Shirley
Traduction par Ch. Romey et A. Rolet.
Shirley et Shirley et Agnès GreyCh. Lahure et Cie (p. 398-406).


CHAPITRE XXIV.

Le souffle du vent de l’ouest.


Ceux qui engagent avec Dieu une semblable lutte ne remportent pas toujours la victoire. Nuit après nuit, la froide sueur de l’agonie peut encore perler sur le front du patient. Le suppliant peut crier merci avec cette voix sourde que l’âme emploie dans son appel à l’Invisible : « Épargne l’objet de mon amour ! Rends la santé à la source de ma vie ! N’arrache pas de moi ce qu’une longue affection a assimilé à tout mon être ! Dieu du ciel, exauce ma prière, sois clément et miséricordieux. » Et, après ce cri et ce combat, il peut arriver que le soleil se lève sur une agonie plus désespérée. Au lieu du souffle des zéphyrs et des chants de l’alouette qui avaient coutume de le saluer avec la venue de l’aurore, le suppliant peut souvent entendre ces tristes accents passant entre des lèvres que la couleur et la vie ont depuis longtemps abandonnées :

« Oh ! j’ai eu une douloureuse nuit. Je suis plus mal ce matin. J’ai essayé de me soulever ; je ne le puis. Des songes auxquels je ne suis point habitué m’ont tourmenté toute la nuit. »

Alors le malheureux parent s’approche de l’oreiller du malade, et voit qu’un étrange changement s’est opéré sur ses traits : il comprend que le terrible moment approche, que Dieu a voulu que l’idole de son affection fût brisée ; il courbe la tête, et se soumet à la sentence qu’il n’a pu éviter et qui l’accable.

Heureuse mistress Pryor ! elle priait encore, ne s’apercevant pas que le soleil d’été dorait déjà de ses rayons le sommet des montagnes, lorsque son enfant s’éveilla doucement dans ses bras. Aucun de ces gémissements douloureux qui nous percent le cœur, font évanouir toutes nos résolutions de fermeté et nous arrachent des larmes, ne précéda son réveil. Aucun moment de froide apathie ne le suivit. Les premiers mots qu’elle prononça n’étaient point d’une personne qui devient étrangère à ce monde, et qui commence à s’égarer par moments en des régions inconnues aux vivants. Caroline se souvenait évidemment avec lucidité de tout ce qui était survenu.

« Maman, j’ai bien dormi. Je n’ai rêvé et je ne me suis éveillée que deux fois. »

Mistress Pryor se releva rapidement, afin que sa fille ne vit point les larmes de joie dont ce mot maman et l’heureux présage qui le suivait avaient rempli ses yeux.

Pendant plusieurs jours encore l’heureuse mère ne se réjouit qu’en tremblant. Cette première résurrection ressemblait à la lueur d’une lampe qui s’éteint : si la flamme brillait un moment, l’instant suivant elle s’obscurcissait tout à coup. L’épuisement suivait de près l’excitation.

Caroline s’efforçait constamment, d’une manière touchante, de paraître mieux ; mais souvent ses forces refusaient de seconder sa volonté ; trop souvent ses efforts pour surmonter la maladie échouaient, et vainement elle essayait de manger, de parler, de paraître joyeuse, plusieurs heures se passaient, pendant lesquelles mistress Pryor craignait que les cordes de la vie ne se retendissent jamais, bien que le temps où elles se rompraient fût différé.

