Éditions Beauchemin (p. 161-171).

HARRY BERNARD

LA FERME DES PINS[1]




Le problème des races est l’un des thèmes les plus fertiles du roman canadien. Il peut en être le plus tragique. Tantôt il se déroule dans le domaine des événements publics, et tantôt dans le champ clos de la conscience. Et c’est lorsqu’il se pose dans la conscience même qu’il offre plus ample matière à la psychologie, aux analyses d’âme, aux conflits douloureux des sentiments. M. Harry Bernard s’en est avisé, et il vient d’écrire sur ce thème psychologique son quatrième roman.

La scène est située dans les Cantons de l’Est. Et le lieu est vraiment bien choisi. Ces Cantons furent autrefois attribués par une prudente politique des Anglais à des colons de langue anglaise. Ils devaient constituer dans notre province comme une réserve inépuisable de vie et d’influence anglo-saxonnes. Des loyalistes qui avaient fui la révolution américaine, des soldats heureux de l’armée britannique y avaient, à la fin du dix-huitième siècle, constitué les premiers noyaux d’une agglomération anglaise. Et peu à peu s’était fortifiée dans ces régions propres à la culture, relevées de montagnes pittoresques, parsemées de lacs, sillonnées de rivières, une population qui semblait assurer à la politique anglaise de nos gouvernants un appoint solide.

On sait ce qu’il advint, et comment peu à peu le bloc des Cantons fut entamé par des colons de langue française, et comment les familles canadiennes-françaises, avec leur puissante natalité, se répandirent comme un flot irrésistible à travers les réserves anglaises. La famille canadienne-française, abondante, et par la seule force naturelle et pacifique de son expansion, cerna, contourna, chassa la famille anglaise devenue, par ses foyers trop stériles, incapable de garder ses positions. On prévoit que dans un tel milieu où s’affrontent par de tels moyens de conquête deux races ambitieuses, il y a place pour les plus beaux et les plus douloureux romans.

James Robertson est le créateur de la Ferme des Pins. Né à Liverpool, venu de bonne heure au Canada, garçon de ferme dans les Cantons, à Saint-Valérien, chez un Canadien français ; heureux dans le milieu où il vit, il économise, il achète le coteau des Pins, y établit sa ferme, et il épouse la fille de son patron, Adrienne Rocque. Il fonde un foyer qui sera fatalement un foyer de langue française. Lui-même, James Robertson, a appris la langue française que l’on parle partout à Saint-Valérien ; et si les enfants ont appris de lui l’anglais, et s’ils causent volontiers avec lui en anglais, ils ne parlent entre eux que le français, qui est leur langue maternelle. Ils n’ont guère d’anglais que le nom, leur âme étant façonnée au foyer et au village selon les habitudes et les traditions canadiennes-françaises.

James Robertson s’est facilement résigné à cette assimilation inévitable. Mais, en réalité, il ne fut pas heureux dans sa maison. Il éprouva souvent toute la distance spirituelle qui sépare d’une âme saxonne l’âme française. Pas de conflits extérieurs ni de querelles avec Adrienne Rocque, sa femme ; mais des façons de penser et de juger, des manifestations de tempérament et de caractère, qui, provenant du sang et de la race, opposèrent tacitement les âmes. Le romancier, d’ailleurs, n’entre ici dans aucun détail. Il ne fait qu’affirmer des états de conscience que l’on devine, pour établir sur cette psychologie la donnée essentielle du roman.

Adrienne Rocque meurt après vingt-cinq ans de mariage, alors que les enfants ont grandi sous son influence prépondérante, accrue et fortifiée par le milieu social ; et c’est après la mort de sa femme que James Robertson essaie de reprendre à la vie française ses fils. Il consent que Thérèse, sa fille, qui est déjà mariée a Jean Leroy, et qui a quatre enfants qu’il adore, soit perdue pour l’influence et la survivance anglaises ; mais il veut que ses fils qui sont les héritiers du nom soient aussi les mainteneurs de la langue et de la race. Et c’est ici que commence la tragédie familiale.

