Souvenirs de la Basse Cornouaille/Livraison 1/Audierne


Audierne

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Assise à l’embouchure du Goyen, baignée par les flets de l’Océan, qui deux fois par jour viennent combler son port, Audierne, à bon droit peut prendre le nom de ville.

Les flots du Pactole, ne roulent pas plus d’or, que cet affluent journalier, quand la pêche favorise nos marins… C’est la richesse pour le pays, et pour tous les environs.

Plusieurs des enfants d’Audierne se disent : Comment un écrivain ne vient-il pas dire un mot, de la vitalité, du mouvement qui se produit journellement sous nos yeux, et par la pêche et par l’activité commerciale de notre petite ville ? Comment, quelqu’un parmi nous, ne fait-il pas appel aux étrangers qui repartiraient étonnés, émerveillés, et de notre industrie et de notre hospitalité.

J’approuve ce sentiment et ce souhait.

Rassurez-vous, je ne suis certes pas une plume autorisée, mais je puis vous dire en sincérité, que votre localité devenue tête de ligne, station forcée pour le voyageur qui se rend à la pointe du Raz, mérite mieux qu’une visite… et Audiorne, est la clef du Cap-Sizun.

Dans la population bretonne, Audierne, conserve son ancien nom (Goyen), mais nulle part dans le commerce, dans l’administration, ni sur la carte, vous ne retrouverez ce mot… C’est le nom de la rivière, qui prenant sa source près de Quimper, traverse Pont-Croix, d’où navigable par trois kilomètres de diagonale, elle vient se jeter dans l’Océan à la porte d’Audierne. Ce dernier nom lui-même, n’est pas euphonique en Breton, il est même presqu’impossible.

Le langage Breton est rude par lui-même, malgré tout l’habitant s’écorcherait la gorge en disant : Deut da Audierne… Venez à Audierne… il dira Deut da Goyen.

Un romancier a écrit, comment fut bâtie Audierne. Oui mais c’est du roman, voilà tout… Ne nous défions cependant pas du romancier historique, qui souvent dit plus de vérités qu’un médiocre historien… Celui-ci narre souvent des faits inexacts, contrairement au romancier qui dépeint avec une liberté plus grande des mœurs, des usages, l’esprit d’une ville, d’un peuple. Ses tableaux ne changent pas… Seules, les années amènent quelques modifications peu importantes… On n’avait ici à peindre que les mœurs maritimes, aventureuses d’une cité, dont l’origine se perd dans la nuit des temps.

Localité très-vieille sans contredit… on y retrouve des demeures du XVe et du XVIe siècle, contemporaines de ce beau-monument de la ville voisine, Pont-Croix, qui se fait gloire de montrer aux étrangers, N.-D. de Rosondon (tertre du ramier) qu’on ne saurait trop admirer… C’est des monuments historiques dont la Bretagne s’honore, et au moment même où j’écris ces quelques lignes, on prépare de grandes restaurations.

Les vieilles demeures d’Audierne sont encore debout, modèles du moyen âge… pierres de taille, appartements spacieux, ouvertures larges, poutres massives et contournées, demeures froides pour nos climats… elles portent sur le frontispice, les noms de ceux qui les ont fait construire… usage du bon vieux temps.

Ville d’armement, de pêche, son accroissement ces dernières années saute aux yeux de tous. ses enfants en sont fiers à juste titre… on s’aperçoit que c’est avec plaisir qu’ils en parlent, et c’est aussi avec plaisir qu’on est heureux de leur en faire la remarque.

Une voie romaine traversait le pays, jusqu’aux environs du bec de Raz… À St-Thei, à Castel-Meur, ne trouve-t-on pas d’une manière indéniable des vestiges de l’occupation des maîtres du monde ? Cette voie romaine avait une ramification sur Audierne, près du môle actuel et sur la rive opposée.

On peut incontestablement le dire aussi… des flottes remontaient le Goyen… Près de Pont-Croix, se trouvait un port d’hivernage… les noms anciens sont encore là… ne nomme-t-on pas, Stivel, Parc-Stivel, un endroit de la rive, anse du Moulin Vert, où le chemin de fer passe actuellement… Stivel, est un vieux mot breton, qui veut dire navire, et ce mot est encore en usage dans une partie de la Bretagne… C’était ici un endroit d’abordage pour les barques de l’époque.

En 1874, on construisit une digue, dont je suivais les travaux, que trouva-t-on dans le fond de la vase, terrain d’alluvions amoncelées depuis des siècles ?… Des bois témoins de cette époque, résistants encore, malgré leur vétusté et leur séjour prolongé à une profondeur de deux mètres… on n’ignore pas du reste, comment ce milieu impénétrable à l’air, conserve les bois de constructions, et c’est encore ainsi que l’on conserve les bois de la marine.

Le niveau a donc bien baissé depuis des siècles. Dans le Raz de Sein, j’ai parlé de l’affaissement progressif du littoral à différents endroits de nos côtes, et assurément il est remarquable ici… il n’est pas nécessaire d’avoir le demi-siècle pour en avoir fait la remarque, pour avoir vu des navires de fort tonnage remonter la rivière… Celle-ci s’ensable tous les jours ; quelques navires légers, s’aventurent encore, mais moins fréquents.

Le char du progrès, le chemin de fer, vient au mieux réparer le dommage fait.

Une pente douce, d’environ trois kilomètres longeant la rivière mène à Audierne… En petit, il rappelle le chemin de la Corniche, à sa partie basse… mais là, ce sont des palmiers, des citronniers, des orangers, dont l’ombre va se mirer dans la Méditerranée… Ici, ce sont des landes, des bruyères, du genêt qui font couronne ; mais qu’importe ? une mère est toujours belle pour ses fils, même la plus belle… et la Bretagne est notre mère.

Vantez donc à l’Irlandais, le beau soleil de France et d’Italie. Que lui importe les fruits d’or et les roses vermeilles, une brise plus douce, un oiseau plus léger… tout cela ne vaut pas la toute verte Eryn… et nous mêmes à quoi donnerons-nous la préférence ? La verte Normandie, la belle Bretagne offrent des sites plus gais, plus agrestes que ce midi de la France, où le soleil brûle tout.

L’administration avait transplanté pendant quelques années, un fonctionnaire breton dans le centre de la France… Dirigeant mes pas, il m’y faisait admirer de vastes plaines, d’immenses champs cultivés de l’Allier, riches, mais nus et monotones, ne disant rien au cœur… « Que c’est loin, me disait-il, de valoir notre belle Bretagne, aux collines si boisées et si gaies. » Il me conduisait le lendemain dans un endroit retiré, véritable oasis dans ces plaines. « Voilà, me dit-il, ma promenade, les jours de tristesse »… Et c’était… quelques petits champs entourés de fossés boisés, une verte prairie traversée par un clair ruisseau, et comme un mirage, une riante maison couverte de petites ardoises, dont les reflets bleuâtres rompaient la monotonie de cette brique rouge, qu’une mousse verte dédaigne même de recouvrir… En un mot, on se serait cru on Bretagne.

Riverains du Goyen, couvrez vos collines de ces pins maritimes que les vents d’Ouest ne courbent pas, et vous offrirez aux voyageurs, un riant et inoubliable paysage… C’est, au reste, déjà fait au dernier kilomètre, quand vous arrivez près du pont en fer, donnant passage à la route qui mène à Pont-l’Abbé.

Jetez alors un coup d’œil de chaque côté… tout le long de la voie, vous avez côtoyé la rivière, les eaux viennent baigner les rails.

