Souvenirs de la Marquise de Créquy de 1710 à 1803/Tome 1/08
CHAPITRE V[1].
Pour qu’on eût la plus grande confiance dans le savoir-faire de M. d’Argenson, qui était un lieutenant-général de police incomparable[2], on n’en fut pas moins effrayé quand on apprit ce vol effronté du Palais-Cardinal[3], et l’apparition de Cartouche au milieu de Paris. Beaucoup de familles qui n’avaient pas la ressource d’aller se réfugier à Versailles étaient en disposition de s’en aller dans leurs terres, quoiqu’on fût au cœur de l’hiver ; mais on sut bientôt que la troupe de Cartouche était embusquée dans la banlieue de Paris, et que ledit Cartouche, à la tête d’une bande de quarante à cinquante hommes, avait osé dévaliser le Cardinal de Gèvres, qui s’en retournait à Bourges[4].
Il se trouva, de compte fait, qu’on ne lui avait pris que sa croix pectorale et son anneau pontifical, dix louis qu’il avait dans sa bourse, un pâté de rouges-gorges qu’il emportait dans son diocèse, et, de plus, deux flacons de vin de Tokay qu’il avait gagnés à mon oncle, en jouant au piquet contre lui. Il est bon de vous dire que le Cardinal de Gèvres était très gourmand et prodigieusement scrupuleux (pour un gourmand). Il ne voulait jamais jouer pour de l’argent, dans la crainte de perdre celui qu’il appelait en bonne conscience et avec toute justice le bien des pauvres. Il ne voulait acheter ni des vins superfins, ni des primeurs ; mais il ne se faisait aucune difficulté pour en gagner au jeu ; de sorte qu’il jouait au piquet pour un litron de petits pois de serre chaude, ou pour un flacon de vin de Schiraz, qui coûtait douze ou quinze louis. S’il avait le malheur de perdre, il se tirait d’affaire en donnant la collection de ses mandemens et de ses instructions pastorales, dont il apportait, chaque fois qu’il venait à Paris, une cinquantaine d’exemplaires superbement reliés et dorés sur tranche. C’était chose convenue, et chacun s’en arrangeait dans sa famille et dans ma société, parce qu’il était le plus charitable et le plus friand des prélats, le plus candide et le meilleur des hommes. Les bandits ne voulurent rien prendre à l’abbé Cérutti, secrétaire du Cardinal, en disant qu’il était trop joli garçon pour le voler, que ce serait conscience, et qu’ils n’en auraient pas le courage. — Puisque vous avez tant d’égards et de si bons procédés pour lui, leur dit son Éminence, vous devriez bien lui laisser la moitié du pâté de rouges-gorges, avec un flacon de ce vin de Hongrie ? — Ah ! mon Dieu, répondit Cartouche, à cela ne tienne, et s’il veut partager avec nous, il n’a qu’à venir… L’abbé Cérutti ne le voulut pas, et c’était des regrets, des reproches et des récriminations pour mourir de rire[5].
Le Cardinal de Gèvres nous dit aussi qu’il ne voyagerait plus avec ce jeune abbé pour ne scandaliser personne, attendu qu’un des voleurs avait eu l’air de croire que ce pouvait être une demoiselle en soutane. — Téméraire et malheureux ignorant ! lui avait dit ce bon prélat, ne savez-vous point que ce serait un sacrilège ? et d’où vient, s’il vous plaît, que vous me prendriez pour un pervers et un débauché ? … Cartouche appliqua sur la figure de son camarade un furieux coup de poing (l’abbé disait un coup de coude) qui le fit tomber à la renverse. — Voilà pour t’apprendre à manquer de respect à Nosseigneurs du clergé ! dit-il en rugissant de colère. Et voyez donc ce porc endiablé qui va s’attaquer au Cardinal de Bourges ! Ne sais-tu point qu’il ne veut pas recevoir ses dîmes quand ses censitaires ont été grêlés ? poursuivit Cartouche en écumant de rage, et lui donnant d’horribles coups de pied dans le ventre !
Je puis vous assurer que la France d’autrefois était bien autrement intéressante et divertissante à observer que celle de ce temps-ci, car on y trouvait du moins des originaux, des originales et des originalités en exposition continuelle, et je puis dire que j’en étais entourée, d’originaux ! D’abord la Duchesse de la Ferté, ma tante, était sans contredit, la plus sérieusement extravagante et la plus curieuse personne qu’on puisse imaginer. Mme de Stahl en a parlé dans ses mémoires, mais elle ne pouvait pas connaître assez bien Mme de la Ferté, qui était Duchesse jusqu’au bout des ongles, et qui, par conséquent, la tenait toujours à distance, sans aucune intention personnelle ou malveillante, mais tout simplement parce que ce n’était que Mlle Delaunay. Mme de Stahl avait un talent d’observation et de narration tout-à-fait piquant, mais pour savoir et pour avoir dit combien sa première protectrice était singulière, il aurait fallu qu’elle eût pu causer familièrement avec elle, et voilà ce qui n’est jamais arrivé. La Duchesse de la Ferté ne trouvait jamais un mot à dire à Mlle Delaunay, à moins que ce fût quelque parole de condescendance et de protection. Celle-ci n’avait donc pu la juger autrement que sur ce qu’elle avait dit devant elle-à d’autres personnes ; mais pour vous donner une idée de ce que c’était, quand elle ouvrait pour vous les trésors de sa confiance, écoutez l’histoire de ma première visité chez ma tante de la Ferté[6].