Ses fils veulent épouser des Canadiennes françaises. C’est Philippe d’abord ; mais Philippe doit renoncer à son amour ou quitter la maison. Il quitte, s’en va, et dix mois plus tard on trouve son cadavre sur le remblai d’un chemin de fer, quelque part au Manitoba. Puis c’est Georges, l’aîné, qui fréquente Madeleine Riendeau. Mais cette fois James Robertson comprend qu’il y a d’irrésistibles courants qu’il est inutile de vouloir remonter ; il consentira donc à ce que Georges épouse Madeleine. C’est avec le dernier de ses fils, Robert, qui a quinze ans, qu’il essaiera de refaire l’âme des Robertson. Un jour il amorce avec l’enfant, qui n’y comprend rien, la périlleuse conversation. Il ne trouve pas en Robert, canadianisé, la force de rebondissement de la race. Il faudra donc l’arracher au milieu où il a grandi. James Robertson, qui a soixante-cinq ans, achètera une ferme dans l’Ontario, près de Kingston, et c’est là qu’il se propose de replonger, pour lui faire retrouver ses vertus natives, l’âme assimilée des Robertson. Et le roman finit par le consentement au mariage de Georges avec Madeleine, sans que l’on sache d’ailleurs si Robert qui a déjà paru bien indifférent au patriotisme exalté de son père, consentira à s’éloigner du canton natal et de tous les siens, pour suivre en province anglaise le sauveur attardé de sa race.

La thèse de M. Harry Bernard, celle-là du moins qu’il explique dans la Ferme des Pins, peut paraître plausible. C’est le ressaisissement d’une âme qui, à soixante-cinq ans, veut refaire sa vie manquée, qu’elle estime manquée, pour assurer à de tardives ambitions ataviques leur survivance.

Rien de plus légitime que l’existence de telles ambitions ; mais rien de plus périlleux dans la vie, comme dans le roman — et il faudrait plutôt écrire ici, dans le roman comme dans la vie — que d’avoir renoncé une fois à ces ambitions pour fonder un foyer, et que de vouloir sur le tard, trop tard, recommencer au prix du bonheur de ses enfants un patriotisme devenu discutable, sinon chimérique.

J’aurais préféré, pour ma part, que le problème fût posé autrement à la ferme des Pins. Et je me serais davantage intéressé à la lutte d’un père et d’une mère, anglais tous les deux, contre les déviations possibles du patriotisme chez des enfants totalement anglais, mais plongés dans le milieu canadien-français de Saint-Valérien, et sollicités par des intérêts ou des amours qui ne s’accordent pas avec les ambitions ou les devoirs de la race. Ainsi posé, le problème ne s’affaiblit pas de tout l’odieux qu’il peut y avoir après trente-cinq ans, à contrarier, à persécuter les sympathies, les affinités françaises d’enfants qui, par les deux sangs qu’ils portent dans leurs veines, sont tout autant français qu’anglais. Il faut éviter que le patriotisme devienne ou paraisse être un tardif caprice, si l’on veut qu’il soit agréé du lecteur. Il y a dans la vie de tels actes que l’on pose, comme celui d’un mariage mixte, qui modifient singulièrement les devoirs du nationalisme. Et à méconnaître cette loi, le romancier s’expose à créer de l’antipathie autour d’un personnage qu’il voudrait sympathique. La Ferme des Pins transpose sur un plan contraire, quoique de façon moins violente, le problème assez faux de l’Appel de la Race.

James Robertson a pourtant une âme forte, que l’on voudrait aimer. Il est pétri d’une rude argile, et le romancier a voulu personnifier en lui, et jusque dans ses brusqueries, l’instinct de conservation qu’il faut louer en toute vie humaine. Il ne nous déplaît pas sans doute de voir cet instinct éprouver aux Cantons de l’Est, et pour les causes que l’on sait, un fatal échec. Mais comme nous aurions aimé le voir, à la Ferme des Pins, se heurter avec de plus justes raisons aux influences irrésistibles de nos familles canadiennes-françaises ! Cela eût été de la belle et tragique réalité. Nous aurions eu un meilleur roman canadien.

Oui, peut-être ! Nous l’aurions eu, mais à la condition encore que l’auteur du roman se fût davantage soucié de l’art de composer, d’agencer, de construire et d’écrire.