À l’arrivée, deux superbes demeures frappent vos regards et de droite et de gauche.

Dans ses impressions de voyages, Victor Hugo, parle de doux châteaux situés sur la rive opposée du Rhin… on les nomme Die Brüder, les frères… demeures féodales dont les deux frères étaient seigneurs… une portée de fusil les sépare à peine.

Depuis leur mariage, une haine atroce sépare les deux frères, chacun d’eux reste sur la rive opposée, redoutant de se retrouver dans les mêmes sentiers, ne prétendant qu’une même poussière vienne maculer leurs chaussures, ne voulant pas respirer le même air.

Chaque jour, on les voyait monter aux tourelles élevées des donjons d’où ils peuvent s’apercevoir, sans que leurs voix puissent se faire entendre. Ce manège dura une longue vie, sans que le moindre geste de réconciliation y vint mettre un terme. De ces sommets, ils purent voir, à la suite des années, leurs corps se courber, leurs barbes blanchir, tandis que leurs yeux se lançaient des éclairs haineux qui allaient, déchirant la robe verte du Rhin allemand.

Oh ! qu’ils eussent mieux fait de lever l’un vers l’autre une main amie, et de se porter une santé avec leur petit vin blanc

Un jour, l’un d’entre eux manqua à la visite, quelques jours après, le plus jeune ne parut pas non plus, à la tourelle.

Cette haine fratricide de deux êtres créés pour s’aimer fut punie de Dieu… Les témoins sont les sommets démantelés et en ruine, où l’on n’entend plus que le cri lugubre des oiseaux de nuit… Le guide les indique du doigt aux touristes, et leur dit : « Die Brüder »… les frères…

Ici, je vous indique aussi deux demeures, construites aussi, à même époque, par deux frères ; mais ceux-ci sont restés amis et unis pour leur bien propre, et le bien de leur pays. Au pied de l’une de ces demeures, spécimens gracieux du génie moderne, ils ont établi une usine de produits chimiques.

Autrefois, les cristaux de soude, produits de nos côtes, se transportaient au loin. Leur industrie extrait de ces soudes de varechs, l’iode et ses dérivés, le brome et ses dérivés, les sels de potasse, etc… le tout pour une valeur qui est un secret pour eux, mais évidemment de grande valeur. Donnant suite au courant moderne, sur la rive opposée ils ont encore une usine, fabrique de conserves pour les produits de la pêche… ils ont encore enrichi la ville de vastes constructions… C’est encore à la famille de Lécluse, frères, que la ville d’Audierne doit son hôpital, asile des vieillards et son école maternelle pour les enfants du peuple.

Le touriste est arrivé à la gare et la ville se dérobe à sa vue. Un pan de murailles, qui espérons-le, disparaîtra bientôt, dissimule la perspective… L’étranger fait quelques pas, et la première impression est de dire… C’est coquet !… Des maisons blanches s’alignent, les hôtels, la marine, les écoles… le tout coupé par des jardins qui abritent par leurs arbres et leur verdure, au-dessus de la longueur des quais où vous apercevez de nombreux navires.

En pénétrant, vous laissez, à votre droite, des constructions nouvelles, nouveau quartier promettant de s’étendre encore… À l’arrivée, une petite promenade couverte d’arbres jeunes encore. Les collines enserrent la ville, et une grande agglomération de maisons devient impossible, on cherche bien à s’étayer sur la montagne, mais comment pourrait-on tracer des rues ?

L’éternel Calino, parlant d’une grande ville, disait : Les maisons m’ont empêché de voir la ville… Eh bien ! il ne croyait pas si bion dire ce naïf malin… une agglomération de maisons ne forme pas une ville… C’est sa vitalité, son activité commerciale qui lui donne un cachet… La vérité est cependant celle-ci, cet enclavement, si je puis l’appeler ainsi, contient encore une population de quantité peu négligeable ; Audierne relié à Poulgoazec, s’agrandissant chaque jour, flanquée de ses collines, de sa montagne, de nombreux villages suburbains, compte une population flottante respectable… et notez ceci encore, elle est à la porte de Pont-Croix qui lie ses intérêts à ceux d’Audierne, dont elle n’est plus qu’à huit minutes de distance.

Touristes, ne venez pas en hiver, n’arrivez pas quand la pêche ne donne pas. Quand les villes d’eaux ouvrent leurs saisons, les rues regorgent de monde, les hôtels ne trouvent plus de chambres, les équipages fringants sillonnent les promenades où les toilettes du jour se font admirer… Les clubs, les cafés sont combles, et voici… quand sonne l’heure de la fermeture, comme les hirondelles, tout disparaît ; quelques mois de brouhaha, et les portes fermées, on dirait une ville morte… N’est-ce pas de même pour les ports de pêche, et les touristes s’en vont désillusionnés et l’écrivent parfois. Parbleu ! ils ont mal choisi leur moment… C’est là une des erreurs d’un touriste fameux, infatigable, à propos d’Audierne… il s’en était éloigné désillusionné, se promettant de ne plus revenir… il y revint cependant et se retracta quelques lignes plus loin : « On nous a changé Audierne, c’est notre cri en revenant, la mer aujourd’hui bat le long des quais, les barques de pêche sont rentrées, il y a bien de 600 à 700, nous tombons au moment d’une extraordinaire animation, etc. »

Attendez donc, touristes, les hirondelles et laissez-les faire même leurs nids… en juin, juillet, août et septembre, voilà les mois les plus propices et les plus gais… non pas que le commerce cesse, mais ce n’est pas la même animation… et de fait, on ne compte ici que quatre mois de saison morte… Il y a toujours l’hiver quelques navires en relâche, ou de saison… C’est un danois qui débarque d’immenses blocs de glace, que l’on empile dans les glacières pour les moments de la canicule. Ce sont des navires à charbon pour les usines, et pour la saison prochaine, ce sont quelques courriers pour Pont-Croix, pour Audierne, et c’est tout.

Quelquefois, cependant, une tempête du large rassemble pour quelques jours dans le port, une véritable flotte, des centaines de bateaux, chaloupes des ports voisins, se voient contraints de demander un refuge… mais alors ce n’est pas gai… le marin qui n’a pas le sou, est triste à bord, et voyez la figure de mauvaise humeur du boulanger qui rechigne à marquer des crédits…

À la belle saison, quel changement ! et l’on peut escompter huit mois de mouvement… en somme ; ce moment de relâche a son bon côté… Ces quelques mois de répit ne sont pas de trop pour faire le vide du trop plein des magasins… C’est comme un exutoire fixé par la nature.

Le manque d’agglomération, en disproportion réelle avec l’importance de l’industrie locale, attire, des environs, forains et fournisseurs ; chaque jour est presque marché. Dès l’aube, les chemins se couvrent de voitures, les bouchers, boulangers viennent de Pont-Croix, et d’ailleurs, de Tréboul même… les bouchers installent leur étal, dans une halle qui a le ciel pour pavillon, et là tout se taille, se découpe, se pèse… il y en a pour tous et pour les navires en relâche et pour le Cap-Sizun, et pour l’Île de Sein. Journellement une trentaine d’étalages de fruits de la saison, tous en ligne, tiennent la place… Chaque soir, ces forains, ces fournisseurs repartent pour revenir le lendemain.