Nous savions qu’elle s’était foulé le pied en descendant l’escalier de la surintendance à Versailles ; elle s’était fait ramener chez elle à Paris, où nous arrivons, moi derrière ma grand’mère, ayant Mademoiselle d’Armagnac en première ligne ; c’est-à-dire avec les deux personnes les plus exactement formalistes de la cour et de la ville, y compris les Présidentes à Mortier[7]. Elle était établie sur son estrade et son lit de parade entre quatre colonnes dorées, sous un dais le plus riche et le plus empanaché, dont la balustrade était fermée. Aussitôt qu’elle eut jeté les yeux sur nous, elle eut l’air de réfléchir si profondément qu’on n’y concevait rien. Elle oublia de nous faire ouvrir sa balustrade, et c’est une impolitesse qu’on voulut bien attribuer à sa distraction. Elle avait environ cinquante ans, et c’était néanmoins la plus belle personne du monde. Ses beaux yeux noirs étaient un peu louches, et je n’ai jamais rencontré de regards aussi dédaigneux et aussi singuliers que les siens. La peau de son visage et de ses admirables mains était un pur ivoire ; elle avait un nez grec et délicat qu’elle ne mouchait jamais, mais qu’elle essuyait avec précaution moyennant un petit carré de mousseline. Sa cornette et sa hongreline de dentelle étaient garnies avec des bouffettes de satin gris de perle, et du reste elle était sous un couvre-pieds d’une seule pièce en point de Venise. Je suis persuadée que la garniture de ses draps, qui était en point d’Argentan, valait au moins quarante mille écus.
À peine étions nous assises, qu’on entendit ouvrir les deux battans de toutes les portes de l’enfilade avec un fracas inconcevable, et que nous vîmes apparaître une petite figure qu’on apportait sur un grand fauteuil de velours vert galonné d’argent. C’était une sorte d’image enluminée, grimaçante et peinturlurée comme un joujou de Nuremberg, avec la bouche en cœur et deux petits yeux languissans. Cette étrange figure était habillée d’une étoffe d’argent brodée en chenille verte, et, de plus, elle avait un gros bouquet de verveine à la main. Le fauteuil était porté par quatre géans, habillés en valets de pied ; il était environné par cinq ou six petits pages, les plus jolis du monde, et c’était visiblement des enfans de bonne maison, car ils avaient tous la croix de Malte ou celle de Saint-Lazare. Un de ces pages était chargé d’un coussin pour mettre sous les pieds ( toujours vert et argent) ; un autre portait une grosse gerbe de verveine et de rhue verte, afin de purifier l’air ; et la petite figure était celle de Monseigneur François Potier de Blancmesnil de Trésiné, Duc de Gèvres et gouverneur de Paris[8].
— Pourquoi donc la Duchesse est-elle enfermée dans sa balustrade ? se prit-il à dire de prime abord, avec une voix de fausset et en minaudant, sans regarder personne. On dirait, poursuivit-il avec un petit air de coquetterie malicieuse, qu’elle voudrait nous tenir à distance et que nous serions des mendians !
La Duchesse de La Ferté, qui s’aperçut de la faute qu’elle avait commise, et qui n’était pas fâchée d’une occasion pour donner à M. Potier de Gèvres un petit coup de busc sur les doigts, se mit à dire avec un air de résignation douloureuse : — J’espère que mes cousines auront la bonté de m’excuser, et j’ose implorer votre miséricorde, Monsieur de Gèvres ! vous me faites trembler, je vous crois toujours voir sous un Mortier et sur le grand banc de la Tournelle, comme si vous étiez M. votre grand père, et que vous allassiez juger les pâles humains !
M. le Duc ne répondit rien, il fit une petite grimace de vieille femme et se mit à sentir son bouquet d’herbes céphaliques : ensuite il demanda qui j’étais ? Ma grand’mère lui répondit honnêtement que j’avais l’honneur de lui appartenir, et qu’on avait à me féliciter de cette parenté-là : ce qui vint bien à point pour jeter comme un peu d’eau sur les flammèches et les orgueilleuses fumées de notre parente.
