Revue pour les Français Décembre 1906/VI

LA PRESSE FRANÇAISE À L’ÉTRANGER



Il paraît qu’il existe à Paris un syndicat de journaux de langue française paraissant à l’étranger. Nous n’en savions rien. Voilà un bon syndicat ! Il devrait être archi subventionné par l’État et par les particuliers et tout porte à craindre au contraire qu’il ne végète dans une indigence relative. Quelle institution pourtant est apte à nous rendre de plus grands services ? L’Indépendance Belge qui nous rend celui de nous révéler l’existence dudit syndicat en profite pour faire un relevé approximatif des journaux publiés hors de France en langue française. Et elle en compte 782. Il paraît du reste que la liste exacte est en voie d’être dressée par les soins du ministère des affaires étrangères ; ce sera là une besogne préliminaire des plus utiles.

Il faut indiquer d’abord que non seulement en Belgique, en Suisse et au Canada presque tous les journaux importants sont écrits en français, mais qu’il en est de même à Haïti et dans l’île Maurice. En Alsace-Lorraine, la presse française malgré que l’administration s’efforce de l’entraver fréquemment arrive à se maintenir d’une manière admirable. Rome possède un grand quotidien l’Italie et la petite ville d’Aoste un hebdomadaire, le Mont Blanc. Londres n’a qu’un hebdomadaire, la Chronique. Mais certains journaux anglais ont publié depuis quelques années des articles en français, fait nouveau qui mérite d’être retenu. Berlin possède un hebdomadaire, héritier du Bulletin International qui parut à Dresde de 1868 à 1870. Il y eut aussi avant la guerre L’Europe de Francfort, feuille tendancieuse qu’il vaudrait de rétablir dans un esprit plus impartial et moins ardent. Sofia lit le Courrier des Balkans. Saluons en passant les deux grands quotidiens de Bukarest, la Roumanie, et l’Indépendance Roumaine. On peut se souvenir que le Courrier Oriental, fondé là-bas en 1860, fut un des plus chaleureux défenseurs de la renaissance roumaine. Le Journal de Saint-Pétersbourg a fréquemment les honneurs de communications gouvernementales officieuses. En Turquie, le Stamboul et la Réforme défendent l’un à Constantinople, l’autre à Smyrne les intérêts français. Le Phare d’Alexandrie, la Bourse égyptienne et le Journal du Caire composent la presse française au pays des Pharaons. À Tanger il y a la Défense Marocaine. Nous nous permettons, sans vouloir lui être désagréable, de dire au Petit monégasque journal de la principauté de Monaco, qu’il est de tous ceux là, celui qui nous intéresse le moins.

Au Nouveau Monde les journaux français sont nombreux. Le Courrier des États-Unis, de New-York et l’Abeille de la Nouvelle-Orléans comptent parmi les plus importants. En Californie se publie le Franco-Californien à San-Francisco et, dans le Sud, l’Avenir de Los Angeles. À citer encore deux hebdomadaires, le Nouveau Monde, à Chicago et la Guêpe, en Louisiane. Au Brésil paraissent le Courrier de Saint-Paul à Saint-Paul et l’Étoile du Sud à Rio de Janeiro. Mais ce sont des hebdomadaires comme l’était la France, publiée au Chili et qui vient malheureusement de disparaître. Les deux grands organes français de l’Amérique latine sont le Courrier du Mexique, vieux déjà d’un demi-siècle, et le Courrier de la Plata qui, de seize pages quotidiennes, passe souvent à trente-deux et parfois même à quarante. C’est un journal digne de la forte colonie de cent mille Français qui nous représentent à Buenos-Ayres. Shanghaï possède un Écho de Paris quotidien et enfin la Siam free press de Bangkok, malgré son titre anglais, défend les intérêts français et en partie dans notre langue.

Cette rapide énumération est fort incomplète. Mais le chiffre total de 782, indiqué par M. Jean Bernard dans la chronique à laquelle nous empruntons ces détails, nous excuse de nous borner à un résumé. Il reste une impression d’ensemble infiniment satisfaisante au point de vue national et qui s’exprime sous une double forme : l’instrument existe et il pourrait fournir, si l’on savait en faire usage, beaucoup plus qu’il ne fournit actuellement. À nous autres Français d’en tirer parti.


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