Recueil général et complet des fabliaux des 13e et 14e siècles/TomeII/Texte entier

Auteurs du Moyen Âge
Recueil général et complet des fabliaux des 13e et 14e siècles/TomeII
Recueil général et complet des fabliaux des XIIIe et XIVe siècles, Texte établi par Anatole de Montaiglon et Gaston RaynaudLibrairie des BibliophilesTome II (p. ).



RECUEIL

DES FABLIAUX












RECUEIL GÉNÉRAL
ET COMPLET
des
FABLIAUX
DES XIIIe ET XIVe SIÈCLES
imprimés ou inédits
Publiés avec Notes et Variantes d’après les Manuscrits
par mm.
ANATOLE DE MONTAIGLON
et
GASTON RAYNAUD

tome second
PARIS
LIBRAIRIE DES BIBLIOPHILES
Rue Saint-Honoré, 338

m dccc lxxvii

AVERTISSEMENT
du second volume


Un certain nombre des lecteurs de ces Fabliaux ont bien voulu exprimer le regret que les indications de manuscrits et d’éditions, le relevé des variantes et les renvois sommaires aux contes analogues, antérieurs ou postérieurs, dussent être renvoyés à la fin du Recueil. J’avais pris ce parti parce que des variantes sont un peu comme une table, plus faciles à consulter et à mettre en face du texte quand elles sont réunies en un seul endroit et qu’elles se trouvent dans un volume différent ; mais, comme le parti de les publier à mesure a l’avantage de les donner plus tôt et de mettre tout de suite le lecteur à même de juger, en pleine connaissance de cause, du soin avec lequel les manuscrits sont collationnés et des corrections qu’on a pu être forcé d’y faire, j’ai d’autant plus déféré à ce désir que des rapports de cette nature, entre l’éditeur et ceux qui s’intéressent à son travail, ne peuvent que profiter à l’œuvre, pour laquelle ils sont d’ailleurs un précieux encouragement. On désire avoir les variantes en même temps que les textes, et cela a ses avantages ; on trouvera, à la fin de ce second volume, celles qui s’y réfèrent et naturellement aussi celles qui se rapportent au premier volume. C’est même ce qui a augmenté le retard de la publication de celui-ci.

C’était mon ami M.  Pierre Jannet, pour lequel j’avais depuis longtemps commencé le travail de cette publication, qui se trouvait avoir entre les mains toutes les collations déjà faites par moi, et elles se rapportaient à la plus grande partie des fabliaux compris dans les quatre volumes de Méon. Apres sa mort, arrivée au milieu du siège, sa maison, à cause de la proximité des fortifications, — il demeurait à Montrouge, boulevard Jourdan, — fut employée comme poste et comme ambulance. On pense bien que les copies, non employées ou employées, et que les épreuves de la partie déjà imprimée, sur lesquelles se trouvaient précisément ces variantes qui n’étaient plus qu’à transcrire, ne se sont pas retrouvées. Ceux qui ont eu à recommencer de toutes pièces un travail déjà fait savent combien cela est dur : travailler pour faire est un plaisir, travailler pour refaire a toujours quelque chose d’irritant et de pénible, et je sais plus d’une œuvre, terminée ou très-avancée, qui, perdue dans des conditions semblables, a été abandonnée et ne sera jamais reprise.

Mon ami M.  Léopold Pannier se mit alors à ma disposition avec une bonne grâce que je ne saurais oublier. Pendant que je m’occupais de fabliaux auxquels je n’avais pas encore touché, il entreprit la collation de ceux dont j’avais perdu la copie, et je lui dois le premier travail d’un certain nombre des fabliaux de ce second volume, dont malheureusement il n’a pas vu la fin. Je comptais partager avec lui la charge de l’œuvre entière, mais sa collaboration, interrompue subitement par sa mort, n’a été que partielle et passagère. Je ne devais pas moins la signaler, pour ne pas être ingrat envers la mémoire d’un homme aussi intelligent, aussi dévoué à l’histoire de l’ancienne littérature de notre pays, et dont la perte est d’autant plus regrettable que sa jeunesse et son ardeur permettaient de compter sur lui et d’en beaucoup espérer.

C’est à la suite de cette mort qu’un jeune ami commun, M.  Gaston Raynaud, sorti, comme M.  Pannier et comme moi-même, de l’École des Chartes, — heureusement pour lui depuis moins longtemps, — a bien voulu s’offrir pour m’aider à mener à fin le recueil des Fabliaux.

Sa compétence, déjà bien connue dans le monde de l’érudition française, le sera bientôt dans le public par l’édition de la Chanson d’Aiol qu’il imprime pour la Société des anciens textes, par celle de la relation en vers de René Macé sur le Voyage de Charles-Quint en France, et par d’autres travaux qu’il prépare. Pour le commencement de sa collaboration, il s’est trouvé avoir la part la plus lourde, car c’est lui qui, en reprenant le travail comme s’il s’agissait d’une édition dont l’auteur aurait disparu, a dû, par suite de la perte des copies et des épreuves, collationner à nouveau les manuscrits et rétablir les variantes. Nous n’avons travaillé ensemble qu’à partir de la moitié du second volume ; il n’est que juste de mettre dès à présent son nom à côté du mien pour annoncer aux lecteurs de ce Recueil sa participation complète à la suite de l’œuvre, qui nous est maintenant commune.

Anatole de Montaiglon.

FABLIAUX


XXX

C’HEST

DE LA HOUCE.

Man. de Turin ; Fr. 36, f. 585 vo, 1re  col.,
à 586 vo, 1re  col.[1]

1
Un essanple vous voel retraire,
Où jou ne quier mençoigne atraire
Quant il n’est du mentir mestier.
Il avint jadis à Poitiers,
5Ensi com il me fu conté,
C’uns hom manoit en la cité,
Rices d’avoir et connissans.
Si amoit moult les siens enfans ;
Un fil ot, que mout tenoit cier.
10Bien vous puis dire et aficier
C’onques nus hom en creature
Ne mist si très grant nourreture

Com li pères en li faisoit ;
A son pooir bien li faisoit,
15N’onques un jour ne s’en recrut.
Li varlès amenda et crut
Tant que marier le convint.
Au preudhomme si en avint
Que pour lui metre ricement
20Li donna mueble et tenement ;
A son pooir tout en lui mist
Et de quanqu’il eut se demist :
De toutes choses à son ues
N’en retint qui vausist .II. oes.
25Li varlès mainnage maintint
Tant que sa femme .I. fil retint,
Qui mout fu puis de grant savoir.
Longement, [jel vous][2] fas savoir.
Mena li prodom bone vie.
30Tant que sa femme en eut envie
Du prodomme qui tant haï ;
S’a dit à son baron : « Haï,
Con vous pensés de bien avoir.
Se vous aviiés plus d’avoir
35Que n’avés, foi que doi Saint Pierre ;
Cel gasteroit tout vostre pierre ;
Bellement son mengier [d]esert ;
Nus ne menjue s’il n’en désert,
Fors plus seulement que d’estre ivre,
40Ne jà jor n’en sera delivre.
Je vous di bien qu’il n’i a el,
U me vuidera cest ostel ;

Fiancer le puis de ma main,
Ou il ora congiet demain. »
45Ensi sa femme li a dit,
Et li varlès sans contredit
Ce dit qu’il fera son voloir,
Cis qui du tout en noncaloir
Pour sa femme a son père mis,
50Qui pour lui s’iert du tout demis.
Au main li coumencha à dire
Chose qu’il déust escondire :
« Biaus pères, vous aves esté
moi maint iver, maint esté ;
55Onques ne vous entremesistes
De riens nule qui eust merites
Painne sans plus, fors que d’estre ivre.
Vous n’avés plus mestier de vivre ;
Celés vous ent en un renclus,
60Et sachiés que jou ne vel plus
Que vous soiés en ma maison,
Car en vous n’a sens[3] ne raison, »
Quant li prodom l’a entendu,
Mout fu dolans et confondu,
65Plains de grant maltalent et d’ire,
Car il ne puet un seul mot dire.
Longement ala demourant ;
Après se li dist en plourant
« Biaus fieus », dist-il, « je te nourri
70Et saciés c’onques jour mari
Ne vous fis pour que je péusse
Et sachiés que je vous péusse

D’or et d’argent puis qu’il vous fust
D’autrui que de moi gréust[4].
75Quant tu ensi m’en veus cacier
Je ne me sai ù pourquachier.
Au jor que pour toi me démis
Perdi l’avoir et mes amis ;
Mais prier t’en vuel d’une cose
80Pour chou que nus hom ne t’en cose :
Je suis molt debrisiés et vius
Et, cant cacier m’en vius[5]
De ton ostel et m’en eslonges,
Je pri c’une robe me donnes,
85Et si n’ai cauces ne soulers
Trop seroit mauvais li allers. »
Cis respont : « De chou ne m’en caut,
Encore avés vous trop de caut.
Ce poise moi que tant vivés.
90Jamais par[6] moi nul bien n’arés ;
Ne paierai mais vostre escot.
— Biaus fius, donne moi un surcot
Que tu as de tes vieles[7] roubes
Ou une de tes vieles[7] houces,
95Dont tu fais tes chevax couvrir.
Après me fais ton huis ouvrir ;
J’irai à Diu, quant il te plaist,
Que plus oïant de moi te laist.
— Hé ! » fait-il, « n’en puis escondire.
100Alés laiens à mon fil dire
Qu’il vous doinst une houce viés ;
Si en cuuevre et teste et piés. »

Li Prodom tout[8] errant s’en tourne ;
A son neveu vint, qui atourne
105Les chevaus et fait atourner.
Cis, qui plus ne pot sejourner,
A son neveu dist et recorde
De son père la grant discorde :
« Mais toutes voies tant me donne
110C’une viés housche m’abandonne ;
Biaus niés, par moi vous prie et mande
Et sachiés qui le vous commande
Que la plus grande me bailliés ;
Or gardés que vous n’i failliés. »
115Quant li enfes l’a entendu,
Mout fu dolans et esperdu,
Plains de grant mautalent et d’ire
« Or, alés à mon père dire
Que pau i avés esploitié ;
120Vous n’en arés que la moitié
De la houce, si vous le di ;
Toute l’autre vous contredi. »
Li prodom l’ot, si eut grant duel,
Qui maintenant morir s’en vuel[9].
125Tout errant arrière s’en vient :
« Biaus fieus », dist-il, « il te convient,
Pour ta parole faire estable,
C’avec moi vignes en l’estable,
Car tes fieus le me contredist,
130Et si s’afice bien et dist
Que n’en arai que la moitie,
Je ne sai pour quel convoutie[10][11],

Et, quant ensi cacier m’en vius,
Fai le me avoir tout, se tu vius. »
135Cis, qui la remanance doute,
Li respondi : « Vous l’arés toute,
Quel talent que li gars en ait. »
A son fil dist : « Il ne te plaist,
Quant n’as mon commandement fait ? »
140Cis respont : « De riens n’ai méfait,
Ains ai mout grant raison et droit.
Et si vous dirai orendroit
Pour coi je ne li voel baillier
La houce, ains li voel retaillier.
145Savés pourquoi je l’ai partie
Et vous oste l’autre partie,
Que vous, se je puis, userés.
Quant de son éage serés,
Jà de moi ne vous mentirai ;
150Tout aussi vous revestirai
Com vous or faites vostre père,
Qui trop acate et trop conpère
La painne qu’il en vous mise ;
Vés qu’il n’a cote ne chemise.
155Or vait trop malement l’escote ;
Je vous ferai d’autel drap cote.”
Quant li varlès oit et entend
Son fil, qui à raison entend,
Mout durement s’en esmervelle
160Et trop li vient à grant mervele.
« Biaus fius », dist-il, « j’ai trop mespris.
Si m’aït Dieus, molt as apris

De chou c’as dit molt t’en merchi.
Or li pri jou, pour Dieu merchi,
165Que cest grant méfait me pardoinst
Et sa benéichon me doinst. »
Li prodom trestout li pardonne,
Et li varlès errant li donne
Du tenement et du quatel
170La signourie del ostel,
Dont fist li prodom son voloir,
Qui forment se péust doloir,
Ne fust chou que li enfes dist,
Que la houce li contredist.
175Par chou vous fais aperchevoir
Que cis n’est pas plains de savoir
Mais de folie s’entremet
Qui tout le sien à son fil met,
Que nus ne fera jà son bon.
180Si de l’autrui comme du son
L’autrui chose estoit com demant,
Du vostre vo commandement
Ferés, sans mesure et sans conte.
Ensi définerai mon conte.


  1. XXX. — De la Houce, p. 1.

    Cette pièce, dont nous devons la copie à M. Stengel, n’est qu’une seconde version du fabliau que nous avons publié dans notre premier volume, p. 82-96.


  2. Vers 28 — « je l’ vous», qui n’existe pas dans le ms., doit être lu jel vous.
  3. 62 — * n’a sens ; ms., n’a ne sens.
  4. 74 — Ne faut-il pas corriger gré eüst ?
  5. 82 — Il faudrait corriger : Et, cant tu me cacier en vius.
  6. 90 — * par ; ms., pour. — arés ; ms., avés.
  7. a et b 93 et 94 — Pour la régularité de ces vers il faut corriger « viés » en vieles.
  8. 103 — « tout » manque.
  9. 124 — * morir s’en vuel ; ms., morut si en.
  10. 132 — convontie, lisez convoutie.
  11. P. 5, l. 30, convontie, lisez convoutie.

XXXI

DU PRESTRE ET D’ALISON.