Au bout de quinze à vingt minutes, on vint enlever M. le gouverneur de Paris, qui s’en alla comme il était venu, avec ses grands valets, ses petits pages et ses petites simagrées[9] ; ensuite une manière de sacristain vint dire à Madame la Duchesse que son aumônier allait donner le salut du Saint-Sacrement dans son oratoire, et si c’est qu’elle ne voudrait pas s’y unir d’intention ? — Ma bonne Princesse, et vous, Marquise, allez donc recevoir la bénédiction dans ma chapelle, dit-elle à ces dames ; et ce sera d’autant mieux, que j’aurais quelque chose à dire à Mademoiselle de Froulay.
— Ma chère petite, s’écria-t-elle avec un air de bienveillance et d’empressement extraordinaire, vous n’avez pas d’idée combien je m’intéresse à vous ! Seriez-vous bien aise de manger des profiterolles ? et ce disant, elle se mit à soulever son couvre-pieds qui recouvrait un plat d’argent rempli de pâtisseries. Elle me donna force gâteaux, force conseils, et notamment celui de ne jamais rester assise au clair de la lune. — Il y a des bêtes, me dit-elle, qui croient, en voyant les étoiles filer, que ce sont des âmes qui s’en vont à Dieu ; mais pas du tout, ce sont des princes qui naissent. Soyez-en sûre, et n’oubliez jamais ceci, ma belle enfant !En nous en allant, je ne manquai pas de leur parler de cette belle révélation. — Vraiment, répondit ma grand’mère, elle était bien raisonnable aujourd’hui, car elle a dit l’autre jour à la petite de Châtillon que la lune était une poule noire qui n’était guère plus grosse qu’une marmite. — Elle aura dit une boule, et cette petite sotte aura entendu une poule, reprit Mademoiselle d’Armagnac, avec un air de considération pour le savoir astronomique de la Duchesse, et sans s’étonner autrement d’une observation lunaire et d’un nouveau système uranographique qui ne lui paraissait ni moins autorisé, ni plus difficile à cevoir que le système de Copernic, ou le système de Ticho-Brahé.
Je trouvai long-temps après dans mes rapports de famille une autre personne assez bizarre, et c’était la Duchesse de Saulx-Tavannes. Celle-ci ne disait pas d’extravagances, mais vous allez voir que les autres n’y gagnaient rien. Elle faisait brûler des plumes de pigeon sur la table et pendant son dîner, pour ne pas sentir ce qu’elle appelait une odeur de cuisine. Elle arrivait chez moi toute emmaillotée dans une douzaine de coqueluchons, dont elle se dépouillait successivement de cinq minutes en cinq minutes ; ensuite elle s’écriait qu’on la faisait étouffer, et elle allait s’installer sur une fenêtre qu’elle faisait ouvrir dans une première salle, et sur laquelle fenêtre ouverte elle s’asseyait les jambes en dehors. Elle y commençait par dire ses prières et finissait par s’endormir, tellement qu’elle est tombée deux ou trois fois dans mon jardin : mais c’était du rez-de-chaussée, grâce à Dieu pour elle !
Je n’ai pas oublié Cartouche, et je vous dirai donc qu’on était obligé de ne sortir le soir qu’avec cinq ou six laquais bien armés ; et quand on avait à passer les ponts, on s’arrangeait de manière a marcher en caravane et de conserve avec plusieurs autres voitures. Le guet de Paris était sur les dents, et la maison du chevalier-du-guet avait été si bien dévalisée par Cartouche en personne, que ledit chevalier-du-guet, chef de la police de nuit, en était réduit à manger son fricot avec du fer et de l’étain. Tous les jours on apprenait quelque nouvel exploit de Cartouche ; et les pauvres personnes dont les valets n’étaient pas assez nombreux ou supposés bien aguerris, se faisaient ramener par nous autres.
Le Major des gardes-françaises ne savait auquel entendre, et ne pouvait suffire à toutes les demandes qu’on lui faisait pour obtenir des sentinelles ou des escortes. Messieurs les Mousquetaires avaient commencé par déployer une activité charmante, mais on s’aperçut bientôt qu’ils faisaient beaucoup plus de bruit que de bon ouvrage ; et l’on trouva que la sûreté des marchandises ne devait pas l’emporter sur celle des jolies marchandes et sur la tranquillité des bourgeois de Paris, qui donnaient les Mousquetaires à tous les diables ! Enfin, depuis les troubles du temps de la Fronde, on n’avait pas vu dans tout Paris de perturbations et d’effroi pareils.
Mme la Princesse de Conty nous dit un jour que la Marquise de Bauffremont distribuait des laissez-passer pour exhiber aux voleurs de nuit, et qu’on était bien étonné du crédit qu’elle avait sur Cartouche[10].
Voici la raison des bons procédés de Cartouche envers Mme de Bauffremont.
