Souvenirs de la Basse Cornouaille/Livraison 2/10


X

Siège de Quimper

Les sages avis du loyal de Saint Luc, qui avait cru ramener le partisan au parti du roi, en lui rendant la liberté, tombèrent sur un terrain trop couvert de broussailles… Les hommes cyniques comme Guy Éder laissent les oiseaux venir enlever la bonne semence, trop de pensées ambitieuses sont là, prêtes à les étouffer : pas un seul grain ne germe, et quand il germe il meurt, faute de soins.

La reconnaissance est un fardeau pour les esprits de sa trempe, d’autres préoccupations agitent son âme rancunière.

Pendant sa captivité, il avait ruminé divers projets de vengeance. Les habitants de Quimper ont demandé ma mort, ce sera dit-il dent pour dent, œil pour œil, la loi du talion.

L’attaque de l’ile Tristan par Sourdéac arrêta ses projets de vengeance, l’insuccès des royaux lui donna de l’orgueil, c’est avec cet esprit qu’il vécut, qu’il fit son voyage de Nantes, plus décidé que jamais en entendant les hésitations du duc de Mercœur qu’il accusait de pusillanimité, en retournant de Nantes, il longea avec son navire les roches de Penmarc’h, sa colère s’en augmenta d’autant, en songeant au massacre de sa troupe… et puis, il avait su que Charles de Liscoët et les Quimpérois avaient promis des subsides aux troupes venues de Brest pour le déloger… sans succès — au contraire… nouveau motif pour punir la capitale de la Cornouaille… en sortant de Quimper une fois délivré de la prison, il avait jeté aux murailles, un coup d’œil de connaisseur, et l’on sait que les aigles ont la vue perçante.

Je vous reverrai semblait-il dire, mais ce ne sera pas enchaîné dans un mauvais charriot, à canaille, canaille et demi.

De Romar était son confident… j’entrerai à Quimper pour ramener cette capitale à l’union…… j’ai des intelligences dans la ville… La soumission de la place n’a été que forcée. Le meilleur argument du maréchal d’Aumont, a été, ses batteries sur le mont Frugy… on ne l’ignore pas.

De quelle façon, les Quimpérois ont-ils accueilli les démarches du sénéchal de Baud, voulant livrer la ville à Lézonnet, gouverneur pour le roi de la place de Concarneau ? ne l’ont-ils pas conspué ?… oui, Quimper sera à nous, j’en réponds, et en m’attachant cette ville, j’éclipse l’hésitant Mercœur, peut-être même avec le prestige de la victoire deviendrais-je chef de l’union ? Quos perdere vult Jupiter dementat.

C’était bien l’avis des lieutenants, eux aussi, avaient une politique, moins haute comme portée évidemment : et ils risquaient moins… leur principal objectif était le pillage, le butin… ils raisonnaient autrement que le chef… La ligue est à son déclin, chargeons nos coffres… avant que le chef qui répondra de tout, ne capitule, engraissons-nous, on nous pardonnera nos faits de guerre.

Au retour de Nantes, l’attaque de Quimper fut décidée… ils ne sont pas nombreux dans le moment, ils n’ont pas pu venir se joindre aux royaux à l’ile Tristan… voilà un moment bien choisi… son calcul semblait juste, et de Romar plus prudent cependant l’approuva.

Il y eut deux attaques consécutives, et les deux attaques furent un avortement complet une débâcle ignominieuse… je ne m’étendrai pas, les archives sont muettes, les légendes contradictoires… J’en ai entendu donner plus d’une et chacun la donne à sa manière, comment alors savoir la vérité ?

Donnons d’abord un aperçu de la situation du pays à cette triste, très triste époque… nous sommes fin de siècle pareillement, et comparons ! vous ne trouverez pas en moi, ce que dit Horace, laudator temporis acti, censor minorum. Alors misère partout, et dans les villes, et encore plus dans les campagnes. Famine provoquée par l’état des esprits, par le manque de travail, et elle faisait des Victimes nombreuses.