Bibl. nat., F. fr., Man. no 19,152, fol. 49 vo à 51 ro.[1]

1
Il sont mais tant de Menestrex
Que ne sai à dire desquels
Gesui, par le cors S. Huitace ;
Guillaume, qui sovent s’élasse
5En rimer et en fabloier,
En a .I. fait, qui molt est chier,
De la fille à une Borgoise,
Qui meint en la riviere d’Oise ;
Si avoit non Dame Mahaus.
10Maintes foiz avoit vendu auz
A sa fenestre et oignons[2],
Et chapeax bien ouvrez de jons
Qui n’estoient pas de marès.
Sa fille avoit à non Marès,
15Une puce[le][3] qui ert bele ;
Un jor portoit en ses braz belle
Et creson cuilli en fontaine ;
Moilliée en fu de ci en l’aine
Parmi la chemise de ling.
20El ne fu mie de hait ling ;

N’estoit fille à Baron n’à Dame ;
Ne vos en quier mentir, par m’ame,
Fille estoit à une Borgoise,
Ainz nule n’en vi plus cortoise,
25Certes, ne de meillor manière.
De marchéandise ert manière[4],
De comin, de poivre et de cire ;
Mais li Chapelains de S. Cire
Va en la maison molt sovent
30Por le gingembre c’on i vent,
Por citoal et por espice,
Por quenele et por recolice,
Por l’erbe qui vient d’Alixandre.
Li Prestres ot non Alixandre ;
35Si fut riches hom à merveille.
Mais por Marion sovent veille
C’on li vit le sercot porter,
Dont ala son cors déporter.
Au mains por le serain du tans.
40Ne quida pas venir à tens
En la maison où cele maint ;
Certes n’a cure c’on li maint,
Quar molt bien i asenera ;
Jamais a, b, c ne dira,
45S’il puet, si l’aura convertie.
Jà s’ame à Dieu ne soit vertie
S’il n’en fait son pooir sanz faille.
A tant affubla une faille
Por le chaut qu’i fait en esté.
50Il avoit autre foiz esté

A la maison à la Vileine
Qui ne vendoit lange ne leine ;
Molt se garissoit belement,
Et li Chapelains arroment
55Avoit la Dame saluée,
Et el s’estoit en piéz levée ;
S’a dit : « Sire, bien viegnoiz vos ;
Vos demorroiz ci avuec nos
A disjaer, et ferons grant joie,
60Quar véz ci au feu la grasse oie, »
Fait ele, qui nul mal n’i tent.
Li Chapelains sa chière tent
Vers la pucele qu’il esgarde :
Li Chapeleins[5] estoit néz d’Arde
65Entre S. Omer et Calais.
A tant s’est asis sor .I. ais,
Molt pensis et pas ne fu yvres.
Et dit qu’ainçois donra .X. livres
Qu’il de la pucele ne face
70Sa volenté et face à face,
Qui tant ert bele et avenanz
Et n’ot mie passez .XII. ans.
Cele, qui si ert ensaignie[6].
Gorge blanche, soef norrie,
75Molt estoit bele, simple et saige,
A tant fet on mètre les tables
A la maison à la Borgoise ;
Onques n’i ot mengié vendoise
Ne poisson, à l’eure de lors.
80Fors malarz, faisanz et butors

Dont li ostex fu aésiez ;
Et li Chapelains qui fu liez
Et regarde la pucelete,
Cui[7] primes point la mamelete
85Enmi le piz com une pomme.
Les tables ostent en la somme ;
S’ont fait des mengiers lor talenz.
Li Chapelains son cuer dedenz
Ot enbrasé par grant amor ;
90La Dame apele par dolçor,
Qui avoit non Dame Mahaus :
« Dame, » fait-il, « oïez mes max.
Molt ai esté lonc tens en ire,
Or en vueil mon coraige dire,
95Certes plus ne m’en puis tenir ;
Dès ore m’estuet descovrir.
Marion, vo fille, la bele.
M’a si le cuer soz la mamele
Derrompu et trait fors du cors,
100Dame, auroit-il mestiers tresors.
Que je, mais qu’il ne vos ennuit,
S’éusse vo fille une nuit ;
J’ai meint bon denier monnaé. »
Et la Dame respont : « Sire, hé !
105Quidiez-vos donc por vostre avoir
Issi donques ma fille avoir,
Que j’ai touz jors soef norrie ?
Certes ne pris pas un alie
Toz voz deniers ne vo trésor.
110Par les Sainz c’on quiert à Gisor,

Ge n’ai cure de vostre avoir,
Bien le saciiiez à mon savoir ;
Gitez en autre liu voz meins.
— Ma Dame, » fait li Chapelains,
115« Por Dieu, aiez de moi merci ;
J’aporterai les deniers ci ;
S’en prenez à vostre talent. »
Et Dame Mahauz, qui fu lent
Qu’ele ait l’avoir des escrins,
120Sa fille, qui a blons les crins,
Li promet à faire ses bons,
Et si vos di que Rois ne Quens
La péust avoir à son lit
Pour faire de lui son délit,
125Quar de grant beauté plaine fu.
Li Prestres se rassiet au fu
Entre lui et Dame Mahauz
Qui mai[n]te[8] foiz ot vendu auz
Et achaté poivre et comin.
130Pris a congié, prent son chemin
Li Chapeleins à sa maison.
Onques mais ne fu guiléz hon
Que li Prestres fu conchiez[9].
Toz fu li bainz apareillez
135Que la Dame fist aprester ;
Dame Diex en prist à jurer,
Et enprès le cors S. Huitasse,
Le Prestre prenra à la nasse
Ausin com l’en prent le poisson.
140Lors fait mander Aélison

Une meschinete de vie,
Qui de cors fut bien eschevie,
A tot le monde communaus.
Oïez que dist Dame Mahauz.
145Quant ele vit la pecherriz,
Coiement en a fait un riz
Comme celé qui molt fu saige :
« Aelison, .I. mariaige
T’ai porchacié ; par S. Denise,
150De ci à l’aive de Tamice[10]
N’aura feme mielz mariée.
— Avez me vos por ce mandée ? »
Fait Alizon ; « c’est vilenie
De povre meschine de vie
155Gaber, qui a petit d’avoir.
— Non faz, se Diex me doint savoir :
Amie, » ce[11] dit Dame Mahaus ;
« Jà de moi ne te venra maus ;
Blanc peliçon te frai avoir
160Et bone cote, à mon savoir,
De vert de Doai traïnant[12].
Fai, si entre en cel bai[n]g corant ;
S’enprès te vendrai por pucele. »
Aalison fu molt isnele ;
165S’est asise, si se despoille.
Devant la cuve s’agenoille[13]
Conme cele qui molt fu lie[14].
Lors se deschauce et se deslie,
Et se plunge comme vendoise ;
170Ez vos la fille à la Borgoise

Que li Prestres avoir quida
Forment son oirre apareilla
Li Chapelains en sa maison ;
Il a mandé un peliçon,
175Qui valt .XL. sols de blans,
Que I marchéanz de Mielanz[15]
Li vendi[16], qui maint à Provins ;
De la cote serai devins :
Nueve est, de brunète sanguine.
180Maint chapon et mainte geline
Avoit fait à l’ostel porter,
La nuit se vorra deporter
S’emprès quant venra à la nuit.
Ne quidiez que il vos anuit
185Li jors qui si enviz trespasse ?
Li Chapelains n’i fîst esparse,
Ainz a .I. escrin deffermé.
Si com Guillaumes a fermé
En parchemin et en romanz ;
190.XV. livres d’esterlins blans
Estoie[n]t[17] en .I. cuiret cousuz.
Diex, com il sera déçéuz
Que por .I. denier de Senliz
Péust-il avoir ses deliz
195De celui qu’avuec li gerra
S’emprès quant à l’ostel venra.
Ou près de tote la nuitiée.
De parisis une poigniée
A traist et mist en s’aumosnière
200Por doner avant et arrière,

Dont il fera ses petiz dons.
Dame Mainnaus[18] dit .I. respons
A la pucele de l’ostel :
« Hercelot », fait ele, « entente el.
205Va moi tost à maistre Alixandre,
Et si li di que ge li mande
Que ne face nule atendue. »
Hercelot tot son cuer remue
De la joie du mariaige :
210« Dame, bien ferai le mesaige,
Si m’aïst Diex, à vostre gré. »
A tant s’en ist par un degré
De la maison, qui fu de pierre,
Et va jurant Diex et S. Pierre
215Bon loier en vorra avoir.
« Sire, bon jor puissiez avoir
De par celui qui vos salue,
Qui est vostre amie et vo drue,
De par Marion au cors gent. »
220Une fort corroie d’argent
Dona li Prestres Hercelot :
« Tien, amie ; si n’en di mot,
Encor auras autre loier.
— Mielz me lairoie detranchier, »
225Fait Hercelos, « que g’en pallasse,
Ne que vostre amor enpirasse :
Par moi est toz li plaiz bastiz. »
Li Chapelains a fait .I. ris
Quant oï Hercelot palier ;
230A son Clerc li a fait doner

.II. dras de lin frès et noveax.
Molt fu li dons Hercelot beax ;
Si prist congié, à tant s’en torne,
Li Chapelains à tant s’entorne ;
235A la nuit molt grant joie atent.
Ha ! Diex, comme li viz li tent
Plus que roncin qui est en saut ;
Il jure Diex que un assaut
Fera sempres à la pucele
240Qui à merveille estoit bele,
Qui de grant beauté pleine fu.
Li Prestres molt eschaufez fu
De la fille Dame Meinaut ;
Anvelopé en .I. bliaut
245Avoit la cote et le pliçon ;
A tant s’en vaità la meson.
D’esterlins trossez quinze livres
Certes tost en sera délivres,
Se la Dame puet de l’ostel.
250A tart entre enz, et ne fait el
Conme cil qui grant feste atent.
La Dame par la mein le prent,
Puis l’assiet lèz lui el foier.
La Dame fist apareillier.
255Qui molt fu grant com à tel joie,
.II. chapons et une grasse oie ;
Si ot et malars et plunjons,
Et blanc vin, qui fu de Boissons ;
Si en burent à grans plentés[19].
260Et gastieax rastiz buletéz

Si mengèrent à grant foison.
Après menger dit .I. sarmon
Dame Meinaus, qui a parié :
« Avez-vos l’avoir aporté
265Que vos devez doner ma fille ?
— Dame, ne sui pas ci por guile ;
J’ai les garnemenz aportez.
Véez les ci, or esgardez,
Quar il sont et bel et plaisant ;
270Vos me tenroiz à voir disant
Ainz que parte de vo maison ;
Foi que ge doi à seint Simon,
Ge n’amai[20] onques à trichier. »
Lors rue sor[21] un eschequier
275.XV. livres d’esterlins blans ;
Li gorles fu riches et granz.
Et li avoir fu dedenz mis.
« Hercelot, maintenant as lis, »
Fait Dame Meinauz ; « alumez ;
280En celé chambre vos metez ;
Faites beax liz com à un Roi. »
Herceloz qui prent grant conroi
De servir le Prestre à son gré,
El avoit monté .I. degré,
285Qui de la chose avoit en soig ;
Aelison pristpar le poig
D’un coiement liu où estoit ;
La table devant lui estoit,
Et li boivres et li mengiers :
290« Aélis, tost apareilliez ;

S’irois couchier o l’ordené.
Il vos apenra l’A, B, C,
Sempres et Credo in Deum ;
Ne faites noise ne tençon,
295Quant vos vorra despuceler.
— Suer, ge ne le puis andurer,
Quar je n’ai mie ce apris.
Tenez, ma foi ge vos plevis
Onques mes cors ne jut à home ;
300Ainsi sui pucele com Rome,
C’onques pelerins n’i entra,
Ne mastins par nuit n’abaia ;
Ainsi[22] sui veraie pucele. »
En une chambre, qui fu bele,
305Mist Herceloz Aélison
Par uns fax huis de la maison,
Quar molt en sot bien l’ui et l’estre.
A tant s’en revint vers le Prestre ;
Si a pris par la mein Maret,
310En la chambre arroment la met
Si que li Prestres la regarde.
Ha ! Diex, com li couchiers li tarde
De la grant joie qu’il atent.
Et Herceloz plus n’i atent ;
315Maret destorne en .I. solier ;
Enuit mais porra dosnoier
Li Prestres à Aelison.
A tant vait seoir au giron
Herceloz lèz le Chapelain,
320Qui li vendi paille por grain

Et changa por le forment l’orge.
Et dit Herceloz : « Par seint Jorge,
Ge ai couchiée la pucele
Soz la cortine qui ventele,
325Molt dolente et molt esplorée.
Durement l’ai reconfortée,
Et li ai prié bonement
Qu’ele face vostre talent.
Et vos li prometez assez
330Robes et joax à plentez,
Et g’ai fait molt vostre pont.
Hercelot[23] », li Prestres respont,
« Ge li donrai à son voloir
De quanque ge porrai avoir,
335— Vos dites bien, » dit Hercelot ;
« Dit li ai qu’el ne die mot
Quant vos seroiz o lui couchiez ;
Gardez ennuieus n’i soiez.
Mais soiez saiges et cortois,
340Que amie avez vos à chois,
Qui se gist de soz la cortine ;
S’est plus blanche que flor d’espine
La pucele, qui tant est chiere.
— Tien, Hercelot, ceste aumosniere[24], »
345Fait li Prestres ; « ci a[25] dedenz
Vingt sols ou plus, par seint Loranz ;
S’achate .I. bon bliçon d’aigneax.
Et g’irai faire mes aviax
A celui qu’ai tant desirrée. »
350A tant a la chambre boutée

Sanz luminaire et sanz chandele :
A tant a sentue la toile
De la grant cortine estendue,
Là où cele gist estendue
355Qui molt hardiement l’atent.
Et li Prestres plus n’i atent,
Les dras leva et dist : « Marie,
Dites, en estes-vos m’amie,
Bele suer, sanz nul contredit ? »
360A tant n’i fait plus de respit,
Ainz l’enbraça molt vistement ;
Cele soupire durement,
Et fait par senblant grant martire,
Qui bien en sot le maiestire[26] ;
365En sus de lui est traite et jointe.
Et li Prestres vers lui s’acointe.
Une foiz[27] la fout, en mains d’eure
Que l’en éust chanté une[28] Eure
En cel termine que ge di.
370« Bele suer, » fait li Prestres, « di
De ceste chose que te sanble ?
Mon cuer[29] et mon avoir ensanble
Vos promet tot et mon voloir ;
Certes, se de moi avez oir,
375Sachiez que bien sera norriz. »
Et Alison[30] a fait .I. ris
Molt coiement entre ses denz.
Li Prestres en ses bras dedenz
Quida bien tenir Mariom ;
380Certes non fîst, mais Alison ;

Molt li fu tost li vers changiez.
Li Prestres[31] fu joianz et liez ;
De ci au jor que la nuiz fine,
.IX. fois i fouti la meschine ;
385Ne vos en quier mentir de mot.
Or escoutez de Herselot,
Qui en la chambre fist son lit.
Là où cil menoit son délit
Li Chapelains li fist couchier ;
390Hercelot n’i volt atardier
Qui molt savoit mal et voidie.
Ele s’estoit nue drécie[32] ;
Si avoit alumé le fu
En une couche, qui grant fu,
395D’estrain de pesaz amassé.
A Herceloz le feu bouté.
Puis escrie : « Haro ! le feu. »
Cil de la vile, qui granz fu,
I acorent tuit abrievé ;
400L’uis[33] ont despecié et coupé
Où laienz grant clarté avoit,
Là où li Prestres dosnoioit.
Li maistre Bouchiers de la Vile
Entra laienz, n’i fist devise.
405Le Prestre a connu et visé ;
A soi l’a maintenant tiré
Dedenz la chambre à une part :
« Jà Dame Diex en vos n’ai part.
Ne en vos, n’en vostre meschine. »
410Li Bochiers sot bien le covine,

Quar bien fu qui conté li a,
Et li Chapelain esgarda
Cele qu’il tint par la main nue ;
Ce fu Aélison sa drue ;
415Il quida tenir Marion.
Li maistres Bouchiers d’un baston
Le feri parmi les costéz,
Et tuit li autre environ léz
Le fièrent de poinz et de piéz ;
420Molt fu batuz et laidengiéz,
Et enprès la chape li oste,
« Nomini Dame si mal oste, »
Fait li Prestres, « por Dieu la vie ! »
Atant saut devers la chaucie
425Li Chapelains par un guichet ;
Devers le cul sanble bouquet,
Por ce qu’il n’avoit riens vestu.
Cil de la Vile l’ont véu
Que il estoit nuz com .I. dains ;
430Certes n’éust pas en dédai[n]g
.I. poi de robe sor ses os.
Les cox li pèrent par le dos,
Par les costez et par les flans.
Des bastons qui furent pesans ;
435Molt fu laidengiéz et batuz.
Il est en maison enbatuz,
Tranblant[34] com une fueille d’arbre.
Savoir poez [par] ceste Fable,
Que fist Guillaume li Normanz,
440Qui dist que cil n’est pas sachanz

Qui de sa maison ist par nuit
Pour faire chose qui ennuil,
Ne por tolir ne por enbler.
L’en devroit preudom hennorer
Là où il est en totes corz.
Se li Prestres fu enmorox,
N’i fu iaidengiez ne batuz,
Et cil ot ses deniers perduz.
Il en fouti Aélison,
Qu’il péust, por un esperon,
Le jor avoir à son bordel.
Il n’i [a] plus de cest Fablel.