Monsieur Harry Bernard est doué d’un talent facile qui le perdra, s’il ne s’applique pas davantage à le discipliner. Je ne pense pas que nous ayons à l’heure qu’il est un romancier qui soit plus que lui inventif, plus que lui observateur des réalités, plus que lui capable de créer des épisodes, de multiplier des incidents, de surprendre dans la nature aussi bien que dans les âmes le détail pittoresque. Il remplit de ses inventions, de ses trouvailles les pages du roman ; et nous reconnaissons en elles tant de choses de la terre et de la vie canadienne que notre œil distrait ne voit ou ne fixe pas assez ! Harry Bernard et Georges Bugnet, l’auteur de Nipsya et du Pin du Maskeg, — celui-ci avec un art plus surveillé — sont aujourd’hui les deux plus fertiles créateurs du roman canadien.

Mais il nous semble que la Ferme des Pins, qui contient de si précieux matériaux, n’est pas le roman artistement conçu et solidement construit que l’on voudrait lire. Il y a trop de longueurs dans les récits, dans les analyses, dans les situations, et trop de redites. Trop de redites à cause même des défectuosités du plan. L’intérêt essentiel s’amorce trop lentement, et l’on voudrait que l’auteur eût commencé son livre par le chapitre quatrième, — in medias res — par la scène violente qui brise Philippe, qui pose la thèse du roman et qui définit l’âme de James Robertson. D’autre part, le roman a le grave défaut de ne pas finir, de laisser le lecteur dans l’incertitude, de ne pas l’avertir assez de ce qui arrivera du projet de transplanter Robert dans l’Ontario.

C’est une des méthodes contestables de M. Bernard de procéder par des approches trop détournées, parfois décevantes — deux fois il est question de façon inintelligible de la fameuse scène de Philippe, avant que l’on sache de quoi il s’agit — et de placer l’intérêt du roman dans des secrets, des mystifications, des cachotteries d’intrigues où il ne peut être.

Qu’on relise à ce point de vue la première visite de James Robertson à Miss Parker, ou bien son prétendu voyage à Sherbrooke, et même la bizarre embuscade au verger des Riendeau.

Mais si Harry Bernard ne sait pas assez ramasser les éléments du drame, ni assez les coordonner, il dessine avec une suffisante fermeté la ligne des caractères, la silhouette de ses personnages. Non pas qu’il s’applique à composer des portraits psychologiques où se condense l’âme des héros ; il laisse plutôt ou plus volontiers les paroles, les démarches, les événements révéler les personnages et les faire paraître fidèles à eux-mêmes. Ainsi fait-il pour James Robertson, l’anglais bourru et irrité par la vie ; et c’est de cette même façon que peu à peu se détache en relief le caractère de Georges, jeune homme qui n’a rien des passions patriotiques de son père, sage et complaisant, d’éducation toute canadienne-française, et qui ne songe qu’à épouser un jour Madeleine Riendeau.

Celle-ci, d’ailleurs, est le personnage faible du roman. Ses désolations, à la pensée que son mariage pourrait être contrecarré par le vieux Robertson, sont pour le moins exagérées. On n’est pas habitué à voir une robuste paysanne, de dix-neuf ans, jeune fille forte et raisonnable, qui avant même de heurter l’obstacle possible à son mariage — obstacle d’ailleurs ici imaginaire — s’enferme tout à coup dans une impénétrable douleur, pleure pendant dix jours, — « elle pleure éperdument comme si son cœur entier devait couler dans ses larmes » — s’alite, s’isole, ne veut plus voir Georges qui se présente chaque jour, jusqu’à ce qu’enfin elle consente à le recevoir et à discuter avec lui les raisons de sa douleur. Tout cela est bien long et paraît bien factice. L’auteur, ici encore, a trop tardé à poser franchement le problème. Une grande partie du chapitre VII est employée par Georges et Madeleine à disserter dans le vague et l’abstrait sur l’épreuve, et ce n’est qu’au chapitre VIII que la question est enfin et précisément abordée. Et toutes ces discussions sont bien près de paraître oiseuses au lecteur, puisque celui-ci est déjà averti que James Robertson ne s’oppose pas au mariage de Georges et de Madeleine.