Pendant ce temps, la mère et la fille furent presque entièrement laissées seules. C’était vers la fin d’août : le temps était beau, c’est-à-dire qu’il était très-sec et que la poussière était abondante, car un vent aride avait soufflé de l’est pendant tout le mois ; le ciel était tout à fait sans nuages, bien qu’une pâle brume, stationnaire dans l’atmosphère, semblât dépouiller de toute profondeur de ton l’azur du ciel, de toute fraîcheur la verdure de la terre, et de tout éclat la lumière du jour. Presque toutes les familles de Briarfield étaient absentes pour quelque excursion. Miss Keeldar et ses amis étaient au bord de la mer ; il en était de même de toute la famille Yorke. M. Hall et Louis Moore, entre lesquels paraissait être née une intimité spontanée qui était probablement le résultat d’une harmonie de vues et de tempérament, étaient partis dans le Nord pour une excursion pédestre aux lacs. Hortense elle-même, qui fût volontiers restée à la maison pour aider mistress Pryor à soigner Caroline, avait été si vivement sollicitée par miss Mann de l’accompagner de nouveau aux eaux de Wormwood-Wells, dans l’espoir d’alléger des souffrances cruellement augmentées par l’insalubrité du temps, qu’elle s’était crue forcée de consentir : d’ailleurs, il n’était pas dans sa nature de refuser une demande qui s’adressait à la fois à la bonté de son cœur, et, par une confession de dépendance, flattait son amour-propre. Quant à Robert, de Birmingham il s’était rendu à Londres, où il était encore.

Aussi longtemps que le souffle des déserts asiatiques dessécha les lèvres de Caroline et enflamma ses veines, sa convalescence physique ne put marcher d’un pas égal avec le retour de sa tranquillité mentale ; mais il vint un jour où le vent cessa de gémir contre le pignon est de la rectorerie et à travers la fenêtre de l’église qui regardait le levant. Un petit nuage large comme la main s’éleva vers l’ouest ; le vent, soufflant de ce même côté, l’élargit bientôt ; la pluie et la tempête prévalurent un instant, après lesquels le soleil se montra radieux ; le ciel avait retrouvé la pureté de son azur et la terre sa verdure. La livide teinte du choléra avait abandonné la face de la nature : les montagnes se dressaient claires, à l’horizon dépouillé de ce pâle brouillard de malaria.

La jeunesse de Caroline, les tendres soins de sa mère, joints au bienfait de ce vent pur que Dieu, dans sa miséricorde, faisait souffler doux et frais à travers la fenêtre toujours ouverte de sa chambre, ranimèrent son énergie depuis longtemps languissante. Enfin, mistress Pryor vit qu’il lui était permis d’espérer ; une bonne et franche convalescence avait commencé. Non-seulement le sourire de Caroline était plus doux et son humeur plus gaie, mais son visage et son œil avaient perdu une certaine expression, une expression redoutée et indescriptible, mais que se rappelleront aisément ceux qui ont veillé au chevet de malades en danger. Longtemps avant que l’émaciation de ses traits disparût, ou que la couleur retournât à ses joues, un plus subtil changement s’opéra ; tout dans sa physionomie devint plus chaud et plus doux. Au lieu d’un masque de marbre et d’un œil vitreux, mistress Pryor vit sur l’oreiller un visage encore assez pâle et dévasté, plus hagard peut-être que l’autre, mais moins terrible ; car c’était une jeune fille malade et vivante, non un simple masque blanc ou une roide statue.

Alors elle ne demandait plus sans cesse à boire. Les mots : « J’ai soif, » cessèrent d’être sa plainte. Quelquefois, lorsqu’elle avait avalé un morceau, elle disait qu’elle se sentait revivre : elle n’éprouvait plus de dégoût à entendre parler de nourriture, et commençait à indiquer ses préférences. Avec quel plaisir et quel soin rempli d’amitié, sa mère préparait ce qu’elle avait choisi !

La nourriture ramena les forces. Elle put enfin se tenir levée. Elle désirait ardemment respirer l’air pur, visiter ses fleurs et voir si le fruit mûrissait. Son oncle, toujours libéral, avait acheté une chaise de jardin pour elle. Il descendit Caroline dans ses propres bras, la plaça lui-même dans la chaise, et William Farren, qui avait été appelé, fut chargé de la promener le long des allées, pour lui montrer ce qu’il avait fait pour ses plantes et prendre ses instructions pour le travail à venir.