Je fais le souhait de voir arriver, au moment psychologique, quand les barques rentrent à l’heure du flot… elles se pressent l’une contre l’autre, par couples jumeaux, trois, quatre ensemble. Les filets sont hissés à la corne des mâts qui sont forêts, dégouttant encore humides sur les ponts, blancs d’écailles et de sel ; les uns font sécher leurs voiles, couleur de rouille, qui claquent au vent. Les uns ont donné à leurs filets la teinte d’azur de la mer, et pourquoi ? C’est qu’il ne faut pas effaroucher le poisson qui se précipite sur la rogue semée pour les affriander… Dans ce bas monde, tout est tromperie.

À travers ces mailles, vous apercevrez l’horizon, les coteaux couverts de maisonnettes de pêcheurs, la largeur du bassin que de nombreux canots remplissent, où les mousses s’escriment, à la godille, près de ce pont, près de cette route qui amènent de nouveaux voyageurs… mouvement perpétuel, bruit assourdissant du pas traînard de pêcheurs qui rentrent, qui circulent, qui vont d’une cale à l’autre, portant sur leurs dos des échafaudages de filets. Pour quelques personnes, c’est le spectacle curieux de l’arrivée de la marée, à ses cales spéciales, trafic journalier, où la ménagère, les maîtres d’hôtels, les corbelleurs viennent faire leur choix, à moins que le mareyeur habile et discret n’ait des commandes, et les bons morceaux sont pour lui. Le langage, dans ce rassemblement, étonne l’étranger qui n’a pas l’oreille faite aux gros mots plus ou moins épicés de gros sel.

Quand l’heure de midi sonne, c’est une cohue, alors que les fritures ouvrent leurs portes… c’est par bandes de cinq et six que femmes et fillettes, en tablier blanc, vous passent, à la hâte, elles vont rendre quelque nourriture, les unes, dans leur famille, les autres sous quelque abri ; car elles viennent un peu de partout, des environs, de deux lieues à la ronde… à la hâte vraiment, le travail se faisant à la tâche, et, s’il faut rester toute la nuit, on dormira quand on pourra… À cette heure aussi, ferblantiers, soudeurs, boitiers, hommes de peine vont au repas… tout cela se croise, s’entr’croise, s’interpelle ; ne vous arrêtez pas trop à les compter car les postillons qui passent ne crieront : gare ! qu’après avoir raccroché le badaud.

Le bidet, qui trotte menu et vite, ne badine pas… et quand on se présente au moment de la marée, vous voyez passer sous vos yeux les paniers pleins de belles et grosses sardines fraîches, au dos bleu de Prusse, moiré de vert, au ventre d’argent… et tout cela passe à la friture où beaucoup de bras attendent le travail.

Quelques rares paniers vont à des femmes agenouillées, qui préparent des expéditions pour la contrée, pour les corbelleurs Jacques Broment et autres… Vous voyez jeter le sel a poignées, ce sera un régal pour tous… heureux notre pays auquel le bon Dieu prodigue cette manne annuelle ! heureux quand la pêche abondante assure la vie à bon marché ! De son côté, le marin retourne à une nouvelle marée, avec plus de courage : il se dit : « mon pain d’hiver, si difficile à gagner, est assuré. » l’industriel qui empile dans ses magasins, caisses sur caisses, fait ainsi ses rêves, calcule ses nouveaux débouchés qui sont le monde entier.

En ce moment, d’autres commerces sont en activité… gens du pays, nous ne sommes nullement frappés de ce spectacle qui nous est ordinaire… mais il n’en est pas de même de l’étranger qui s’étonne de ces navires en partance, en arrivée… Sur les quais, on charge et on décharge ; des piles de bois sont alignées, des ballots de cordage, des caisses obstruent le chemin le long des quais ; des fûts, des tonneaux de toute essence, des phosphates, des plâtres, des choux, des briques, tout cela pour le vaste canton, pour sa pêche pour sa marine… En un mot, à cette époque, c’est une vraie ruche commerciale, où chacun passe, repasse, va à ses affaires.

Les matelots, pour se consoler du dur métier, pour remplacer le sommeil de la nuit, que les embruns ont enlevé, vont aux diverses tavernes, nombreuses sur le parcours, portes grandes ouvertes… l’alcool ne semble pas nuire à ces loups de mer, et la régie, que dirait-elle, si l’on fondait une société de tempérance ?… On l’a bien essayé ailleurs, mais on a n’a pas eu grand succès, et j’en faisais l’observation à Marseille.

Vous voyez bien un vaste local sur les quais, il est ouvert aux marins de toute nationalité… rarement vous voyez les portes s’ouvrir, et cependant le marin y trouve gratuitement de la bière, et aussi gratuitement, il entend la lecture de la bible, c’est par-dessus le marché, malgré tout, les portes s’ouvrent rarement.

Tous ici ne vont pas aux auberges, une bande a apporté une brassée de ramée. Quelques-uns, sur l’arrière de la barque, se restaurent d’un frugal repas, tandis que d’autres, sur un matelas qui n’est autre que le banc dur et humide, dorment consciencieusement à poings fermés.

On peut bien manger sans nappe,
Sur la paille on peut dormir.

Si le voyageur a déjà été peu édifié des détritus de la marée, que les flots n’ont pu enlever, gisant le long du bord, je ne l’engage pas à pénétrer dans les usines de pêche. Ce n’est pas précisément le palais de cristal, où l’on peut se promener en bottines vernies… ici les robes à traînes seraient gênantes.

Je prends à partie un touriste forcené, artiste remarquable : Alexandre Nicolaï, qui, dans un moment de mauvaise humeur, écrit, en parlant d’Audierne : Pouah ! quelle infection qui vous soulève le cœur, un inimaginable relent d’huile, d’iode et de poisson passé qui alourdit l’air, vous serre la gorge, semble pénétrer vos vêtements ! C’est une symphonie d’odeurs mijotantes, comme Zola, seul, pourrait transcrire, qui éclate de partout, des barques, des barils de rogues nauséabondes, des filets, des vases transformées en charnier, des usines, des gens qui vous frôlent, etc. » Vraiment ce touriste ne va pas de main-morte.

M. Nicolaï est du midi… qu’il nous parle donc des huileries, des savonneries de Marseille et autres !… Mais c’est la gloire d’un commerce quand il sent son fruit ? N’indique-t-il pas qu’il est florissant ?… Soit, comme dans les autres ports de pêche, un peu plus de propreté serait à désirer ; mais cela plairait-il au pêcheur qui semble dire comme le fameux La Fontenelle. « Le cadavre d’un ennemi sent toujours bon. » Et le marin breton ne dit jamais la pêche… il dit : tuer le poisson… laha ar pesket. Il considère donc le poisson comme un ennemi, une victime que l’on doit sacrifier.

Pendant d’autres pêches, à d’autres époques, un spectacle curieux se présente… Vingt, quarante, cent voitures partent au trot, au grand trot, se suivent au galop à quelques pas de distances, je n’exagère pas… les chutes sont rares et peu remarquées. Le breton, qui a la tête si dure, remonte sur le siége, sans s’épousseter, sans se tâter les membres ; il reprend au galop le terrain perdu… Dam. — times the money… il fallait arriver à l’heure du train, et souvent on n’a que le temps strict voulu pour un temps de galop.