Explicit du Prestre.

  1. XXXI. — Du Prestre et d’Alison, p. 8.

    Publié par Méon, IV, 427-441, et donné en extrait très-court par Legrand d’Aussy, IV, 301.


  2. Vers 11 — Ce vers faux peut être corrigé ainsi : A sa fenestre avoec oignons.
  3. 15 — * pucele ; ms., puce.
  4. 26 — * maniere ; ms., manere.
  5. 64 — chapelains, lisez chapeleins.
  6. 73 — * ensaignie ; ms., ensaignée.
  7. 84 — * Cui ; ms., Qui.
  8. 128 — * mainte ; ms., maite.
  9. 133 — On peut corriger ainsi ce vers : Comme li prestres…
  10. 150 — Le nom de la « Tamise », comme plus haut ceux de « Gisors, Calais, etc. », servirait à prouver la nationalité de notre auteur, s’il n’avait pris soin de nous l’indiquer lui-même au vers 439.
  11. 157 — « ce » devrait être supprimé pour la régularité du vers.
  12. 161 — trainant, lisez traïnant.
  13. 166 — * s’agenoille ; ms., s’ageloigne.
  14. 167 — * lie ; ms., liée.
  15. 176 — « Mielanz ». Il y a dans le Gers une petite ville du nom de Miélan ; il est plus probable qu’il s’agît tout simplement de Meulan-sur-Seine.
  16. 177 — * vendi ; ms., viendi.
  17. 191 — * estoient ; ms., estoit.
  18. 202 — Mainaus, lisez Mainnaus.
  19. 259 — * grans plentés ; ms., grant plenté.
  20. 273 — aimai, lisez amai.
  21. 274 — sur, lisez sor.
  22. 303 — * Ainsi ; ms., Ainsinc.
  23. 332 — Herceloz, lisez Hercelot.
  24. 344 — Il faudrait lire : ceste aumosniere.
  25. 345 — a ci, lisez ci a.
  26. 20, 14, majestire, lisez maiestire.
  27. 367 — fois, lisez foiz.
  28. 368 — * une ; ms., un.
  29. 372 — * cuer ; ms., cue.
  30. 376 — * Et Alison ; ms., Aalison.
  31. 382 — * prestres ; ms., prestre.
  32. 392 — * drecie ; ms., deciée.
  33. 400 — * L’uis ; ms., L’us.
  34. 437 — Tremblant, lisez Tranblant.

    Boccace (Journ. VIII, nouv. 4.) a une pièce qui a des points de ressemblance avec ce fabliau.

XXXII

DU PRESTRE

QUI FU MIS AU LARDIER
Bibl. nat, F. Fr., no 12,483, fol. 184 ro à 185 vo.[1]
1

Mos sans vilonnie

Vous veil recorder,
Afin qu’en s’en rie,

D’un franc Savetier,
5Qui a non Baillait ; mès par destourbier,

Prist trop bele fame. Si l’en meschéi
Qu’ele s’acointa d’un Prestre joli,
Mès le Çavetier molt bien s’en chevi.

Quant Baillet aloit

10Hors de son ostel,
Le Prestre venoit,

Qui estoit isnel ;
A la Savetière fourbissoit l’anel.

Entr’eus deus faisoient molt de leur soulas ;
15Des meilleurs morsiaus mengoient à tas
Et le plus fort vin n’espargnoient pas.


Le Savetier frans

Une fille avoit,
20D’environ trois ans.

Qui molt bien parloit ;
A son père dit, qui souliers cousoit :

« Voir, ma mère a duel qu’estes céens tant. »
Bailet respondi : « Pour quoy, mon enfant ?
— Pource que le Prestre vous va trop doutant.

25
« Mès, quant alez vendre

Vos souliers aus gens.
Lors vient, sans attendre,

Monseigneur Lorens ;
De bonnes viandes fet venir céens,

30Et ma mère fait tartes et pastez ;
Quant la table est mise l’en m’en donne assez,
Mès n’ay que du pain quant ne vous mouvez. »

Baillet sot sans doute,

Quant le mot oy,
35Qu’il n’avoit pas toute

Sa fame à par li,
Mès n’en fist semblant jusqu’à un lundi

Qu’il dist à sa fame : « Je vois au marchié. »
Cele, qui vousist qu’il fust escorchié,
40Li dist : « Tost alez ; jà n’en vuiegne pié. »

Quant ele pensa

Qu’il fust eslongiez,
Le Prestre manda,

Qui vint forment liez.
45D’atourner viandes s’estoit avanciez ;

Puis firent un baing pour baingnier eulz deus[2],
Mès Baillet ne fut tant ne quant houteus ;
Droit à son ostel s’en revinst tous seulz[3].

Le Prestre asséur

50Se cuida baignier ;
Baillet par un mur

[Le] vit despoillier ;
Lors hurta à Puis et prist à huchier.

Sa fame l’oy, que faire ne sot,
55Mès au Prestre dit : « Boutez vous tantost
Dedens ce lardier et ne dites mot. »

Baillet la manière

Et tout le fait vit ;
Lors la Çavetière

60L’apela et dit :
« Bien vegniez vous, sire. Sachiez sans respit

Que mout bien pensoie que retourriez ;
Vostre disner est tout apareilliez
Et le baing tout chaut où serez baingniez.

65
« Voir, ne le fiz faire

Que pour vostre amour,
Quar mout vous faut traire

De mal chascun jour. »
Baillet, qui vouloit jouer d’autre tour,

70Li dist : « Dieu m’avoit de tous poins aidié,
Mès r’aler me faut errant au marchié. »
Le Prestre ot grant joie, qui s’estoit mucié,


Mès ne savoit mie

Que Baillet pensa.
75La plus grant partie

Des voisins manda ;
Mout bien les fist boire et puis dit leur a :

« Sur une charete me faut trousser haut
Ce viéz lardier là ; vendre le me faut. »
80Lors trembla le Prestre, qu’il n’avoit pas chaut.

On fist ens en l’eure

Le lardier trousser ;
Baillet, sans demeure,

L’en a fait mener
85En la plus grant presse que pot on trouver.

Mès le las de Prestre, qui fu enserré,
Ot un riche frère, qui estoit curé
D’assés près d’ilec[4]. Là vint, bien monté,

Qui sot l’aventure

90Et le destourbier.
Par une creveure,

Qui fut ou lardier,
Le connut son frère ; haut prist à huchier,

« Frater, pro Deo, delibera me. »
95Quant Baillet l’oy, haut s’est escrié ;
« Esgar, mon lardier a latin parlé ;

« Vendre le vouloie,

Mès, par saint Symon,
Il vaut grant monnoie ;

100Nous le garderon.
Qui li a apris à parler laton ?

Par devant l’évesque le feron mener,
Mès ains le feray ci endroit parler.
Lonc temps l’ai gardé ; si m’en faut jouer. »

105
Lors le frère au Prestre

Li a dit ainsi :
« Baillet, se veus estre

Tousjours mon ami,
Vent moy ce lardier, et pour voir te di

110Je l’acheteray tout à ton talent. »
Baillet respondi : « Il vaut grant argent
Quant latin parole devant toute gent. »

Jà pourrez entendre

Le sens de Baillet ;
115Afin de miex vendre

Prist un grant maillet,
Puis a juré Dieu c’un tel rehaingnet

Donrra au lardier qu’il sera froez,
S’encore ne dist du latin assez ;
120Mout grant pueple s’est entour aünez.

Plusieurs gens cuidoient

Que Baillet fust fol,
Mès folleur pensoient ;

Il jura saint Pol
125Que du grant maillet, qu’il tint à son col,

Sera le lardier rompus de tous sens.
Le chétif de Prestre, qui estoit dedens,
Ne savoit que faire ; près n’issoit du sens.


Il ne s’osoit taire,

130Ne n’osoit parler ;
Le Roi débonnaire

Prist à reclamer.
« Comment, » dit Baillet, « faut il tant tarder ?

S’errant ne paroles, meschéant lardier,
135Par menues pièces t’iray despecier. »
Alors dist le Prestre, n’osa delaier :

« Frater, pro Deo

Me delibera ;
Reddam tam[5] cito

140Ce qu’il coustera. »
Quant Baillet l’oy, en haut s’escria :

« Çavetiers me doivent amer de cuer fin
Quant à mon lardier fais parler latin. »
Lors le frère au Prestre dist : « Baillet, voisin,

145
« En tant com vous prie,

Le lardier vendez ;
Ce sera folie

Se vous le quassez ;
Ne me faites pas du pis que povez.

150— Sire, » dist Baillet, « sus Sains vous plevis
J’en aroy vint livres de bons parisis ;
Il en vaut bien trente, que moult est soutiz. »

Le Prestre n’osa

Le mot refuser ;
155A Baillet ala

Vint livres conter,
Puis fist le lardier en tel lieu porter

Où privéement mist son frère hors ;
Bon ami li fu à cel besoing lors,
160Quar d’avoir grant honte li garda son cors.

Baillet ot vint livres

Et tout par son sens ;
Ainsi fu delivres[6]

Monseigneur Lorens.
165Je croi c’onques puis ne li prist pourpens

D’amer par amours fame à Çavetier.
Par ceste chançon vous puis tesmoignier
Que du petit ueil[7][8] se fait bon guetier :
Ex oculo pueri noli tua facta tueri.

170
Quar par la fillete

Fu le fait sçéu,
Qui estoit joneite.

N’est si haut tondu,
Se vers Çavetier[9] s’estoit esméus,

175Qu’en la fin du tour n’en éust du pis.
Gardez, entre vous qui estes jolis,
Que vous ne soiez en tel lardier mis.


  1. XXXII. — Du Prestre qui fu mis ou lardier, p. 24.

    [À partir de ce fabliau, la méthode de numérotation change ; le chiffre placé à côté du titre courant indique non pas le premier mais le dernier vers de la page.]


    Publié par M. P. Meyer dans la Romania, III, 103-106, sous le titre de « Le savetier Baillet ».


  2. Vers 46 — * baingnier eulz deus ; ms., eulz deus baingnier.
  3. 48 — * seulz ; ms., ceulz.
  4. 88 — illec, lisez ilec.
  5. 139 — * tam ; ms., tan.
  6. 163 — delivre, lisez delivres.
  7. 168 — * ueil ; ms., uueil.
  8. 30, 12. Le proverbe disant qu’il faut se garder du petit œil (de l’œil de l’enfant) se retrouve presque textuellement t. IV, p. 149, et t. VI, p. 151.
  9. 174 — * çavetier ; ms., çavetiers.

    L’on peut comparer à ce fabliau le conte de La Fontaine à peu près analogue intitulé « le Cuvier », imité du reste de Boccace.

XXXIII

LE MEUNIER D’ARLEUX

Bibl. nat. Man. F. Fr. 1553, anc. 7595,
fo 506 ro, col. 2, à 508 ro, col. 2.[1]

1
Qui se melle de biax dis dire
Ne doit commenchier à mesdire,
Mais de biax dis dire et conter ;
Dès or vos vaurai raconter
5Une aventure ke je sai,
Car plus celer ne le vaurai.
A Palluiel[2], le bon trespas,
.I. Maunier[3] i ot Jakemars ;
Cointes estoit et envoisiés ;
10A Aleus[4] estoit il mauniers ;
Le blé moloit il, et Mousès,
Qui desous[5] lui estoit varlés.
.I. jour estoient au molin
En un demierkes au matin ;
15De maintes viles i ot gens
Qui au molin moloient souvent ;
Il i ot molt blé et asnées.
Maroie, fille Gérart d’Estrées[6],
Vint au molin atout son blé ;
20Le maunier en a apielé ;

Ele l’apièle par son nom :
« Hé, Jacques », fait ele, « sans son[7],
Par cele foi ke moi devés,
Moles mon blé ; si me hastés
25Que je m’en puisse repairier.
Atorner m’estuet[8] à mangier
Por mon père, ki est à chans. »
Jakès li a dit maintenans :
« Ma douce amie, or vous séés ;
30.I. petit si vous reposés.
Il a molt blé chi devant nous[9]
Qui doivent maure devent vous.
Mais vous morrés qant jou porrai.
Et si n’en soies en esmai,
35Car, se il puet, et vespres vient.
Je vous ostelerai molt bien
A ma maison à Paluiel.
Sachiés k’à ma feme en ert biel,
Car jou dirai k’estes ma nièche. »
40Mousès ot jà moulut grant pièche ;
Les gens furent jà ostelé
Et à leur villes retorné.
Mousès voit bien et aperçoit
Tout cho ke ses maistres pensoit ;
45Andoi orent une pensée
Por décevoir Marien d’Estrée.
Jésir cuident entre ses bras;
Mais il n’en aront jà solas,
Ains en sera Jakès décheus,
50Tristres, dolens, corchiés[10] et mus.

