Rivalité de Charles-Quint et de François Ier/1/02
Le conclave formé après la mort de Léon X commença le 27 décembre 1521. Trente-neuf cardinaux y entrèrent. L’élection du nouveau pape était de la dernière importance pour les deux souverains qui se disputaient l’Italie et qui étaient en lutte partout. Charles-Quint avait promis de se déclarer pour la candidature de Wolsey. Il était tenu de le faire, s’il ne voulait point encourir l’animosité de l’ambitieux cardinal et s’exposer à perdre l’appui de son maître. Aussi, dès qu’il connut la mort de Léon X, écrivit-il à Wolsey le 28 décembre : « Monsieur le cardinal mon bon ami, le chemin m’est ouvert de pouvoir démontrer le grand désir que j’ai à votre grandeur et avancement. Vous pouvez être sûr qu’il ne sera rien épargné pour parvenir à l’effet souhaité[1]. » Il lui transmit en même temps la copie de la lettre qu’il adressait à don Juan Manuel, son ambassadeur à Rome, et dans laquelle il lui disait : « Nous avons écrit à tout le sacré collège, et aux divers cardinaux en particulier, pour les exhorter à donner à la république chrétienne le pontife qui paraîtrait lui convenir le mieux, et à placer le gouvernail de la barque de saint Pierre, depuis longtemps ballottée sur les flots de la haute mer, entre les mains d’un pilote qui, par sa vertu, sa foi, son art et son adresse, sût la tirer du milieu des tempêtes et la conduisît enfin au port du salut. À notre jugement, le cardinal d’York est l’homme le plus digne du grand office pastoral. Outre sa singulière prudence et la longue habileté qu’il a acquise dans la conduite des affaires, il se recommande par les nombreuses vertus dont il est orné. Faites donc diligemment et avec dextérité, en notre nom et d’accord avec l’ambassadeur du sérénissime roi d’Angleterre notre oncle, tout ce qu’il faudra, soit auprès du conclave, soit auprès de chaque cardinal, pour que nous arrivions à cette fin désirée[2]. »
Les recommandations de l’empereur, fussent-elles sincères, ne pouvaient pas être efficaces. L’éloignement où il était de Rome lui avait fait apprendre trop tard la mort de Léon X pour qu’il intervînt assez tôt dans le choix de son successeur. D’ailleurs se souciait-il beaucoup de voir monter au trône pontifical le cardinal d’York, et ne trompait-il pas ce grand trompeur ? Au fond, il souhaitait l’élection d’un Italien du parti impérial, et par-dessus tout celle du cardinal Jules de Médicis, qui aurait maintenu activement dans son alliance et le saint-siège et la république de Florence.
Le parti impérial était le plus puissant dans le conclave. François Ier n’y disposait que de dix à douze voix. Ce prince voulait surtout écarter du pontificat un cardinal qui serait dévoué à son adversaire ; mais il ne conservait pas beaucoup d’espérance. Il savait par quelles intrigues intéressées et d’après quelles combinaisons ambitieuses se décidaient les promotions pontificales. Aussi l’ambassadeur du roi d’Angleterre, qui n’avait pas encore rompu avec lui, ayant en sa présence exprimé le vœu que les cardinaux fussent éclairés par le Saint-Esprit en élisant le nouveau pape, il ne put s’empêcher de lui dire : « Ce n’est guère la coutume à Rome de donner des voix d’après l’inspiration du Saint-Esprit[3]. » Il redoutait beaucoup la nomination du cardinal de Médicis, qui avait conduit, la croix pontificale en tête, les troupes de la ligue dans l’invasion du Milanais, et qui aurait continué contre lui la politique hostile de Léon X. Il lui donnait donc l’exclusion formelle, et il avait écrit que, si le cardinal. Jules était élu, « ni lui ni aucun de ses sujets n’obéiraient plus au saint-siège. »
Jules de Médicis, héritier de la renommée comme des projets de Léon X, tout-puissant dans Florence qu’il dirigeait, passait pour avoir préparé dans la politique et dans la guerre les succès dont il n’avait été que l’instrument et le témoin. En apprenant la mort soudaine du souverain pontife, à qui le liait une étroite parenté et qu’il représentait comme légat, il avait licencié les troupes de l’église et en toute hâte il s’était rendu à Rome. Il disposait dans le conclave du parti le plus considérable pour devenir pape ou pour en faire un à son gré. Quinze voix lui étaient entièrement dévouées[4] ; mais il en fallait vingt-six pour être élu, et il avait besoin d’en détacher onze du parti des plus anciens membres du sacré collège que dirigeaient les cardinaux Colonna, de Volterra et Trivulzio. Ceux-ci étaient bien au nombre de vingt-trois ; mais, parmi eux, se trouvaient des cardinaux attachés au parti impérial, comme Colonna, et d’autres enrôlés dans le parti français, comme Trivulzio. Tous repoussaient un Médicis, de peur que la transmission de la papauté ne devînt héréditaire dans la même famille. Beaucoup d’ailleurs, qui détestaient la mémoire de Léon X après avoir détesté son administration, avaient pour le cardinal Jules un éloignement insurmontable. Ils étaient décidés à ne point donner à l’église un chef au-dessous de cinquante ans, et, comme ils étaient presque tous vieux, dix-huit d’entre eux aspiraient à être papes[5]. Cependant aucun ne pouvait l’être sans l’adhésion du cardinal de Médicis, qui leur donnait son exclusion s’il subissait la leur.
Le pénétrant Florentin jugea bien vite qu’il ne parviendrait pas cette fois au souverain pontificat : il abandonna dès lors sa candidature avec cette rapide résolution que les cardinaux ambitieux doivent avoir et savent montrer dans les conclaves ; mais, s’il renonça à être pape, il voulut au moins en faire un. Il proposa plusieurs cardinaux, qui furent successivement repoussés par le parti des vingt-trois. Ayant alors porté ses voix sur le Romain Alexandre Farnèse, dont l’âge n’était pas à leurs yeux un obstacle, avec le fils duquel et la fille de Lorenzino de Médicis il avait concerté un mariage, et qui de plus s’était engagé non-seulement à lui conserver sa puissance, mais à l’accroître, il fut sur le point de réussir. Farnèse réunit jusqu’à vingt-deux voix : il ne lui en fallait plus que quatre[6] ; mais les cardinaux de Volterra et Colonna se montrèrent les adversaires inflexibles de Farnèse, à cause même de son union avec le cardinal de Médicis[7]. Rapproché un moment du trône pontifical, où il ne monta que douze ans plus tard, Farnèse fut délaissé. Wolsey lui-même, après avoir été ballotté et avoir obtenu neuf voix[8], succomba à son tour, parce qu’on le déclara trop jeune, qu’on le crut disposé à faire des réformes, et qu’on craignit qu’il n’établît en Angleterre le siège de son pontificat.
On désespérait dans le conclave de nommer un pape. Le parti des vieux cardinaux ne voulait accepter aucun des candidats du parti des jeunes, et celui-ci se refusait à élire un cardinal du parti des vieux. Les exclusions étaient si décidées et si persévérantes que le 9 janvier, après quatorze jours d’infructueuses tentatives, les diverses combinaisons semblant épuisées, on regardait comme inutile d’ouvrir le scrutin. Ce jour-là, le cardinal de Médicis tenta un coup hardi. Il était fort troublé de ce qui était survenu en Italie depuis la mort de Léon X. Libres de leurs engagemens et privés désormais de leur solde, les Suisses enrôlés au service de la papauté avaient quitté la Lombardie pour retourner dans leur pays. L’état de l’église était à l’abandon. Des soulèvemens y avaient éclaté contre la cour de Rome. Tous les petits potentats que Léon X avait dépouillés de leurs possessions profitaient de l’interrègne pontifical pour les reprendre. Marie de La Rovere venait de reconquérir son duché d’Urbin et de Pesaro, qui, après la mort de Lorenzino, avait été annexé au saint-siège. Jean-Marie Varano était rentré dans Camerino, d’où il avait été précédemment expulsé. Les deux frères Malatesta et Orazio Baglioni avaient marché vers Pérouse et s’en étaient emparés. La réaction territoriale menaçait de s’étendre à Modène et à Reggio, que le duc de Ferrare revendiquait les armes à la main, et que Vitello et Guido Rangoni défendaient à la tête de quelques troupes. Elle pouvait même faire perdre les villes si nouvellement acquises de Parme et de Plaisance, bien qu’elles fussent assez attachées au saint-siège, et que le commissaire pontifical Guicciardini gardât la plus importante des deux avec une habileté vigilante.
Sachant Urbin, Pesaro, Camerino, Pérouse perdus, Modène et Reggio menacés, le cardinal de Médicis apprit de plus avec effroi que l’agitation gagnait Sienne et se rapprochait de Florence, où sa famille, après être descendue du saint-siège, pouvait être dépossédée du gouvernement de la république. Il fallait sortir de cet état dangereux[9] en pourvoyant tout de suite à la vacance de la chaire apostolique, Jules de Médicis était dans cette disposition lorsque deux des vieux cardinaux, le cardinal del Monte, évêque d’Albano, et le cardinal Thomas de Vio, de l’ordre des dominicains, célèbres le premier comme profond canoniste, le second comme savant théologien, le conjurèrent de mettre un terme à cette situation aussi compromettante pour le sacré collège que fâcheuse à l’église. Ils lui demandèrent de rendre la liberté à ses amis, en leur permettant de nommer un pape dont l’âge, les mœurs, la doctrine, convinssent aux intérêts du saint-siège et aux besoins de la chrétienté. Le cardinal Jules déclara qu’il était prêt à le faire. Il dit qu’il montrerait son zèle pour l’église en choisissant un personnage bien propre à la servir et à l’honorer, et il ajouta que si les vieux cardinaux ne l’acceptaient point, ils laisseraient voir leur intraitable esprit de contention et l’aveugle malignité de leurs desseins[10]. Il persuada aux siens de porter leurs votes sur un cardinal que recommandaient également son savoir étendu, sa solide piété, sa ferme orthodoxie et son infaillible attachement au parti impérial. Il leur désigna en même temps l’ancien doyen de théologie de Louvain, le Néerlandais Adrien Florisse, qui avait été précepteur de Charles-Quint, que Léon X avait fait cardinal de Tortose, et qui administrait péniblement depuis environ deux années le royaume troublé d’Espagne en qualité de régent. Il n’était jamais venu en Italie, il ne connaissait pas Rome, et bien qu’il exerçât l’autorité monarchique par délégation, il n’avait ni le caractère ni l’habileté nécessaires à la conduite d’un état. Ce qui l’aurait fait exclure en un autre temps le fit agréer alors. Le cardinal de Saint-Sixte, Thomas de Vio, loua sa science profonde, la douceur de ses sentimens, l’honnêteté de sa vie. Il accéda à la présentation. La lassitude du désaccord, l’effet de la surprise, l’entraînement de l’approbation, firent arriver rapidement à lui les vieux cardinaux à la suite des jeunes. Les cardinaux français eux-mêmes, croyant que c’était le moins mauvais choix pour le roi très chrétien[11], suivirent les cardinaux espagnols, qui le regardèrent comme le meilleur pour le roi catholique. En peu d’instans, l’heureux Adrien Florisse obtint vingt-six voix. Aussitôt on s’écria : Habemus papam[12], nous avons un pape ! Et tous les cardinaux, moins un seul, adhérèrent à cette nomination par accès.