Rarement les petits chevaux tombaient, mais, de bonne heure, ils mourraient à la peine… trois, quatre campagnes, c’est tout, c’était tout dois-je dire… et je mets au passé hélas ! l’industrie de ces petits charrois est à l’agonie… malheureusement, non pour le bidet, mais pour les petits fermiers des environs de Pont-Croix et d’Audierne, et c’est près de cent cinquante mille francs que les chemins de fer vont enlever aux petites bourses… Sans doute, l’avantage est pour le nouveau moyen de transport… mais il faut le reconnaître, le progrès est la fin inéluctable de bien de petites industries. Comme les grands magasins tuent le détail !….. Que nos petits commerçants essayent donc de lutter contre les grands magasins du Louvre et du Bon Marché, etc.!… L’avenir nous dira, si cela ne doit pas avoir un terme, alors que toutes les fortunes se concentrent dans les mêmes maisons… Laissez donc venir… Struggle for life est là… À qui sera la dernière parole ? Quoiqu’il en soit, je regrette ce pittoresque de jadis, ces files de voitures se passant, se dépassant, culbutant quelquefois ; mais les postillons étaient fidèles à se retrouver au même point, à quelque maison sur le bord de la route, qui n’ont souvent, pour enseigne, qu’une branche de laurier… On n’en construit plus autant le long des chemins.

Oui je l’ai déjà dit, et plus que jamais je le répète.

Le progrès est la fin de bien des industries… Voici un exemple récent : L’industrie des conserves alimentaires, donnait de l’ouvrage, par conséquent le pain quotidien à une classe d’ouvriers… les centaines de boîtiers, soudeurs, trouvaient un travail rémunérateur, demandant peu d’apprentissage ; ces travailleurs dormaient tranquilles, rien ne semblait les menacer. Tout-à-coup, on invente une machine qui va leur couper les bras… un seul homme fera l’ouvrage de dix-huit… Grande est l’intelligence humaine ! me direz-vous ? Dans ce cas, c’est triste… Arrachez donc un os à l’animal affamé ! Voilà le cas… L’industriel, ou du moins, son représentant se présente à Audierne… nos ouvriers alarmés s’émeuvent… Qui donnera du pain à nous, à nos femmes et à nos enfants. Nous voilà réduits à chercher une autre voie, et laquelle ?

L’industriel est menacé, il résiste. Retirez-vous, dit la foule, déterminée à tout… L’agent se voit forcé d’abandonner la place, heureux d’en être quitte à si bon marché… car tous, hommes, femmes, enfants sont là… Struggle for life… la lutte pour la vie… et certainement la foule serait allée à l’exécution de leurs menaces. La mer était à deux pas, et on menaçait de le précipiter, s’il ne se retirait pas.

Un homme du métier, homme intelligent que j’interroge là-dessus me dit textuellement ceci… Cette corporation, je la connais, puisque toute ma vie a été consacrée à des entreprises de ce genre. To be or not te be, that is the question… être ou ne pas être, voilà la question finale pour eux. C’est évident.

Je vous l’accorde, quelques-uns sont peu dignes d’intérêt, mais ce sont des hommes qui ont été nécessaires, qui, ainsi que leurs familles, ont vécu et qui désormais ne sauraient occuper, dans la société, un emploi autre… Quel serait-il ?… On les réduit à la misère de ce coup. Je leur ai conseillé du calme, de la prudence, d’opposer la force d’inertie ; mais à part moi, je frémis, en y songeant. Que vont-ils devenir ? et, avec une exagération d’une crudité réelle, il ajouta : « le docteur Roux, le bactériologue distingué, l’honneur de l’humanité, aurait mille fois mieux fait de taire sa découverte savante, que de venir rendre à la vie, des individus auxquels, un jour, on viendra arracher le pain qui doit les nourrir… » Ces jours derniers, nouvel essai de l’inventeur, et nouvelle émeute… avec peine, la force armée a pu rétablir l’ordre.

De nombreuses signatures d’hommes désintéressés, amis des ouvriers, se sont adressés aux Pouvoirs Publics… reconnaissons-le, députés et gouvernement se sont occupés d’eux, on a, en quelque sorte, enrayé l’œuvre néfaste, malgré les explications plus ou moins rassurantes de l’inventeur… la machine ne fonctionne pas… et c’est un moment d’arrêt… C’est-à-dire, me dit ce praticien intelligent, on a, en quelque sorte, besoin d’eux… jusqu’à ce qu’on ait découvert une machine à souder, ce qui arrivera bien un jour, et alors on ne pourra plus mettre un arrêt… Pour le moment, la chose en est là… mais, si plus tard, on y arrive, si l’on substitue la machine aux bras qui resteront sans travail… l’épée de Damoclès, ne laissa pas dormir son philosophe. Quand le lendemain n’est pas assuré, est-on vraiment tranquille ?

Créez des syndicats, disent les uns… Faites des grèves, disent les autres ! D’autres répondent, il en est de même des autres industries, et vive le progrès… Chacun des non patients cherche son remède…

Des gens à l’abri, des jouisseurs disent… il y a encore des terrains à défricher en France, qu’ils s’y consacrent… Pourquoi pas, pourrait-on leur répondre, ne pas les expatrier en bloc, et ces sans travail, comme les autres des diverses industries anéanties, iraient peupler les plateaux de l’Afrique Centrale, véritable Eldorado, prêche-t-on… et plus tard, ne pourrait-on pas les envoyer peupler la lune qui, dit-on, n’a plus d’habitants… Pour ma part, en entendant tous ces conseillers, je songeais à une fable italienne que je venais de lire :

J’aime à parler des fous, car c’est parler des hommes,
Érasme même dit que vous et moi, nous tous,
Plus ou moins fous nous sommes.

Et cette fable italienne venait à point en mon esprit, je la cite.

Deux fous riverains de la Doire, en Piémont, se disputaient : La rivière va trop vite, dit Paolo. — Moi je vous dis qu’elle va trop lentement, dit Pietro… Chacun d’eux raisonnait à sa façon et ils s’arment d’un balai, l’un en aval, l’autre en amont. Si je précipite les flots dit l’un, ceux qui suivent auront loi de hâter leur course… Si je refoule, dit l’autre, ils auront peine à se reconnaître, perdront leur essor, ils iront plus lentement… Ils réussirent à troubler la rivière, et telle elle coulait, telle elle coule encore.


Ô vous, grands conseilleurs, dont l’esprit se consume
À gaver les souffrants de diverses façons,
Mes fous, c’est vous, leurs balais, votre plume,
Leur rivière, les nations
On vous a vu parfois troubler les flots humains,
Mais pour les gouverner, il s’agit d’autres mains
Comme aussi d’une autre lumière,
Et grâce au maître des destins,
Sans vous doit s’arrêter ou couler la rivière.

Mais halte-là ! quand loin gronde l’orage, tranquille l’on dort. Quand il éclate au-dessus de nos têtes, quel est l’abri ? Vite on se met en quête… Les Sans Travail, peu nombreux d’abord, augmentent, augmentent ; bientôt se nommeront légion… On s’en aperçoit, les conseils ne cessent de pleuvoir, s’accumulent….. pendant que, dans l’avenue d’en face, on s’arme pour la lutte… on ne fait encore que s’essayer… Mais souvenons-nous de 1870, avant la Commune qui fit tant de victimes et n’était qu’un pronostic… on préludait par des chansons, par des vers, avant de venir aux actes, et l’on n’était pas préparé.

— Voici quelques-uns de ces vers qui me reviennent à la mémoire :

Gorgés de tout, ils s’engraissent, eux autres,
… Pourtant, si nous voulions !!!!
Ils ont leurs bras, mais nous avons les nôtres,
Que fait un trou de plus dans nos haillons…

Des paroles aux actes, il n’y eût pas loin, et l’on sait ce qu’il advint.