Mousès a son maistre apielé :
« Sire » dist-il, « or entendes ;
Il a molt poi d’iaue el vivier ;
Il vous covient euvre laissier ;
55Nos molins ne puet morre tor.
— Or n’i a il nul autre tor, »
Fait li mauniers ; « clot le molin. »
Li solaus traioit à déclin ;
La damoisièle ert plainne d’ire,
60Pleure des iex, de cuer soupire :
« Lasse, » fait ele, « que ferai ?
Or voi jou bien ke g’i morrai.
Se je m’en vois encui par nuit,
Jou isterai dou sens, je cuit. »
65Mousès l’a prise[11] à conforter ;
« Biele, » fait-il, « or m’entendes ;
Vous irés avuec mon maistre[12] ;
Il vos en pora grans biens naistre.
— Voire, » fait Jakès entressait,
70« Mais meuture n’aura huimais[13],
Elle, ses[14] pères, ne sa gent. »
Par le main maintenant le prent :
« Levés sus, bièle ; s’en alons
A Paluiel en mes maisons ;
75Là serés vous bien ostelée.
Vous mangerés, à la vesprée,
Pain et tarte, car et poisson,
Et buverés vin affuison ;
Mais gardés ke sace ma feme
80Que soies el ke ma parente,

Car defors ma cambre girés,
Douce amie, se vous volés,
Et jou girai[15] à ma moillier.
A Aleus m’estuet repairier
85Por mon molin batre et lever ;
Adont me vaurai retorner
Et choucerai lé vous, amie. »
Cele s’estut molt esbahie,
Qui dou maunier n’avoit talent,
90Ens en son cuer bon consel prent ;
Dist : « Se Diex plaist, n’avenra mie. »
Tout .III. en viènent à la vile
De Paluiel chiés le maunier.
Or sont venu au herbegier ;
95Li mauniers apiela sa fame ;
Se li dist : « Dame, que vous sanble ?
Que mangerons-nous au souper ?
— Sire, » chou dist la dame, « assés.
Qui est ceste méchine ichi ?
100— Ma cousine est, sachiés de fi ;
Faites li fieste et grant honor.
— Volentiers, » la dame respont ;
« Bien soies vous venue, amie.
— Dame, » fait el[16], « Dius bénéie. »
105De mangier n’estuet tenir plait
De chou ke promesse avoit fait ;
Pain et vin, car, tarte et poison
Orent assés à grant fuisson.
Quant orent mangié et béu,
110Li lis fu fais, dalès le fu,

U la meschine dut couchier,
Kieute mole, linches molt chier,
Et covertoir chaut et forré.
Li mauniers en a apielé
115Sa fame, k’il ot espoussée :
« Dame, » fait il, « si vous agrée,
Volentiers iroie au molin,
Il le m’estuet batre matin ;
Il i a molt blé ens es sas. »
120La dame dist : « Se Diex me gart,
Il chou est molt très bon à faire. »
A tant li mauniers se repaire,
Mais anchois[17] ot dit à sa feme
Qu’ele pense de sa parente :
125« Aies à Diu, » chou dist la dame ;
« Pis n’aura conme[18] se fust m’ame. »
A tant s’en va. Cele demeure ;
Del cuer souspire et des iex pleure,
Et dist la dame : « K’avés vous ?
130Dites le moi tout par amors ;
Nous avons or esté si aisse
Et or nous metés en malaisse.
Qui vous a riens meffait ne dit ?
— Dame, » fait el[16], « se Diex m’ait,
135Je me loc molt de vostre ostel,
Mais mes cuers est molt destorbés.
Se je l’osoie descovrir
J’en sui forment en grant désir.
— Oïl[19], » fait la Dame erramment,
140« Dites le moi hardiement.

Jà ne sera si grans anuis
Ne vous en oste, se je puis. »
Dist la pucèle : « Grant merchi ;
Jel’ vous dirai sans contredit.
145Huimain vinc por maure à Aleus[20],
Et vo barons si me dist leus
Que ne porroie maure à pieche.
Iluec me détria grant pieche ;
L’autre gent molut erramment ;
150Le molin clot delivrement,
Car Mousès li ot ensaigniet
Qu’il ot molt poi d’iaue el vivier.
Tant iluec seoir m’i fissent
Que nuis me prist et viespres vinrent[21] ;
155Chi m’amena por herbegier,
Car vaura dalès moi chouchier,
Se Jhésus et vos ne m’aïe.
— Or vous taisié, ma douce amie, »
Fait la dame, ki fu senée ;
160« Vous en serés bien destornée ;
Car vous girés ens en mon lit
En ma cambre tout en serit,
Et jou girai chi en cestui.
Se mes maris i vient encui
165Qu’il veulle gesir aveuc vous
Trover m’i porra à estrous
Et soufferai chou k’i vaura. »
La demoisele s’escria :
« Dame, » fait ele, « grant merchi ;
170Bien avés dit, se Diex m’aït,

Il ert mérit, se Dius plaist bien. »
Dist la dame : « Chou croi jou bien ;
C’est bien et autre tout ensanble. »
Atant s’en entrent en la cambre
175U la pucele se coucha,
Et la dame se retorna.
A l’uis s’en vint, si l’entr’ovri[22],
Puis est venue[23] droit au lit,
Qui fais estoit lès le fouier,
180U la pucele dut chouchier.
Ele s’i chouce, plus n’arieste ;
Saingna son cors, saigna sa tieste ;
A Diu se rent et au Saint pière
Qu’il li doinst bone nuit entière.
185Si fara il, mien ensient.
Se l’aventure ne nous ment.
Car ses maris, mauniers qui ert,
Il et Mousès sont repairiet ;
Par mi la rue vont tout droit ;
190Del molin viennent ambedoit.
Por jesir avuec la meschine
Revint Jakès, ki le desire ;
Mousès l’en a[24] mis à raison :
« Sire, » dist il, « por[25] saint Simon,
195Car faites .I. markiet à mi ;
Certes j’ai un porchiel nouri,
Il a passé .V. mois entiers ;
Celui aurés molt volentiers,
Foi ke doi Diu, sainte Marie,
200Se jésir puis o le meschine.

Oïl, » fait Jakès entresait ;
« Se guerpir volés, sans nul plait,
Le porcelet ke nouri as.
Gesir te ferai en[26] ses bras.
205— Oïl » fait il, « par tel marchiés
Le vous guerpisse volentiers.
— Or m’atent dont à cest perron ;
Je m’en irai à no maison.
Se choucerai o la pucele,
210Qui tant est gentiex et biele. »
Chou dist Mousès : « A Diu aies ;
Quant vous poés, si revenés. »
Et Jakès li mauniers s’en torne ;
Dusc’à la maison ne destorne.
215Il a trové l’uis entr’overt[27] ;
Tout souef l’a arière ouvert ;
Ens est entrés, puis le referme ;
Mais molt se doute de sa feme,
Qu’il cuide k’en sa chambre gisse.
220Mais je cuic la mescine i gisse.
Au lit en vint, lès le fouier
Dalès sa femme tost choucier.
Il cuide che soit[28] la meschine ;
Si l’a acolée et baisie ;
225.V. fois li fist li giu d’amours,
Ains ne se mut nient plus c’uns hors.
Il iert jà priés de mie nuit ;
Li mauniers crient Mouset[29] n’anuit,
Qui l’atent séant à la pière ;
230Ses demoures forment li griève.

A la dame dist : « Je m’en vois,
Mais ke n’en aïés irois,
Car il est plus de mie nuit ;
Je revenrai encore anuit.
235— Quant vous poés, si revenés, »
Et dist la dame, « à Diu alés. »
Jakès en est dou lit partis.
Si s’est rechauciés[30] et viestis ;
Gieut cuide avoir o la pucele ;
240On li a cangiet le merielle,
A Mousèt en est retornés.
Qui dehors l’uis est akeutés :
« Vien chà, amis, errant jesir ;
Je vuel le porcel deservir.
245.V. fois ai fait ; bien vous[31] hastés ;
Or il para quel le ferés. »
Che dist Mousès : « Que dirai jou,
Quant je venrai[32] en la maison ? »
Et cil a dit : « Au lit alés ;
250Se vous chouciés dalé son lés ;
Ne dites mot, mais taisiés vous ;
Jà nel’ saura par nul de nous[33].
Faites de li vos volentés. »
A tant en est Mousès tornés,
255Et vint au lit ; si se despoulle ;
Maintenant o la dame chouce.
.V. fois li fist en molt poi d’eure.
A tant Mousès plus n’i demeure[34] ;
Congiet a pris, si se viesti ;
260La dame croit, saciés de fi,

Que ce ne soit fors ses barons.
Et cil revint à Jakemon ;
Se li a dit : « J’ai fait .V. fois.
— Dont a ele eu despois[35] ? »
265Chou a dit Jakès, li vuihos ;
« Li porchiax esciet en mon los.
— Voire, » fait Mousès, « en non Dé ;
Or venés ; prenc, qant vous volés,
Le porcelet, ki estoit mien ;
270Vous l’enmenrés par le loien. »
A tant s’en sont d’illuec parti.
Qant li jours fu bien esclarchi,
La damoisele s’est levée ;
Si s’est viestue et atornée.
275A la dame congiet a demandet[36]
Et li merchie de son hostel.
Ele li dist : « Ma douce amie,
Perdue avés bonne nuitie,
Car mes maris .x. fois ennuit
280M’en a[24] donné par grant déduit.
Por vous l’a fait ; ne l’en sai gré ;
Ou lit vous cuide[37] avoir trové.
— Gret m’en sachiés, » fait la mescine.
A tant plus n’arieste ne fine ;
285A Hestrées tout droit s’en va.
Et li mauniers tost repaira ;
Si ammaine le porchelet ;
Par dalés lui s’en vint Mousès,
Qui le porciel li ot vendu ;
290Bien le cuidoit avoir perdu.

Qant la dame perçut les a,
Sachiés ke pas nes[38] bienvina,
Le sien marit trestout avant ;
Tost li a dit : « Ribaut puant,
295.XIIII. ans ai o vous estet ;
Ains ne vous poc mais tel mener,
Ne tant acoler, ne basier,
Servir à gré, ne solacier,
Que ja iffuse envaïe[39]
300.II. fois en une nuit entière.
Pour la mescine eue, voir, ennuit
.X. fois, u plus, par grant déduit.
Cele m’a fait caste bontét,
Cui vous cuidastes recovrer.
305En mon lit cocha[40], en non Dé.
Or avés vous cangié le dé. »
Quant Jakemars l’ot, et entent
Qu’il est vuihos certainnement,
Saciés ke point ne l’abielist.
310Et Mousès tout errant li dist :
« Sire, mon porciel me rendes,
Car à tort et pechiet[41] l’avés.
— Qu’esse, diable ? » dit Jakemars.
« Tu as ennuit entre les bras
315Jut de ma fame[42] et fait ton biel.
Et tu viex r’avoir ton porchiel ;
Saces ke tu n’en r’auras mie.
— Si arai », fait Mousès, « biax sire,
Car je duc gire o la pucele.
320Qui estoit grasse, tenre et biele,

Ke miex vauroit ele sentir
Que de vo feme nul délit.
Sachiés je m’en irai clamer ;
Tost à Oisi vaurai aler. »
325Mousès en va droit à Oisi.
Si en est clamé au Bailli,
Et li Baillius les ajorna ;
A tant Mousès s’en retorna.
Quant li termes et li jors vint
330Que li Baillius les siens plais tint,
Li mauniers i vint et Mousès
Por conquerre le porchelet.
Mousès a sa raison contée ;
Li Eskievin l’ont escoutée.
335Que vous feroie jou lonc conte ?
Toute sa raison leur[43] raconte,
Ensi com Jakemes[44], li cous,
Li ot fali de tout en tout :
« O la[45] pucele deuc jesir ;
340O sa[46] feme m’a fait jesir, »
Qu’il ne prent mie en paiement,
Ains veut que Jakès li ament.
Car deut jesir o la pucele
Qui tant est avenans et biele.
345Se li Esquievin li otrient ;
Communaument ensanble dient
Que il li tiegne ses markiés.
Li mauniers est levés en pies :
« Signor, » fait-il[47], « entendes nous.
350Je sui vuihos et si sui cous.

Je doi bien cuites aler par tant,
Car sachiés il m’anuie forment
Chou que il avint à ma feme,
Car ses porchiaus ne m’atalente. »
355Li Baillius a grant ris eut,
Puis si[48] ior a ramentéut :
« Volés de chou oïr le droit ?
— Oïl, » dit Mousés, « par ma foit.
— Et vous, mauniers ? » fait li Baliu.
360« Voire bien, de par Dame-Diu,
Que il me doinst cuites aler. »
Li Baillius prist à conjurer
Les Eskievins por dire voir[49] :
« Si ferons nous à no pooir.
365Sire, » font il, « molt volentiers. »
A tant se prendent[50] à consillier ;
A ce consel en sont aie ;
Plus tost qu’il peurent sont torné[51] :
« Sire, » font il, « entende nous.
370Par jugement nous disons vous[52]
Ke vous Mousèt faites r’avoir[53]
Son porchelet, car chou est drois.
Et commandés à Jakemon
Qu’il li renge tout, sans tenchon,
375U la meschine li r’amaint
Por faire son bon et son plain. »
Li Baillius li a commandé,
Et Jakès li a delivré
Le porchelet tout erramment,
380Et li Baillius maintenant prent

Par le loien le porchelet,
Et puis si a dit à Mouset :
« Amis, or ne vous en courchiés[54] ;
Je vous renderai en deniers
385.XXX. sols por le porchelet.
Mangiés sera à grant reviel
Des bons compaingnons del païs. »
Jakès s’en part tous esbahis,
Qui demeure chous et vuihos.
390Cho fu droit que le honte en ot,
Car raisons ensaigne et droiture
Que nus ne puet mètre sa cure
En mal faire ni en mal dire[55]
Tousjors ne l’en soit siens li pire[56].
395Et ausi fist il le maunier,
Qui en demoura cunquiet[57],
Mais ne me chaut, chou fu raisons.
Et li Baillius a tout semons
Les escuiers et les puceles,
400Les chevaliers, les dames bieles ;
Si a fait mangier le porciel
A grant joie et à reviel.
Engerrans, li clers, ki d’Oisi
A esté et nés et nori,
405Ne vaut pas ke tele aventure
Fust ne périe ne perdue ;
Si le nous a mis en escrit
Et vous anonce bien et dist
C’onques ne vous prenge talens
410De faire honte à bones[58] gens.

Qui s’en garde, il fait que sages[59],
Et Dius le nous meche en courage
De faire bien, le mal laissier.
Chi faut li Roumanz[60] del Maunier.


  1. XXXIII. — Le Meunier d’Arleux, p. 31

    Publié par M. Fr. Michel, à 100 exemplaires, Paris, Silvestre, 1833, in-8 de viii et 16 p., et donné en extrait par Legrand d’Aussy, III, 256-261.