Les campagnes n’étaient pas cultivées, le pain faisait défaut, l’on était réduit en maints endroits à se nourrir d’herbes, d’oseilles cuites… on ne connaissait alors ni pommes de terre ni beaucoup de légumes d’alimentation… Les paysans avaient abord cherché des refuges dans les creux de rochers, mais ne s’y trouvant pas en sûreté, pas plus que dans leurs champs, ils vinrent mendier un asile dans les villes, l’outillage aratoire si mauvais qu’il put-être, faisait défaut… on incendiait des champs de landes et de genets, on grattait tant bien que mal à la suite et c’était la seule préparation pour la semaille à venir, d’autres s’attelaient à de mauvaises pièces de bois, simulacres de charrues anciennes… nulle part on ne construisait. Des fauves avides de chair humaine pullulaient partout. Chaque jour on entendait parler de voracité des loups, qui avaient dévoré femmes et enfants. Ces fauves pénétraient dans les habitations, et sous les yeux des parents effrayés commettaient des dégâts faisaient des victimes… ils arrivaient aux portes des villes, sautaient directement à la gorge, au point qu’on leur donnait le nom d’hommes-loups… une femme de Kerfeunteun revenait du marché, elle est attaquée en plein jour… elle était enceinte, et le fauve instinctivement lui sauta aux entrailles… elle fut mise à mort, avant qu’on put la secourir.

Tous ces détails sont donnés par les auteurs de l’époque surtout par le chanoine Moreau, (histoire de la ligue en Bretagne). Toutes ces circonstances malheureuses, étaient un grand apport, un apport inespéré pour un succès du partisan, qui l’escomptait encore plus que la terreur inspirée par son nom.

Ensuite le vaillant comte de Saint-Luc, n’était plus là. Cet envoyé extraordinaire du roi, avait un prestige, une autorité que ne possédait pas Kermoguer, le gouverneur… celui-ci n’était pas un homme de guerre, tout le monde le savait… sans doute, il était brave, mais il n’était pas homme d’action, et de plus, ses forces étaient disséminées un peu partout.

L’attaque de nuit fut décidée par La Fontenelle, et tout avait été préparé pour cela. On devait partir avant la fin du jour pour arriver vers les minuit surprendre Quimper dans le sommeil.

Si le plan réussissait, Quimper allait être pillée et le plan avait toutes les chances de réussite !

Mais voilà ! on ne pense pas à tout… Le partisan avait dans la garnison de Quimper quelques émissaires. Comment les royaux ne purent-ils avoir avec la troupe de l’ile Tristan d’autres intelligences ? On ne cacha pas assez le but de l’expédition, on s’y prépara trop ouvertement. Un sergent d’armes, paraît-il, avait quelques obligations à Kermoguer, ce fut la cause de l’avortement de l’entreprise car le gouverneur fut averti à temps… il connut l’heure du départ, la route que l’on devait suivre, le plan de l’attaque, et un homme sur ses cardes peut défier un corps de troupe nombreux… un bataillon embusqué vaut un corps d’armée.

Au déclin du jour les routiers partaient de l’ile Tristan, bien réconfortés, bien dispos, pleins d’entrain. On gardait un silence complet pour ne pas donner l’éveil, jusqu’à ce qu’on eut rejoint les chemins creux et détournés que ces maraudeurs connaissaient à merveille… on devait prendre par le Juch, les Vallons au-dessus du Guengat, passer sous Prat-en-Raz et avancer ainsi par le vallon. C’est à peu près le tracé de la diagonale du chemin de fer. Les grands chemins alors n’étaient pas entretenus, mais les traverses de villages à villages étaient plus fréquentées, on les néglige maintenant… ils ne font pas suer davantage les cantonniers qui n’existaient pas alors, et qui maintenant arrosent de leurs sueurs les grandes voies de communication.

Dans le vallon la troupe pleine d’entrain, allait, se croyant sûre du succès… quand on n’eut plus à craindre de donner l’éveil, les langues se délièrent.