Elle était rentrée chez elle à deux heures du matin ; et quand ses femmes l’eurent déshabillée, elle ne manqua pas de les renvoyer pour écrire et pour veiller tout à son aise au coin de son feu. Elle écrivait un journal qu’on n’a pas retrouvé dans ses papiers, et c’est grand dommage ! car elle était sans pareille en fait d’intelligence. Elle avait toujours remarqué mille choses auxquelles on n’avait pas pris garde, et qu’on s’étonnait de n’avoir pas observées comme elle. Malheur à tous ceux qui parlaient en sa présence avec l’intention de surprendre leur auditoire ou de lui dissimuler quelque chose ! Fontenelle disait toujours que c’était la femme aux aperçus lumineux dont il est question dans les Mille et un Jours. Tant il y a que, pendant cette nuit, elle entendit premièrement un bruit étouffé dans sa cheminée, et qu’elle aperçut bientôt après, dans un nuage de suie, des nids d’hirondelle et des plâtras qui dégringolèrent pêle-mêle avec un homme armé jusqu’aux dents. Comme il avait fait rouler la bûche avec les tisons jusqu’au milieu de la chambre, la première chose qu’il fit, ce fut de prendre les tenailles et de replacer méthodiquement tous les tisons dans la cheminée ; il repoussa du pied quelques charbons enflammés, sans les écraser sur le tapis, et puis il se retourna du côté de la Marquise, à laquelle il fit la révérence. — Madame, oserais-je vous demander à qui j’ai l’honneur de parler ?
— Monsieur, je suis Mme de Bauffremont, mais comme je ne vous connais pas du tout, comme vous n’avez pas la physionomie d’un voleur, et que vous avez les procédés les plus soigneux pour mon mobilier, je ne saurais deviner pourquoi vous arrivez dans ma chambre au milieu de la nuit et par la cheminée ?
— Madame, je n’avais pas l’intention d’entrer dans votre appartement… Auriez-vous la bonté de m’accompagner jusqu’à la porte de votre hôtel ? ajouta-t-il en tirant un pistolet de sa ceinture et en prenant une bougie allumée.
— Mais, Monsieur…
— Madame, ayez la complaisance de vous dépêcher, poursuivit-il en armant son pistolet. Nous allons descendre ensemble, et vous ordonnerez au suisse de tirer le cordon.
— Parlez plus bas, Monsieur, parlez plus bas ! le Marquis de Bauffremont pourrait vous entendre, reprit cette malheureuse femme en tremblant d’effroi !
— Mettez votre mantelet, Madame, et ne restez pas en peignoir ; il fait un froid extraordinaire !
Enfin tout s’arrangea suivant le programme, et Mme de Bauffremont en demeura si troublée, qu’elle fut obligée de s’asseoir un moment dans la loge du suisse, aussitôt que ce diable d’homme eut passé la porte de la maison. Alors elle entendit qu’on frappait à la fenêtre de la porte qui donnait sur la rue. — « M. le suisse, j’ai fait cette nuit une ou deux lieues sur les toits, parce que j’étais pourchassé par les mouchards. N’allez pas dire à votre maître que ce soit une affaire de galanterie, ni que je sois l’amant de Madame de Bauffremont : vous auriez affaire à Cartouche, et, du reste, on aura de mes nouvelles après-demain matin, par la petite poste. »
Mme de Bauffremont remonta chez elle et fut réveiller son mari, qui lui soutint que c’était un cauchemar et qu’elle avait fait un mauvais rêve ; mais elle reçut, deux ou trois jours après, une lettre d’excuses et de remercîmens tout-à-fait respectueuse et très-bien tournée, dans laquelle était inclus un sauf-conduit pour Mme de Bauffremont, avec un acte d’autorisation pour en délivrer à sa famille. La lettre avait été précédée par une petite boîte qui renfermait un beau diamant sans monture ; et la pierre fut estimée, chez Mme Lempereur, à deux mille écus, que le Marquis de Bauffremont fit déposer pour les malades de l’Hôtel-Dieu, entre les mains du trésorier de Notre-Dame. On voit que dans cette affaire-là tout le monde se conduisit en perfection.
Il y avait une fois dans la capitale d’un beau royaume un gentilhomme qui n’avait pas cent écus de rente, et qui n’en prenait pas moins la qualification de Prince du Sang-Royal.