  2. Vers 7 — « Palluel », à sept lieues d’Arras (Pas-de-Calais).
  3. 8 — mannier, lisez maunier. Cette correction devra être faite chaque fois que ce mot se présentera.
  4. 10 — « Arleux » en Gohelle, à trois lieues d’Arras.
  5. 12 — * desous ; ms., desus.
  6. 18 — Il y a trois Estrée dans le Pas-de-Calais, un dans l’arrondissement de Montreuil-sur-mer et deux dans celui de Béthune.
  7. 22 — * sans son ; ms., de Sanson.
  8. 26 — * estuet ; ms., estuer.
  9. 31 — * nous ; ms., vous.
  10. 50 — * corchiés ; ms., correchiés.
  11. 65 — * prise ; ms., prises.
  12. 67 — Vers faux ; il faut lire sans doute : Vous en irez avuec mon maistre.
  13. 70 — * huimais ; ms., amais.
  14. 71 — * ses ; ms., ne ses.
  15. 83 — Ne vaudrait-il pas mieux corriger girai en dirai ?
  16. a et b 104 et 134 — * el ; ms., ele.
  17. 123 — ainchois, lisez anchois.
  18. 126 — * conme ; ms., con.
  19. 139 — * Oïl ; ms., Doïl.
  20. 145 — * maure à Aleus; ms., à Aleus maure.
  21. 154 — * vinrent ; ms., virent.
  22. 177 — * entr’ovri ; ms., entrovi.
  23. 178 — * venue ; ms., venu.
  24. a et b 193 et 280 — * a ; ms., n’a.
  25. 194 — par, lisez por.
  26. 204 — * en ; ms., entre.
  27. 215 — * entr’overt ; ms., entrovet.
  28. 223 — * che soit ; ms., que che soit.
  29. 228 — * Mouset ; ms., molt ert.
  30. 238 — * rechauciés ; ms., rechauciers.
  31. 245 — Le ms. n’a pas le mot vous.
  32. 248 — * je venrai ; ms., tu venras.
  33. 252 — * nous ; ms., vous.
  34. 258 — * demeure ; ms., demoure.
  35. 264 — Vers faux.
  36. 275 — Vers faux ; peut-être faut-il lire : A dame a congiet demandet.
  37. 282 — * cuide ; ms., cuida.
  38. 292 — n’es, lisez nes.
  39. 299 — Non-seulement ce vers est faux, mais sa rime est insuffisante.
  40. 305 — * cocha ; ms., le cochai.
  41. 312 — * à tort et pechiet ; ms., tort et à pechiet.
  42. 315 — * Jut de ma fame ; ms., De ma fame jut ; — bel, lisez biel.
  43. 336 — * sa raison leur ; ms., leur raison.
  44. P. 42, l. 17, Jakemès, lisez Jakemes.
  45. 339 — * O la ; ms., Car o la. — La rime de ce vers, ou celle du suivant, est fautive.
  46. 340 — * O sa ; ms., Et sa.
  47. 349 — Le ms. n’a pas le mot il.
  48. 356 — * si ; ms., s’il.
  49. 363 — * dire voir ; ms., voir dire.
  50. 366 — * prendent ; ms., prede. — Le vers corrigé est faux ; ne faut-il pas supprimer se ?
  51. 368 — * torné ; ms., retorné.
  52. 370 — * disons vous ; ms., vous disons.
  53. 371 — * faites r’avoir ; ms., fait ravoir.
  54. 383 — * courchiés ; ms., courrechiés.
  55. 393 — * ni en mal dire ; ms., ni en dire.
  56. 394 — le pire, lisez li pire.
  57. 396 — Vers faux.
  58. 410 — * bones ; ms., bone.
  59. 411 — Vers faux, facilement corrigé en lisant : il ne fait que sage.
  60. 414 — Ronmanz, lisez Roumanz.

XXXIV

DU PRESTRE ET DU CHEVALIER

Bibl. nat. Man. F. Fr. 12,603, fol. 262 vo à 270.[1]

1
Traiiés en chà ; s’oiiés .I. conte,
Si com Milles d’Amiens le conte,
D’un Chevalier et d’un Provoire.
Li contes fu mis en memore
5C’uns Chevaliers molt povrement
Repairoit du tournoiement ;
Si avoit tout perdu le sien.
Et si avoit esté si bien
Batus que, s’il donnast .C. saus.
10Ne trouvast-il qui tant de cols
Li donast pour .C. sols contés.
Laidement fu desbaretés[2] ;
Si ot toute sa compaignie
Perdue et toute sa mainsnie,
15Et son harnas et son conroi.
..............
Ensi s’en vint molt povrement
Et .I. Escuiers seulement.
S’esmurent une matinée
20Pour revenir en lor contrée.

..............
Cel jor ot faite grant journée
De .XV. liues[3] et de plus,
Et fist fors tans, et fu en plus
25Trestous li cors dusque[4] as talons.
Dieu et saint Ladre d’Avalon.
Réclama, et Sainte Marie,
Que vrai conseil et vraie aïe
Li envoïast prochainement.
30Moult chevauça pensieument
Jouste un pendant, lès .I. laris,
Com chius qui molt estoit maris
De le mesaise qu’il souffroit,
Et sachiés bien que il[5] estoit
35.XIIII. tans de sa poverte
Que de son cors ne de sa perte.
Molt par s’en aloit povrement
Et ses Escuiers erraument
Le sievoit les galos destrois
40Pour les dolours et pour les frois
Que il avoit le jour souffert,
Et prie Dieu et saint Lambert
Que par se grasce le consaut.
Tant chevauchèrent que en haut
45Vinrent une ville campiestre,
Où il avoit moustier et prestre,
Riche, manant et asasé ;
.I. grant tressor ot amassé.
Riens nule celi ne faloit,
50Ne d’omme nul ne li chaloit

Fors que de li et de s’amie,
Qu’il avoit biele et eschavie.
Et de sa nieche, qu’il tenoit
En son ostel, et si l’avoit
55Donnée à .I. dansel de vile ;
La pucele avoit à non Gille.
Gille avoit à non la pucele,
Qui moult ert avenans et bele
.X. tans que dire ne poroie ;
60De Monpellier dessi à Roie[6]
Ne trouvissiés pas .II. plus beles ;
Graillete estoit, et les mameles
Li venoient tout primerains ;
Les dois avoit lons et les mains ;
65Plus blanche estoit que n’est gelée.
Quant ele estoit escavelée,
Si cheveil resambloient d’or,
Tant estoient luisant et sor ;
S’ot le col blanc et le front plain ;
70Icele ert nieche au Capelain.
S’avoit petites oreilletes ;
Bien li séoient les levretes
Et li dent menue[7] et blanc ;
Sa bouche resanloit fin sanc ;
75Cler et riant furent li œul.
Au Chevalier repairier vœil,
Qui avoit perdu son chemin,
Et esra tant que en la fin
Qu’il entra en une voiète
80Qui le mena à le vilète

Où li Prestres riches manoit,
Qui l’amie et la nieche avoit,
Dont oïstes ore nagaires.
Mais grans anuis et grans contraires
85Avint au noble Chevalier,
A li et à son Escuier.
Quant là vinrent, si estoit nuis
Et si estoient clos li huis,
Et les bestes èrent venues,
90Et les estoilles par les rues
Luisoient, qui clartet donnoient
A chiaus qui les chemins aloient ;
A cele eure vint et entra.
A l’entrée .I. homme encontra
95Qui li dist : « Sire, bien viengniés,
Comme preus et bien afaitiés. »
Respont li Chevaliers : « Biaus sire[8],
Dix te saut; par l’ame ton père,
Enseigne moi le plus riche homme
100De ceste vile, c’est la somme. »
Dist li vilains : « C’est nostre[9] Prestres.
Ch’est li plus riche qui puist estre
Chi environ dis liues loing,
Et si set bien au grant besoing
105Homme[10] servir, ses coses sauves;
Et si ne prise pas .II. mauves
Homme ne femme fors que lui,
Tant est fel et de put anui.
Et d’autre part sont li vilain
110Felon, quivert, failli, et vain,

Maléureus de toute part,
Hideus comme leu ou lupart
Qui ne sevent entre gent estre,
Miex vous vient[11] aler chiés le Prestre,
115Car de .II. maus prent-on le mieux.
— Vérité dites, par mes iex, »
Fait li Chevaliers au vilain.
« Où est li mès au Capelain ?
— C’est cele à cele keminée,
120Cele bele, cele ordenée.
Li Prestres a à non Silvestres, »
Ensi li monstre chius les estres,
Puis prent congié, si s’en départ.
Li Chevaliers, qui molt fu tart
125Que herbegiés fust chiés le Prestre,
Qui molt est fel et de put estre,
Petit ot en son cuer de joie,
Et non porquant que toutes voies
Chevaucha[12] tant k’il vit le Prestre
130Qui se gisoit sous se feniestre,
Trestous envers, le dos desous,
Li chevaliers, simples et dous,
Qui le cors ot plaisant et gent
Regarda la vilaine gent ;
135Dechiaus ne li estoit-il gaires
De ses anuis[13], de ses contraires.
Que il avoit eü le jour
Li faisoit muer sa coulour.
De Dame Dieu, le Roi de glore.
140Salua moult biel le Provoire ;

Li Prestres si le resalua
Et après si li demanda
D’ont il est, ne de quel païs.
Li Chevaliers n’est esbahis :
145« Chevaliers sui d’estranges terres ;
De tournoiier vieng pour conquerre ;
S’ai perdu, si com il avint,
A preudomme com[14] il avient,
A honneur pour querre los[15].
150— Or auroie jà escalos »,
Fait li Prestres, « se je voloie »,
Ki ert chains de pute coroie.
Et si ert fel et deputeaires.
Et li Chevaliers deboinaires
155Respont : « Sire, jà Dieu ne plache[16]
Que vos avoirs nul bien me faiche
S’au double n’en raves du mien,
Riches hons[17] sui, ce sachiés bien :
Je tieng encore tout du mien
160Le montant de XV castiaus,
Boins et rices, et gens, et biaus.
Et autres viles, qui sont moies.
..............
N’a pas de là jusques ichi
165.XV. liues, je vous affi,
Mais herbregiés moi anuit mais.
— Dans Chevaliers, tenés me en pais, »
Fait le Prestres, « aies vo voie,
Car nului ne herbergeroie.
170Nès le Roi, s’il ert chi venus ;

Car du faire ne sui tenus
Qu’il ne me plaist ne je ne voeil,
Ne nului herbergier ne seul,
Ne or ne quier avoir maisnie,
175Fors moi et me nieche et m’amie,
Qui me doit anuit aïsier.
Ailleurs vous aies herbergier,
Car je ne cuit à vous plait prendre,
Estriver ne parole rendre ;
180Chi ne ferés vous vo[18] besoigne
Vaillant le pris d’une escaillongne. »
Dont fu li Chevaliers plains d’ire,
Et non porquant si prist à dire :
« Se Diu plaist, ne me faurés mie.
185A Chevalier chevalerie
Et au Clergiet[19] afiert a estre.
Si com j’oï dire mon maistre.
Se che nous faut, c’est Vilonnie
Sourmonte honneurs et courtoisie.
190Je vous donrai de mon avoir
Assés pour biel ostel avoir. »
Adont le regarda li Prestres ;
Si a drechiet amont sa tieste.
Si descent jus de la fenestre.
195Dans Silvestre, li capelains,
Qui avoit ouvertes ses mains
Tous jours au prendre et au reçoivre
Le Chevalier cuide dechoivre
Et de sa parole souspendre :
200« Dans Chevaliers, de chi atendre

Ne pores vous avoir nul preu.
Herbregiés vous en autre lieu.
S’ensi estoit, com je devise,
En tel manière et en tel[20] guise
205Pores vous avoir mon serviche
Et de ma nieche et de m’amie
Et mon ostel à vo[21] talent. »
Et li Chevaliers erraument
Respont : « Or dites, je l’orrai,
210Le convenant, et je ferai
Che que moi vendra à talent,
Car il est tout à vo commant
Et au mien ne fust d’autre part
Vous me tierriés pour musart ;
215Pour ce est raison que je l’oie,
D’ont dirai que Dix me doinst joie. »
Fait li Prestres : « Vous me donrés
De tous les mes, dont vous ares
Servi, .V. sols pour convenanche.
220— Par tous les Sains qui sont en France, »
Fait li Chevaliers, « je l’otroi.
— Dont me pluverés vous vo foi, »
Fait li Prestres, « que je serai
Demain paiiés, et si arai
225Mon convenant[22] trestout sans noise ?
— Bien me plaist et nient ne me poise, »
Fait li Chevaliers, « mais c’au mains
Me jurés comme Capelains.
Si me fiancherés vo foi,
230Comme Prestres de bonne foi,

C’a mon talent servis serai[23]
De tous les mes que je saurai
Que vous ares en vo baillie, »
De chou li a sa foi plevie
235Li Prestres, mais ceste fiance
Dont contraire duel et pesanche
Ot, ains que partissent andui.
Li Chevaliers flanche lui
C’a son talent paiiés sera
240Trestout quanqu’il demandera
De convenant et de droiture.
Li Escuïers fremist et jure,
Com cil à cui forment en poise ;
Mais il n’en ose faire noise,
245Tant doute son seigneur et crient ;
Molt est dolens et molt se crient.
Et pense que il li larroit
Lors .I. cheval, et s’en iroit
A pie, se Dix ne les conseille ;
250De bien servir biel s’apareille.
Li Prestres ses[24] a fait deschendre ;
Dame Avinée courout[25] prendre
Le palefroi au Chevalier,
Gille celi de l’Escuier.
255Cascune osta le sien le frain ;
Si lor donnent avaine et fain ;
Molt savoient bien servir gent.
Mais laiens ot petit de gent
Et de maisnie, c’est la voire ;
260.II. cousins germains à Provoire

Fissent venir, qui biel estoient
Et bien et biel servir savoient.
Quant venu furent belement,
Si saluent courtoisement
265Le Chevalier et se maisnie :
« Biaus seignor. Dix vous béneïe, »
Respont li Chevaliers à iaus.
Li keus faisoit peler les aus,
Commin broier et poivre ensanle.
270Et jà cuisoient, ce me sanle,
.IIII. capons[26] et .II. gelines.
Molt èrent beles les cuisines,
Car li connin et li oison
Erent jà cuit et li poisson.
275Cille, au cors avenant et biel,
Fist .II. pastés et un gastel ;
Dame Avinée eslut le fruit,
C’on dut mengier par grant déduit,
Et en après autres viandes.
280Li Prestres poile les amandes ;
Cius bat les aus, l’autre le poivre.
Et si ont fait un moult boin soivre ;
Li tierch lèvent les escuielles,
Li quart met les bans et les seles
285Et les tables pour asseoir.
Là péuissiez menger veoir
Bien atourné et sans faitisse[27].
Li Escuiers .II. nois ne prise
Tout che, ains l’en poise forment
290Qu’il cuidoit bien tout maintenant