L’avant garde longeant le steir, avançait sans crainte, et insouciante… de joyeux propos, les propos les plus grivois avaient leur cours… ces farces de soudards faisaient rire, et le chemin semblait plus court… les routiers de La Fontenelle ne craignaient ni Dieu, ni diable.

Le manoir des Salles est sur la route, et au-dessous il est un chemin par lequel tous doivent passer avant de reprendre la hauteur, où les plus grandes précautions de silence doivent être reprises : au manoir des Salles les propriétaires étaient absents, et l’avant-garde avait un détour à y faire, on jugea le moment propice pour échanger avant de faire un silence relatif, les derniers propos du chemin.

Belles dames de Quimper, jeunes vierges candides qui dormiez à cette heure, d’un sommeil si pur, comme vous aviez raison le lendemain d’aller allumer des cierges aux autels de vos saints et saintes vénérés qui sûrement durent vous protéger ce jour-là… l’avant-garde des ligueurs se trouvait massée dans un endroit découvert de la route, près d’un taillis bordant le chemin… entré temps un solide gaillard de l’avant se détourne… Compagnons, nous pouvons bien dire, qu’avant demain, bonnes bourgeoises et leurs gentilles filles pourront se procurer beaucoup de plaisir sans péché, elles n’auront pas besoin d’absolution car nous ne leur demanderons pas leur consentement. À ces paroles dites d’un air goguenard, une vive lueur se fit, une décharge de nombreuses arquebuses, comme un coup de tonnerre, vint mettre un désordre épouvantable dans les rangs. Ce fut une débâcle dans la demi-obscurité d’un simple rayon de lune, les chevaux buttent, les hommes vocifèrent, les blessés se plaignent et il y avait des morts sur les cadavres desquels on piétinait… cette première décharge est suivie d’une seconde dans le gros de la troupe le cri de trahison se fait entendre, on ne songe plus aux blessés… chacun pour soi et sauve qui peut… chacun s’en retourne au plus vite, le reste de la troupe fait volte-face, et en toute hâte on le pense bien… La partie était perdue.

Kermoquer averti par le sergent d’armes avait donné des ordres, 150 arquebusiers embusqués à cet endroit étaient plus que suffisants pour arrêter un corps d’armée.

Ils étaient partis en secret sous le commandement d’un homme hardi… on les avait vus descendre le Pitchéry et ils s’étaient embusqués à leur aise, attendant à couvert et dans le silence le moment favorable.

Ces braves archers sauvèrent Quimper, on les attendait avec impatience… personne ne dormait on leur fit une ovation.

C’est moins gaiement que les routiers revinrent au fort, on chercha le traitre qui ne vint pas chercher sa récompense, bien il fit, il savait le sort qui l’attendait.

Le coup a manqué, dit La Fontenelle… mais aussi, qu’elle imprudence a-t-on eu de parler trop tôt… je n’aurai plus d’autre confident que moi-même… c’est partie remise.

Sans rien dire en effet, il prépare une attaque sérieuse. Cela ne devait pas attendre car tout était prêt… cette fois ce devait être en plein jour jour… il se disait… on nous croira déconcertés, allons pendant que c’est chaud… une attaque subite sera d’un effet irrésistible, d’autant plus qu’elle sera spontanée…

Le 30 mai 1597, il partait à la tête de ses hommes d’armes.

Un grand nombre chariots avaient été réquisitionnés pour ramener le butin aux cavernes de l’ile… et comme il prévoyait tout, quelques navires capturés à Pemmarc’h remontèrent l’Odet, navigable jusqu’à Quimper.

Les troupes furent concentrées sur le plateau de Prat-ar-Raz, on les fit prendre quelques repos le long des broussailles qui dominaient le château.

Alors c’était un antique manoir gothique à tourelle. Le château actuel de date plus récente est plus moderne, avec ses grilles style Louis XIII.

Deux compagnies se détachaient du corps d’attaque, l’une de chevaux légers, cavaliers sans armes défensives, montés sur des bidets du pays de Briec, pleins de feu, infatigables. C’étaient un peu les hussards.