Les cardinaux avaient nommé un barbare[13]. Malgré les tristes souvenirs de la translation du saint-siège à Avignon, qui avaient fait adopter pour maxime au sacré collège de ne jamais élire que des papes italiens, ils venaient de choisir un étranger qui pouvait de nouveau transférer au-delà des Alpes le souverain pontificat. C’était l’objection qu’on avait opposée au cardinal d’York et qu’on oublia pour le cardinal de Tortose. L’élection faite, les membres du conclave, qui mirent, dit Guicciardini, cette extravagance sur le compte du Saint-Esprit[14], en furent consternés. La colère du peuple de Rome éclata à la nouvelle qu’on lui avait donné un transalpin pour pape, et elle les remplit d’épouvante. Un immense cri de désapprobation s’éleva contre eux à leur sortie du conclave. — « Pourquoi, leur disait-on, n’avez-vous pas élu un de vous[15] ! » — Plus morts que vifs[16], ils allèrent s’enfermer dans leurs demeures, qu’ils n’osèrent pas quitter de quelque temps dans la crainte d’être maltraités, ou tout au moins insultés par le peuple[17], irrité d’un choix qui blessait l’orgueil italien et semblait menacer la sécurité romaine. Le danger d’une translation du saint-siège en Espagne parut si imminent, qu’on afficha sur les murailles des maisons : Rome est à louer[18].
Afin de dissiper au plus tôt de semblables craintes, le sacré collège nomma trois légats, chargés tout à la fois de notifier au nouveau pape son élection et de hâter sa venue en Italie. Avec les cardinaux de Cortone et Cesarini, attachés au parti impérial, il désigna le cardinal Orsini, qui était du parti français[19]. Le sacré collège espérait que le savoir orthodoxe du pape Adrien et sa vie exemplaire serviraient à raffermir l’autorité dogmatique et à rétablir l’influence morale de l’église romaine, qui se trouvaient alors également ébranlées. Il ne souhaitait pas moins que, dégageant le saint-siège des partialités ambitieuses dans lesquelles Léon X l’avait jeté, ce pontife religieux le mît d’accord avec toutes les grandes puissances chrétiennes[20], et s’efforçât de ramener la paix parmi elles.
Adrien était à Vittoria, dans la province d’Alava, lorsqu’il apprit sa nomination, dont il était redevable à tout le monde, et à laquelle le parti français avait adhéré avec un peu moins d’empressement, mais avec autant d’efficacité que le parti impérial. Un camérier du vieux cardinal espagnol Carvajal lui en porta le premier la nouvelle, qui le remplit de trouble et le laissa d’abord dans l’hésitation. Il se retira, l’âme agitée et l’esprit quelque temps incertain, dans le couvent des franciscains. L’expérience qu’il venait de faire en exerçant l’autorité royale en Espagne ne le disposait point à se charger du gouvernement non moins troublé et bien plus difficile du monde chrétien[21]. À la fin néanmoins il s’y décida. Le 14 février, après avoir célébré la messe, il fit venir les docteurs Agreda et Blas Ortiz, créés chanoines de Tolède, ainsi que Juan Garcia, secrétaire du conseil général de l’inquisition d’Aragon, et il leur dit : « J’ai différé jusqu’à présent d’accepter le souverain pontificat, craignant de ne pouvoir soutenir le fardeau d’une aussi grande charge ; mais, comme je présume que mon refus menacerait l’église universelle de graves dangers, je me décide, avec l’aide du secours divin, à remplir cette sainte fonction. La providence impénétrable de Dieu ayant daigné m’y appeler, j’espère que sa grâce m’y soutiendra. Je vous prends donc à témoin de mon acceptation devant ce notaire qui en fera foi, et je vous enjoins de ne parler de ma résolution à personne. » Il reçut ensuite avec calme la notification du conclave, et le lendemain il revêtit l’étole pontificale, chaussa des mules avec des croix d’or, prit le nom d’Adrien VI, et donna ses pieds à baiser à tous ceux qui vinrent en foule se prosterner devant lui[22]. Tout en se résignant à porter la triple couronne, le pieux Néerlandais craignit de fléchir sous son poids. Il en sentit d’avance l’accablement, et il répondit aux félicitations d’un de ses anciens amis : « Ce qui vous réjouit m’attriste. Je frémis du fardeau que j’ai à porter. Que ne puis-je, sans offenser Dieu, le rejeter de mes épaules débiles, sur des épaules plus fermes ! Que celui qui me l’a imposé me donne des forces pour le soutenir[23] ! »
Ne pouvant conserver plus longtemps la régence d’Espagne, Adrien VI pressa Charles-Quint de revenir dans ses royaumes, et se prépara lui-même à partir bientôt pour l’Italie. Les deux souverains qui étaient en guerre dans ce pays recherchèrent, le roi de France sa neutralité, l’empereur sa coopération. Ce dernier prince, en même temps qu’il consolait Wolsey d’un échec dont tous ses efforts n’avaient pu, disait-il, le préserver cette fois[24], et qu’il lui donnait l’espérance d’une promotion future, s’attribuait auprès d’Adrien le mérite de lui avoir fait accorder le pontificat. Il voulait par là maintenir l’un dans ses favorables dispositions et gagner l’appui de l’autre. « Le collège des cardinaux, écrivait-il au nouveau pape, a répondu à don Jehan Manuel, mon ambassadeur, qu’à ma contemplation fut faite l’élection de votre sainteté[25]. » Il assurait en avoir eu autant de joie que si elle lui avait été accordée avec l’empire. Pour le mettre en garde contre les avances qui pouvaient lui être faites du côté des Français, il ajoutait : « Je supplie votre sainteté de vous souvenir de ce que vous m’avez dit autrefois, étant votre écolier, et de ce que par expérience je vois être véritable, que leurs paroles sont bonnes et douces, mais qu’à la fin ils ne cherchent qu’à amuser et tromper. »
Adrien n’admit pas qu’il fût pape par la grâce de l’empereur. Il resta affectueux envers son ancien disciple, mais il se montra indépendant du prince dont il cessait d’être le sujet. Il laissait entendre à Charles-Quint qu’il avait dû solliciter en faveur du cardinal[26], qui lui était plus nécessaire que tout autre dans les choses d’Italie, et il s’en félicitait. « Je suis bien joyeux disait-il, de n’être point parvenu à l’élection par vos prières à cause de la pureté et sincérité que les droits divins et humains requièrent en semblables affaires. » Il ajoutait qu’il lui en savait meilleur gré que s’il eût obtenu le pontificat par son influence. Il reconnaissait toujours que les Français, comme il le lui avait appris autrefois, étaient prodigues de promesses qu’ils ne remplissaient pas, et mesuraient leur amitié à leur profit, mais il ne paraissait pas disposé à se déclarer contre eux. Il semblait même annoncer qu’il tiendrait la balance égale entre son compétiteur et lui, en suivant l’exemple des cardinaux, « qui, disait-il, n’eussent jamais osé élire homme mal agréable et à vous et au roi de France. »
François Ier ne demandait pas autre chose. Il exprima à Adrien la confiance qu’il avait en lui. Insistant sur ses devoirs pontificaux en rappelant ses vertus privées, il lui écrivait : « Nous croyons que vous n’oublierez point quel lieu vous occupez, que vous penserez souvent au salut de votre âme, et que cela, avec la bonne vie que vous avez toujours eue, vous gardera d’être partial et entretiendra au chemin de vérité sans acception de personne, et que serez père commun des princes chrétiens, ayant toujours devant les yeux droit, équité, justice[27]. » Il invoquait donc son impartialité, au besoin même sa médiation. Du reste, quelles que fussent alors et que dussent être plus tard les dispositions réelles d’Adrien à l’égard des deux princes rivaux, il ne pouvait rien entreprendre de longtemps, puisqu’il n’arriva à Rome que le septième mois après son élection. François Ier voulut profiter d’une situation aussi favorable. Il n’avait en ce moment contre lui ni le saint-siège ni la république de Florence. Il était toujours l’allié des Vénitiens, dont l’amitié, un peu refroidie par les échecs précédens, s’était ranimée à la mort de Léon X. Il comptait plus que jamais sur les Suisses, car douze des cantons, indignés de ce que les bannières helvétiques eussent été déployées naguère dans les deux camps, avaient impérieusement rappelé leurs soldats enrôlés dans l’armée de la ligue, et n’accordaient plus de levées qu’à la France seule. Ne devant dès lors rencontrer en Lombardie que les troupes de l’empereur, à qui la modicité de ses ressources ne permettait pas d’y en entretenir un grand nombre sur ce point, François Ier se trouvait en position de reconquérir le Milanais, que Lautrec avait perdu. Ses ambassadeurs le lui écrivaient d’Italie. Ils l’engageaient à passer de nouveau les Alpes, comme il l’avait fait au début de son règne, qu’avaient rendu si glorieux la victoire de Marignan et l’entière occupation du duché. « Je vous oserois assurer sur ma vie, sire, lui écrivait Nicolas Raince, que vous avez à présent le moyen de vous faire perpétuellement le seigneur de toute l’Italie[28]. »
Au lieu de descendre lui-même en Lombardie, François Ier remit aux mains inhabiles de Lautrec les troupes destinées à recouvrer le duché de Milan. Seize mille Suisses choisis, conduits par leurs chefs les plus vaillans, marchèrent, sous les ordres du bâtard de Savoie, frère de la duchesse d’Angoulême, du grand-écuyer San-Severino et du maréchal Anne de Montmorency, pour se réunir à Lautrec. À leur approche, celui-ci franchit l’Adda le 1er mars, afin d’aller au-devant d’eux avec les forces qui lui restaient. Il devait attaquer ensuite les impériaux, hors d’état, selon toute apparence, de lui résister.