William et elle avaient beaucoup de choses à se dire : il y avait une douzaine de sujets qui, sans importance pour le reste du monde, les intéressaient l’un et l’autre. Ils prenaient tous deux le même intérêt pour les animaux, les oiseaux, les insectes et les plantes ; ils professaient des doctrines pareilles sur l’humanité et la création inférieure, et étaient portés l’un et l’autre aux minutieuses observations sur l’histoire naturelle. Les habitudes et les mœurs de quelques abeilles de terre qui avaient creusé leur demeure sous un vieux cerisier étaient un sujet plein d’intérêt ; la retraite de certains verdiers et la sécurité d’œufs ressemblant à des perles et de petits oiseaux à peine éclos en étaient un autre.

Si le Journal de Chambers avait existé alors, il eût bien certainement été le périodique favori de miss Helstone et de Farren. Elle aurait souscrit, et lui eût régulièrement prêté les numéros. Tous deux eussent ajouté une foi implicite et trouvé grande saveur dans ses merveilleuses anecdotes sur la sagacité des animaux.

Ceci est une digression ; mais elle sert à expliquer pourquoi Caroline ne voulait pas d’autre main que celle de Farren pour diriger sa chaise, et pourquoi la société et la conversation de ce dernier donnaient un suffisant intérêt à ses promenades au jardin.

Mistress Pryor, se promenant près d’elle, s’étonnait de voir sa fille si parfaitement à l’aise avec un homme du peuple. Elle trouvait qu’il lui était impossible de parler à cet homme autrement qu’avec une certaine roideur. Il lui semblait qu’un abîme séparât sa caste de la sienne, et que traverser cet abîme ou faire la moitié du chemin serait se dégrader. Elle dit doucement à Caroline :

« N’êtes-vous pas effrayée, ma chère, de converser si librement avec cet homme ? Cela peut le rendre présomptueux et ennuyeusement bavard.

— William présomptueux, maman ? vous ne le connaissez pas. Il n’a jamais de présomption : il est à la fois trop fier et trop sensé pour cela. William a de beaux sentiments. »

Et mistress Pryor sourit d’un air sceptique à la naïve jeune fille qui trouvait que cet homme aux mains calleuses, à la tête rude, aux vêtements rustiques, avait de beaux sentiments.

Farren, de son côté, montrait à mistress Prior un front très-renfrogné. Il savait qu’il était mal jugé, et avait coutume de se montrer peu traitable pour ceux qui ne lui rendaient pas justice.

La soirée restituait entièrement Caroline à sa mère, et mistress Pryor aimait la soirée : car alors, seule avec sa fille, aucune ombre humaine ne venait s’interposer entre elle et l’objet qu’elle chérissait. Pendant le jour, elle pouvait avoir la physionomie empesée et les manières froides qui lui étaient habituelles ; entre elle et M. Helstone, les rapports étaient très-respectueux, mais des plus cérémonieux. Tout ce qui aurait ressemblé à de la familiarité n’eût pas manqué d’engendrer le mépris chez l’un ou l’autre de ces deux personnages ; mais au moyen d’une stricte politesse, et en gardant bien les distances, tout allait fort bien entre eux.

Vis-à-vis des domestiques, la conduite de mistress Pryor n’était pas incivile, mais réservée et glaciale. Peut-être était-ce plutôt la défiance que l’orgueil qui la faisait paraître si hautaine : mais, ainsi qu’on devait l’attendre, Fanny et Élisa ne firent pas cette distinction, et elle devint tout à fait impopulaire auprès d’elles. Mistress Pryor s’aperçut de l’effet produit : cela la rendait par moments mécontente d’elle-même pour des défauts qu’elle ne pouvait corriger, et par-dessus tout, morose, froide, taciturne.

Cette disposition cédait à l’influence de Caroline, mais à cette influence seulement. Les tendres soins et la naturelle affection de son enfant agissaient doucement sur elle. Sa froideur disparaissait, sa rigidité cédait : elle devenait souriante et flexible. Non que Caroline fit une verbeuse profession d’amour filial ; cela n’eût pas convenu à mistress Pryor : elle n’y eût vu qu’une preuve de dissimulation ; mais sa fille s’attachait à elle avec une soumission facile ; elle se confiait à elle sans réserve et sans crainte : cela contentait son cœur de mère.