Tout ce que les Parlemens y pouvaient faire, c’était d’ordonner à tous les Conseillers-Notaires et Clercs-Royaux de leurs juridictions, qu’ils eussent à passer un trait de plume sur cette qualification suprême aussitôt qu’ils auraient pris la peine de l’écrire ; il était sous-entendu qu’on s’y prendrait de manière à ce qu’elle restât lisible, et nulle cour souveraine n’aurait voulu sévir plus rigoureusement contre ledit gentilhomme. On appelait cette sorte d’exécution judiciaire Ordonnance d’avoir à biffer. La Cour avait beau s’en écrier et s’en irriter, les Parlemens s’obstinaient et la Cour n’y gagnait rien. C’était un grand jeune homme blond comme un Phœbus, avec des yeux noirs admirablement beaux. On disait qu’il avait cent manières de se procurer de l’argent ; mais apparemment qu’il en connaissait deux cents pour le dépenser, car il en manquait toujours. Je vous avais promis de vous parler du Prince Charles-Roger de Courtenay, et je vous tiens parole. Il avait toutes les héritières de France les plus riches et les plus nobles à sa disposition. On aurait dit que leurs pareils s’y croyaient obligés ; chacun cherchait à le tirer d’affaire, et l’on s’en faisait, pour ainsi dire, un cas de conscience. On lui demanda s’il ne consentirait pas à se marier avec moi. Il répondit qu’il aimerait mieux se jeter dans la rivière, attendu que j’avais les yeux noirs et les cheveux blonds. Je vous dirai que, de mon côté, M. de Courtenay m’aurait paru beaucoup mieux s’il avait été différemment. J’ai toujours soutenu que les beaux cheveux noirs et les charmans yeux bleus de M. de Créquy avaient été pour beaucoup dans notre mariage. Le Prince dont je, vous parle épousa bientôt Geneviève de Bretagne, Comtesse de Vertus et d’Avaugour, laquelle avait eu des trésors en héritage après la mort de son grand-père ( le Président de la Grange-le-Lièvre). Elle était noire et chétive, et du reste elle n’était guère plus riche que moi.
Il faut vous dire que le vieux Prince de Courtenay vivait encore et se tenait à Cézy, dont on avait fait en son honneur une espèce de Comté de pièces et de morceaux, pour qu’il eût à sa disposition seigneuriale au moins quelques justiciers, une prison, des menottes, une potence, enfin une juridiction féodale, agréable et rassurante. On disait qu’aussitôt qu’il fut en possession de son droit comital, il avait commencé par faire confectionner une admirable collection de brodequins pour donner la torture et la question judiciaire. Toujours est-il qu’il entendit raconter au fond de son Auxerrois que Monsieur son fils allait accepter le cordon-bleu, quoiqu’il eût passé l’âge où les princes Français le reçoivent. On lui dit que le Prince Charles-Roger s’était engagé par écrit à retrancher de ses armoiries l’écu de France, que ces petits-fils légitimes du Roi Louis VI avaient le droit et la prétention d’y placer au premier quartier. Le père en tomba malade de chagrin ; il se coucha sous la tente de l’Empereur Baudouin de Courtenay, qu’ils faisaient toujours déployer pour achever les épousailles et pour se faire administrer l’extrême-onction. On écrivit au fils de la part du malade, et le voilà parti pour Cézy. Il entra sous la tente impériale de ses grands-pères, qui se trouvait tendue dans le milieu d’une salle immense dont toutes les ouvertures étaient fermées à la lumière du jour. On entrevoyait un vieux Labarum, ou je ne sais quelle bannière de Byzance, au chevet de la couche. Le vieux prince était couvert d’un grand linceul ; il avait l’air et la voix d’un mourant, et la scène était éclairée seulement par quelques cierges qui étaient placés sur une sorte d’autel avec des reliquaires.
— Je me rends à vos ordres, Monseigneur… — Ah ! c’est vous, Monsieur ! J’ai des choses importantes à vous dire ; écoutez-les paisiblement, lui dit son père, et promettez-le-moi. Celui-ci promit tout ce qu’on voulut, et le vieux Prince se mit à le sermonner sur la nécessité de ne plus se raidir contre les Bourbons, qui ne consentiraient jamais à lui former un apanage, à moins qu’il n’eût réduit ses armoiries à l’écusson de Courtenay proprement dit[11].
— Voyez la misère où l’obstination nous a fait tomber, disait son père ; et n’oubliez pas qu’une de nos grand’tantes n’avait su trouver rien de mieux à faire que d’épouser un paysan[12]. Son fils restait immobile.
— Souvenez-vous que la reine Jeanne d’Albret, dont le grand-père n’était qu’un gentilhomme, était sur le point de faire pendre…
— N’achevez pas, Monseigneur ! n’achevez pas ! je n’écouterai jamais le récit d’un pareil outrage, fût-ce de la bouche de mon père !
— Mais s’il en est ainsi, reprit le vieillard, vous ne consentirez donc point à diffamer nos armes, et vous n’accepteriez pas l’ordre du Saint-Esprit, passé l’âge de quatorze ans ?…
— Jamais ! jamais !
— Monsieur, répliqua vigoureusement son père en se mettant sur son séant, c’est une résolution qui vous fait honneur, et, du reste, elle est heureuse pour vous ; car, ajouta-t-il en tirant un pistolet de dessous son linceul, si je vous avais vu faiblir, j’allais vous faire sauter la cervelle, et nous aurions vu si le petit-fils de Jeanne d’Albret m’aurait fait pendre !… Dans tous les cas, c’est vous qui en auriez eu la conscience chargée, car on n’est pas moins en obligation de veiller à la conduite de ses héritiers qu’à l’honneur de ses devanciers.