Des deux parts, on possédait des places fortes. Les Français, dans leur défaite, avaient conservé une ligne de forteresses depuis Trezzo sur l’Adda jusqu’à Crémone sur le Pô. Ils occupaient encore la citadelle de Milan et toutes les places qui bordaient les lacs supérieurs ou qui ouvraient les abords de la Lombardie. Les impériaux, maîtres d’Alexandrie, de Novare, de Vigevano, de Milan, de Pavie, de Plaisance, de Parme, tenaient la plus grande partie du duché, ils avaient pour eux les habitans du pays. Ceux-ci, dans leur exaltation d’indépendance nationale, voulaient être gouvernés soit par le duc Francesco Sforza, soit par le saint-siège. Le dévouement zélé des populations italiennes, très animées en ce moment contre la domination française, était soutenu par des garnisons suffisamment nombreuses. Des ouvrages de défense avaient été préparés en outre avec beaucoup de prévoyance autour des villes[29]. Prospero Colonna n’avait rien négligé pour mettre les plus importantes d’entre elles à l’abri d’une surprise soudaine et même d’une attaque régulière.
Encore plus propre à garder un pays qu’à le conquérir, Prospero Colonna était un général fort habile, surtout dans la guerre défensive. Il se postait bien, manœuvrait savamment, et il se rendait capable de l’emporter sur ses ennemis beaucoup moins par la valeur ou la supériorité de ses troupes que par l’art qu’il mettait à les placer, à les conduire, à les engager. Il avait entouré la citadelle de Milan d’un double cercle de tranchées profondes, pratiquées à une certaine distance les unes des autres et surmontées de plates-formes armées de canons, empêchant ainsi de pénétrer par le dehors dans la citadelle et de faire de la citadelle aucune sortie contre la ville. Il avait relevé les remparts, creusé les fossés, réparé les bastions de Milan[30], où il s’était enfermé avec douze mille hommes de pied, sept cents hommes d’armes et sept cents hommes de cavalerie légère. Le reste de l’armée impériale était distribué dans Alexandrie, que gardait Monsignorino Visconti avec deux mille hommes, dans Novare, où Filippo Torniello en commandait quinze cents, dans Pavie, que défendait l’intrépide et opiniâtre Antonio de Leiva à la tête de trois mille.
Les moyens d’accroître le nombre de ses troupes n’avaient pas été négligés non plus par Prospero Colonna. Autant que l’avaient permis les faibles ressources des impériaux, à défaut de fantassins suisses, on levait des lansquenets allemands. Deux hommes poursuivaient ces levées avec ardeur : Francesco Sforza, qui dans le succès de cette guerre voyait le rétablissement solide de sa maison en Lombardie, et Jérôme Adorno, qui aspirait à faire dans Gênes la révolution opérée, au nom de Francesco Sforza, dans Milan. Avec une somme assez peu considérable qu’envoya l’empereur, un subside volontaire que les Milanais accordèrent[31] à leur nouveau duc et 11,000 ducats que lui transmit le cardinal de Médicis, on recruta deux bandes de quatre mille et de six mille lansquenets, la première sous François de Castelalt, la seconde sous le fameux George Frondsberg. En attendant l’arrivée de ce puissant renfort, Prospero Colonna, placé derrière les murailles des villes, se tint sur une forte défensive. Il espéra que l’armée française, faute de pouvoir vaincre, et à la longue de pouvoir être payée, serait exposée à se fondre et finirait par se disperser.
Cette armée était très considérable, et il était plus difficile de la tenir longtemps sur pied que de la conduire à la victoire, si l’ennemi acceptait la bataille. Lautrec entra en campagne aussitôt que les Français se furent réunis aux Vénitiens et aux Suisses, et qu’il eut recueilli les trois mille hommes des bandes noires qui avaient servi, jusque-là dans l’armée de la ligue et qui venaient de passer, avec leur chef Jean de Médicis, à la solde de François Ier. Il marcha droit sur Milan, comme pour l’assiéger et le prendre. Arrivé devant ses murailles, il tenta de se mettre en communication avec la garnison qu’il avait laissée dans la citadelle ; mais il n’y parvint point. Quelques attaques qu’il essaya contre la ville ne furent pas plus heureuses. Le blocus étroit de la citadelle, la défense vigilante de la ville par une garnison qui était une véritable armée, les dispositions belliqueuses des habitans qui s’étaient formés en compagnies militaires[32] et que les prédications éloquentes d’un moine augustin excitaient à combattre avec les impériaux, s’ils voulaient assurer le gouvernement de leur duc national, convainquirent bientôt Lautrec de l’impossibilité de forcer Milan.
Après avoir passé plusieurs jours devant cette grande ville et y avoir perdu du monde, il renonça au dessein de s’en emparer. Il alla se placer à Cassino, entre Milan et Pavie, afin d’empêcher les six mille lansquenets qu’amenait Francesco Sforza de se réunir à Prospero Colonna. Il resta plusieurs semaines dans cette position. Il parvint bien à tenir les impériaux séparés, mais c’était là un avantage purement négatif, et il laissa s’écouler un temps précieux sans faire aucun progrès. Bientôt même l’approche de son frère le maréchal de Foix, qui venait de France avec de nouveaux renforts, l’obligea de détacher une partie de ses troupes pour les envoyer au-devant de Lescun et lui ouvrir un passage à travers la Lomelline, occupée par les ennemis[33].
Francesco Sforza était arrivé, et jusque-là s’était tenu dans Pavie. Il profita de cet affaiblissement momentané de Lautrec. Il se concerta avec Prospero Colonna, qu’avait déjà joint Jérôme Adorno avec une bande de quatre mille Tyroliens ou Souabes, et qui vint à sa rencontre jusqu’à Sesto. Sortant alors de Pavie pendant la nuit et dérobant sa marche à Lautrec, il conduisit ses lansquenets à Milan, où il entra le 4 avril 1522, après une longue absence, au milieu des plus grands transports d’enthousiasme[34].
Les deux projets de Lautrec contre Milan et contre la réunion des impériaux avaient échoué. En réussissant, le premier aurait eu une influence décisive sur l’issue de la guerre, le second aurait contraint les ennemis, tenus en échec, à rester enfermés dans les villes. Qu’allait tenter Lautrec, devenu plus fort qu’auparavant après la jonction de Lescun, dont les troupes avaient pris sur leur passage Novare et Vigevano, qui gênaient ses communications avec la France ? Il devait employer sans retard cette belle armée et remporter avec elle quelque grand avantage, s’il ne voulait pas l’entendre murmurer et la voir se dissoudre. Pavie était un peu dégarnie depuis le départ des lansquenets, il alla l’assiéger.
Prospero Colonna sentit de quelle importance il était de ne pas laisser prendre la seconde ville du duché. Il envoya dans Pavie un assez puissant renfort, qui y pénétra heureusement. Pouvant alors se mettre à la tête d’assez de troupes pour paraître en campagne, il sortit de Milan et se dirigea du côté de Pavie. Il était résolu à en traverser le siège et à ne pas laisser tomber cette ville entre les mains des Français, déjà maîtres d’Alexandrie, de Crémone, de Lodi, et qui, en l’occupant, auraient enfermé la capitale du duché dans un cercle de places fortes. Il se porta vers la Chartreuse, où il prit une position très avantageuse, protégée par les murailles d’un parc, à quatre milles de distance de l’armée française. De là il inquiéta Lautrec, qui rencontrait une vive résistance de la part de la garnison assiégée[35]. Lautrec ne se trouva plus en sûreté dans le voisinage d’un ennemi qui pourrait l’attaquer pendant qu’il attaquerait lui-même Pavie. Il fut paralysé dans la poursuite du siège qu’il avait commencé. Après y avoir perdu un certain nombre de jours et ne recevant plus de vivres par le Tesin, que de grandes pluies avaient extraordinairement grossi, il fut contraint de déloger sans avoir rien fait. Le troisième projet de Lautrec n’ayant pas eu une meilleure issue que les deux autres, il remonta vers Milan, dont Prospero Colonna avait laissé la garde à Francesco Sforza, et s’établit à Monza, d’où il parut menacer de nouveau la ville que tout d’abord il n’avait pu prendre.
Le prudent et tenace général italien le suivit de près, et alla couvrir Milan, en prenant une forte position à trois milles de distance. Il se posta dans une grande villa appelée la Biccoca, que l’engagement des deux armées destinait à être célèbre, et qui offrait les dispositions les plus favorables pour asseoir un camp et le rendre inaccessible. C’était un jardin spacieux, placé sur une élévation, couvert d’arbres, coupé de ruisseaux, entouré de fossés, et où l’on n’arrivait sans obstacle que par un pont assez étroit. Une armée de vingt mille hommes pouvait s’y retrancher facilement[36]. Prospero Colonna, selon sa prévoyante habitude, ajouta à la force naturelle du lieu par d’habiles travaux d’art. Il en rendit les fossés plus profonds, y dressa des plates-formes garnies de canons, et y plaça ses troupes dans le meilleur ordre. Il attendit, dans cette position, que l’ennemi vînt se briser contre lui en l’attaquant, ou qu’il fût contraint de se disperser pour n’avoir pas osé l’assaillir. Le défaut d’argent ne devait pas permettre de payer les Suisses, et les Suisses ne consentaient pas longtemps à servir sans l’acquittement ponctuel de leur solde.