Ensuite des arquebusiers sur de plus lourds chevaux. Ceux-ci portaient casques, un peu comme nos dragons, mais de forme évasée, des rondachiers armés de coutelas suivaient pesamment à pied, on n’en comptait qu’une cinquantaine vrais colosses, et ceux-ci faisaient l’office de nos sapeurs, ils allaient les premiers couverts de larges boucliers à l’attaque des barricades, venait ensuite l’infanterie… Des cartouches comme des clochettes pendaient à un baudrier ceignant le corps.

La croix blanche de Lorraine signe de la ligue s’apercevait sur tous, mêlée à des images de vierges et de saints, collées sur des morceaux d’étoffe écarlate parmi des croix, des médailles, des chapelets… Derrière cette masse, une réserve immobile sur d’énormes chevaux… et ces cavaliers avaient casque, cuirasse, lances, hallebardes, et toute cette troupe était aguerrie, prête à tout.

Le hardi partisan de haute prestance, avait ce jour là revêtu son costume des grands jours… Velours rouge, hermine par dessus… costume de fête, de triomphe, voyant, pourpoint vert à aiguillettes d’argent, grosse chaîne d’or se roulant autour de la collerette, avec une splendide écharpe de soie aux couleurs de la ligue, plaquée de ses armes, rehaussée d’or… Sa ceinture brodée d’argent soutenait une lourde rapière faite à sa taille… il portait d’élégantes bottines retombant sur des éperons dorés…… Son grand cheval de bataille, plein de feu, blanchissait son frein d’écume.

Sur les hauteurs de Prat-ar-Raz, après une halte, Guy Éder harangue ses troupes avides de marcher.

Il croyait surprendre au moins à-demi, mais on faisait le guet, et du haut des tours de Saint-Corentin, on aperçoit les ligueurs… Il était dit-on, dix à onze heures du matin, par une journée de beau soleil de mai.

On pouvait s’attendre à tout de l’audace du chef ligueur, et la population surprise se rend sans ordres aux remparts, plus ou moins armés. Sang Dieu, dit La Fontenelle, je promets à ces satanés bourgeois le sort des habitants de Penmarc’h, aussitôt que quelques capitaines gascons m’ouvriront les portes.

Il comptait sur la trahison et ce fut lui qui fut trahi.

De Romar fut porté avec quelques troupes de réserves à l’arrière, pour rejoindre à un ordre donné. On peut se rendre compte de l’inquiétude de la Bourgeoisie, qui savait la plus grande partie des hommes d’armes absente.

Kermoquer fit de son mieux, loin qu’il était de tout secours car la garnison tenait campagne… On connaissait la ruse du partisan… par quelle porte tenterait-il son entrée ? Et chacune des portes devait être surveillée.

Sans doute la porte Médard semblait la plus désignée, mais ne pouvait-il pas faire une diversion… On comptait la porte de la rue Neuve, la porte Bihan, flanquée de sa tour, la porte Saint-Antoine, des regaires et la porte par Cos-Ty…

Les archives, je l’ai dit, sont muettes, et ce qui a été dit, a été bordé, changé, contredit c’est de la légende, c’est de l’histoire, c’est du roman, on peut dire que l’affolement étant général, la surprise de l’imprévu si grande, les évènements si précipités si pleins d’incohérence qu’on ne peut rien donner de précis.

Ce qu’il y a de certain, c’est que la troupe put pénétrer dans la ville, aux cris de vive Mercœur, vive le baron de La Fontenelle.

Une barrière fut emportée à l’entrée, vis-à-vis la venelle qui conduisait à St-Jean… On se trouvait à la place Saint-Mathieu. La caserne n’existait pas alors, elle était plus vaste qu’aujourd’hui… Une plus grande quantité d’hommes pouvait se masser dans la place, alors plus vaste devant une communauté qui plus tard tint lieu de caserne… La Fontenelle prononce de sa voix forte, non pas, ces paroles, qui étaient son cri habituel… Sus, sus, soldats de l’Union, à sac, à mort, et que Dieu nous protège… Aujourd’hui il leur tint le petit discours suivant, qui fut un abrégé des paroles dites un instant plus haut, à la halte sur les hauteurs de Prat-ar-Raz.