Il vous faut dire que le vieux Courtenay n’était pas plus malade que je ne le suis à présent, et qu’il a vécu douze ou quinze ans peut-être, après cette parade grégeoise, toujours dans son castel de Cézy, avec ses courtines du Bas-Empire et ses brodequins bourguignons.
Mme de Bauffremont et son frère avaient eu jadis une tante de Courtenay que je n’ai pas connue, mais dont les étrangetés sont restées dans la mémoire de tous ses contemporains[13]. Elle était riche à millions, celle-ci, et c’était par suite d’un legs qui lui était provenu de je ne sais quel prince grec, qui l’avait entrevue à Paris, et qui s’avisa de la faire sa légataire universelle en arrivant au Phanar, où il mourut quelque temps après[14]. Ne croyez pas qu’elle en fit part à sa famille, au moins ! Elle n’aurait pas voulu donner seulement une pistole à son neveu le pauvre Charles-Roger, parce que tout l’argent qu’on lui donnait, disait-elle, était habituellement pour lui une occasion prochaine de péché. C’est tout ce qu’elle savait de théologie. « La théologie n’est pas la science de tout le monde : les sots s’en embêtent et les mauvais s’en empirent. » J’ai souvent eu l’occasion de répéter ceci pendant toute ma vie, et surtout pendant les disputes sur le formulaire et sur le diacre Pâris.
Notre Lucrèce-Angélique se faisait appeler Mademoiselle de Constantinople, comme on aurait dit Mademoiselle de Chartres ou Mademoiselle de Blois. C’était sûrement là ce qui avait séduit l’Hospodar ? et cette étrange fille avait trouvé moyen de faire ainsi tomber dans le grotesque une illustration de famille et des souvenirs historiques, qui naturellement n’auraient jamais abouti dans le ridicule, en vérité ! Le petit Prince de Mecklembourg avait fait son possible pour l’épouser. — Allons donc ! sacrifier sa liberté ! c’était comme la belle Arsène. Elle avait eu de son Prince grec environ quatre à cinq millions de livres tournois en belles et bonnes espèces, qu’elle n’avait jamais voulu placer. On n’a trouvé rien qui vaille après sa mort ; et vous allez voir comment elle employait son argent.
Elle avait loué pour elle toute seule l’ancien hôtel de Blanchefort, rue Saint-Antoine, auprès de la Bastille ; et tous les soirs, elle faisait éclairer de la cave au grenier, cet immense et vieux palais dont elle ne sortait pas dix fois par an, et où l’on ne voyait jamais entrer âme qui vive, ce qui faisait dire à ses voisins les faubourgeois qu’on y tenait le Sabbat. Elle ne recevait jamais que Mme de Bullion (d’Esclimont), qui était une autre folle, et puis le Chevalier Turgot, parce qu’il était son filleul. C’est lui qui nous a conté ce que j’en rapporte ici.
En premières lignes de son livre de comptes, elle avait fait racheter en Barbarie au moins deux mille captifs chrétiens, mais toujours des Levantins et jamais des Francs. Les Révérends Pères de la Merci ne voulaient pas se charger du rachat des Grecs schismatiques, en disant avec raison que leurs vœux les astreignaient à l’obligation de s’occuper avant toute chose de la rédemption de nos frères, et que la tâche excédait déjà leurs force et puissance.
Elle éclatait en imprécations contre les Mathurins, elle envoyait son argent à des renégats qui ne rachetaient personne, et qui lui écrivaient en langue arabe, ce qu’elle prenait à chaque fois pour une nouvelle pancarte de délivrance ; enfin le Bourreau de Tunis était son commissionnaire et son fondé de pouvoir en Mauritanie, ainsi vous pouvez juger comment son argent s’y trouvait bien employé ? On a pensé qu’elle avait eu la folle idée de se faire un parti parmi les Grecs, mais, à vrai dire, on ne sait ce qu’elle avait dans la cervelle. Il y avait encore un Juif arménien qui s’était établi dans sa confiance, et qui poursuivait pour elle une autre négociation dispendieuse et difficile, attendu qu’il ne s’agissait de rien moins que d’obtenir du Sultan, du Grand-Visir et du Muphti, la cession de la Basilique de Sainte-Sophie de Constantinople en faveur de ladite Princesse Lucrèce-Angélique de Courtenay. C’était une affaire en bon train quand elle est morte ; et, disait-elle à son filleul : — Il est assez naturel que toute ma fortune y soit engagée, d’où vient que je ne vous pourrai laisser que mes papiers. Comme elle avait écrit sur son entreprise et son espérance de retraire féodalement l’église de Sainte-Sophie, à M. de Nointel, Ambassadeur de France à la Porte, celui-ci ne manqua pas d’en écrire à Versailles, et le Roi Louis XIV fit conseiller à son neveu de la faire interdire ; mais Charles-Roger répondit qu’il ne s’en mêlerait en aucune sorte, et qu’il ne l’empêcherait jamais de faire avec son argent tout ce qu’elle voudrait. M. le, Chancelier le fit inviter à passer chez lui pour se concerter là-dessus. Charles-Roger se rengorgea de la belle manière, et fit demander à M. le Chancelier s’il comptait se tenir debout pour le recevoir, et si c’est qu’il avait l’intention de le reconduire jusqu’au Drap d’or ? (c’est-à-dire jusqu’à la deuxième antisalle du Chancelier, qui est toujours tapissée de drap d’or, et où la main de justice est suspendue sous un baldaquin fleurdelisé). M. de Pontchartrain, qui ne pouvait se lever de son siège que pour recevoir les cardinaux, et qui ne devait reconduire que les Princes du sang, ne fit aucune réponse définitive à M. de Courtenay, en se retranchant dans l’incertitude et l’indécision du parti que prendrait S. M. relativement aux prétentions du neveu et aux aberrations de la tante.