Bien autre, était la doctrine de Celui qui nous vint il y aura bientôt 1,900 ans… Il disait : « Vous êtes bienheureux, vous, pauvres, parce que le Royaume des Cieux est à vous… Vous êtes bienheureux, vous qui avez faim maintenant, parce que vous serez rassasiés, etc… Proclamation sublime de la dignité humaine… exaltant le déshérité, lui donnant en quelque sorte, la première place. Il n’y a là, si on le veut bien, qu’un baume sur la blessure… mais quand on suçait, avec le lait, une pareille doctrine, on enseignait la patience qui permet d’attendre le remède certain… Le Maître en enseignait encore d’autres sur le travail, sur l’aide et la protection que nous devons les uns aux autres ; mais ceux-là on les oublie.

Sont-ils donc en contradiction avec les principes des droits de l’homme, qu’on a raison d’enseigner, et que l’on prône tant aujourd’hui. Cela empêcherait-il d’enseigner les premiers ?

Mais je m’aperçois qu’en empruntant quelques versets au sublime sermon de la montagne, qui conduit mes promeneurs aux pieds de ce terne terminus des quais, à Audierne, et que l’on désigne aussi, sous le vocable de la montagne, et d’où le touriste jouira d’un des plus beaux points de vue du monde.

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Quiconque a voyagé un peu partout a pu le dire, et celui qui n’a pas parcouru le monde a dû l’entendre dire : « Les moines étaient des maîtres pour choisir des points de vue. » Avec quelle intelligence, les ordres religieux ont-ils su joindre les horizons les plus vastes, aux solitudes les plus agrestes. Au moyen âge, alors que la science se concentrait dans les cloitres, vous retrouverez partout, dans les vestiges qui nous restent des monastères, la preuve de ce que j’avance. Un des meilleurs facteurs de la réforme en Angleterre, fut la confiscation des célèbres abbayes. Nombreux baronnets, dans cette Île des Saints, eussent conservé la foi, si l’appât de Formose-Abbey, Mount-Abbey, Abbey-Castle, n’avait pas été là, tentation dorée pour leur adhésion à la réforme et provoquer leur abjuration.

À notre révolution, même spectacle, lisez le dans « La Fin d’un Monde ». Les biens nationaux vendus à vil prix, attirèrent aux Jacobins d’alors, des adhérents qui se taillèrent une large part dans les biens qu’ils n’avaient pas arrosés de leurs sueurs. Devenus féroces conservateurs, ils seraient les premiers à crier : aux armes ! si l’on venait aujourd’hui toucher à une parcelle de ces biens, qu’ils n’ont cependant pas su faire profiter au peuple, et leur but avoué, était, semblaient-ils dire, de les soustraire à la fainéantise, à la pléthore de la richesse. Ils ne l’ignorent pas cependant, et on est forcé de l’avouer, les moines prêchent d’exemple ; nulle part, vous ne rencontrerez plus d’ordre, plus de propreté… leurs travaux, leurs industries saines sont des bienfaits pour les pays qu’ils occupent, et eux sont les seuls à n’en pas profiter. Agriculteurs de premier ordre, leurs troupeaux sont des modèles, leurs fromageries des écoles ; on achète, les yeux fermés, les semences de leurs cultures, qui jamais ne sont frelatées.

Je vous engage à visiter les Sept-Fonds dans l’Allier… Quels troupeaux splendides, vous arrachant des cris d’admiration !… Quelles industries, rapportant au fisc des centaines de mille francs… Et eux-mêmes restent pauvres, vous les apercevez à peine… Allez à Aiguebelle, partout jusque dans les déserts les plus sauvages, vous les verrez créer des paradis terrestres… À quelques kilomètres de Rodez, si comme hôte vous visitez les Grandes Combes, vous serez étonnés de trouver la lumière électrique installée, bien avant nos villes, par un Père Abbé, ancien élève distingué de l’école Polytechnique.

Ne vous étonnez donc plus si au sommet de cette petite montagne d’Audierne, un couvent aussi s’édifiait en 1612, admirable enclos des Capucins, d’où l’on peut jouir d’un panorama splendide… On dut sa construction à la magnificence du Seigneur du Ménez, alors Seigneur du pays et résidant à Lézurec-en-Primelin, commune voisine.

À la révolution, il devint bien national, changea ensuite de mains à plusieurs reprises… en 1816, on songea à y établir le petit séminaire diocésain… La préférence fut donnée au bel établissement de Pont-Croix, datant de 1610.

De nos jours, le magnifique enclos des capucins est la propriété de la famille de M. l’inspecteur général Fenoux, honneur de son pays. Nombreuses choses antiques ont été conservées près de la splendide demeure qu’il a fait construire.

D’immenses jardins le décorent, arbres séculaires, pins parasols, comme dans le midi, les chênes verts y donnent le plus bel ombrage.

L’altitude de quelques arbres les a marqués comme point de repère aux nombreux navires et bateaux qui cherchent la passe assez difficile d’Audierne… Pour jouir du plus beau coup d’œil (en somme, la beauté des horizons est à tous et la jouissance du beau est un sentiment élevé de l’âme) les moines ont construit de hautes terrasses qui divisent la propriété en croix latine.

Sur une de ces terrasses est un chef d’œuvre de science et de patience, un cadran solaire, datant de deux siècles, témoignant d’une grande science chez un humble religieux ; il a su y graver les figures les plus savantes, les plus exactes de l’antiquité, grecque, égyptienne, etc…

Le nom de l’auteur n’y est pas ; une simple inscription latine, évidemment gravée par l’humble savant, réclame du visiteur curieux, un simple ave maria pour l’auteur inconnu.

Du bas de ces hautes murailles vous êtes encore bien placés pour jouir du panorama, où les scènes changent chaque jour. Jugez-en… Dans le lointain, les noirs rochers de Penmarc’h, ville si célèbre au moyen âge, la côte de St-Guénolé, où l’on vient d’édifier des serres immenses, où des raisins aussi beaux que ceux de Chanaan mûrissent, alors que les vignes ailleurs ne sont qu’en pleine floraison. Dans quelques années, on aura le spectacle nocturne de ce beau phare d’Eckmühl, dont les projections éclaireront la baie, la mer à quatre vingt milles… Ce sera une merveille et ce sera fulgurant.

Tournez les regards à gauche, admirez cette belle baie d’Audierne qui s’arrondit, vous laissant apercevoir de longues plages de sable bien blanc, de plusieurs kilomètres, et les coteaux étagés au soleil, tellement bien exposés que les plus beaux légumes y prospèrent. Les riverains disent avec raison « nous pouvons tout ce que peut Roscoff » dont le renom s’étend au loin, en France, à l’étranger.

Pourquoi alors n’ont-ils pas plus d’initiative, puisque l’engrais ne leur coûte rien, la providence fauchant pour eux les prairies sous marines ? Avant un demi siècle, la partie sera gagnée… et Plouhinec, Plozévet, Lababan, la baie en un mot, seraient le jardin potager d’une grande partie de la France, en oignons, asperges, choux fleurs, en un mot, de tous les légumes de choix et de vente courante.

Cette masse d’eau si poissonneuse de la baie, devait donner il y a cent ans, un spectacle inoubliable pour les contemporains qui purent l’apercevoir sans le secours d’instruments d’optique… le combat épique du vaisseau les Droits de l’Homme, contre deux navires anglais.

La lutte fut héroïque, et les anglais désemparés… la frégate l’Amazone échouait le lendemain avec ses morts et ses mourants à deux kilomètres de l’endroit où vous êtes.

Les survivants furent conduits prisonniers à Audierne, les morts inhumés sur la falaise que vous apercevez. Cette année même, les sables soulevés par les vents, laissaient apercevoir les ossements blanchis. Les générations actuelles avaient perdu le souvenir du drame : Ce n’est qu’en consultant les archives qu’il m’a été permis de reconstituer leur identité.