On distinguera bien la politique qui le dirigeait. Cependant d’abord, il avait eu l’intention du massacre de Penmarc’h, c’était dans son désir cruel, ici il tendait à la conquête.

« Il ne s’agit pas ici, mes braves, d’un massacre à bon plaisir, d’une tuerie ducale,’telle que le fit à cette ville le Duc de Monfort.

Pillez, voilà tout, n’assassinez pas… Jouez de l’épée, faites feu de vos arquebuses sur les hommes armés, respectez femmes, enfants, vieillards. Si l’un d’entre vous enfreint mes ordres, je l’envoie rendre compte au diable… C’était bref mais énergique. »

Qu’advint-il ? Il est à croire que les troupes du partisan, si gaies quelques instants auparavant, furent impressionnées par l’avortement de la première entreprise, qu’elles se trouvèrent mal à l’aise dans une ville, où devaient se trouver nombreuses ressources pour la défensive, les bruits de guet-apens se mirent à circuler dans les rangs et gagna la troupe, cette vague inquiétude fit perdre aux hommes subitement leur hardiesse accoutumée, leurs chefs eux-mêmes ne semblaient pas leur inspirer de la confiance, ils étaient hésitants, comme à tâtons, voulant reculer au lieu de faire un pas en avant… Ils étaient immobilisés quand quelques coups d’arquebuses partent d’un coin de la place… Les chefs commandent, en avant, ils restent sourds quelqu’inspirative que soit leur voix… Aussitôt ils entendent dans le lointain le bruit de pas de cavalerie, il n’était pas bruyant, mais ils pensent que c’est une avant-garde, et on les avait assurés que la ville était dégarnie de cavalerie. La Fontenelle vocifère et crie : Sus, sus, soldats de l’Union. Vains efforts, ils restent sourds, et comme un seul homme la troupe recule, entrainant La Fontenelle lui-même. dont le cheval se cabrait par les efforts qu’il faisait pour le maintenir.

Ce fut une panique indescriptible, une reculade générale incompréhensible, et produite par quoi ? simplement par l’arrivée d’une cinquantaine de cavaliers, jeunes gens de la ville, jeunes gens des meilleures familles de Quimper qui s’étaient réunis à la hâte pour venir à l’aide des soldats peu nombreux, ils le savaient bien… Voici ce qui était arrivé. De Kerallain, fils du gouverneur de Concarneau, était la veille descendu à l’hôtel du Lion d’Or, alors près du pont du Steir aux environs de la place Médard… Aussitôt qu’il apprend la nouvelle de ce qui se passe à la porte de la ville, il enfourche sa monture, engage les quelques cavaliers qui l’accompagnaient à en faire autant, et à sa troupe vinrent se joindre les jeunes gens de Quimper. Ils viennent au-devant des ligueurs épouvantés, un pêle-mêle s’ensuit, ce fut incompréhensible… les trainards parmi les ligueurs mordent la poussière… De Romar, à la tête de la réserve veut s’opposer, enrayer la panique, rien n’y fait, les siens aussi font volte face, et lui même forcé de suivre le mouvement, recule.

Vraiment ce jour semblait destiné à voir échouer tous les mauvais desseins du partisan.

Au moment même de l’arrivée de Guy Éder, un capitaine Gascon, Mayence, neveu de l’évêque Charles de Liscoët revenait du Faouët avec sa troupe assez nombreuse. Il entend une arquebusade, s’informe à la hâte, et n’hésite pas d’accourir avec sa troupe cependant harassée. La reculade incompréhensible commençait déjà. L’arrivée de sa bande causa un effarement.

