancien usage en pareil cas.