Si le grain ne meurt/Partie I/Appendice

Si le grain ne meurt
Éditions de la N.R.F. (p. 183-184).
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APPENDICE


À la suite de la publication, dans la Nouvelle Revue française, du premier chapitre de ces Mémoires, mon cousin Maurice Démarest, mieux renseigné que je ne pouvais être, voulut bien apporter à mon récit quelques retouches. Je transcris donc ici, en guise d’Errata, la lettre même de mon cousin :

Monsieur Roberty n’a été pour rien dans l’entrée d’Anna Shackleton à la rue de Crosne. Anna est entrée en 1850, 51 ou 52. M. Roberty n’est venu de Nantes à Rouen qu’en 59. (Je retrouve la date exacte dans une lettre de ma mère.)

Tu imagines les enfants Shackleton précipités d’Ecossesur le continent par quelque revers de fortune. La réalité c’est que M. Shackleton avait été appelé par M. Rowcliffe pour être contre-maître dans sa fonderie de la route d’Elbeuf. Les Anglais étaient très en avance sur les Français pour la métallurgie, comme pour la construction des chemins de fer et de leur matériel. La construction et la mise en exploitation du chemin de fer de Paris au Havre avait amené à Rouen toute une colonie anglaise.

Autre erreur ; celle-là, grossière : D’après toi, ma mère se serait mariée après l’entrée d’Anna dans la famille, et même assez longtemps après. Or ma mère s’est mariée en 1842, et je suis né en 1844. Ta mère, en 1842, avait 9 ans. Tu vois combien peu mon père peut être qualifié de « nouveau beau-frère », dans les années 60 ; partant, il est inexact de parler des Demoiselles Rondeaux (au pluriel) et de « leur » gouvernante.

Je ne puis que souscrire de tout point à ce que tu dis d’Anna Shackleton. J’y ajouterais encore, si j’en parlais, car j’ai été à même d’apprécier ce qu’elle recélait en son cœur d’aspirations refoulées, de tendresse dérivée. Je m’en suis d’autant mieux rendu compte à mesure que je suis devenu plus âgé et j’y pense encore souvent avec la même tristesse et comme avec une révolte contre l’injustice du sort.

Un dernier point. Tu t’étends sur les débuts d’Anna — alors Miss Anna — dans la famille, débuts dont les conditions étaient celles d’une demi-domesticité. Tu ne marques pas son ascension progressive dans ce que tu appelles la hiérarchie ; comment elle a été peu à peu considérée comme faisant partie de la famille et comment elle a fini par y prendre place à côté de ma mère, de la tienne et de ta tante Lucile. Déjà avant le mariage de ta mère, on parlait de « ces demoiselles », sans distinguer. Elles formaient ensemble un même et seul être moral.

P. Sc. Es-tu sûr que ce soit en 1789 que M. Rondeaux de Montbray ait été maire de Rouen, et non plus tard ?

Détail tout à fait insignifiant. Es-tu certain que l’école de Mademoiselle Fleur fût rue de Seine ? N’était-elle pas plutôt rue de Vaugirard, entre la rue du Luxembourg et la rue Madame ?