Revue Musicale de Lyon 1903-12-29/Correspondance de Paris

J. Catonet
Revue Musicale de Lyon (p. 129-130).

Correspondance de Paris

Deux premières à Paris cette semaine : Au théâtre municipal de la Gaité, Messaline ; à l’Opéra-Comique, la Reine Fiammette de Xavier Leroux.

De Messaline, peu de choses à dire : M. Isidore de Lara, l’heureux compositeur de cette œuvre peu nouvelle, est un riche amateur qui a beaucoup de relations et la célébrité de son œuvre s’explique par des raisons qui ont peu de choses à voir avec la musique ; du reste, les lecteurs de la Revue trouveront ailleurs, sur cet opéra, d’excellents jugements qui me dispensent de porter sur lui une appréciation qui serait certainement très peu bienveillante.

La partition de M. Xavier Leroux, la Reine Fiamette, composée sur le poème exquis de Catulle Mendès, est bien supérieure à l’Astarté jouée en 1901 à l’Opéra ; elle a été très favorablement accueillie ; M. Leroux se rattache beaucoup à l’école de Massenet par le choix des idées, qui ne sont pas toujours de premier ordre, et par la qualité toujours excellente par contre de l’orchestration. L’œuvre est interprétée adorablement par Mlle Gar- den, et médiocrement par MM. Périer, Allard et Maréchal.

Les concerts dominicaux ne nous ont rien révélé cette semaine. M. Colonne continue à fêter le centenaire de Berlioz en donnant la seconde audition de l’Enfance du Christ, cette œuvre charmante que j’ai toujours préférée à la Damnation de Faust, musique bien extérieure en somme et dont les couleurs vives séduisent pourtant le public plus que le charme discret de l’Enfance du Christ.

Comme dimanche dernier, on a fêté beaucoup le chef d’orchestre et les interprètes et, comme d’habitude, les mélomanes des dernières galeries se sont amusés pendant le concert à lancer sur les habitués de l’orchestre des flèches en papier, distraction bien inoffensive et dont j’avoue avoir goûté les charmes jadis quand l’orchestre nous révélait les beautés d’ordre spécial des œuvres du directeur de notre Conservatoire national[1].

Au Nouveau-Théâtre, M. Chevillard dirigeait dimanche du Beethoven, du Wagner et du Berlioz : Mme Raunay chanta avec un art admirable l’air de La prise de Troie, et l’orchestre donna d’excellentes exécutions de la Symphonie pastorale, de l’ouverture d’Egmont et surtout une interprétation de l’ouverture de Tannhauser qui fut traduite avec une souplesse, une chaleur et une passion extraordinaires.

Je me permettrai de rapporter la conversation exclamative et admirative que j’ai surprise, après Tannhaüser, entre mes deux voisins de théâtre : « Hein ! cette exécution ! » disait l’un ; et l’autre de répondre émerveillé « Tu parles ! » Et cette réponse laconique et peu académique est plus expressive en somme qu’un éloge très développé et conçu en style plus châtié !

J. Catonet.

  1. C’est du directeur du Conservatoire de Paris, M. Théodore Dubois, qu’il s’agit ici. (N. D. L. R.).