Rhétorique (trad. Ruelle)/Livre II/Chapitre 17

Traduction par Charles-Émile Ruelle.
(p. 237-238).
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CHAPITRE XVII


Des mœurs des puissants et des heureux.


I. Semblablement aussi, en ce qui concerne la puissance, les mœurs sont, pour la plupart, faciles à reconnaître. Les unes sont, en effet, les mêmes dans la puissance que dans la richesse, et d’autres valent mieux.

II. Les puissants sont d’un caractère plus jaloux de l’honneur et plus brave que les riches, parce qu’ils tendent à des actions qu’il leur est loisible d’accomplir en raison de leur pouvoir.

III. Ils sont capables d’une plus grande activité, parce qu’ils sont préoccupés, se voyant forcés de veiller à ce qui constitue leur puissance.

IV. Ils sont plutôt dignes que (simplement) graves ; car le prestige de leur situation les met plus en vue, et c’est pour cela qu’ils gardent la mesure. Or la dignité est une gravité où l’abandon s’allie à la bienséance. Lorsqu’ils causent un préjudice, il n’est pas de mince, mais de grande importance.

V. Le bonheur comporte, dans les détails, ces mêmes mœurs que nous venons de décrire ; Car c’est à ces détails que se rattachent les événements qui semblent être les plus grands bonheurs ; — et aussi à la possession d’une belle famille. De plus, le bonheur procure en abondance les avantages corporels.

VI. Le bonheur nous rend plus orgueilleux et plus déraisonnables. Du reste, il y a un trait de caractère excellent qui accompagne le bonheur, c’est l’amour des dieux et la confiance en leur pouvoir que nous inspire la jouissance des biens qui nous viennent de la fortune. Nous avons parlé des mœurs dans leurs rapports avec l’âge et avec la fortune. Les mœurs des gens placés dans des conditions contraires sont faciles à reconnaître d’après les traits contraires ; telles, par exemple, celles du pauvre, du malheureux, de l’homme sans puissance.