On découvrit après sa mort qu’elle avait une jambe de moins, ce que tout le monde ignorait dans sa famille, et ce que personne ne savait dans sa maison, à la réserve de ses deux premières femmes[15].
- ↑ Il se trouve ici une lacune de 60 à 80 pages qui formaient le commencement de ce chapitre et qui devaient contenir, au moins, les souvenirs d’une année. On savait déjà que Cartouche avait fait deux ou trois apparitions à Paris avant sa capture, et son procès ne dura pas moins de 19 mois, quoiqu’en ait dit l’auteur de la Vie de Cartouche et l’éditeur du recueil des Causes célèbres, qui l’a copié. On trouvera plusieurs autres lacunes dans le courant de ces mémoires. On ne pense pas que les cahiers se soient égarés fortuitement ; on croirait plutôt qu’ils ont été détruits par un scrupule de conscience, ou par un motif de charité pour la famille d’Orléans. (Note de l’Éditeur.)
- ↑ Marc de Voyer de Paulmy d’Argenson, depuis Garde-des-Sceaux. Il était filleul de la république de Venise, où son père était Ambassadeur de France, et c’est de là qu’il avait acquis ses théories de la police. Tout ce que mon père avait rapporté de la même ambassade était la Panagia, sur fond doré, que j’ai fait mettre au chevet de votre lit, mon enfant. La famille d’Argenson, parfaitement noble et fort ancienne, est la seule qu’on ait vue quitter l’épée, dans les temps modernes, pour entrer dans la judicature. Tous ces Voyer d’Argenson sont des gens bizarres. (Note de l’Auteur.)
- ↑ Le Palais-Cardinal est un bel édifice dépendant de l’hôtel de Soubise, où sont aujourd’hui les archives de la couronne. Il avait été destiné pour l’habitation des Cardinaux, des Princes-Évêques de Strasbourg et des autres prélats de la maison de Rohan. (Note de l’Éditeur.)
- ↑ Léon-Charles Potier de Gèvres, Cardinal, Archevêque de Bourges, Patriarche et Primat d’Aquitaine.
Ne le confondez pas avec son neveu le Cardinal Étienne de Gèvres, Évêque de Beauvais, Comte et Pair de France, en cette qualité.
Celui que nous appelions le Patriarche, pour le distinguer de son neveu l’Évêque de Beauvais, s’était démis de son archevêché de Bourges par excès d’humilité chrétienne ; il a fini par se retirer au monastère de Saint-Rémy de Reims, dont il était Abbé-Commandataire, et où il se crut obligé de faire maigre le restant de ses jours pour se conformer à la règle de la communauté, qui est de l’ordre de St. Benoit. C’est ainsi qu’il se punit de ses petites sensualités, qui n’avaient scandalisé personne.
(Note de l’Auteur.) - ↑ Avis de l’éditeur. On ne saurait garantir que le nom du secrétaire du Cardinal de Gèvres ne soit pas écrit Cérulli. Il paraîtrait difficile que ce fût le fameux Cérutti, à cause de l’âge que lui attribuent les biographies. Du reste, il est assez connu que les biographes peuvent se tromper sur les daTes, aussi bien que sur l’orthographe des noms, prénoms et surnoms.
- ↑ Marie-Gabrielle-Isabelle-Angélique-Sylvie de la Mothe-Houdancour de Cantonne, Duchesse-Douairière de La Ferté-Saint-Nectaire, morte à Paris, en 1756, âgée de 72 ans.