Il ne se trompait point. Lautrec, hors d’état d’assiéger Milan, que protégeait par son voisinage l’armée de Colonna, sentant l’impossibilité de donner, sous peine de se perdre, l’assaut à une armée ainsi retranchée, voulait gagner du temps. Il espérait, de son côté, que les troupes ennemies, faute d’argent et de vivres, ne pourraient pas rester dans cette position, et qu’il les aborderait avec avantage lorsqu’elles en sortiraient. Mais les Suisses, qui étaient depuis plus de deux mois en campagne, qui ne recevaient pas la paie convenue, que cette vie de marches sans combat, de tentatives sans succès, fatiguait et dégoûtait beaucoup, outre qu’ils avaient souffert des pluies de la saison, tombées plus abondamment que de coutume, déclarèrent qu’ils n’entendaient plus camper, et qu’ils étaient décidés à combattre ou à partir. Ils réclamèrent impérieusement leur solde, exigèrent la bataille, et annoncèrent que, s’ils n’obtenaient l’une ou l’autre, ils retourneraient immédiatement dans leurs cantons. Lautrec n’avait pas de quoi les payer, et il ne voulait pas les mener à un combat qui serait suivi d’une infaillible défaite. Il s’efforça de les retenir sous le drapeau de la France en attendant qu’il reçût une somme de 400,000 écus que le roi avait promis de lui envoyer, et il n’oublia rien pour les éclairer sur le danger de la bataille. Une reconnaissance du camp ennemi fît voir qu’il était inabordable. Rien n’agit cependant sur l’esprit intraitable des Suisses, que l’argent seul aurait pu convaincre. Ils offrirent de se battre sans être payés, afin de montrer qu’ils étaient plus dévoués au service de la France que la France n’était fidèle à ses engagemens envers eux. Il fallut accepter. Ils demandaient à combattre à la Biccoca, comme ils l’avaient demandé à Rebecca. Le souvenir de Rebecca, où l’on aurait pu vaincre, contribua à l’attaque de la Biccoca, où l’on devait être battu.
Tout fut disposé pour marcher, le 27 avril, contre le camp retranché des impériaux. Les masses des bataillons suisses furent chargées de l’escalader en face, tandis que le maréchal de Foix, à la tête des hommes d’armes de France et suivi des fantassins italiens, s’avancerait par la route de Milan, et y entrerait en forçant à gauche le passage du pont. En même temps Lautrec essaierait d’y pénétrer par la droite avec une troupe à laquelle il fit prendre la croix rouge des impériaux, afin de tromper l’ennemi par ce stratagème, et dans l’espérance assez puérile de ne pas rencontrer de résistance. Il fut convenu que les Vénitiens participeraient à cet assaut général. Ces diverses attaques avaient besoin d’être simultanées pour avoir quelque chance d’être heureuses, l’ennemi ne pouvant être forcé sur un point que s’il était pressé sur tous à la fois.
Prospero Colonna, joyeux d’être assailli dans une semblable position, et se regardant comme assuré d’avance de la victoire, plaça ses troupes, aussi confiantes que lui, aux abords de l’enceinte retranchée. Les lansquenets, sous Rodolphe Hall et George Frondsberg, y faisaient face aux Suisses, qui l’avaient emporté jusqu’alors sur eux, mais qu’ils devaient, grâce à l’avantage du terrain, commencer à vaincre dès ce jour-là. Sforza, venu de Milan avec ses Italiens, garda le passage où devait se présenter le maréchal de Foix avec ses hommes d’armes. Afin de déjouer le stratagème de Lautrec, Prospero Colonna avait ordonné aux siens de mettre sur leur casque ou sur leur armure de petites branches d’arbre ou des épis de blé qui les distinguassent des Français portant la croix rouge. Les fantassins espagnols occupèrent les lieux les plus favorables pour repousser l’ennemi et pour jeter le désordre dans ses rangs par des décharges d’arquebuse. Ces troupes solides, que commandait l’expérimenté Prospero Colonna, que dirigeaient Pescara, Antonio de Leiva, venu de Pavie, et George Frondsberg, étaient de plus abritées derrière de grands fossés et placées sur des hauteurs dont l’artillerie défendait l’approche.
Les deux armées étant ainsi disposées, on se mit en mouvement d’un côté pour attaquer, de l’autre pour se défendre. Les Suisses en deux bandes distinctes, les hommes des petits cantons sous Arnold de Winckelried, les hommes des villes sous Albert de Stein, s’avancèrent avec leur bravoure accoutumée, sur cent de front et presque au pas de course, contre le camp des impériaux. L’artillerie des plates-formes les foudroya dès qu’ils approchèrent. Ils n’en marchèrent pas moins, sans que les files entières abattues au milieu d’eux par les boulets ralentissent leur intrépide rapidité. Ils espéraient, comme ils l’avaient fait à Novare et comme ils l’avaient tenté à Marignan, s’emparer des canons ennemis et tout renverser de leur choc. Ils arrivèrent ainsi jusqu’aux fossés du camp, et se heurtèrent contre des escarpemens trop élevés pour qu’ils pussent les escalader. Pendant qu’ils étaient arrêtés par ces rudes obstacles, les arquebusiers impériaux tuaient les principaux d’entre eux, qui, selon la coutume de leur vaillante nation, se plaçaient toujours au premier rang. C’est ainsi que périt Arnold de Winckelried, au moment où sa troupe, ayant gravi une partie du retranchement sans doute moins haute que les autres, se trouva en face des lansquenets de Frondsberg. Ceux-ci, fidèles à leur usage national, s’étaient mis à genoux avant de combattre, et lorsqu’ils s’étaient relevés à l’approche des Suisses, Frondsberg avait dit : « Que l’heure me soit propice ! — Tu mourras aujourd’hui de ma main, lui cria Arnold de Winckelried en le reconnaissant. — C’est toi, s’il plaît à Dieu, répondit Frondsberg, qui vas périr de la mienne. » Au même instant, l’intrépide chef des petits cantons, qui avait assisté à la plupart des batailles du siècle, tomba mortellement frappé. Il avait été atteint d’un coup de feu. Les Suisses ne pénétrèrent point dans le camp ennemi. Foudroyés par l’artillerie, arrêtés par les escarpemens, décimés par les arquebusiers espagnols, repoussés par les lansquenets allemands, ils se retirèrent après avoir perdu plus de trois mille des leurs.
L’attaque du pont par le maréchal de Foix avait été d’abord plus heureuse. Lescun, avec l’impétueuse cavalerie des ordonnances, s’était précipité par la route de Milan dans ce défilé étroit, avait culbuté ceux qui le gardaient, et s’était frayé un passage jusque dans le camp des impériaux ; mais l’intérieur, accidenté, inégal, boisé de ce camp, d’ailleurs bien défendu partout, n’était pas propre au déploiement et aux charges de la cavalerie. Aussi Lescun et ses hommes d’armes, auxquels résistèrent Francesco Sforza et Antonio de Leiva avec leurs Italiens et leurs Espagnols, et que pressèrent bientôt les lansquenets, accourus de ce côté après avoir repoussé les Suisses, furent contraints de battre en retraite. Ils rebroussèrent chemin et repassèrent le pont. Les deux principales attaques ayant échoué, celle de Lautrec ne réussit pas mieux. Prospero Colonna l’avait annulée d’avance en découvrant et en déjouant le stratagème qui devait la favoriser. Quant aux Vénitiens, ils ne firent pas même une démonstration et demeurèrent spectateurs immobiles de l’assaut donné au camp impérial[37].
Lautrec était désespéré. Il sentait qu’il n’avait plus d’armée s’il laissait partir les Suisses, et que le duché de Milan tout entier échappait à François Ier. Il redoubla d’efforts pour retenir les Suisses, afin d’empêcher les suites, sans cela désastreuses, de la défaite de la Biccoca. Il les supplia de recommencer le combat, en offrant de faire mettre pied à terre aux hommes d’armes qui seraient au premier rang et ouvriraient l’attaque[38] ; mais, rebutés par les obstacles de terrain qu’ils avaient rencontrés, découragés d’avoir été battus, humiliés de n’avoir pas mérité la solde des batailles gagnées, et animés d’un insurmontable désir de retourner chez eux, les Suisses refusèrent. Lautrec se vit contraint de se retirer de devant la Biccoca. Il le fit en bon ordre et sans être poursuivi. Le prudent Colonna ne voulut pas s’exposer à compromettre en rase campagne une victoire remportée derrière des retranchemens. Il s’attendait d’ailleurs à en recueillir autant de fruit que s’il eût anéanti une armée qui allait se dissoudre elle-même[39].
En effet, les Suisses partirent immédiatement. Lautrec les accompagna avec ses hommes d’armes jusqu’aux bords de l’Adda, qu’ils passèrent à Trezzo. Là ils se séparèrent de lui, et, par le pays de Bergame, ils regagnèrent leurs montagnes. Dans l’impossibilité où il se trouvait de faire face à l’ennemi, Lautrec essaya du moins de défendre contre lui les villes que les Français occupaient encore ; mais il n’y parvint pas davantage. Privé des Suisses et délaissé des Vénitiens, il perdit la ville importante de Lodi et il partit pour la France, en laissant son frère Lescun dans Crémone, qui fut réduite peu de temps après à capituler devant l’armée victorieuse.
Prospero Colonna prit dans cette seconde campagne toutes les places que les Français avaient gardées après la première. La perte du duché de Milan s’opéra en deux fois. Lodi, Pizzighetone, Crémone, Trezzo, Lecco, Domodosolla, s’ajoutèrent en 1522 à Milan, Pavie, Plaisance, Parme, etc., enlevées en 1521. Bien plus, le rétablissement des Sforza dans Milan fut alors suivi du rétablissement des Adorno dans Gênes. Cette ville fut assiégée, prise d’assaut et pillée par les troupes de Colonna et de Pescara. Antoniotto Adorno y fut élu doge, et François Ier cessa d’être seigneur de Gênes comme Il cessait d’être duc de Milan. Non-seulement la Lombardie, où il ne conserva que les trois citadelles de Milan, de Crémone et de Novare, lui était ravie, mais les Alpes lui semblaient en partie fermées.
Pendant que la guerre se faisait si mal en Italie, François Ier, moins occupé de ses affaires que de ses plaisirs, se livrait en France aux distractions de la chasse et aux entraînemens de l’amour. Il fut tiré de cette vie frivole et dissipée par la nouvelle du grand revers que venaient d’éprouver ses armes et sa puissance. Il se transporta aussitôt à Lyon pour y remédier. C’est là que se rendit Lautrec, auquel il attribuait ce désastre. Dans sa colère, il ne voulait pas le voir ; mais, Lautrec étant parvenu jusqu’à lui pour se justifier, François Ier lui reprocha avec sévérité d’avoir perdu le duché de Milan. — « C’est votre majesté qui l’a perdu, répondit Lautrec, et non moi. Je l’ai plusieurs fois avertie de me secourir d’argent, sans quoi je ne pourrais retenir la gendarmerie, qui n’était pas payée depuis dix-huit mois, ni garder les Suisses, qui m’ont contraint de combattre à mon désavantage. — Ne vous ai-je pas envoyé, lui dit le roi, les quatre cent mille écus que vous m’avez demandés ? — Je n’ai reçu, répliqua Lautrec, que les lettres par lesquelles votre majesté m’en annonçait l’envoi[40]. » François Ier, surpris, appela sur-le-champ le surintendant des finances Samblançay pour savoir ce qu’il avait fait des quatre cent mille écus qu’il lui avait ordonné de transmettre à Lautrec dans le Milanais. Samblançay répondit que, selon son commandement, la somme avait été préparée, mais que la duchesse d’Angoulême l’avait prise au moment où elle allait être envoyée. Le roi, hors de lui, se rendit dans la chambre de sa mère et lui dit amèrement qu’il n’aurait jamais cru qu’elle pût s’emparer de deniers destinés à secourir son armée d’Italie et lui faire perdre ainsi le duché de Milan. La duchesse d’Angoulême nia, sans hésiter, ce détournement. Elle prétendit n’avoir réclamé et reçu du surintendant qu’une somme provenant des épargnes de son propre revenu. Samblançay ne cessa pas d’affirmer le contraire, et cette contestation, que suivit bientôt la disgrâce du malheureux surintendant, ne fut pas étrangère plus tard à sa mort ignominieuse sur le gibet de Montfaucon.