Ils sont là presque en face de ces récifs redoutés de la gamelle (ar-cambren) que vous apercevez non loin à votre gauche, ces récifs sont la terreur de nos pêcheurs qu’ils gênent, en les obligeant à un plus long parcours. Ces récifs de la gamelle, laissent apercevoir, mais dans des retraits de marée exceptionnels, des vestiges de constructions dont on ignore l’origine… sont-ils de la date de l’occupation romaine ! nul ne le sait, et on ne le saura jamais.

Le déchaînement de la barre à Audierne, est en partie provoqué par ces récifs dangereux. Ah ! alors il ne fait pas beau sortir.

De ce tertre de la montagne, quel beau spectacle quand on arrive au moment du départ de la flottille de pêcheurs… par bandes de deux, trois et quatre… Les uns à la voile, d’autres d’abord à la rame avant de prendre le vent. On compte rarement un abordage. À peine ont-ils doublé le long môle qu’ils ont lentement côtoyé, ils prennent le large, s’éparpillent, louvoient chacun à sa guise. N’allez pas croire qu’ils vont au hasard… chaque patron connaît son parage… La veille il a observé un frétillement, un vol de mouettes est venu lui indiquer un banc de sardines, c’est presque à coup sûr qu’il marche… S’il retourne bredouille, il s’enquiert de parages plus fréquentés et qui ont été favorables la veille.

C’est souvent bien loin qu’ils doivent aller, quelquefois à quelques kilomètres seulement, et le voyageur peut distinguer aisément l’équipage qui abat les voiles, un moment il reste immobile et observe la direction que prend le pauvre petit poisson qui se joue à peu de profondeur… Quand vous voyez un homme se lever à l’arrière pendant que les teneurs de bout, maintiennent la barque au moyen de longues rames, vous pouvez dire : c’est le patron du bateau qui sème la rogue, appât qui nous vient de Norvège. Il est nécessaire malheureusement pour affriander le poisson ; et celui-ci se précipite à la grande joie du matelot qui reviendra gaiement au-port se débarrasser de son heureuse récolte, aussitôt mise au magasin, car cela n’attend pas.

Pour certaines pêches, c’est souvent à perte de vue qu’il faut aller, à 35 et 40 kilomètres, là où vous voyez onduler la fumée de nombreux steamers, venant des ports du nord et faisant route pour le midi, Bordeaux, Bilbao, etc., ou qui reviennent de ces ports pour le nord.

Vous souvenez-vous qu’on nous enseignait en logique, que par suite de la succession des idées on pouvait faire voyager la pensée d’un monde à l’autre, de Paris au Japon ? de Pékin aux astres, travail plus rapide encore que l’électricité.

Ce ne sera pas par cette théorie, que je vois venir à propos de steamers qui passent, faire l’éloge d’un homme, honneur de la marine marchande, pendant un commandement, notez le bien, de 56 années… si j’en parle, c’est que je l’ai promis à un de ses anciens marins (Guillaume Trividic, du Kéridreuff, vous serez content). J’en parle surtout parce qu’il m’a pronostiqué l’importance croissante de ma baie d’Audierne, qu’il connaissait si bien.

Je profite donc du sujet pour dire un mot du capitaine Roturier, ce vaillant vétéran de notre marine.

Il vit encore à Bordeaux, mais il était devenu notre compatriote par de longs services rendus à nos ports dès le début, avant surtout qu’un accroissement réel eut été donné à nos pêcheries et à nos conserves de produits de pêche.

À 82 ans il commandait encore avec vigueur… La vieillesse ne lui faisait pas prendre la retraite disait-il, mais il est temps de céder à de plus jeunes.

L’accompagnant à son dernier voyage, arrivé à la latitude d’Audierne, il me montra l’entrée, l’immensité de cette baie poissonneuse : l’avenir est pour vous, disait-il, je vous le prédis, et cet homme expérimenté avait raison.

Il était sur la passerelle, et je m’imaginais entendre le vieux Calchas sur sa trirème, vaticinant, donnant ses derniers conseils à ses compagnons d’aventure.

Ici, nous n’allons pas à la conquête de la toison d’or et c’était comme testament du vieux capitaine, qui avait bourlingué plus d’un demi siècle, aussi je l’écoutais disant : aucun commerce ne languit dans notre canton, aucun poisson ne manque à notre baie, que les saisons succèdent aux saisons, il y a toujours du travail pour vos pêcheurs… Il déplorait un peu l’entrée difficile, mais ajoutait-il un jour viendra où l’on comprendra que par des travaux intelligents, on pourra atténuer les difficultés de la passe, et c’est toujours en faisant ces réflexions, que je fends les flots de la baie d’Audierne et c’était le sujet de ses conversations devant ses marins, devant son second ; conseils d’expérience de l’homme du métier.

Sous la latitude des Charentes, il m’appelle : voyez vous ces plaques opaques, comme l’ombre d’un gros nuage sur l’azur de la mer… remarquez un frétillement à la surface, puisque nous jouissons d’un beau calme… ce sont d’énormes bancs de sardines de la saison, elles approchent des côtes de Bretagne, et votre grande baie d’Audierne en aura la plus grande part. Le talent de vos pêcheurs, consistera à les y conserver une longue saison, elles seront à l’abri, en dehors du courant de Penmarc’h, elles ne seront pas pressées de gagner ceux du Raz, pour aller à l’Iroise, ce sera pour elles comme les délices de Capoue. Mais il ne faut pas ménager l’appât… hélas ! ajoutait-il, la rogue est bien chère, hors de prix. Celui qui trouvera le moyen d’enrayer le monopole par un appât à bon marché, méritera la reconnaissance des pêcheurs.

Si nous n’étions pas si loin de la terre, de nombreux oiseaux leur feraient cortège qui happeraient au passage les imprudents qui viendront montrer leur ventre argenté au soleil. Dommage peu important, quand on le compare à ceux des ignobles marsouins qui souvent les pourchassent et les engloutissent par milliers.

Que c’était un plaisir de remonter la Gironde avec un pareil guide. Prévoyant son dernier voyage, il ne cessait de donner un dernier regard à tous ces nombreux phares qui l’avaient toujours guidé, depuis le monument de l’entrée, la tour de Cordouan.

Arrivé aux célèbres crûs, gloire du Médoc et du Bordelais, avec complaisance il les indiquait du doigt. Voilà St-Estèphe ; St-Julien avec son clocher, que l’on dirait breton… voilà Léoville avec son portique… là-bas, Château-Latour… derrière ce massif d’arbres, c’est Château-Laffite. Il déplorait de voir les plus beaux crus de France entre les mains des juifs.

Il ne devait cependant pas ignorer, que c’est pour ce peuple choisi de Dieu, que furent créées les belles grappes de Chanaan.

Ceci est bien vrai, mais que ce peuple privilégié, retourne à ses oignons d’Égypte et à ses raisins de Chanaan et qu’il laisse le vin de France aux vrais Français.

Le capitaine Roturier était natif de Blaye, aussi n’oublia-t-il pas de nous dire, montrant les fenêtres du château : j’avais 22 ans quand j’ai vu y amener l’infortunée duchesse du Berry… voilà les ouvertures de ses appartements. Il est un autre souvenir qu’il rappelait encore : Je faisais partie de l’équipage de la Belle-Poule. La veille du départ on rassemble l’équipage sur le pont, nous étions en lignes pressées quand les autorités arrivent.

Comme toujours quelques discours étaient de rigueur.