Laissier son escu et sa targe ;
S’a tel duel por poi qu’il n’esrage,
Com cil qui plus faire ne puet.
Dist li Prestres : « Il vous estuet
295Menger anuit, mais en est tans. »
En .II. bachins clers et luissians
Porta on l’iaue[28] pour laver ;
Gille[29], la plaisant demisele,
L’a aportée[30] maintenant.
300Le Prestre fist laver devant
Le Chevalier à grant honnour ;
De son otel le fist seignour.
Après lava li Capelains
Ses iex et sa bouche[31] et ses mains ;
305Puis s’alérent seoir après.
.II. candelabres de chiprès
Aportent doi vallet avant ;
En cascun ot .I. chierge grant
Que mieux véissent au mengier.
310Sans contredit et sans dangier
Les servi on .I. à un mès,
Et, devant tous les autres mès,
Fu premiers li pains et li vins.
Li chars de porc et li connins
315Aporta on, pour .II. mès faire ;
Celle viande doit bien plaire.
Après orent oisiaus nouviaus ;
Puis fu aportés li gastiaus.
Et li capon furent au soivre.
320Et li poisson[32] à le fort poivre,

Et les pastés à déerains
Fait aporter li Capelains,
Por ce qu’il èrent biel et chier.
Por mieus seoir le Chevalier,
325Et à toute l’autre maisnie
Dame Avinée, qui fu lie,
Aporta nois et autre fruit,
Et kanièle, si corn je cuit.
Et gyngembras et ricolisse ;
330Mainte boine herbe et mainte espise
Lors aporta dame Avinée.
Ains que la table fust ostée,
S’en mengèrent, toutes et tuit,
Tout par loissir et par deduit,
335Et burent vin, vermeil et blanc,
Cler comme larme, et pur, et franc,
Assés et as grans alenées.
..............
Et ont les tables, quant lius fu.
340Et puis font attisier le feu
Que froidure ne les sousprengne.
 « Dans Chevaliers, comment qu’il prengne
S’il vous plaist et ne vous anoie, »
Fait li Prestres, « je conteroie
345Volentiers c’avons despendu.
— Contés, car bien vous ert rendu, »
Fait li Chevaliers, « se Dieu plaist. »
Li Escuiers adès se taist,
Qui moult avoit le cuer dolent
350Qu’il ne set à dire comment

Icele dete porra estre
Rendue à Monseigneur le Prestre,
Car il n’ont fors leur .II. chevaus
Et lor reubes et lor mantaus[33] ;
355Si en a molt son cuer dolent.
Fait li Prestres premierement :
« Vous conterai .V. saus au pain,
Et .V. au vin, plaisant et sain,
Et .V. à le char de porc saine ;
360Autrestant a valut la laine.
S’en a .V. as gelines crasses,
.V. as capons et .V. as hastes[34],
.V. as pastés, .V. as gastiaus,
Que nous aussmes boins et biaus,
365.V. as aus et .V. as oissnions,
.V. au poivre et .V. as poissons,
Et si ara .V. saus au feu,
.V. au serjant et .V. au keu,
.V. pour l’avaine. Or sont .C. saus,
370Que je ne soie au conte faus.
S’en ara .V. as napes beles,
.V. as pos et .V. as paieles,
.V. as tables, .V. as plouviers
Que nous euismes boins et chiers ;
375Les gyngembras, les ricolisses,
.XXX. sous coustent[35] les espises ;
Que je n’oubli[36] .V. saus au sel,
Et .V. au lit, .V. à l’ostel.
Et .V. au fain, tout sans l’avaine.
380Et .V. à la litière sainne,

C’on mist desous vos .II. chevaus ;
Si sera li contes ingaus.
Chi n’a pas trop de nule rien
Car de[37] che me pairés vous bien
385Demain au partir sans deçoivre.
Après le conte doit on boire, »
Fait li Prestres, « si beverons.
— Quant vous plaira, et coucherons, »
Dist li Chevaliers, « biaus dous sire, »
390Qui en son cuer ot molt grant ire.
Dont se sont levé tout ensamble,
La maisnie, si com moi samble,
Pour lui servir et descauchier ;
Qui dont le véist encauchier
395De lui servir et honnour faire,
Ne li peûst de riens mesplaire ;
Cius le descauche, chius le grate,
Chius le soustient, et chius le taste.
Ensi li font tout son plaisir ;
400Acompli li ont son désir,
Tant qu’il l’orent muchié ou[38] lit,
Qu’il orent fait bel et delit.
Quant couchié l’ont isnelement
Si ne targierent de nient,
405Ains aportent le vermeil vin.
Si but entre les dras de lin.
Quant ot bu, erraument se couche ;
Son chief envolepe et sa bouce.
Et fait samblant que dormir voeile.
410Tantost se deschauce et despouille

Li Escuiers, et s’apareille[39]
De dormir[40] ; mais tantost s’esveille
Li Chevaliers, et se pourpense
Comment paiera tel despense ;
415Bien set que jà n’en finera
Devant que li Prestres en sera
Paiiés, qui moult les deniers aime ;
Chaitis et fols musars se claimme,
Quant il a fait si grant despense.
420Après ices mos se porpense
De grant barat et de grant guille.
Dont dist qu’il vora bien[41] que Gille
Viengne en nuit couchier en son lit,
Faire son boin et son délit
425Et en après dame Avinée,
Li preus, li bele, li senée.
Et en après li dans[42] Prestres :
« Si saurai[43] de tous .III. les estres ».
De che[44] s’afiche molt, et jure
430Que il fera ceste laidure,
S’il ne li claimme cuite et lait
Le grant despens que il a fait
En son ostel par son outrage.
« Si voroie mieus à Cartage
435Estre que jà géuisse a homme,
Em Puille, en Salerne ou à Romme
Et non porquant si li ferai
Cest lait ; si li demanderai
Que il viengne avoec moi gesir
440Faire mon boin et mon plaisir,

Pour .XV. saus qui n’i remaigne. »
Li Chevaliers, qui moult engaigne,
Non fera il por que il puisse.
Son Escuier prent par le cuisse ;
445Vers li le sache et si le boute :
« Os tu ? Diva », fait-il, « escoute. »
Tant le déboute, et sache, et tire.
Que chiex sot que c’estoit ses sire.
Li Chevaliers li prist à dire :
450« Lieve tost sus, et si va dire
Au Prestre félon et vilain,
Qu’il m’envoist sa nieche Gillain ;
Si mèce plus .V. sous au conte. »
Et chiex dit : « Vous li querrés honte.
455— De li tele est no[45] convenenche.
Dont j’ai[46] sa foi et sa créance
C’a mon talent servis[47] seroie
De tous les mes que je sauroie
Que il aroit en sa baillie.
460Et ceste i estoit sans faillie.
Pour ce le veut anuit avoir.
Qui qui le tiengne à non savoir,
Qui qu’en pleurt ne qui k’en ait joie. »
Dont dist li Escuiers et proie
465A son seignor qu’il laist ester :
« Vous n’i poriés riens conquester,
Car qui trop prent et trop acroit
Ains qu’il ne veut caitis se voit. »
Et cure mout son cors et s’ame
470C’ains mais ne vi pour une femme

.V. sous donner en son éage
Ne faire à homme tel outrage
Com fait ses sires, qui les donne,
Qui se tresbuse et abandonne
475En grant peril et en grant mal,
Car demain à pie sans cheval
En ira pour[48] sa grant despense.
Ensi fait moult chiere dolente
Li Escuiers et se démente,
480Et si a mis toute s’entente
En castoier son droit seigneur.
Duel ot, onques mais n’ot grigneur.
Pour son seignor qui se foloie.
Riens ne li vaut que toutes voies
485L’enort[49] lever, outre son veil,
Li Chevaliers, qui, plains d’orgueil,
Le voit de son message faire,
Et chiex, qui ne s’en pot retrerre[50],
S’est levés sus tout maintenant.
490Plus de .C. fois en un tenant
Se claimmelas, maléureus,
Et, com caitis et dolereus,
S’en vint droit à l’uis de le cambre,
Qui bien estoit ouvrée à lambre[51].
495Quant là parvint, tel noise fait
Et a gieté .I. si grant brait
C’on l’oïst, mien esciant bien,
Sans mençoigne de nule riens,
De le vile par tout le sens.
500..........

Li Prestres, qui grant duel en a :
« Dehait, qui vous i envola, »
Fait li Prestres, « pour faire noise ? »
Li Escuiers, à cui en poise,
505Respont : « Sire, je n’en puis mais ;
J’aniaisse mieus gésir em pais.
Mès me sires le me commande,
Qui vous semont par moi et mande
Que vous li envoies vo nieche
510De ceste nuit une grant pieche.
Si métés plus .V. saus au conte.
Car molt bien en savés le conte ;
La couvenanche si fu faite
Entre vous .II. », puis se dehaite.
515Dans Silvestres bien s’aperçoit
Que li Chevaliers le déchoit ;
S’en a grant duel et ire fort :
« Biaus dous amis, à molt grant tort »,
Fait li Prestres, « me veut vos sires
520Engingnier ; car li aies dire
Qu’il me claint cuite la pucele.
Je li ferai amende bele
De son despens, et li lairai
Quarante saus et li ferai
525Quant li plaira autel bonté,
Car forment m’aroit ahonté.
Se il avoit ma nieche eue
Despucelée et puis géue.
Aies, biaus dous amis, et dites
530Que des .XL. sous est quites

Li Chevaliers pour la pucele. »
Tel joie a cius, tous en canchele
Li[52] Escuiers de fine joie ;
Gratant son cul, la droite voie
535S’en vint au lit où jut ses sire,
Joians, sans dolour et sans ire,
Li Escuiers, et s’ajenouille ;
De fine joie sue et moulle ;
Bien et briément fait son message,
540A guisse d’omme preu et sage ;
Li dist : « Sire, li Capelains
Vous mande et prie ad joigtes mains
Que vous sa nieche li laissiés
Em pais, car nul preu n’i ariés :
545Il vous laira, sans plus d’atente,
.XL. sous de vo despense. »
Li Chevaliers[53] sans plus d’atente,
Li prie molt forment de prendre.
Et sa proiière trop desdaingne.
550Et molt par en a grant engaingne
Li Chevaliers de tel message,
Et, aussi com eüst la rage,
Li escrie : « Faus ribaus ors,
Diex maudie le votre cors.
555Quant vous ne m’amenas[54] Gillain
Outre le gré au Capelain.
Alés ; dites je n’en prendroie
.X. livres de tele monnoie[55].
Par Saint Aliste de Hanstone,
560Puis que convens à moi le donne. »

Dont retourna tous esmaris,
Et fait samblant de crucefis
Li Escuiers ; en kiet en fièvres ;
Tout aussi tremble comme lièvres,
565Qui paour a pour les braquiés[56].
Aussi com s’il fust esragiés
Grate sa teste de paour ;
Si pert le sanc et la coulour
Pour le despens que il redoute ;
570Sous[57] li emprent la paour toute
Comme musars et foie cose.
En la cambre, qui estoit close,
Vient, et entre ens, et dist au Prestre :
« Foi que doi vous, il ne puet estre,
575Car Mesires veut votre nièche
Anuit avoir une grant pièche,
Mais je ne sai pas[58] s’il est yvres,
Car qui li conteroit .X. livres
Nes prendroit-il pas pour[59] Gillain. »
580Lors drecha li Prestres sa main
En mont en haut, et si se sainne :
« Si m’aït Dix, et bien me vengne »
Fait li Prestres, « engingniés sui,
Ains mais si engingniés ne fui,
585Ne jamais aussi ne serai ;
Et non porquant si li ferai
Tout son commant à mon pooir,
Estre mon gré et mon pooir, »
Dont viest li Prestres se chemise ;
590Saint Amadour et Sainte Afflise

S’en vint jurant au lit Gillain ;
Adont l’a prise par la main,
Le vis li baise et puis la faice :
« Nièche, » fait-il, « ne sai que faice
595Du Chevalier qui mal me maine.
Ensi ai pourcachié ma paine :
Je le cuidai avoir souspris,
Et il m’a engingniet et pris
Par convenenche, et s’a ma foi,
600Et si me mande que o soi
Vous tramece pour ses boins faire.
Alés i, nièche, car retraire
Ne vous em puis, mais bien me grieve.
Mais, par saint Julien de Bievre,
605Ne suis pas encore si faus,
Que voeille perdre .CC. saus,[60]
Nièche, pour votre puchelage[61] ;
Car je feroie grant folage,
Bielle nièche, se jes perdoie. »
610Dont pleure celle etpertsejoie
Com celle qui nul mal ne set ;
Se vie despit moult et het ;
Bien vorroit estre ocisse et morte,
Mais ses oncles le reconforte
615Qui li dist : « Nièche, ne vous caut :
Ch’est tel cose qui moult tost faut,
Et que pucelages trespasse ;
Em poi d’eure est pucele basse
Et bien mise à son pain gaaingner.
620Ains n’en vi nule meshaingner.

Non ferés vous, si com je cuit,
Mais alés tost, sans faire bruit,
Faire les boins au Chevalier,
Et je vous jure saint Valier,
625Qu’en liu de votre puchelage
Ares en votre mariage
Les .X. livres, se je vie tant. »
Adont s’est drechie en estant
Gille, de sen sercot viestue ;
630Ensi est de la cambre issue.
De plourer a le coulour paile.
Ensi s’en va par mi la[62] salle
Li Prestres, et sa nièche o li.
Tout maintenant Gillain rendi
635A l’Escuier par mi le main.
Or s’en va chius avoec Gillain
Au Chevalier la droite voie,
Qui de Gillain ara grant joie
Quant il le porra enbrachier,
640A li juer et soulagier,
Et ses talens et ses boins faire.
Li Escuiers[63] le fu esclaire,
Com chius qui moult sot de raison.
Pour mieus veoir par le maison,
645Et dist : « Veschi Gillain le biele,
Qui tant a biele le maisiele,
Biaus sire, que je vous amain. »
Adont li bailla par le[64] main ;
Li Chevaliers joians le prent.
650Au fu, qui cler art et esprent.

Li Escuiers tantost retourne,
Si le rechoit, et[65] n’i sejourne,
Puis entra errant en son lit.
Li Chevaliers fait son delit,
655Qui Gillain avoit jà souprise
Et desous li souvine mise,
Et jà tolu son pucelage.
Or puet mener et duel et rage
Gille, qui est depucelée ;
660Moult en a grant doulour menée
Et dolousé icele nuit.
Or est moult joians du deduit
Li Chevaliers et moult se paine ;
Et cele, qui moult ot de paine
665Pour la cose qu’ele[66] n’a aprise,
Li Chevaliers tant le justice
Que par .V. fois ses boins en fait,
Cui soit il[67] biel ne cui soit lait,
Et puis son Escuier apelle,
670Cius saut tous seus en la gonnele,
Com chiex qui moult s’en sout tenus,
Et dist : « Sire, je suis venus ;
Jes… — Oïl voir ; or pren[68] Gillain
Tout belement par mi le main
675Et à son oncle le remaine
Tout souef, qu’ele n’i ot paine. »
Et cil le prent par le main destre ;
Biel et courtoisement l’adestre.
Ensi s’en va Gille la bele,
680Despucelée la pucele.

