Revue Musicale de Lyon 1904-02-10/Parsifal à New-York

« Parsifal » à New-York

Nous empruntons à une correspondance adressée au Musical-Times de Londres, par M. Krehbiel, l’éminent musicographe américain, les appréciations suivantes sur les représentations de Parsifal données depuis le 25 décembre au Métropolitain-Opéra de New-York.

« Je vous écris après la troisième représentation de Parsifal, qui va être suivie de sept autres avant la clôture de la saison ordinaire. Je parle donc en connaissance de cause. Eh bien, je puis attester en toute sincérité qu’à New-York autant qu’à Bayreuth, les auditeurs se sont conduits avec tout le décorum de circonstance et qu’ils ont manifesté une compréhension aussi sensible du drame religieux de Wagner que ceux qui ont fait le pèlerinage à la Mecque wagnérienne.

Au point du vue matériel, il ne peut y avoir aucune comparaison entre Bayreuth et New-York.

L’Opera House a reçu à chaque représentation presque trois fois autant de monde que peut en contenir le Festspielhaus de Bayreuth. Il n’y a aucune raison de craindre qu’il y ait un déclin de l’intérêt avant la fin de la saison. Si les espérances de M. Conried se réalisent, il pourra, au printemps prochain, informer le monde que Parsifal aura été révélé à quarante mille Américains, pour lesquels, jusqu’ici, l’œuvre avait été lettre morte, et que 180,000 dollars (900,000 fr.), auront été déboursés par la société mondaine. Il m’est impossible de dire combien il a été dépensé de cette énorme somme pour les représentations. Pour monter Parsifal, comme on dit en style de théâtre, on a dépensé 100.000 dollars (500,000 francs) ; mais dans cette dépense semblent être compris les frais de reconstruction de la scène de l’Opera House. Cette reconstruction était nécessaire pour pouvoir donner convenablement le drame de Wagner ; mais comme elle devait se faire même si Parsifal n’avait pas été joué, il n’y a pas lieu d’en tenir compte pour l’ouvrage de Wagner.

La première de Parsifal a eu lieu le 24 décembre. Le premier acte a commencé à cinq heures pour se terminer à sept. Il y a eu un entracte d’une heure trois quarts pour permettre aux spectateurs de dîner avant le second acte. L’entr’acte entre le deuxième et le troisième acte a été seulement d’un quart d’heure. Le spectacle a pris fin à onze heures vingt.

Les interprètes étaient tous des vétérans des festivals dramatiques de Bayreuth ; Mme Ternina, qui personnifiait Kundry ; M. Burgstaller, Parsifal ; M. Van Rooy, Amfortas ; M. Blass, Gurnemanz. Anton Fuchs, le régisseur ; M. Lautenschläger le chef machiniste de la scène de Munich ; M. Alfred Hertz, le chef d’orchestre.

Ce n’est un secret pour personne que la première moitié de la saison d’opéra a été sacrifiée à la préparation de l’ouvrage de Wagner. S’il en avait été autrement, les représentations eussent sans doute été inférieures ; elles n’auraient pas mis dans l’étonnement de vieux visiteurs de Bayreuth. La mise en scène, en particulier celle des trois parties du second acte, est infiniment plus belle qu’à Bayreuth, comme aussi du reste les costumes et les groupements des Filles-Fleurs. Les transformations du premier et du troisième acte ont également été réalisées à la perfection. Les décors étaient conformes à ceux de Bayreuth.

M. Hertz a conduit l’orchestre d’une façon tout à fait indépendante du rite de Bayreuth. Il a pris tous les mouvements sensiblement plus vite. Ceci peut avoir été une concession nécessitée par la différence d’acoustique. Je ne veux point dire par là que l’accélération du mouvement ait nuit à l’effet du drame, qui est assez mouvementé par lui-même. Les chœurs des chevaliers du Graal ont paru courts. Ce qu’on n’a pas retrouvé ici, c’est l’effet mystique de l’orchestre du Festspielhaus, avec ses merveilleuses propriétés acoustiques ; mais dans l’ensemble, l’interprétation a été bonne, digne et belle. Parsifal peut être compté comme la plus parfaite manifestation d’art que nous ayons eue depuis longtemps en Amérique. »

Voici un aperçu du prix des places pour les représentation de Parsifal :

Grandes loges de 6 places. 
 fr. 325
Baignoires de 5 places. 
 200
Baignoires de 4 places. 
 175 et 150
Fauteuils d’orchestre. 
 50
Amphithéâtre 
 25
Balcons, 1er, 2e et 3e rangs. 
 12
Balcons, autres rangs. 
 10
Les autres places. 
 7 et 5

Les abonnés à la saison bénéficiaient d’une réduction de 15, 10 et 5 francs sur les prix ci-dessus notés aux fauteuils d’orchestre et aux balcons.