- ↑ Charlotte-Agnès de Lorraine d’Armagnqc, née le 6 mai 1678, morte le 21 février 1757. Elle était fille du Prince Louis de Lorraine, Grand-Écuyer de France, et de Catherine de Neufville-Villeroy, dont la mère était Madeleine de Créquy. (Note de l’Auteur.)
- ↑ On voit dans tous les mémoires du temps que ce Duc de Gèvres était un des plus singuliers personnages du monde. Indépendamment du gouvernement de Paris, dont il s’occupait en faisant des nœuds et des broderies sur une ottomane, il était en possession d’une charge de premier gentilhomme de la chambre, qu’il n’exerçait jamais, de peur de la fatigue. Il est mort aussi en 1757, et l’on ne saurait imaginer combien de personnes distinguées ou connues moururent cette année-là. Il avait passé les dernières années de sa vie couché sur sa chaise longue, à se dorloter ni plus ni moins qu’une femme en couches. On dit alors qu’il était âgé d’environ 70 ans, mais qu’il était impossible de s’en assurer, parce qu’il avait fait enlever le registre qui contenait son acte de baptême, afin qu’on ne pût savoir son âge. Il était persuadé qu’il n’avait pas l’air d’avoir plus de 22 à 25 ans. Vingt-cinq ans l’auraient désespéré. (Note de l’Auteur.)
- ↑ En relisant ceci, je ne suis pas bien assurée que M. de Gèvres fût déjà en possession ou en exercice de son gouvernement de Paris, pour lequel il avait été long-temps survivancier de son père, mais je ne me donnerai pas l’embarras de vérifier une chose qui n’en vaut pas la peine. (Note de l’Auteur.)
- ↑ Hélène de Courtenay des Empereurs d’Orient. Elle était la dernière de cette maison qui descendait du Roi Louis-le-Gros et de la Reine Adelaïs de Savoie. Elle avait épousé, en 1712, Louis de Bauffremont, Marquis et Comte de Listenais, Chevalier de la Toison-d’Or, etc. Ce fut en considération de la naissance de Mme de Bauffremont que leurs enfans obtinrent l’agrément du Roi Louis XV pour accepter ou solliciter le titre de Prince du Saint-Empire, qu’ils portent aujourd’hui. Cette illustre héritière était d’une laideur et d’une pauvreté déplorables. Je vous dirai plus tard la singulière histoire de son frère, le Prince Charles-Roger, qui fut le dernier mâle de cette grande maison. La généalogie des soi-disant Courtenay d’Angleterre est un
- ↑ D’or à trois tourteaux de gueules. Il est a noter que Robert de France, sixième fils de saint Louis, n’abandonna pas ses armoiries patronymiques (qui étaient celles de France) en épousant l’héritière des Sires de Bourbon, tandis que Pierre de France, cinquième fils du Roi Louis le Gros, avait quitté les siennes en s’alliant à l’héritière Isabelle de Courtenay. C’était la raison qu’opposait le juge d’armes au rétablissement des fleurs-de-lys dans les armés des Courtenay, attendu qu’ils les avaient reprises sans en avoir obtenu ni voulu solliciter l’aveu du Roi T.-C., leur chef de famille et leur souverain seigneur. (Note de l’Auteur.)
- ↑ Nicolas Restif, aïeul d’Edme-Nicolas Restif de la Bretonne auteur des Contemporaines et du Paysan perverti, mort à Paris, en 1804, âgé de 70 ans. (Note de l’Éditeur.)
- ↑ Lucrece-Angélique de Courtenay, née vers l’année 1640, morte à Paris, en 1699. (Note de l’Auteur.)
- ↑ Le nom de ce Prince grec était Démétrius Cantacuzène, et son oncle était Despote de Servie. On voit dans une note du Président Cousin que le principal motif de ses dispositions testamentaires en faveur de Mlle de Courtenay, avait été celui de soustraire sa fortune à la rapacité du fisc ottoman, en la mettant sous la sauve-garde de l’Ambassadeur de France à Constantinople. (Note de l’Éditeur.)
- ↑ M. de Saint-Simon s’en allait disant partout que le Prince de Courtenay s’était tué d’un coup de mousquet, mais ce n’était qu’un mauvais bruit qu’il avait accueilli favorablement. Je n’ai pas vu qu’il en ait osé parler dans ses Mémoires. (Note de l’Auteur.)
Ce fait est rapporté dans la dernière édition des Mémoires de Saint-Simon, tome VIII, Paris, 1829.
(Note de l’Éditeur.)
fable mal tissue, comme toutes ces prétendues origines françaises dont on voudrait se targuer dans ce pays-là. Walpole me disait toujours qu’à l’exception des Lords de Nevill et d’Harcourt, il n’y avait pas, dans toute la pairie d’Angleterre, une seule famille qui fût effectivement originaire de France et contemporaine de Guillaume-le-Conquérant. Je vous ai parlé de la folle prétention des Seymour, à ce qu’il me semble ?