Elle aimait à entendre sa fille lui dire : « Maman, faites ceci ; je vous en prie, maman, allez me chercher cela ; maman, lisez-moi quelque chose ; chantez un peu, maman. »

Jamais personne, aucun être vivant, n’avait réclamé ses services, n’avait cherché ainsi l’appui de sa main. Les autres personnes étaient toujours plus ou moins roides et réservées avec elle, de même qu’elle se montrait roide et réservée à leur égard. Les autres personnes connaissaient son côté faible et le lui faisaient sentir : Caroline ne montrait pas plus cette sagacité blessante en ce moment qu’elle ne l’avait fait lorsqu’elle était à la mamelle.

Cependant Caroline trouvait des défauts chez sa mère. Aveugle pour les défauts constitutionnels, qui étaient incurables, elle avait les yeux grands ouverts sur les habitudes acquises, qui étaient susceptibles de remèdes. Sur certains points elle se permettait de réprimander librement sa mère, et celle-ci, au lieu de se sentir blessée, éprouvait une sensation de plaisir en découvrant que sa fille osait lui faire des remontrances, qu’elle se montrait si peu gênée avec elle.

« Maman, je ne veux plus que vous portiez cette vieille robe ; elle n’est plus de mode, la jupe en est trop étroite. Vous mettrez votre robe de soie noire toutes les après-midi ; avec celle-là vous paraissez gentille : elle vous va bien. Vous aurez pour les dimanches une robe de satin, de vrai satin. Et souvenez-vous, maman, que, lorsque vous aurez cette robe nouvelle, il vous faudra la porter.

— Ma chérie, je pensais que ma robe de soie noire pourrait me servir encore plusieurs années, et j’avais l’intention d’acheter pour vous différentes choses.

— C’est inutile, maman. Mon oncle me donne de l’argent pour acheter ce qui m’est nécessaire : vous savez qu’il est assez généreux ; je me suis mis dans la tête de vous voir habillée en satin noir. Achetez-la donc promptement, et faites-la faire par une couturière que je vous recommanderai. Vous vous habillez toujours comme une grand’mère : vous semblez vouloir faire croire que vous êtes vieille et laide ; ce qui n’est pas. Au contraire, lorsque vous êtes joyeuse et bien habillée, vous êtes vraiment très-bien. Votre sourire est si agréable, vos dents sont si blanches, vos cheveux sont encore d’une si jolie nuance ! Et puis vous parlez comme une jeune lady, d’un son de voix si clair et si doux ! et vous chantez mieux que je n’ai jamais entendu chanter aucune jeune lady. Pourquoi, maman, portez-vous des robes et des chapeaux comme personne n’en porte ?

— Est-ce que cela vous chagrine, Caroline ?

— Beaucoup ; cela me vexe même. Les gens disent que vous êtes avare, et cependant vous ne l’êtes pas, car vous donnez libéralement aux pauvres et aux sociétés religieuses, quoique vos aumônes soient données si secrètement que peu de personnes les connaissent, excepté celles qui les reçoivent. Mais je veux me faire moi-même votre femme de chambre : lorsque je serai un peu plus forte, je me mettrai à l’œuvre, et il faut que vous soyez bonne, maman, et que vous fassiez ce que je vous ordonnerai. »

Et Caroline s’asseyait près de sa mère, dont elle arrangeait le mouchoir de mousseline et lissait les cheveux.

« Ma propre mère, continuait-elle, comme se plaisant à la pensée de leur parenté, qui est à moi et à laquelle j’appartiens ! Maintenant je suis une fille riche : j’ai quelque chose à aimer, et que je puis aimer sans crainte. Maman, qui vous a donné cette petite broche ? laissez-moi l’ôter et l’examiner. »

Mistress Pryor, qui ordinairement n’aimait pas l’approche de mains étrangères, la laissa faire avec complaisance.