Du reste, si le duché de Milan avait été perdu, la faute en était à tout le monde. Le roi s’était trop abandonné à ses amusemens et ne s’était pas assez occupé de la guerre. Soumis par affection et par légèreté à l’empire de sa mère, il avait laissé Louise de Savoie satisfaire sa cupidité en puisant dans les coffres de l’état un argent nécessaire à la solde des troupes, et ses animosités en éloignant de lui, par de dangereuses disgrâces, les hommes les plus capables de le bien servir. Non moins accessible à l’influence de sa maîtresse, il avait donné ou laissé aux trois frères de la comtesse de Chateaubriand les grands commandemens militaires dont ils s’étaient si mal tirés en Espagne et en Italie. Lautrec avait surtout échoué parce qu’il avait été inhabile. Sa dureté et son impéritie avaient été pour plus encore que le manque d’argent dans la ruine des affaires de son maître en Lombardie. Sans doute il n’avait pas pu disposer des Suisses comme il l’aurait voulu dans la campagne, d’ailleurs si imparfaitement conduite, de 1521, et il avait été contraint par eux à combattre dans une position désavantageuse en 1522 ; mais l’animosité des populations italiennes contre la domination française et l’assistance qu’elles prêtaient à l’armée impériale étaient l’œuvre de ses violences et de ses maladresses ; mais les opérations militaires dirigées sans intelligence, les occasions favorables négligées par irrésolution, le lent et inefficace emploi des troupes françaises pendant qu’elles étaient supérieures aux troupes ennemies, étaient les inévitables et funestes effets de son esprit incapable et de son caractère incertain. La pénurie d’argent n’avait pas été moins grande et n’était pas moins continuelle dans l’armée impériale. Elle n’avait pas empêché les généraux de Charles-Quint de tenir la campagne et de vaincre. C’étaient donc une habileté soutenue et l’appui des populations qui avaient facilité la conquête du Milanais par Prospero Colonna et Pescara, comme une accumulation de fautes politiques et militaires en avait causé la perte par Lautrec et Lescun.
Quelques jours après que François Ier fut arrivé à Lyon pour y faire les préparatifs d’une expédition à la tête de laquelle il se proposait cette fois de franchir les Alpes, un nouvel ennemi se déclara contre lui. Henri VIII passa ouvertement de la médiation, qu’il avait jusqu’alors affectée, à la guerre, dont il était secrètement convenu avec Charles-Quint. La fortune secondait partout cet heureux empereur. IL avait dompté de Bruxelles, avec l’épée du connétable et de l’amiral de Castille, les comuneros insurgés d’Espagne, et la haute noblesse avait rétabli pour lui l’obéissance parmi le peuple au-delà des Pyrénées, en y étendant contre elle-même l’autorité monarchique. Il avait vaincu par ses généraux en Lombardie le roi de France, rejeté de l’autre côté des Alpes, et il était rentré dans la suzeraineté de Milan. Il avait obtenu, du collège des cardinaux à Rome, sans la chercher comme sans la prévoir, la nomination d’un pape qui avait été autrefois son précepteur, qui était en ce moment son délégué, et qu’il allait rendre bientôt son instrument. Il acquit alors le concours actif du roi d’Angleterre, auprès duquel il se rendit à l’époque même où la Lombardie était enlevée à François Ier.
Ayant réglé les affaires d’Allemagne, mis ordre à celles des Pays-Bas, il partit dans la dernière semaine du mois de mai pour l’Espagne, afin d’en achever la pacification et d’en tirer, soit en argent, soit en hommes, les ressources que la poursuite de la guerre lui rendait nécessaires. Il passa par l’Angleterre, où il était attendu. Débarqué à Douvres le 26 mai, il y trouva Wolsey, et fut bientôt rejoint par Henri VIII, qui venait à sa rencontre, et le conduisit successivement à Cantorbery, à Greenwich, à Londres, à Winchester, à Hampton-Court. Les deux alliés, dont l’un devait être le gendre de l’autre et lui donnait d’avance le nom de père, passèrent plus d’un mois ensemble au milieu des fêtes et dans la plus affectueuse intimité. Ils confirmèrent les stipulations préparées à Bruges en août et conclues à Calais en novembre 1521. Ils convinrent d’attaquer en commun François Ier dans son royaume même. Charles-Quint voulait lui reprendre la Bourgogne, qu’il revendiquait comme faisant partie de son héritage paternel ; Henri VIII aspirait à lui enlever les provinces occidentales de la Normandie et de la Guyenne, qu’avaient possédées les Plantagenets, ses prédécesseurs. Chacun des deux souverains s’engagea à pénétrer en France avec trente mille hommes de pied et dix mille chevaux. Ils se promirent d’avoir les mêmes alliés et les mêmes ennemis, et ils durent inviter le pape Adrien à signer le traité qu’ils venaient de conclure[41]. Après ces accords définitifs, Charles-Quint quitta l’Angleterre, et le 4 juillet il s’embarqua à Southampton pour l’Espagne, avec une forte troupe de lansquenets qu’il avait pris à sa solde, et un grand nombre de pièces de canons de divers calibres destinées à défendre la Péninsule, et, s’il en était besoin, à la contenir[42].
Au moment même où l’empereur était arrivé vers lui, Henri VIII avait rompu avec le roi de France. L’arbitrage déloyal qu’il s’était arrogé entre les deux compétiteurs lui en fournit le prétexte. Son ambassadeur, sir Thomas Cheyney, se présenta une dernière fois devant François Ier pour lui imposer la trêve désavantageuse[43] que ce prince ne devait pas accepter. Il lui signifia que si le roi son maître ne parvenait point à réconcilier ensemble les deux souverains, il se croirait obligé de se déclarer plutôt contre lui que contre l’empereur. François Ier répondit noblement qu’il espérait que le roi d’Angleterre ne se déclarerait qu’en faveur de la justice. Discutant ensuite les conditions de la trêve, il demanda que l’Italie y fût comprise, et que Charles-Quint retirât ses troupes du duché de Milan. « L’empereur, dit-il, n’y a pas plus de droits que je n’en ai au royaume d’Espagne. D’ailleurs, ajouta-t-il en s’animant, l’empereur ne peut pas être partout le maître, et si le roi d’Angleterre veut me laisser faire, il ne se passera pas deux ans que je ne le rende l’un des plus pauvres princes de la chrétienté[44]. » Bonnivet, dont la faveur s’était encore accrue depuis la prise de Fontarabie, assistait seul à cet entretien, comme seul avec Wolsey il avait été témoin de la première entrevue de François Ier et d’Henri VIII au camp du Drap-d’Or. Sir Thomas Cheyney le conjura de joindre ses instances aux siennes pour décider le roi très chrétien à ne pas refuser la trêve. « J’aimerais mieux, répondit Bonnivet, voir le roi mon maître dans la tombe que de le voir accéder à des conditions déshonorantes. »
La trêve, que ses termes rendaient inacceptable, étant rejetée, sir Thomas Cheyney ne cacha plus les projets de son roi. Il annonça à François Ier que, sur la demande de Charles-Quint partant pour l’Espagne, Henri VIII avait consenti à devenir le protecteur des Pays-Bas. « L’empereur, répondit François Ier avec une hauteur dédaigneuse, ne pouvait prendre un parti plus prudent, puisqu’il est manifeste que le roi d’Angleterre est plus en état de défendre ces pays que lui qui en est le souverain. » Il protesta ensuite qu’il n’avait jamais donné au roi d’Angleterre aucun motif de s’unir à son plus grand ennemi. « Après ce qui vient de se passer, dit-il, je ne veux plus me fier à aucun prince vivant. » Et il ajouta, avec une résignation altière et une fermeté confiante, que, « s’il n’y avait plus d’autre remède, il espérait pouvoir défendre et lui et son royaume[45]. »
Le même jour, après que sir Thomas Cheyney eut pris congé de François Ier, Clarencieux, héraut d’armes d’Henri VIII, demanda audience pour déclarer solennellement la guerre. Tout tremblant, le héraut d’armes porta le défi de son maître au roi de France, qui l’accepta d’un ton haut et froid[46]. Les hostilités ne se firent pas attendre. Le comte de Surrey, nommé amiral des flottes combinées d’Angleterre et d’Espagne, parut vers le milieu de juin sur les côtes de Normandie et de Bretagne qu’il ravagea. Après avoir saccagé Morlaix, il escorta jusqu’à Santander l’empereur, qui débarqua le 16 juillet dans ce port de la Vieille-Castille. Le comte de Surrey vint prendre ensuite le commandement des troupes anglaises descendues en Picardie pour y agir de concert avec les troupes des Pays-Bas, placées sous les ordres du comte de Buren.
