Sérénade mélancolique

Les Ailes d’or : poésies nouvelles, 1878-1880Bibliothèque-Charpentier (p. 137-139).

SÉRÉNADE MÉLANCOLIQUE

Viens entendre sous la feuillée
La dernière chanson des nids
Et les murmures infinis
De la forêt ensommeillée.
Tout se taira dans un instant,
Sous la grande aile du silence
Qui, dans l’air tiède encor, balance
Des doux rêves l’essaim flottant.

— Dans la brise qui pleure,
Ô mon amour,
Écoute passer l’heure
Où fuit le jour !

Viens t’enivrer, dans la prairie ;
Du dernier parfum de ses fleurs.
Quand l’Aube y posera ses pleurs
Plus d’une, hélas ! sera flétrie,
Sur l’herbe où l’insecte s’endort
Quand aux cieux s’ouvrent les étoiles
L’ombre étend ses premières toiles,
Se referment les boutons d’or.

— Au versant de la plaine
Où vient la nuit,
Respire encore l’haleine
Du jour qui fuit !

Viens contempler dans la vallée
Le dernier éclat du couchant.
La lune, à l’horizon penchant,
De blanches vapeurs est voilée ;
Et parmi l’extase du soir,
On dirait qu’au bord de la nue
Une main divine est venue
Allumer un large encensoir.

— Regarde, bien-aimée,
Au ciel lointain,
Remonter la fumée
Du jour éteint !