« Est-ce papa qui vous l’a donnée, maman ?

— Elle m’a été donnée par ma sœur, mon unique sœur Cary. Plût à Dieu que votre tante Caroline eût vécu assez pour voir sa nièce !

— N’avez-vous rien de papa ? aucun bijou, aucun cadeau ?

— Je n’ai qu’une chose.

— À laquelle vous tenez ?

— À laquelle je tiens.

— Précieuse et jolie ?

— Inestimable et douce pour moi.

— Montrez-la moi, maman. Est-ce que vous l’avez ici, ou bien est-elle à Fieldhead ?

— Elle me parle maintenant en s’appuyant sur moi et en m’enlaçant dans ses bras.

— Ah ! maman, vous voulez parler de votre ennuyeuse fille, qui ne vous laisse jamais un instant de repos ; qui, lorsque vous vous retirez dans votre chambre, ne peut s’empêcher de courir vous y chercher ; qui monte et descend après vous l’escalier comme un chien.

— Dont les traits me font frissonner parfois. Il me semble encore que votre père me regarde, mon enfant.

— Oh ! maman, je suis bien affligée que papa n’ait pas été bon : je voudrais tant qu’il l’eût été ! La méchanceté détruit et empoisonne les plus agréables choses ; elle tue l’amour. Si vous et moi nous nous croyions réciproquement méchantes, nous ne pourrions nous aimer, n’est-ce pas ?

— Et si nous ne pouvions avoir de confiance l’une en l’autre, Cary ?

— Combien nous serions alors malheureuses ! Maman, avant de vous connaître, j’avais l’appréhension que vous ne fussiez pas bonne, et que je ne pusse pas vous estimer : cette crainte affaiblissait mon désir de vous connaître ; et maintenant mon cœur est content, parce que je vous ai trouvée presque parfaite, aimable, jolie, remarquable. Votre seul défaut est d’être à l’ancienne mode, et je vous en guérirai. Maman, laissez là votre ouvrage : lisez-moi quelque chose. J’aime votre accent méridional ; il est si doux et si pur ! Mon oncle et M. Hall disent que vous êtes une belle lectrice. M. Hall dit qu’il n’a jamais entendu une lady lire avec une telle propriété d’expression et une semblable pureté d’accent.

— Je voudrais pouvoir lui renvoyer le compliment, Cary ; mais, vraiment, la première fois que j’entendis votre excellent ami lire et prêcher, j’eus peine à comprendre sa rude langue du Nord.

— Et moi, avez-vous pu me comprendre, maman ? vous a-t-il semblé que je parlais rudement ?

— Non ; je l’aurais presque voulu, cependant, comme j’aurais voulu vous voir l’air grossier et rustique. Votre père, Caroline, parlait naturellement bien, tout autrement que votre oncle : sa parole était correcte, aimable, douce. Vous avez hérité de cette qualité.

— Pauvre papa ! avec tant de brillantes qualités, pourquoi n’était-il pas bon ?

— Pourquoi ? c’est ce que je ne puis dire : c’est un profond mystère dont la clef est entre les mains de son créateur, et je l’y laisse.

— Maman, prenez votre tricot, et mettez de côté votre travail de couture. Je le déteste : il encombre vos genoux dont j’ai besoin pour placer ma tête ; il occupe vos yeux, et j’ai besoin de les voir fixés sur un livre. Voilà votre livre favori : Cowper. »

Ces importunités faisaient le bonheur de cette mère. Si quelquefois elle différait d’y céder, c’était afin de les entendre répéter et pour jouir des douces instances, moitié enjouées, moitié pétulantes, de son enfant. Et lorsqu’elle cédait, Caroline lui disait d’un ton espiègle :

« Vous me gâterez, maman. J’ai toujours pensé que j’aimerais à être gâtée, et je trouve que c’est très-doux. »

Et mistress Pryor traitait sa fille en enfant gâtée.