Sans renoncer à l’expédition d’Italie, François Ier se vit tout d’abord réduit à défendre son propre royaume. Il mit les frontières du sud et du nord-ouest à l’abri des attaques dont elles étaient menacées par les Espagnols, les Anglais et les Flamands. Il envoya vers les Pyrénées occidentales le maréchal de La Palisse, qui débloqua Fontarabie depuis longtemps assiégée et qui la ravitailla[47]. Il chargea son lieutenant-général en Picardie, le duc de Vendôme, auquel vint se joindre avec cinq cents lances et dix mille hommes de pied le gouverneur de Bourgogne La Trémouille, de faire face aux ennemis de ce côté. Malgré leur jonction, le duc de Vendôme et le sire de La Trémouille, n’étant pas assez forts pour tenir la campagne, occupèrent avec leurs troupes Boulogne, Thérouenne, Hesdin et Montreuil, afin que ces places ne tombassent point au pouvoir des comtes de Surrey et de Buren. Ceux-ci brûlèrent des villes ouvertes, saccagèrent le plat pays dans le Boulonnais[48], et s’avancèrent jusqu’à Dourlans, qu’ils détruisirent, ainsi qu’un grand nombre de villages circonvoisins. Ils poursuivirent cette œuvre de dévastation et de pillage jusqu’à la fin de septembre, époque à laquelle l’abondance des pluies et le manque de vivres obligèrent le comte de Buren à ramener ses troupes dans les Pays-Bas et le comte de Surrey à retourner avec les siennes en Angleterre[49]. La frontière de Picardie avait été ravagée sans être entamée, et les nouveaux confédérés renvoyèrent à l’année suivante l’exécution du grand plan d’invasion de la France.
Malgré la courageuse fierté avec laquelle il avait répondu à la déclaration de guerre de Henri VIII, François Ier sentait combien il lui serait difficile de résister à tant d’ennemis prêts à l’attaquer sur tant de points. S’il avait été vraiment habile ou seulement bien inspiré, il aurait renoncé à ses ruineux héritages d’Italie, qu’il fallait sans cesse conquérir et qu’on ne pouvait pas garder, qui depuis un quart de siècle avaient englouti un si grand nombre d’hommes, coûté des sommes si considérables d’argent, et qui épuisaient le royaume sans pouvoir en réalité l’agrandir. Il aurait reporté le mouvement de conquête militaire et d’accroissement territorial du côté du nord, où la France avait besoin d’être étendue et par où il était facile de l’envahir. L’occasion était fort belle, et les moyens ne lui manquaient pas. En abandonnant les projets qu’il nourrissait sur l’Italie et qui étaient une déviation de la vraie politique nationale, comme Louis XI l’avait entrevu avec une si nette perspicacité, il ne pouvait être ni sérieusement ni dangereusement attaqué sur ses frontières lointaines du midi. En dirigeant ses forces et son ambition du côté des Flandres et des Ardennes, il n’y aurait pas rencontré l’Espagne, l’empire, Florence, le saint-siège et même Venise, dont il allait avoir les armées sur les bras au-delà des Alpes. Il n’aurait eu à combattre que l’Angleterre, réduite à Calais et au comté de Guines, et que la puissance espagnole, trop éloignée des Pays-Bas pour qu’il lui fût aisé de les défendre. François Ier aurait pu, comme le fit dans une occurrence pareille et trente-cinq ans plus tard son fils Henri II, enlever aux Anglais, déjà dépossédés de tant de provinces dans le siècle précédent, ce dernier pied-à-terre sur le continent, et fermer ainsi la porte à leurs invasions. Ce qu’il aurait délaissé, en Italie, il l’eût regagné dans les Pays-Bas, à la sûreté desquels Charles-Quint aurait pourvu d’autant plus difficilement qu’il aurait été exposé aux attaques des Italiens, aspirant à se délivrer de la domination espagnole lorsqu’ils n’auraient plus eu à craindre la domination française.
Mais, au lieu de changer son champ de bataille, François Ier voulut se présenter de nouveau sur celui où il avait été déjà vaincu et où l’attendaient de plus désastreuses défaites. Se bornant à protéger la frontière du nord-ouest, qui aurait dû être son point de départ pour jeter les Anglais à la mer et s’étendre aux dépens des Flamands, il disposa tout pour reparaître au-delà des Alpes, qu’il n’aurait plus dû franchir. Il leva une armée considérable, qu’il eut le dessein de commander lui-même. Afin de la tenir longtemps en campagne en lui payant plus régulièrement sa solde, il amassa de grandes sommes de tous les côtés. Il fit fondre jusqu’aux grilles d’argent que Louis XI avait données à l’abbaye Saint-Martin de Tours et beaucoup d’autres ornemens d’église. L’étendue, les lents préparatifs, la difficile exécution de l’entreprise, ne permettaient pas à François Ier de passer en Italie avant l’été de 1523.
En attendant, des négociations d’une espèce particulière s’engagèrent par l’entremise du nouveau pape. Adrien VI était très religieux, et son affectueuse partialité en faveur de Charles-Quint ne l’empêchait pas de souhaiter le rétablissement de la paix entre les princes occidentaux. Cette paix lui semblait d’autant plus nécessaire que la chrétienté était menacée par les armes victorieuses de Soliman II. Le redoutable musulman venait d’entamer la frontière orientale des pays chrétiens, y avait pris Belgrade, l’un de leurs boulevards, et, y renversant la croix du Christ, avait planté le croissant à quelques lieues de Vienne. Il avait ensuite assiégé Rhodes avec deux cent mille hommes, et il s’étendait dans la Méditerranée comme il s’était avancé en Hongrie, épouvantant l’Europe de tous les côtés. Les esprits étaient émus. On tremblait que Rhodes, ce poste avancé de la république chrétienne dans les mers du Levant, ce dernier reste des anciennes conquêtes des croisés, ne tombât entre les mains de l’irrésistible Soliman, malgré l’héroïsme des chevaliers de Saint-Jean qui le défendaient. La chute d’un pareil boulevard pouvait entraîner la ruine de la valeureuse milice qui gardait la Méditerranée et livrer les côtes de cette mer aux dévastations ottomanes. Le désir universel de la chrétienté était de voir les princes de l’Europe suspendre leurs querelles et s’entendre pour résister en commun à l’ennemi de leur puissance ainsi que de leur religion. Adrien VI éprouvait ce sentiment en chrétien et en pontife. Quelque temps auparavant, Léon X avait établi une trêve générale qui devait durer cinq ans et réunir l’Occident tout entier dans une croisade contre Selim, père de Soliman. La mort de Maximilien, le soulèvement religieux de Luther, la lutte de Charles et de François dans l’élection à l’empire, leur rupture en Italie, à laquelle avaient successivement pris part Léon X lui-même et Henri VIII, avaient empêché l’exécution d’un aussi salutaire projet, qu’Adrien VI renouvela au moment du siège de Rhodes.
François Ier ne refusa point de s’y associer. Il offrit d’être un soldat dévoué du saint-siège et le défenseur le plus zélé de la république chrétienne, si le pape, dont il avait accepté la médiation, reconnaissait ses droits en Italie et les faisait admettre par Charles-Quint. Adrien en avait renvoyé l’examen à l’époque où il serait établi à Rome. Il y était arrivé le 29 août. À peine avait-il été intronisé, que les affaires l’avaient assailli, les intrigues des cardinaux déconcerté, les instances contraires des deux souverains jeté dans des perplexités douloureuses. L’empereur le pressait de s’unir à lui ; François Ier le sollicitait de se prononcer pour la restitution de la Lombardie. « Nous sommes prêts, écrivait-il à Rome, de faire paix ou trêve et de venir à grosse puissance contre le Turc, pourvu que Milan, qui est notre patrimoine, dont indûment avons été spoliés, nous soit rendu[50]. » Il disait au cardinal d’Aux et au cardinal de Como, investis de ses pouvoirs, et chargés de poursuivre cette négociation auprès du saint père, « qu’il était assez fort non-seulement pour se défendre, mais pour offenser ses ennemis, qu’il avait trois mille cinq cents hommes d’armes payés pour un an, la solde de trente à quarante mille hommes de pied et trois bandes d’artillerie. » Il n’admettait que des arrangemens conformes au traité de Noyon avec l’empereur, auquel il rendrait Fontarabie et qui lui remettrait Milan, et au traité de Londres avec le roi d’Angleterre, qu’il paierait de ce qui lui était dû au moyen de ce que Charles-Quint devait et acquitterait en retour de la cession de Naples. Il semblait moins tenir qu’il ne l’avait fait jusqu’alors à une compensation pour le royaume de Navarre. Des prétentions pareilles n’avaient aucune chance d’être admises ; la défaite les avait annulées, la victoire seule pouvait les faire revivre.
Adrien était fort embarrassé. Très pieux, peu habile, éminent par la doctrine, incertain dans la conduite, il ne savait ni se diriger ni se résoudre. Il avait d’abord donné sa confiance au cardinal de Volterra, et il ne se montrait pas défavorable à François Ier[51]. Ce cardinal appartenait à la famille des Soderini, qui était opposée à la famille des Médicis, et dont le chef avait, de 1502 à 1512, gouverné comme gonfalonier de la république la ville de Florence, où s’était en ce moment retiré le cardinal Jules, que sa trop grande puissance avait rendu suspect à Rome. Ce dernier cependant fut bientôt tiré de sa disgrâce par la découverte d’une correspondance que le cardinal de Volterra entretenait avec François Ier. Il surprit adroitement des lettres dans lesquelles le confident et le conseiller du pape engageait le roi de France à ne rien céder, et l’excitait à attaquer l’empereur en Sicile, afin de l’obliger à abandonner Milan. Ces lettres furent mises sous les yeux d’Adrien, qui se crut trahi. Il fit jeter en prison le cardinal de Volterra, auquel il donna des juges, Passant bientôt d’une direction sous une autre, le pontife, défiant et troublé, rappela auprès de lui le cardinal Jules de Médicis, qui rentra triomphalement dans Rome et vint y conduire la politique du saint-siège[52].
Dès ce moment, Adrien VI ne tint plus la balance égale entre les deux souverains, et se porta tout d’un côté. Les Turcs s’étaient rendus maîtres de Rhodes à la fin de 1522, malgré l’opiniâtre et glorieuse défense des chevaliers. Dans la nécessité de plus en plus urgente à ses yeux de résister à Soliman, il voulut réunir contre lui tous les monarques chrétiens, et pour cela forcer les deux principaux d’entre eux à accepter une trêve. Cette trêve aurait maintenu l’état territorial tel qu’il existait alors, et ne l’aurait pas rétabli comme il était avant la guerre. Elle ne pouvait pas convenir à François Ier, dont elle aurait consacré la dépossession. Aussi Adrien VI songeait-il à la lui imposer, en le menaçant, s’il s’y refusait, de le frapper des censures ecclésiastiques[53].