On préfère au portrait de Madeleine celui de Miss Parker. L’auteur a bien dessiné cette vieille Miss anglaise, rare survivante du groupe anglais d’Upton, et qui reste pour être une raisonnable dispensatrice de bons conseils à ses compatriotes. Tout ce que l’on peut reprocher à M. Harry Bernard, au moment où il lui envoie James Robertson, c’est de laisser entendre au lecteur trompé qu’elle pourrait n’être qu’une ancienne demoiselle qui attend encore un veuf, et que Robertson, qui a fait grande toilette pour cette visite, s’en va faire sa grand’demande.

Mais tout ce que nous croyons être des défauts de construction du roman, y compris la quasi invraisemblance d’un paysan anglais qui à soixante-cinq ans, et dans les circonstances que l’on sait, entreprend d’arracher ses fils à leur vie française, et veut recommencer la sienne dans l’Ontario, toutes ces faiblesses sont peut-être moins graves que la volontaire négligence de style dont est coupable M. Harry Bernard. L’art compte tout de même dans une œuvre littéraire, et beaucoup, puisque ce n’est que par lui seul que l’œuvre peut vivre et durer.

M. Harry Bernard a des dons excellents d’écrivain. Il est vif, clair, rapide, entraînant. Sa phrase est plutôt courte ; elle exprime directement la pensée, sans la voiler ou l’affaiblir : elle n’est pas quelque chose qui s’interpose entre l’idée qu’elle porte et le lecteur. Elle ne fait jamais écran. Elle est sincère.

Mais cette phrase alerte ne se soucie pas toujours assez de cette parure nécessaire qui est la propriété des termes, la variété des tours, et parfois la correction même de la syntaxe. Elle ne se soucie pas assez de cette autre parure qu’est l’élégance, l’harmonie suffisante, la grâce aisée et souple de la forme. C’est tout cela qui donne au style sa valeur d’art.

Il y a peut-être trop — que M. Bernard me pardonne de le dire — il y a peut-être trop du journaliste pressé dans l’auteur de la Ferme des Pins. Est-ce lui, le journaliste pressé, qui écrit : « Le but de l’administration anglaise sous l’impulsion de l’atrabilaire Craig, qui était de faire des Cantons de l’Est un centre d’influence anglaise, se trouva manqué »[2]. Il eût été si facile d’écrire avec plus de soin et plus clairement : Le but de l’administration anglaise qui était, sous l’impulsion de Craig, de faire… Et voyez cette autre, phrase au qui tardif[3] : « Ils étaient engagés tous les trois dans le chemin herbeux, à peine large comme une charrette, creusé d’ornières et de traces laissées par le sabot des vaches, qui traverse la terre dans le sens de la longueur ». — Et l’on peut multiplier les exemples de ce genre d’écrire, où la négligence peut aller jusqu’à l’équivoque. Est-ce le sabot des vaches qui traverse la terre… ?

M. Bernard a le style rapide. C’est pour augmenter sa vitesse qu’il pratique l’usage désagréable de supprimer habituellement le pronom il devant un deuxième verbe narratif qui souvent en aurait besoin. Citons entre cent : « Il se plaisait avec les garçons, ceux qui restaient, continuerait de vivre avec eux.[4] » — « Il (l’amour) était venu, n’avait été qu’amertume[5]. »

Besoin illégitime de rapidité qui fait aussi supprimer des prépositions nécessaires : « Le soleil luit pour tout le monde, les petits comme les gros.[6] » Il fallait : pour les petits comme pour les gros.

Je n’ose appuyer sur les impropriétés trop nombreuses du vocabulaire de M. Bernard. Ici, ce sont des vergers qui confirment : « d’immenses vergers venaient… confirmer ses déductions[7]. » — Là, c’est un rapide qui obstrue la rivière[8]. — Ailleurs, c’est la rivière « qui se cabre… à la rencontre de quatre îles successives[9]. » Plus loin, c’est le nom de Robertson qui s’étiole[10]. Ou encore, c’est accaparer qui se substitue à conquérir ou assimiler[11]. Sans compter cette autre impropriété qui constitue un non-sens : « la bonne terre qui nourrit les grains et les fruits, les plantes, les animaux et au delà d’eux tous les humains[12]. » Et qui ne préférerait un aspect sauvage à un aspect de sauvagerie pour qualifier un paysage[13] ?

Quand de telles impropriétés et de telles négligences se multiplient dans un livre, elles empêchent qu’on ne puisse dire que le livre est bien écrit, et elles ôtent à ce livre une large part de sa valeur éducative.

