Revue Musicale de Lyon 1903-11-10/Le Prélude du 3e acte des Maître-Chanteurs
Le Prélude du 3e Acte
des Maîtres-Chanteurs
À son concert de mercredi la Symphonie Lyonnaise doit jouer le prélude du 3e acte des Maîtres-Chanteurs. Wagner nous a laissé de ce prélude une analyse psychologique que nous reproduisons ci-dessous.
Ce programme est contenu dans le brouillon d’une lettre adressée en français à Mme X… et fut communiqué par M. de Wolzogen à M. Kufferath pour son livre sur les Maîtres-Chanteurs.
« Le premier motif des instruments à cordes a été entendu en même temps que le troisième couplet du chant du cordonnier au troisième acte. Il exprimait là une plainte amère de l’homme résigné qui montre au monde une physionomie énergique et gaie. Eva avait compris cette plainte cachée et, navrée au fond de son âme, elle avait voulu fuir pour ne plus entendre ce chant à l’apparence si gaie. Ce motif se joue et se développe maintenant seul pour mourir dans la résignation ; mais en même temps les cors font entendre comme de loin le chant solennel avec lequel Hans Sachs a salué Luther et sa réformation et qui valut au poëte une popularité incomparable. Après la première strophe, les instruments à corde reprennent très doucement et dans son mouvement très retardé (retenu) des traits du vrai chant du cordonnier (c’est-à-dire de la chanson de Sachs au deuxième acte), comme si l’homme levait son regard de son travail manuel pour regarder en haut et se perdre dans des rêveries tendres et suaves. Alors les cors continuent aux voix (parties) plus élevées l’hymne du maître par lequel Sachs, à son entrée à la fête, est salué par tout le peuple de Nuremberg dans un éclat tonnant des voix unanimes. Maintenant le premier motif des instruments à cordes rentre encore avec la forte expression de l’ébranlement d’une âme émue profondément ; il se calme, s’apaise et arrive à la sérénité d’une douce et bienfaisante résignation. »