Le roi de France n’entendit pas souscrire ainsi, sur l’ordre d’un pape, à l’abandon du Milanais, et il se révolta à la menace d’une excommunication. Il écrivit au souverain pontife en s’étonnant que ceux qui lui conseillaient d’exiger aussi impérieusement cette trêve[54]n’en eussent pas été d’avis lorsque le pape Léon lui faisait la guerre à Milan, et que le Turc assiégeait Belgrade. « Mais, ajouta-t-il, le pape Léon aimoit mieux dépenser l’argent de l’église contre les chrétiens et le devoir de sa profession que contre les infidèles. » Il adressa ensuite à Adrien ces fières paroles : « S’il étoit loisible aux papes de facilement excommunier les rois et princes, ce seroit de mauvaise conséquence, et croyons que les magnanimes qui préfèrent leur prééminence à leur proufit particulier ne le trouveront bon. Et de notre part, nous avons privilèges concédés à nos ancêtres qui ont coûté bien chier et jusques au sang de nos subjectz, lesquels ne souffriront si facilement être rompus, ains jusques à la dernière goutte de leur sang les défendront. » Rappelant ce qui s’était passé à cet égard entre le saint-siège et la couronne de France au commencement du XIVe siècle, il employa cette phrase laconiquement menaçante : « Pape Boniface VIII l’entreprit contre Philippe le Bel, dont se trouva mal. Vous y penserez par votre prudence[55]. »
Adrien cessa de poursuivre une trêve impossible, et il ne s’aventura point à fulminer une excommunication aussi dangereuse. Au moment où l’Allemagne entrait en rébellion contre le saint-siège, il se fût exposé à ébranler la soumission de la France. Mais s’il n’obligea point François Ier à subir la paix, il ne craignit pas de se joindre à ceux qui lui faisaient la guerre, et au lieu de suspendre les querelles des princes, il les accrut en s’y mêlant. Il contracta une alliance offensive avec les ennemis de François Ier le 3 août 1523. Les Vénitiens venaient aussi de se tourner contre lui (28 juin). Lassés d’une union malheureuse qui les condamnait à des dépenses sans leur rapporter des profits, qui exposait leur sûreté dans la défaite et ne leur aurait procuré aucun agrandissement dans la victoire, aimant mieux d’ailleurs avoir pour voisin un prince italien qu’un prince étranger, un faible duc comme Francesco Sforza qu’un puissant monarque comme François Ier, ils refusèrent d’abord de renouveler leur vieille alliance avec le roi très chrétien, et ils entrèrent ensuite dans la grande confédération formée contre lui.
Cette confédération se composa alors de tous les états italiens et des principales puissances de l’Europe. Le royaume de Naples, le saint-siège, les républiques de Florence, de Sienne, de Venise, de Gênes, le duc de Milan Sforza, l’archiduc d’Autriche Ferdinand, le roi d’Espagne, le roi d’Angleterre, s’unirent étroitement, les uns pour empêcher François Ier d’occuper de nouveau la Haute-Italie, les autres pour envahir son propre royaume. L’armée impériale, qui restait sur pied dans la Lombardie, devait y être renforcée par les Vénitiens, de six mille fantassins, de six cents hommes d’armes et de six cents hommes de cavalerie légère ; par les Florentins, de deux cents hommes d’armes ; par le duc de Milan, de quatre cents cavaliers des deux armes. Charles-Quint, Adrien VI, Francesco Sforza s’engageaient à pourvoir cette armée de l’artillerie et des munitions nécessaires. Afin de solder régulièrement ces troupes et de faire face aux autres dépenses de la guerre, chaque confédéré était taxé par mois : le pape à 20,000 ducats, l’empereur à 30,000, le duc de Milan à 20,000, Florence à 20,000, Sienne, Lucques et Gênes à 10,000. Les Génois, rendus au régime républicain et replacés sous un doge national, avaient en outre la charge d’entretenir la flotte alliée et de pourvoir à la défense de leur ville. La coalition des divers états italiens pour s’opposer au retour et à l’établissement de François Ier en Lombardie était d’autant plus formidable, qu’elle unissait contre lui des troupes aussi nombreuses qu’aguerries, et assurait les moyens de les garder longtemps sous le drapeau[56].
Elle ne fut cependant pas capable d’intimider François Ier et de l’arrêter dans la poursuite de ses desseins. Il avait dit naguère au parlement de Paris en termes belliqueux et confians : « Toute l’Europe se ligue contre moi ; eh bien ! je ferai face à toute l’Europe. Je ne crains point l’empereur, il n’a pas d’argent ; ni le roi d’Angleterre, ma frontière de Picardie est bien fortifiée ; ni les Flamands, ce sont de mauvaises troupes. Pour l’Italie, c’est mon affaire, et je m’en charge moi-même. J’irai à Milan, je le prendrai, et je ne laisserai rien à mes ennemis de ce qu’ils m’ont enlevé[57]. » Il écrivit alors : « Je ne serai à mon aise que quand je serai passé par-delà avec mon année[58]. »
Il avait adopté sur la frontière du nord, pour la couvrir, le même système de défense que l’année précédente. Il avait ravitaillé et fortifié les places qui pouvaient arrêter l’ennemi sur cette partie du territoire, dont il confia la garde au duc de Vendôme. Il fit partir pour la Guyenne Lautrec, qu’il chargea d’occuper les passages des Pyrénées. Il se réserva le commandement des troupes qui se réunissaient au pied des Alpes, et à la tête desquelles il voulait fondre sur l’Italie. Déjà l’amiral Bonnivet avait passé les monts avec un corps considérable, afin de s’assurer du poste important de Suze. Douze mille Suisses étaient en marche pour le joindre, sous la conduite du maréchal de Montmorency. Les hommes d’armes de France s’acheminaient par compagnies vers Lyon, où François Ier se rendait dans la dernière quinzaine d’août, et d’où il devait descendre en Lombardie avec la plus puissante armée.
Pendant qu’il se disposait à sortir de son royaume, ses ennemis s’apprêtaient à l’envahir. Leur invasion devait être secondée par la révolte du second prince du sang, du dernier grand souverain territorial de la France féodale, du connétable de Bourbon, que François Ier, par des affronts multipliés et les plus imprudentes injustices, avait poussé à cette criminelle extrémité. C’est dans sa route de Paris à Lyon que lui fut révélée la conspiration du connétable, qui n’attendait que son départ pour éclater, et devait lui enlever la France au moment où il conquerrait Milan.
MIGNET.
- ↑ Charles-Quint à Wolsey. Musée britannique, Galba B., VII, fol. 160, olographe.
- ↑ Lettre latine de Charles-Quint à son ambassadeur à Rome, 30 décembre 1521. — Copie envoyée à Wolsey et déposée au Musée britannique, Vitell. B., IV, fol. 222.
- ↑ Th. Cheyney à Wolsey, janvier 1522, dans Bréquigny, vol. 89.
- ↑ « Quindici dei quali erano in favore del cardinal de Medici. » Relazipne di Roma, de Luigi Gradenigo, qui, dans le moment du conclave, était ambassadeur de Venise à Rome, de mai 1523, dans Albéri, série 2e, vol. III, p. 73. — Guicciardini compte aussi quinze voix, lib. V. — Paul Jove prétend qu’il disposait de seize ; Vita Hadriani, VI, cap. VIII.
- ↑ « Dei quali ventitrè diciotto volevano esser papa. » Relazione di Gradenigo, ibid., p. 73. — « Ex ordine seniorum nemo reperiebatur qui se eo honore non dignum putaret. » P. Jovins, Vita Hadriani VI, cap. VIII.
- ↑ « Et a esté tenu pour pape, car s’il eust en encore quatre voix, il l’eust emporté. » Dépêche de Nicolas Raince à François Ier du 9 janvier, mss. Béthune, vol. 8500, fol. 95.
- ↑ Dépêche de l’ambassadeur de Pins à François Ier écrite de Rome le 10 janvier 1522, mss. Béthune, vol. 8500, fol. 91. — Relazione di Gradenigo, etc., dans Alberi, série 2e, vol. III, p. 73-74.
- ↑ Dépêche de Clerk à Wolsey écrite de Rome le 15 janvier 1522, Musée britannique, Vitellius, B, V, fol. 17. — Dans sa dépêche, Clerk prétend qu’il en eut jusqu’à douze, et même au-delà. Ibid. « On ne voit point figurer son nom dans les divers scrutins de ce conclave, tels qu’ils ont été indiqués, avec des omissions et des erreurs. On voit avec certitude, par une lettre du cardinal Campeggio, qui faisait partie du conclave, qu’il eut jusqu’à neuf voix. » Dans cette lettre, fort mutilée, Campeggio dit à Wolsey qu’il n’y a pas eu de scrutin où il n’ait eu des voix, quod non habuerit vota, et que ad octavum persœpe et nonum pervenere., — Lettre de Rome écrite le 10 janvier par Campeggio à Wolsey, Musée britannique, Vitellius, B. V, p. 10.
- ↑ « Il (le cardinal de Médicis) et les siens couchèrent voye de faire un pape à l’impourveu, doubtant les estatz de Siennes et de Florence, et, sire, s’ils ne l’eussent fait aujourd’huy, avant deux jours ils eussent tout laissé là, car voyant Médicis qu’il ne pouvoit advenir, n’estimoit rien tant que l’estat de Florence, auquel il prétend estre mainctenu. » Dépêche de N. Raince à François Ier, écrite de Rome le 9 janvier à cinq heures de nuit, mss. Béthune, vol. 8500, fol. 86, sqq. — « M. de Médicis a fait seul le pape, et non autre. » N. Raince à François Ier, dépêche du 10 janvier, ibid. , fol. 89.
- ↑ P. Jovius, Vita Hadriani VI, cap. VIII.
- ↑ Le cardinal Trivulzio écrivait le 14 janvier à François Ier : « J’espère que de tous ceulx lesquels sont esté plus prochain d’estre pape cestuy cy quest esleu soit le meillieur pour vous. » Mss. Béthune, vol. 8487, fol. 32. — C’est ce qu’écrivait aussi le 9 janvier, à François Ier, Nicolas Raince, en lui disant que, le choix ne pouvant tomber que sur un impérial, le cardinal de Tortose était préférable « pour le bien et moins mal de vous, non-seulement pour ce que l’on dit qu’il soit de bonne vie, mais pour aultant que de six ne de huit mois il ne se peult trouver en lieu où il vous puisse empescher ni luy ni son disciple. » Mss. Béthune, vol. 8500, fol. 86, sqq.
- ↑ « Et incontinent fut dit habemus papam, ce que voyant les autres cardinaux et que déjà il estoit pape ils accédèrent. » Dépêche de Nicolas Raince. ibid., fol. 95.