Et maudist moult souvent sa vie
De Dieu, le fil sainte Marie,
Et le santé qui le soustient.
Li Escuiers dist : « Pas n’avient
685A Damoisele duel à faire. »
En la cambre, qui souef flaire.
S’en sont venu andoi ensanlle.
Li Escuiers, si com moi sanlle,
Rent à son oncle la mescine,
690Qui de doulour ploie l’eschine ;
Puis prent congié et si s’en tourne.
Son cief envolepe et sa bouche
Li Escuiers qui fu lassés.
Mais il n’ot pas dormi assés
695Quant ses drois Sires le resveille,
Qui moult se paine et se travaille,
Ou soit à droit ou soit à tort ;
Il li demande se il dort.
Et chieus respont : « Je non, biaus Sire
700— Lieve tost sus et si va dire,
Amonneste le dan de prestre,
Que li vilains nomma Silvestre,
Que tout par boine destinée
Me trameche dame Avinée
705Qui est et s’anchièle[69] et s’amie ;
Va tost, si ne li coille mie,
Mais bien li di que je le vœil.
Et, si dist que je fac orgueil,
Di li que tele est ma manière,
710Que nule cose n’ai tant chière

Que ne donnaisse pour puchele
Ou pour dame, quant elle est biele.
Geste est biele ; cui qu’il desplaise,
Se l’voeil avoir pour faire m’aise ;
715Va tost ; le[70] m’amainne et revien
Isnelement ; si feras bien. »
Dont s’en va cius et si s’en tourne ;
Dusque[71] la cambre ne séjourne.
Qui est fremée à la queville :
720« Ouvrés, ouvrés ! — Voi, par saintGille, »
Fait li Prestres ; « Maufés[72] te maine
Qui nous mes ores en tel paine.
— Non fais[73], ains m’envoie Mesire
A vous ; si vous sui venus dire
725Tantost, par boine destinée,
Si envoies dame Avinée,
La preus, la courtoise, la biele.
Par sainte Gietrus de Nivelle,
Jure Messires qu’il le veut. »
730Or est plus dolens qu’il ne seut
Li Prestres, et plus se démente ;
Dieu jure qu’i toute sa rente
Ameroit mieus avoir donnée
Que jà eust dame Avinée ;
735Diu jure fort, et si entreuvre[74]
L’uis, et à l’Escuier descuevre
Trestout son boin et son courage :
« Amis », fait-il, « moult grant folage
Pense vos sires, qui m’amie
740Veut avoir. Il n’en ara mie, »

Fait li Prestres, « pour que je puisse.
Mieus vauroie ma destre cuisse
Avoir en .II. tronchons brisie
Que teus hontes me fust jugie,
745Ne qu’il i atouchiet éust.
Se je Guidasse qu’il déust
Vers moi penser tel felonnie,
Jà n’i eüst jor de ma vie
Chaiens, ne marchié n’i fesist,
750A moi que que nus en desist ;
Mais on ne connoist point la gent.
Li[75] grans convoitise d’argent
M’a dechut et mis à se part ;
Si m’en repent, mais ch’est à tart ;
755Si ne m’en puis repentir mie.
Amis, par Diu, le fil Marie,
Va lui dire que de .C. saus
Puet estre quites, s’il n’est faus,
Mais qu’il me cuit dame Avinée ;
760Et demain, à la matinée,
Li ferai un conroi nouviel
Boin, et plaisant et sain et biel.
De tenres[76] poulies et d’oisons,
De char fresque, devenissons.
765Et de boin vin de .III. manières,
Et d’espices boines et chières.
Sans[77] che que che li couste rien.
— Biaus dous Sires, che sachiés bien, »
Fait li Escuiers, « mais je n’os ;
770Car j’auroie froussiet les os

S’emprès s’a Monseigneur r’aloie
Et[78] la dame ne li menoie.
Pour ce l’atent[79], qu’ele s’en viengne.
Et que riens nulle ne l’ retiengne,
775Sans atente ne sans demeure[80],
Si m’ait Dix et me sekeure. »
— Mal sui engingniés et terris, »
Fait li Prestres ; « en cest païs
N’aurai jamais honnour ne joie
780Se che avient que li envoie.
Retourne tost à ton Seignor,
Si li di que relait grignor
Li feroie de blans .VII. livres ;
Si ne m’en croit, sour tous mes livres
785Par boine foi li jurerai[81]
Que jà ne li demanderai
Au partir que .LX. saus. »
Li Escuiers, musars et faus,
Respont : « Sire, puet che voirs estre ?
790— Oïl par fin, » che dist li Prestres.
Dont prent son cul parmi l’oreille ;
El repairier tost s’apareille
Li Escuiers à grant leèche ;
Joians, sans ire et sans tristeche,
795Moult haitiement[82] s’en retourne,
Dusc’à la cambre ne séjourne ;
Biel et courtoisement li conte
Que relaissiet li sont du conte,
S’il veut, .VII. livres volentiers :
800« Sire, » fait-il, « sour ses sautiers

Et de sour[83] tous ses autres livres,
Jure li Prestres que .VII. livres
Volentiers vous relaissera
Et conroi nouviel vous donra
805Le matin à la matinée,
Se li cuitiés dame Avinée ;
Biaus Sire, et vous li cuiterés[84],
Se vous m’en créés. S’en irés
Demain en vo terre à cheval ;
810Je n’aurai ja duel si coural
Se jou vous suic[85] trestout à pié.
Quant j’aurai mon rouchi laissiet,
Sans plus, pour .LX. saus ;
Se n’irés mie comme faus,
815Ne com bricons, mais à honnour.
— Foi que je doi nostre Seignour, »
Fait li Chevaliers, « mieus vorroie
Que tu fuisses de ma coroie
Pendus à treu d’une longaigne.
820Moult près va que ne te meshaingne
D’un des costés ou d’un brach[86] destre.
Retourne tost, si di au Prestre
Qu’il le m’envoist[87] sans nule atente,
Et si mèche au conte s’entente
825C’adont li deverai[88] .X. livres
Et .V. saus cuites et delivres. »
Lors retourna grant duel faisant,
Lui et sa vie despisant.
Et maintenant en la cambre entre ;
830Par les boiaus et par le ventre

Jure, et puis dist ainsi[89] au Prestre :
« Sire », fait-il, « ne poroit estre,
Car Mesire veut vostre amie,
Dame Avinée l’echavie[90].
835Que tous li mons devroit amer. »
Qui dont oïst caitif clamer
Le las de[91] Prestre à li méisme ;
A li tenche, à li estrive[92],
Com chiux qui a moult grant engaigne :
840« Hélas ! » fait-il, « comme gaaingne
Fait chix qui autrui veut dechoivre ;
Tex cuide sour autrui[93] boire
Qui boit sour li, sour sa compaingne.
Et trueve bien après gaaingne
845Aussi com j’ai fait à le moie. »
Sour l’esponde du lit s’apoie
Com chiex qui moult estoit courciés :
« Dame Avinée, mes péciés, »
Fait-il, « m’a engingné et nuit.
850Car aies faire le deduit
Le Chevalier et ses talens.
— Sains Martins, c’om aore à Sens,
Sire, » fait-elle, « me maudie,
Quant jà irai jour de ma vie ;
855Et, se je sui abandonnée
Par vous, ne par autrui menée
Outre mon gré, che sai jou bien
Que ne m’amés de nulle rien.
— Amie, si fach, et vous de quoi
860De che qu’avés eü de moi

Souvent mainte peliche grise.
Maint boin mantel, mainte chemise,
Et maint sercot et mainte bote,
Mainte afulure et mainte cote,
865C’onques ne vous cousterent rien,
Et pour che devés garder bien
Ma foi qu’ele ne soit mentie.
— Vo foi ! Vo male convoitie
Vous a honnit et moi conchiet.
870— Par le cuer Diu, il vous convient, »
Fait li Prestres, « comment qu’il aille,
Aler au Chevalier sans faille.
Et bien vous poist tout maugré vostre. »
Dont s’est levée tout à forche
875Dame Avinée, triste et mate,
Et viest .I. sercot d’escarlate
Sans plus, et si lava ses mains.
Poires, et pumes, et parmains,
A mis ou cor d’une touaille,
880Tantost à l’Escuier le baille
Et .I. pochon de noble vin ;
Puis prent .I. riche maserin,
Et .I. chierge qu’ele trouva,
A l’Escuier si le bailla
885Tant que d’efroit l’Escuiers[94] tremble.
Ainssi s’en vont andoi ensamble
Au Chevalier la droite voie.
Quant voit la dame, s’ot grant joie
Et dist : « Bien veigniés vous andui. »
890Dame Avinée dist à lui :

« Et vous soiés li bien trouvés,
Comme Chevaliers esprouvés
Que li mons devroit avoir chier. »
Puis li presente le pichier,
895Et les parmains, et le biel fruit.
Li Escuiers ot grant déduit ;
Lor aporte l’yaue à lor mains.
Ore a grant duel li Capelains,
Qui ensi voit gaster sa cose,
900Et sa bouce ouvrir n’en ose[95]
De cose nulle que il voie.
Li Chevaliers mainne grant joie
Et dame Avinée avoec lui ;
Tout a entroublié l’anui
905Qu’a li Prestres[96] et le hontage.
Au chevalier courtois et sage
A dit : « Sire, mengiés du fruit
Et buvés du vin[97], car je cuit
Qu’il n’a meillor en ceste ville.
910Mesires vous cuide de guille
Siervir, mais vous en servés lui ;
Bien a pourcachié son anui
Et sa grant honte, et sa viutanche ;
C’est à boin droit se li[98] pesanche,
915Se nus n’apartenist à lui
A la viutanche et à l’anui ;
Mais j’i pierc[99] et sa nièche Cille,
Que vous avés par votre guille
Corrompue et despucelée.
920Mais, se la cose n’est celée,

Elle est mal baillie sans fin. »
Le fruit li baillent et le vin,
Et boivent souvent et à trait
Et dame Avinée ot jà trait.
925Biel se desportent et soulacent[100] ;
Souvent s’acolent et embracent,
Et baissent souvent et menu.
Et li Prestres au poil chenu
Les esgarde, cui[101] moult en poise.
930Mais il n’en ose faire noise.
De che n’en poise pas sa vie
Vaillant une pume pourie[102] ;
Le lit refist à ses .II. mains,
Bas le cavech et haut les rains,
935U li Chevaliers dut gésir.
Puis se despouille par loisir
Et maintenant ou lit[103] se couche
Li Chevaliers, qui bontés touche ;
Biel se soulacent[104] et deportent ;
940Mais durement se desconfortent[105]
Entre l’Escuier et le Prestre,
Car en prison cuidoit bien estre
Li Escuiers pour le despense ;
Li Prestres a duel et offense
945Pour le viutanche et pour l’anui
Qu’il a pour soi, nient par autrui ;
Ensi font lor pensé divers.
Et li frans Chevaliers apers
Fait de la dame son plaisir
950Tout belement et par loisir,

Tant que sour li est tout lassés,
Et, quant il sot qu’il fu assés,
Li dist : « Dame, vous en irés
A vo Seignor et si ferés
955Che qu’il vorra, car c’est droiture.
Mais ne tenés mie à laidure
Se je refus vo compaingnie. »
Cele qui fu bien enseignie
Respont : « Vous ferés vo talent. »
960Et li Chevaliers erraument
La dame à l’Escuier rebaille,
Que renvoier le veut sans faille
Au Prestre, qui moult se démente.
Dame Avinée en fu dolente
965Et fait semblant de femme irie :
« A Dieu, le fil Sainte Marie,
Sire », fait-elle, « vous otroi,
Si com je pense en boine foi
Qu’il vous desfende[106] de pesanche,
970Et d’encombrier et de nuissanche,
A tous les jours de votre vie.
— A Dieu voisiés vous, douce amie, »
Fait li Chevaliers, « qui vous gart,
Consaut et ait et regart,
975Et vous doinst boine destinée ! »
Atant s’en va dame Avinée
Vers le Prestre la droite voie,
Et li Escuiers le convoie
Et prent congié courtoisement,
980Puis se retourne isnelement

Pour reposser et pour dormir
Tout bielement et par loisir.
Mais autrement iert k’il[107] ne cuide,
Car dame Avinée s’est mute
985Moult durement à noise faire ;
Qui dont l’oïst noisier et braire,
Tenchier et estriver au Prestre :
« Haï ! Haï ! Sire Selvestre,
Com vous avés bien pourcachie
990La honte qui vous est venie[108],
Que vostre amie avés perdue
Et vostre nièche avés vendue,
Pour avoir, à .I. estrange homme.
Tout li cor saint qui sont à Romme
995Puissent le vostre cors confondre !
On vous devroit ardoir ou tondre
Com fol, et baillier grant machue. »
Dont a tel caut que trestout sue
Li faus[109] Prestres de fine honte.
1000Dame Avinée tout li conte
Sa mauvaisté et sa pesanche :
« Pour les plaies et pour le panche, »
Fait celle, « se femme n’estoie
Et à la honte ne perdoie,
1005Je diroie par tout le mont :
Vo convoitise vous confont,
Vo convoitise vous sousprent,
Vo convoitise vous esprent
Aussi com li fus fait la raimme.
1010Caitis et convoiteus se claime. »

Ensi le maistrie et travaille,
Et li Prestres la sourde oreille
Fait aussi que se n’oïst rien.
Adès se taist, et cele bien
1015De sa parole le lesdenge ;
Dieu jure bien et bien calenge
Que mais s’amie[110] ne sera
Ne jamais ne le servira :
« Tant comme j’aie l’ame el cors.
1020— Dame Avinée, vos effors »,
Fait li Prestres, « est en mal dire.
— Mais, merchi Dieu, nus n’en est pire
N’est pas pour vous, mais Diex ne veut,
Et pour che que li cuers me deut
1025De la honte que j’ai éue.
— Et vous estes bien esméue
En maudire et en lesdengier,
Si vous cuidiés en moi vengier
De la joie que vous menastes
1030Quant o le Chevalier mengastes[111] ;
Mais, se Dieu plaist, n’en ferés mie,
Et si dites bien que m’amie
Ne serés mès, si com je cuit ;
Dès ore voeil que sachent tuit
1035Trestout li voisin du visnage.
— Ha ! Diex[112] ! » fait-elle, « quel damage !
Se je piert mon seigneur le Prestre,
Autressi boin jamais à estre
Ne trouverai jour de ma vie.
1040Haï ! » fait-elle, « vostre[113] envie