Nous sommes poursuivis par une armée entière, c’est le Béarnais qui vient d’arriver à Quimper, fuyons, fuyons… il est tout près… En vain La Fontenelle s’oppose, en vain il veut rallier, il est entrainé lui-même. Il vocifère, il blasphème, il jure, rien n’y fait, c’est un écroulement, un affolement. ses soldats restent insensibles… L’histoire dit que de ses propres mains il immola des fuyards, c’est possible, mais rien n’y fit. Pas un ne veut aller de l’avant et court à la reculade.

Il n’y a si bonne retraite qui ne s’effectue sans perte d’hommes, à plus forte raison doit-on en perdre dans une déroute complète… Une cinquantaine de soldats de l’ile Tristan resta sur le premier kilomètre… mais on ne leur donna pas longtemps la chasse.

Le partisan parvint à arrêter la panique avant d’arriver à Prat-ar-Ras… Il proférait les plus grands blasphèmes, parcourait les bandes éparses au trot de son cheval… l’effet était d’autant plus irrésistible, que son visage caché par sa visière baissée, exerçait sur la plupart de ses gens qui le connaissaient à peine, une terreur superstitieuse.

Une scène se passa qui fait frémir. S’arrêtant devant le soldat porte-drapeau rouge de l’Union.

« Indigne catholique, n’as-tu pas senti le feu brûler tes mains, quand tu portais, dans ta fuite, la bannière de Guy Éder.

« Misérable ! qu’as-tu donc vu sur cette place St-Mathieu. As-tu vu Gralon avec tous ses saints bretons ? étaient-ils sur des chevaux ailés, portant scapulaires au bout de leurs épées flamboyantes, imbécile, pourquoi ne pas t’arrêter, pourquoi ne pas t’asseoir devant eux ! Le diable fait peur aux saints, indigne porte-drapeau… Retourne à Douarnenez, tu es un lâche, un misérable que je saurai punir… » On raconte que le soldat dans son effroi par un mouvement convulsif de terreur, s’enfonça un poignard jusqu’au manche dans le côté, et tomba à genoux.

Cet incident témoigne de l’effarement des brigands, il fit sur les assistants une impression profonde

La nuit les retint près de Prat-ar-Ras, et l’on prit toutes les précautions de défensive contre les quimpérois. Mais ceux-ci satisfaits d’une victoire inespérée, inattendue, incompréhensible, miraculeuse, ne songèrent pas à inquiéter.

Si l’attaque avait réussi, que de malheurs à déplorer, quel butin ! quel massacre !

Les chariots partirent vides, les chaloupes armées qui avaient dépassé Bénodet, furent contraintes de repartir.

Le capitaine Mayence, le gascon, neveu de l’évêque Charles de Liscoët, arrivé si à point, fut grièvement blessé… il en mourut.

Je donne la parole au chroniqueur de l’époque. Celui-ci ne dit pas du tout comme l’histoire qui se raconte, Mayence arrivait inopinément du Faouët. Il ne dit pas que ce capitaine était arrivé à la porte de la rue Neuve quand il entendit l’arquebusade… il ne dit pas qu’il arriva par un Gué sous Locmaria à la tête de ses hommes d’armes.

« Entr’autres y mourut des premiers, le capitaine Mayence, en bien faisant comme il avait toujours de coutume, et quelques douzaines des siens avec quelques-uns des assaillants.

« Ce capitaine fut regretté des siens, et à la vérité, il était regrettable pour sa valeur, honnêteté, modestie… Aussi lui fit-on à Quimper obsèques fort honorables mémorant de son assistance à cette ville contre La Fontenelle.

« Son corps y étant rendu, le clergé, où était l’évêque Charles de Liscoët, alla en bel ordre le recevoir jusqu’à la porte Médard, et rendu à Saint-Corentin, après lui avoir fait un solennel service, fut inhumé dans une vieille tombe d’Évêque, en la chapelle de la Trinité au haut de l’église… etc… » Ce que je puis dire pour avoir vu ouvrir et fermer la tombe lors dudit enterrement, et combien que l’on fut disposé à lui faire de grands honneurs à ces funérailles.