- ↑ « Avevano eletto un pontefice barbaro e assente. » Guicc. lib. XIV.
- ↑ « Della quale stravaganza non potendo con ragione alcuna scusarsi transferivano la causa nello Spirito santo. » Guicc, lib. XIV.
- ↑ « E nel’ uscir di conclave si levarono contro a loro grandissime strida, dicendo : Perche non eleggeste uno di voi ? » Relazione di Gradenigo, etc., ibid., p. 74.
- ↑ « I cardinali rimasero morti di aver fatto uno che mai non videro. » Ibid.
- ↑ « Sire, vous ne sçauriez croire le malcontentement de toute cette cité… et vous promectz, sire, que les cardinaux n’osent aller parmy les rues, car en saillant du conclave grands et petits crioient et couroient après eulx, que c’estoit grand honte de le veoir, car tous tiennent que ceste court est perdue. » Dépêche du 10 janvier de Pins à François Ier, mss. Béthune, vol. 8500, fol. 91.
- ↑ Roma est locanda. « Perche tutti credevano che il papa tenesse il papato in Ispagna. » Ibid
- ↑ Dépêches de Nic. Raince du 9 et du 10 janvier, mss. Béthune, vol. 8500, fol. 86-89, sqq.
- ↑ « Entre les articles faits au conclave, il y en a ung qu’il (le nouveau pape) fera tout son pouvoir et devoir de mectre paix universelle entre les princes chrétiens, et quant il ne le pourroit faire, à tout le moings il se trouve neutral. » Dépêche de N. Raince du 10 janvier, ibid., fol. 89, sqq.
- ↑ « Cum esset timoratœ conscientiœ, formidans tantum onus, non decreverat illud subire. » Itinerarium Hadriani, cap. II, p. 161, par Blas Ortiz, chanoine de Tolède, qui était avec Adrien lorsqu’arriva la nouvelle de son élection, et qui l’accompagna à Rome, d’où il ne partit qu’après sa mort. Cet itinéraire est dans : Hadrianus VI sive analecta historica de Hadriano sexto, etc., Collegit Casparus Burmanus, in-4o, Trajecti ad Rhenum, 1727.
- ↑ Jovius, Vita Hadriani, cap. X.
- ↑ « Sed ut vos de honore summo, nobis ultro oblato, laetamini ; ita nos onus annexum exhorrescimus, atque utinam illud a nostris infirmis, in alios robustiores humeros, Deo inoffenso, rejicere possumus. Qui onus imposuit vires ad ferendum suppetat. » Ex Victoria urbe, februar. DCCLIII, lettre à Pierre Martyr, lib. XXXV, p. 435.
- ↑ C’est ce qu’il lui faisait dire par sir Richard Wynfeld, ambassadeur d’Henri VIII auprès de lui, qui écrivait le 11 février à Wolsey : « Sa majesté juge que le nouvel élu est vieux, malade, éloigné de Rome, de sorte qu’il ne restera pas longtemps en charge. C’est pourquoy elle vous prie de la manière la plus cordiale de vous tenir prêt vous même… Elle a l’intention sincère, lorsque le cas le requerra, de faire de son mieux pour votre avancement en cette matière. » Musée britannique, Galba B., VII, p. 6.
- ↑ Lettre de Charles V à Adrien VI du 7 mars 1522. Correspondanz des Kaisers Karl V, publiée par Karl Lanz, in-8o, Leipzig 1844, t. Ier, p. 59.
- ↑ « Je savoie qu’il ne convenoit ni à YOS affaires, ni à la république christienne, que sollicitissies pour moy, pour ce que eussies solut et enfraint l’amitié avec cestuy qui de tous estoit le plus nécessaire aux choses de l’Italie. » Lettre du 8 mai, d’Adrien VI à Charles V, ibid., p. 61.
- ↑ Lettre de François Ier au pape, mss. Béthune, vol. 8527, fol. 1, sqq.
- ↑ Dépèche de Nicolas Raince à François Ier, écrite de Rome le 9 janvier 1522, mss. Béthune, vol. 8500, fol. 86 et sqq.
- ↑ Guicc, lib. XIV. — Gal. Capella, lib. II, fol. 1265. — Belcarius, Comment, rer. .Gall., lib. XVII, fol. 503.
- ↑ Gal. Capella. lib. II, fol. 1265. — Guicc, lib. XIV.
- ↑ Cronaca Grumello, citée dans Verri, Storia di Milano, t. II, cap. XXIII, p. 186. — « Reliquum vero è tributis Mediolanensium conferebatur. » Gal. Capella, ibid., fol. 1266.
- ↑ « A Milano… fu messo un ordene, che ogni parochia facesse el suo capitaneo et la sua bandera, con li soi caporali, con quello ordine quanto se si avesse de andar alla battaglia… talmente che la città se rallegrava tutta vedendo che tutti erano d’un animo a mettere la vita e la robba per defensione della patria et contra Franzesi. » Cronaca di Milano scritta da G. M. Buriggozo merciajo dell’anno 1500 sine al 1544 dans Archivio storico Italiano, etc… Firenze 1842, in-8o, t. III, p. 435, 436.
- ↑ Gal. Capella, ibid., p. 1266-1267. — Guicciardini, lib. XIV. — Martin Du Bellay, t. XVII, p. 366-375. — Belcarius, fol. 504.
- ↑ Gal. Capella, ibid., p. 1267. — Cronoca del Burigozzo, ibid., p. 437. « Fece la intrata in la città mediolanense con allegria et tutto il populo con sonar di campane, sparare di artelleria parendo ruinasse il mondo. Mai fu visto nè audito tanto triumpho. — Cronaca Grumello, citée dans Verri, t. II, c. 23, p. 186.
- ↑ Gal. Capella, ibid., f. 1268. — Guicc, lib. XIV. — Du Bellay, ibid., p. 275-276.
- ↑ « Qui locus tribus passuum millibus Mediolano distat ; ubi domus est villae opportuna, circumque viridaria haud exigua sunt, profundis fossis vallata ; juxta etiam prœdia effosi fontes, indeque deducti rivi ad prata irriganda, intra quos Prosper exercitum communiverat, etc. » Gal. Capella, ibid., f. 1269. — Guicciardini, lib. XIV. — « Estoit la dite Bicoque la maison d’un gentilhomme, circuit de grands fossez, et le circuit si grand, qu’il estoit suffisant pour mettre vingt mille hommes en bataille. » Du Bellay, ibid., p. 877. — Belcarius, Comment., etc., f. 505.
- ↑ Voyez sur la bataille de la Biccoca : Gal. Capella, f. 1269-1270 ; — Guicciardim, lib. XIV ; — Du Bellay, ibid., p. 376 à 380 ; — Belcarius, Commentarii, f. 505-506 ; — Histoire de la Confédération Suisse de Jean de Muller, continuée par R. Gloutz-Blozheim et J. J. Hottinger, in-8o, t. X de Hottinger, traduit par L. Vulliemin, 1840, p. 58 à 63 ; — L. Ranke, Histoire d’Allemagne à l’époque de la réformation, t. II, liv. IV, où il s’est servi de l’Histoire des Frondsberg par Reisner et de la Chronique de Berne d’Anshelm.
- ↑ Du Bellay, ibid., p. 381.
- ↑ Il répondit à ceux qui le pressaient de poursuivre l’armée en retraite : « Partam jam victoriam fortunœ et helvetiam temeritatem nova temeritate abolere se nolle. » Belcarius, fol. 507.
- ↑ Du Bellay, ibid., p. 384-385. — Belcarius, fol. 508-509.
- ↑ Herbert, the Life and raigne of king Henry the Eighth, p. 126 à 128.
- ↑ Sandoval, t. I, lib. XI, § 2.
- ↑ Instructions à Thomas Cheyney, mai 1522, dans mss. Brequigny, vol. 89.
- ↑ Dépêche de Cheyney à Wolsey du 29 mai 1522. Mus. brit. Galba, B. VII, p. 228. — Aussi dans Brequigny, vol. 89.
- ↑ Ibid. Th. Cheyney ajoutait à la fin de sa dépêche « qu’il étoit dommage de perdre le roi de France, qui sembloit mettre par-dessus tout l’alliance du roi d’Angleterre. »
- ↑ Journal de Louise de Savoie dans le tome XVI de la collection Petitot, p. 406 et 407.
- ↑ Du Bellay, ibid., p. 391-392.
- ↑ Lettres de Surrey à Wolsey, du 16 août, des 3, 6, 9,12, 22, 28 septembre 1522. — Dans Brequigny, vol. 89.
- ↑ Du Bellay, p. 393 à 398. — Pontus Heuterus, lib. VIII, f. 204.
- ↑ Instructions pour MM. les cardinaux d’Aux et de Cosme, Blois 11 août 1522. — Archives impériales, sect. hist., J. 965, liasse 5, no 3.
- ↑ Dépêches de Rome écrites par l’évêque de Bath à Wolsey. — State Papers, vol. VI, p. 123-124. — « Il papa è inclinatissimo alla pace, et molto ha pigliato in protettione le cose di Francia, non senza mormoratione de gl’ imperiali, et praecipue di don Giovanni Emanuel, il quale si parti mezo disperato. » Lettere di principi alli 10 di décembre 1522, t. Ier, p. 109, v°.
- ↑ Guicc, lib. XV. — P. Jovius, Vita Hadriani VI, c. XIV. — Belcarius, Commentarii, etc., fol. 511.
- ↑ « D’autre part avons sceu qu’aviez délibéré faire une trefve triennalle avec censures, que nous avons trouvé fort estrange. » Lettre de François Ier au pape Adrien VI, mss. Béthune, vol. 8527, fol. 1, sqq.
- ↑ « Chascun dit que celle que vostre saincteté veult faire par leur conseil se faict sous la couleur du Turc, mais en vérité c’est contre nous. » Ibid.
- ↑ François Ier ajoutait : « Si vous prions par vostre bonté et équité avoir esgard et considération à ce que dessus et ne faictes chose que ung bon et prudent pasteur ne doibve faire ; car ou par telz moiens cuideriez mectre paix en la chrestienté, y mectriez plus grand trouble que jamais. »
- ↑ Guicc, lib. XV. — Pontus Heuterus, lib. XVIII, c. XVIII, fol. 207. — Jovius, Vita Hadriani VI, c. XVI.
- ↑ Registres du Parlement.
- ↑ François Ier à Montmorency, 23 août 1523, mss. Béthune, vol. 8569.