M. Harry Bernard aime, adore le parler populaire, le parler fruste, abrégé, syncopé, des bonnes gens ; il se complaît jusqu’en ses trivialités, et ne dédaigne pas d’en émailler les conversations. Il estime que cela donne du cachet, de la couleur à la peinture de la vie paysanne. Le procédé peut être louable, pourvu qu’on en use avec modération. Il est au surplus périlleux. Il expose à des infidélités ou à des variations arbitraires de langage chez un même personnage. James Robertson, bien qu’anglais d’origine, connaît évidemment à fond le parler de nos gens, toutes leurs abréviations, et tous leurs vocables familiers. Il le parle habituellement, ce langage, sauf quand il s’oublie, et qu’il fait des phrases académiques. Il emploie ce parler populaire avec ses fils, paysans comme lui ; et ses fils lui répondent en une langue impeccable. Pourquoi cette différence arbitraire ? Quand on a plusieurs paysans dans un roman ils devraient tous parler la même langue. Et c’est peut-être pour cela qu’il y faudrait être très sobre de tours populaires sous peine d’écrire un livre qui ne se lit pas. Louis Hémon nous a donné à ce sujet un exemple que feraient bien d’imiter nos romanciers canadiens. Le parler populaire dans Maria Chapdelaine n’a rien qui choque le lecteur, et il donne pourtant une impression suffisante de la conversation pittoresque de nos gens.

Ce qui paraît étrange dans la Ferme des Pins, c’est que le vieux Robertson, même quand il est censé causer en anglais, par exemple avec Miss Parker, s’exprime toujours en langue française populaire. C’est une autre distraction de M. Bernard, et qui est attribuable à son goût immodéré pour la transposition du langage incorrect et parfois trivial du peuple dans la littérature.

Il vaut pourtant la peine d’y prendre garde. Car un tel goût du vulgaire peut s’aller répandre jusque dans les récits du romancier, et gâter parfois leur tenue. J’avoue n’aimer pas que l’on compare James Robertson ahuri d’apprendre la mort de son fils Philippe, à « un bœuf que la hache n’a pas tué, seulement assommé, et qui garde assez de force pour se tenir sur ses pattes…[14] »

Mais je m’excuse d’insister sur toutes ces faiblesses du dernier roman de M. Harry Bernard. C’est parce que l’auteur peut écrire une langue excellente que la critique doit lui reprocher de ne le faire pas. J’ai dit ailleurs que l’auteur de la Terre Vivante est l’une des précieuses espérances du roman canadien. Il me suffirait pour me justifier encore de citer telles ou telles pages de la Ferme des Pins : une rencontre de Georges et de Madeleine[15], la pêche aux petites grenouilles[16], la description de la plaine que traverse un jour le vieux Robertson[17], le vieil album de Miss Parker[18] les souvenirs du défricheur[19], le renouveau du printemps sous l’œil attendri de James convalescent…[20]

Ce qu’il faut surtout louer chez M. Bernard, c’est le don de l’observation, l’art de voir le détail, et de le peindre d’un trait court et net. C’est le sens du pittoresque, et c’est l’aptitude à surprendre, à retenir dans un paysage, dans une scène de la vie, ce qui est proprement caractéristique. C’est par tout cela que l’auteur de la Ferme des Pins plaît encore au lecteur ; c’est tout cela qui nous assure aussi que son talent n’a pas encore réalisé toutes ses promesses ; et c’est donc tout cela qui nous fait attendre pour demain une œuvre meilleure.

Février 1931.

  1. La Ferme des Pins. Roman, par Harry Bernard. Un vol. 216 pages. Librairie d’Action Canadienne-française, Montréal, 1930.
    Cette étude ne fait pas partie du groupe des Essais et Nouveaux Essais.
  2. P. 63.
  3. P. 72.
  4. R. 69
  5. P. 154.
  6. P. 105.
  7. P. 183.
  8. P. 43.
  9. P. 48
  10. P. 179
  11. P. 61
  12. P. 183.
  13. P. 47.
  14. P. 68.
  15. P. 56-57.
  16. P. 82.
  17. P. 93-95.
  18. P. 106-107.
  19. P. 121-123.
  20. P. 200-202.