Le Duc d’Orléans, l’infortuné prince mort quelques années après, ne faisait pas partie du voyage que devait commander son frère, le Prince de Joinville, mais il accompagnait ce dernier à bord. J’étais le plus rapproché du Duc d’Orléans quand il prit la parole, son chapeau de cérémonie le gênant, il me le tendit pendant son discours, qui ne fut pas long du reste, et le vénérable vieillard riait encore de ce souvenir de jeunesse, datant de soixante ans.

Il est une histoire que sa grande modestie ne relatait pas… c’est le souvenir d’un acte de bravoure, lors de l’incendie qui ravagea Toulon en 1844. L’embrasement gagnait du terrain, menaçait la poudrière… les navires en rade avaient envoyé des pompes avec de nombreux ouvriers marins. Que serait-il arrivé si quelque flammèche avait rencontré le moindre grain de poudre. Roturier atteint la toiture et pendant des heures entières, il dirige le tuyau de la pompe, inondant le sommet et les murailles d’un jet continu d’eau.

À l’âge de 82 ans, il reçoit bien tardivement la croix d’honneur, le gouvernement de la République s’est honoré en récompensant une vie modeste et bien remplie… On m’a dit qu’il avait versé des larmes de joie en apprenant cette faveur que certes il n’avait pas sollicitée. Il ignore qu’un inconnu rend justice à ses services, et vient parler de lui à propos des pronostics heureux qu’il formulait pour la baie d’Audierne…

Le capitaine Roturier ne vient plus avec son navire fendre les flots de la baie, mais nombreux sont encore les vapeurs qui déroulent leur fumée à cet horizon que le touriste aperçoit du pied de l’enclos des Capucins où je l’ai laissé… Oui, nombreux sont ces navires, et quand il fait nuit sombre c’est un danger… Il est une pêche qui se pratique la nuit, et même les nuits sombres sont celles qui procurent souvent les plus fructueuses pêches. Une flottille de centaines de barques se trouve éparpillée… Quand le jour éclaire, une chaloupe est un point noir qui se distingue facilement, et alors chacun veille. Mais dans l’ombre de la nuit, ce n’est plus la même chose… il y a bien à côté, mais à 150, 200 et 300 mètres, une lanterne à lumière vacillante… cette lanterne, verticalement posée sur une bouée de liège, tout au plus à un mètre de hauteur, est entraînée par de longs filets à la dérive à la suite du courant, s’élevant, s’abaissant, suivant les caprices de la houle, on en compte 800 et 1,000, comme des vers luisants sur le sommet de la lame, ces lanternes sont là, surveillées par l’équipage attendant que le maquereau maille. Quelquefois la fatigue a saisi l’équipage qui sommeille, quand un vapeur passe, et la barque, petite coquille de noix sur l’océan est renversée et coulée : trop souvent cela arrive ; alors ce sont des cris de détresse, d’appels au secours. Hélas ! quelquefois à bord du steamer, on dort aussi, on ne peut stopper à temps, pour recueillir les épaves : Cet endroit est un peu comme le banc de Terre-Neuve où pareils désastres arrivent à des transatlantiques qui y font leur route naviguant à toute vapeur : et là, c’est le pays des brumes. Je le dis, à ce passage de la baie, ces accidents sont pour ainsi dire annuels. Heureux disent les pêcheurs quand le vapeur qui file, n’appartient pas à cette nationalité mercantille, pour laquelle la devise : Time’s the money, est en vigueur. Leurs capitaines semblent dire : « Je vous fais, pêcheurs, en vous coulant, beaucoup d’honneur. »

Le lendemain des femmes éplorées attendent un mari, une mère attend son fils, ceux-ci n’ont pas reparu.

Les marins d’une barque du même port pêchant dans les mêmes parages viennent dire ; nous étions dans les mêmes eaux, il nous a semblé avoir entendu appeler « Au Secours »… mais nous étions éloignés… il nous semble avoir distingué dans la nuit, les feux d’un fort navire qui n’a pas stoppé.

Lugubre n’est-ce pas ! cependant c’est l’exacte vérité. Les capucins de la montagne d’Audierne, pendant les deux siècles de leur passage, n’ont pu jouir d’un horizon aussi varié, que celui qui se présente de nos jours… et ici, l’on peut dire, crescit eundo.

En jetant les yeux à quelques pas d’eux, ils n’ont pu voir sur le versant de la colline, à droite au-dessous de leur enclos ces coquettes villas que l’on vient d’édifier les années dernières, certainement elles viendront s’étager encore, l’avaient-ils prévu ? Ils ne se sont pas dit par exemple quelle situation plus belle, plus ravissante pour la construction d’un casino ? Cependant la place s’indique d’elle-même et pendant la saison estivale on trouverait un beau site, un abri sûr contre les vents d’Ouest, les seuls qui puissent nuire à ce moment. Les vents d’Est, du Nord, sont à craindre l’hiver, mais l’été ils rafraichissent la brise.

On est là aux premières loges pour recevoir les premiers rayons du soleil, qui animent la gaité dans les cœurs les plus tristes, et ici je m’adresse aux touristes sémillantes… Ce n’est plus une solitude ; vous aurez le loisir, charmantes écuyères, d’aller faire envier vos riches toilettes de la grande ville, qui produiront le plus bel effet sur les natifs d’Audierne.

La construction d’un casino est dans le courant des idées, et je crois que cette idée a germé dans la tête de quelques capitalistes. Quoiqu’il en soit, nous applaudirons quand on viendra nous dire : Les étrangers s’inscrivent pour la saison prochaine.

Au surplus, n’est-on pas à quelques mètres d’une belle plage de sable ? Les cabines s’installeront à l’aise, et ensuite sur la plage voisine, longue de deux kilomètres jusqu’à St-Evet, il y a place pour le Tout Paris…

Devançant les vœux des voyageurs, on vient d’installer une délicieuse passerelle en fer aux pieds de la colline, et cette passerelle aboutit à une promenade hygiénique de deux kilomètres, vers le môle, promontoire dans la mer ; quand on s’avance, vous avez à vos pieds la mer, à vos côtés la mer, battant l’interminable muraille de l’Esplanade. À quelques pas, les bateaux passent et vous arrivez à l’extrémité de la jetée, aux pieds du fanal… Que de fois ai-je entendu les voyageurs me dire : « C’est notre promenade hygiénique du matin, le meilleur apéritif que nous puissions trouver. » Pour quelques-uns, c’est la promenade des soirs d’été, quand la chaleur du jour les a retenus à la ville. Oh ! alors que la brise est bonne et salubre, et quel beau spectacle que celui du soleil couchant sur l’eau… si beau… et je vous parle de tout ceci, sans artifice de style, en homme convaincu, donnant raison au législateur du Parnasse :

Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement
Et les mots pour le dire, arrivent aisément.

L’hiver, cette pointe d’Audierne reçoit de première main, les tempêtes du Sud et du Sud-ouest.

Sachez-le bien… Ce long môle de l’entrée, ce fanal n’ont pas été établis comme but de promenade… loin de là…

À cette extrémité rien de plus terrible, rien de plus émouvant que la lutte des éléments… Non seulement les flots viennent battre les murailles de granit qui ne résistent pas toujours (on l’a vu on 1865), dans leur fureur ils balayent l’esplanade, les parapets ne sont pas un obstacle.

Les habitants eux-mêmes que ce spectacle émouvant ne saurait blaser, s’y rendent d’assez loin, et ce n’est qu’à distance qu’ils peuvent contempler les flots mugissants. Spectacle inoubliable vraiment… Les flots battent la muraille, font irruption, de terribles paquets de mer surmontés de gerbes d’écume se précipitent, couvrent phare et fanal. Quel est donc l’audacieux qui voudrait en approcher ? Une longue chaîne à mailles solides est disposée pour le gardien, le long du parapet. C’est à lui de choisir le moment propice pour se rendre à son poste ou pour en sortir.

Les Parisiens se rendent bien à Caudebec, pour contempler les effets prévus du mascaret et un Babinet quelconque leur indique le jour fixe… Eh bien ! qu’est-cela, près du spectacle imprévu de la tempête ? On en est tout ému, et l’on repart terrifié. Alors malheur au bateau qui s’est attardé au large, et que de fois, cela n’arrive-t-il pas ?

Les bateaux rentrés se comptent, l’inquiétude gagne. Souvent ils peuvent fuir devant la tempête et prendre le large, mais ils ne le peuvent pas toujours.

Alors c’est un affolement… Les sauveteurs de la douane se saisissent du canon porte-amarre, de nombreuses bouées de sauvetage, de cordages, de ceintures… Le bateau de la Société est déjà sur le lieu du sinistre avec ses hommes dévoués, qui vont relever le courage du bateau qui va essayer de franchir la terrible passe… Une population innombrable se rend. Femmes, hommes, les mains jointes font des vœux pour la chaloupe en péril… et le signe de croix, le signe du chrétien part malgré lui de l’assistant terrifié. Sceptiques ne souriez pas en ce moment, vous seriez mal venus, si vous lanciez quelque brocart inconvenant et irréligieux. Allez, mais ne riez pas devant ceux qui invoquent Celui qui met un frein à la fureur des flots et qui sait des méchants arrêter les complots.

Ils sont nombreux les actes de courage des marins du bateau de sauvetage. Le patron Autret, pourra vous dire qu’il est à sa cinquantième sortie, et plus modestes employés de la douane, c’est aussi là que vous êtes les plus utiles… je ne vous comprends pas ailleurs.

Le bateau de sauvetage est de date toute récente malheureusement ; aussi ont-ils été nombreux les naufrages à la pointe d’Audierne. J’en ai rapporté plusieurs dont le souvenir est conservé dans les archives.

L’Astrée de St-Malo, en 1784, La Miséricorde de Nantes, en 1875, etc… J’en ai parlé un jour dans le journal (Le Finistère) en donnant les noms des matelots formant l’équipage et qui tous y périrent.

Sous Louis XIV, il y en eut un célèbre, relaté dans les archives de Plouhinec, bourg voisin.

Le 16 décembre 1684 un acte de sépulture fut dressé ; mais comme il n’est pas écrit dans le style de Bossuet, je me contente d’emprunter aux archives, les détails intéressants concernant un centenaire célébré à Pouhinec.

Si je donne tous ces détails, c’est que le naufrage avait lieu en cet endroit même où je viens de conduire le voyageur, sous cette chapelle de St-Julien que vous apercevez à 300 mètres.

Le 17 octobre 1784 a été célébré dans cette église un service solennel et séculaire pour le repos de l’âme de Mgr l’illustrissime et révérendissime Père en Dieu, Cyrille Justiniani, Archevêque de Grevenentzi, en la province de Bulgarie, en grâce, dont le corps repose en cette église, et dont la mémoire est en grande vénération dans cette paroisse et dans les environs. Ce vertueux prélat ayant été chassé de son diocèse, dépendant de l’empire ottoman, parce qu’il avait fait rebâtir et croître son église, se réfugia à Rome, où il demeura huit ans, mais pressé de revoir ses ouailles, il partit de Rome, muni d’un bref du pontife Innocent XI, qui était alors assis sur la chaire de St-Pierre, il vint en France pour implorer la protection du Roi très chrétien Louis XIV.

Il s’embarqua à St-Malo sur un vaisseau nommé Jacques ; mais il fit naufrage à la pointe d’Audierne le 17 octobre 1685, sur les dix heures du matin… Trois heures après, le corps fut retrouvé au-dessous de la chapelle St-Julien en Poulgoazec, exposé pendant deux jours dans la dite chapelle, ensuite transporté dans l’église paroissiale où il demeura exposé pendant deux jours, et enfin il fut inhumé dans le sanctuaire du côté de l’évangile, avec la plus grande solennité, en présence de tous les peuples circonvoisins, et de tous les bourgeois, marchands et habitants du dit Plouhinec, ainsi qu’il est rapporté dans l’acte de sépulture de 1685, relaté par Joseph Bobony, bachelier en Sorbonne, lors recteur de Plouhinec, qui certifie avoir connu et vu le dit archevêque, à Rome…

Ont assisté à ce service séculaire : MM. Perrichon, curé de Mahalon, célébrant, assisté de M. Legendre, recteur de Plozévet, Douarinou, curé de Pont-Croix, Duverger, directeur des Ursulines de Pont-Croix, du P. Gardien des capucins d’Audierne, du P. Vicaire de la même communauté, etc., etc… du sieur de Leyssègnes Rozaven, recteur de la paroisse, etc.

Toujours la tombe est là… Une plaque de cuivre indique l’endroit où l’Archevêque est inhumé.

La mémoire orale de ce naufrage s’était perdue, jusqu’au jour où je l’ai reconstituée par les archives.

Cependant les fidèles vont prier près de la tombe. Cyrille Justiniani, reçoit les honneurs d’un bienheureux.


TABLEAU OFFICIEL
du
commerce de la pêche à audierne

J’ai demandé à la douane qui est bien renseignée, et on me l’a donné conforme au registre des sorties.

J’ai demandé une année moyenne, et remarquez-le bien l’accroissement est manifeste, chaque année.

1893
PAR TERRE KILOG. PAR MER KILOG.


Sardines pressées
61,877
Sardines pressées
593
Sardines en sel sec pour fritures
280,597
Sardines à l’huile
919, 417
Sardines salées en vert
82,632
Anchois à l’huile
9,766
Sardines à l’huile
1,152,916
Anchois, Sprats à l’huile
36,603 Sardines en saumure 5,012
Anchois en saumure
7,021
Maquereaux salés et saqués
86 Maquereaux à l’huile 7,850
Maquereaux au naturel
8,771 »»»» »»
Maquereaux à l’huile
17,772 »»»» »»
Merlus salées en barils
920 »»»» »»

Je ne compte pas là-dedans, ni les maquereaux ni les langoustes, ni les merlus, ni les congres, ni toutes espèces de poissons frais, qui donnent une somme innombrable de produits aux nombreux mareyeurs, aux corbelleurs.

Disons en passant que les transports de ces produits donnent aux petits charretiers, et seulement jusqu’aux gares de chemin de fer une centaine de mille francs… Jugez du reste.


Voici en outre ce que j’ai relevé à deux années différentes, aux bureaux du capitaine du port.

1886
NAVIRES ENTRÉS Tonnage légal Marchandises Lest
202 5,421 tonnes 5,390 tonnes 311
NAVIRES SORTIS
201 6,409 tonnes 3,021 tonnes 1,037
Produit de la pêche totale en poissons frais :
1,711 tonnes.

Admirez l’accroissement 7 années après.
1893
NAVIRES ENTRÉS Tonnage légal Marchandises Lest
356 9,260 tonnes 7,828 tonnes 445
NAVIRES SORTIS
357 9,260 tonnes 7,822 tonnes 1,037
Produit de la pêche totale en poisson frais :
4,664 tonnes.
Je souhaite un nouvel accroissement.