A honnie moi et Gillain.
Dehait amours de capelain,
Ne qui l’aimme par mi le col,
En la fin s’en tient on pour fol,
1045Et je si me retienc à foie. »
Et li Prestres ceste parole
Li laisse dire, si s’acoise ;
A tant si abaisa la noise
Qui est entre li et s’amie.
1050Li Chevaliers n’oublia mie
Son marchiet ne sa couvenenche[114] ;
Et l’Escuier[115] sans demouranche
Apielle ; chieus saut de son lit :
« Que vous plaist, Sire ? — Mon délit
1055Di au Prestre qu’il veigne faire,
Sans atargier et sans atraire.
— Vo delit, biaus sire, de quoi ?
— De che que gésir viegne o moi
Si le [foutrai][116] .III. fois u .IIII.
1060— De Diu me saing, fillum patre ;
Faites le crois, seigniés vous, Sire !
Comment osastes vous che dire ?
— Osai, pour quoi ? — Cose despite !
Che n’afiert fors que sodomite.
1065— Si fait, musars, » fait-il, « à moi.
Je le foutrai, foi que ti[117] doi, »
Fait li Chevaliers hautement,
« Car il est mieus peus voirement
Que ne soit encore s’amie.
1070Encor[118] a il dessous l’eskine

.IIII. doie de crasse poure.
— Sire, c’est tout contre nature, »
Fait li Escuiers, « que vous dites.
Saingniés vous du saint Esperite ;
1075Vostre[119] manière avés perdu.
— Fix à putain, vilain pendu, »
Fait li Chevaliers, « je l’aurai !
Mais alés tost, sans nul délai.
Au Prestre, si le m’amenés[120] ;
1080Et, se vous sans li revenés,
Je vous ferai honte du cors. »
Dont s’en va chiex à grant effors
Vers le Prestre la droite voie,
Tristes et mournes[121] et sans joie,
1085Si li dist : « Ne m’en voeil retraire,
Biaus ostes, je ne m’en puis taire
Que mon message ne vous die,
Qui qui le[122] voeille le desdie,
Que Mesiresle vous commande,
1090Que vous semont par moi et mande
Que son convenant li tiesniés
Et c’avoec li gésir veingniés,
Que de vous veut son voloir faire.
Au mains sache vous puet atraire,
1095Se de convenant li fallés ;
Pour chou estuet c’a li allés,
Si vous foutra .III. fois ou .IIII.
La mors[123] me prengne et puis abatre, »
Fait li Prestres, qui s’en vergoigne,
1100« Quant je irai pour tel besoigne ! »

Tout li samble que che soit soinge ;
Arrier se trait, de li s’eslonge,
Et si se sainne demanois[124].
Iriés, angouissieus et destrois
1105Fu li Prestres pour le nouviele :
« Amis », fait-il[125], « en lui cancele
Maufés[72], qui emaint lui esploite.
Portons i l’yaue benoite,
L’estole, le crois et l’encens,
1110Car je cuit qu’il est hors du sens.
— Del sens je ne saige pour voir ;
Mais qui li donroit grant avoir
Nés[126] prendroit-il qu’i ne jéust
A vous, pour c’avoir vous péust ;
1115Et je cuit k’il vous ara bien,
Car par devant sour toute rien[127]
Fu itele vo couvenenche ;
Mais alés tost, sans demourance
A mon Seigneur droit à son lit
1120Faire son boin et son delit.
Que li retraires n’i vaut rien. »
Or voit li Prestres et set bien
Que déchut l’a sa convoitise :
« Hé ! las, » dit-il, « bien[128] me justiche
1125Convoitise, qui mal me maine.
Ensi ai pourcachié ma paine
Et mon anui et ma grant honte.
Las ! caitis ; or ne sai que monte
Convoitise, s’on ne l’asaie. »
1130Ensi se doulouse et esmaie

Li Provoires, chiere dolente ;
Ensi se demaine et démente,
Fait comme .I. hons desconseilliés ;
« Amis, forment m’enulliés[129]
1135Vous et vos sires à grant tort.
— Non faich, se Dix me gart de mort, »
Fait li Escuiers, « car avant
Mist bien Mesires en convent
Qu’à son talent servis seroit
1140De tous les mes que il sauroit
Que vous ariés en vo baillie ;
Et vous estes, bien sans faillie,
En vostre[130] main, nient en l’autrui ;
Por che estuet c’aliés à lui.
1145— Amis, » fait-il, « onc[131] je n’iroie,
Qui me donroit Pieronne ou Roie,
Nevers, ne La Karitet[132] toute.
Par ensi soit que il me foute.
Mais va arrière, si li conte
1150Que ses .X. livres que il conte
Li clainc cuites[133] en boine foi,
Par si que il claint cuite moi,
Ne qu’il plus honte ne me kière ;
S’ensi le fait, ses amis ère. »
1155Dont ot li Escuiers grant joie,
Si saut, et baie, et tous se ploie,
Et chante cler comme seraine ;
.IIII. saus fait à une alainne,
Tant que il vint à son Seignour.
1160Si dist : « Sire, joie ai grignour,

Que je grant piece eüe n’ai,
Car cuites estes, bien le sai,
Du convenant et des .X. livres.
Aies vous en poés delivres,
1165Se cuiter volés le Provoire.
— Par saint Otrise et par saint Floire,
Fait li Chevaliers, « je n’ai cure
Que le cuitaise à nesun fuer
Pour .X. livres. Mais va arrière.
1170Que Dix maudie vostre chière
Quant vous revenistes sans lui.
Priés[134] va ! — Que ne vous faich anui
De la riens que plus avés chière. »
Dont s’en retourne chiex arrière
1175Tristes et mournes, sans areste.
Au Prestre vint, drecha[135] la tieste,
Si li dist : « Ostes, moult me poise
De la tenchon et de la noise
Que j’ai anuit pour vous souferte.
1180Et plus me poise de la perte
Que mes drois Sires fait de s’ame[136]
Pour vostre nièche et pour vo femme,
Et pour moi et pour vous ensamble.
Aler vous convient, ce me samble,
1185A mon seignour, qui vous veut foutre,
Qui a le vit plus lonc d’un coutre ;
Mais je ne sai que il veut faire. »
Adont s’espurge et esclaire[137]
Li courages dame Avinée :
1190« Ce soit à boine destinée,

Sire, que vous foutus serés ;
Si Diu plaist, vous engroisserés, »
Fait cele ; « s’en gerrés en mai.
— Dame, » fait li Prestres, « ne sai ;
1195De ce me puet bien Dix garder.
— Cierte[138], on vous deveroit larder, »
Fait-elle, « quant vous devéastes[139]
Vostre ostel, et ne herbregastes
.I. gentilhomme par frankisse.
1200Or voi que vostre convoitisse
L’a herbregié et vous honni ;
Huimais serons nous tout honni
A paiement recoivre et prendre.
De duel deveriés par mi fendre.
1205Engingnié vous a convoitise.
Mais, s’il alast par droite assise,
Je n’i perdisse riens, ne Gille.
Ciertes partout, je le desille[140]
Vo grant anui et vo contraire,
1210Viellars quemuns et deputaire,
Qui tel vilonnie fesistes,
Qui vostre ostel escondesistes
Par frankise[141] à .I. gentilhomme
Et cuidastes à la personne
1215Entrepartie de son avoir
A tort et au pechiet avoir.
Mais non arés, moult en faura
Et chi près n’iert cui n’en chara
De votre anui ne de cest conte ;
1220Cheste despense et icest conte,

Je cuit, achaterés moult chier.
Levés tost sus, alés couchier
Avoec le Chevalier gentil.
S’enchargerés anuit .I. fil.
1225Se Diu plait et sainte Esperite.
— Dame Avinée, tel merite, »
Fait li Prestres, « doi-ge recoivre ?
— Comment ? » fait-elle. « Ne doit boire
Le vin malvais[142] qui tel le brasse ?
1230Or avés-vous si grant amasse
Anuit pour vostre grant despense. »
Et li Provoires se pourpense
C’au Chevalier donra .X. livres.
Ains que de li ne soit delivres.
1235Itele est la pensée au Prestre,
Et, se du plait pooit[143] fors estre,
Moult li seroit avenu bien.
A cel Seignor, qui toute rien
Fist et forma, veue[144] et promet,
1240Se Jhesu en boine le met[145].
Que tousjours mais herbergera
Et ses osteus connus sera
Pour l’amour Diu et par frankisse,
Si que jà riens n’en sera pire
1245De despense qui laiens soit.
Ensi jure che qu’il pensoit
Li Provoires pour quites estre.
Dont dist li Escuiers[146] au Prestre :
« Venés vous en sans delaiier. »
1250Dist li Prestres à l’Escuier :

« Amis, par Dieu, onc[147] je n’irai :
Ne[148] jà, se Diu plaist, ne serai
En liu de femme desous homme,
Par tous les sains qui sont à Romme,
1255Et par saint Pol et par saint Pierre,
Foi que doi l’ame de tom père
Dont Dix faiche boine merchi,
Car atent .I. bien poi, ami ;
Fai moi honneur et amisté,
1260Et je t’en sarai mout[149] boin gré.
Sauve t’onnour et moi ma honte ;
Va à ton Seignor, si li conte
Pour saint Jake et pour saint Martin
Que il .X. livres le matin
1265Ara cuites et sa despense. »
Tantost li Escuiers s’apense
Et voit bien, et bien s’aperchoit
Comme[150] ses Sires le dechoit
Et bien voit que engingnié l’a
1270Ne pour che encor pas n’ira :
« Sire, » fait-il, « je n’irai mie ;
A grant anui, à felonnie[151]
Me feroit tost et lait[152] du cors
Mesires, qui est grans et fors.
1275Et grant honte me vorroit faire. »
Dont jure sour son[153] saintuare
Li Prestres et sour tous ses livres
Que il n’a deniers que .X. livres
En son ostel, mais ne pourquant
1280Li doivent deniers li auquant,

Li uns .VII. mars, li autres .XX.
Li Escuiers sa voie tint,
Quant ot[154] oï celle parole,
A son Seignor vint, si l’acole ;
1285Biel et courtoisement li conte :
« Volés, Sire, que je vous conte
Toute la vérité vostre oste,
Qui m’a tenu à grant escole,
Et dist que, s’il estoit delivres,
1290Il vous bailleroit les .X. livres,
Et qu’il fust cuites de sa foi.
Il n’a, dist-il, avoecque[155] soi
Or ne argent que ces .X. livres.
Juré le m’a sour tous ses livres
1295Et par bonne foi comme Prestres. »
— Mandé m’a che sire Selvestres ? »
Fait li Chevaliers. — « Oïl, Sire.
— Va dont, » dist-il ; « or li pues dire
Que .X. livres m’envoit avant,
1300Si sera cuites du convent. »
Lors s’en retourne cil arrière
Baus et joians à lie chière,
A grant fieste et à grant déport :
« Arrivés estes[156] à boin port.
1305Foi que doi vous. Sire Selvestre, »
Fait-il. — « Adont, » respont le Prestre,
Comment, amis, sui-ge délivres ?
— Oïl », fait-il ; « mes que .X. livres
Envoies mon Seignor avant,
1310Si serés cuites du convent. »

Dont est si liés qu’i baise terre
Li Prestres, et puis dessière
Sa queste et ses deniers en trait ;
Ne garde l’eure qu’il ait fait ;
1315Moult forment se haste et esploite,
Com chius qui moult avoit grant coite
De soi metre fors de tenchon.
Lors met l’Escuier à raison :
« Amis, enten à ma raison ;
1320Pour ce qu’il n’i ait souspechon, »
Fait li Prestres, « je irai à lui. »
Dont s’en vont maintenant andui,
Et passent l’uis et le planchier,
Tant k’il vienent au Chevalier
1325Qui se gisoit desous sa coste
..............
« Sire, Dix vous doint boine nuit,
Et de cose qu’il vous anuit
Vous desfenge[157] par sa poissanche !
1330— De mal, d’anui et de pesanche
Desfenge[157] vous, Sire Selvestre.
Comment », fait-il, « ne puet-il estre
Que vous vengniés gésir o moi ?
— Non, biau Sire, foi que je[158] vous doi ;
1335Je voeil qu’il[159] ne soit avenu
Pour à perdre[160] le poil kenu
Que j’ai en la barbe et el chief ;
Mais or ne vous soit mie grief.
Car .X. livres arès avant.
1340— Or soies cuites du convent, »

Fait li Chevaliers, « en tel guise
Que votre ostel ne vo servige
Ne verés ne clerc ne laï.
— Foi que doi[161] saint Nicholaï. »
1345..............
Ensi li créanta sa[162] foi
Que sa vie ensi usera
Et que tousjours[163] herbregera,
Trestous les jours k’il est en vie,
1350Sans barat et sans trecherie,
Ne jamais jour de son ael
Ne vééra[164] le sien ostel.
A ces paroles leur ajourne
..............
1355Ains se lieve la matinée
C’onques n’i a fait demeurée
Et puis se viest et si s’atourne,
Et ses Escuiers l’araisonne :
« Sire, vous en volés aler ?
1360— Ore, » fait-il, « sans demourer. »
S’espée a-il tout errant prise
Et la siele li fu tost mise.
Ore[165] s’en va li Chevaliers,
A tout .X. livres de deniers.

Explicit.

  1. XXXIV. — Du Prestre et du Chevalier, p. 46.

  2. Vers 12 — debaretés, lisez desbaretés.
  3. 23 — lïues, lisez liues, ici comme plus bas.
  4. 25 — * dusque ; ms., dusques.
  5. 34 — qu’il, lisez que il.
  6. 60 — « Roie », « Roye », ville de Picardie.
  7. 73 — * menue ; ms., menu.
  8. 97 — Pour que ce vers rimât avec le suivant, il faudrait changer « sire » en frere.
  9. 101 — notre, lisez nostre.
  10. 105 — home, lisez homme.
  11. 114 — tient, lisez vient.
  12. 129 — Chevauche, lisez Chevaucha.
  13. 136 — * anuis, de ses ; ms., anuis ne de ses.
  14. 148 — * com; ms., si com.
  15. 149 — Le vers serait régulier en lisant pour conquerre los.
  16. 155 — Il faut corriger : Dieu ne plache.
  17. 158 — homs, lisez hons.
  18. 180 — vos, lisez vo.
  19. 186 — * clergiet ; ms., clegiet.
  20. 204 — * En tel ; ms., Et en tel.
  21. 207 — * vo ; ms., mon.
  22. 225 — * convenant ; ms., convent.
  23. 231 — * serai ; ms., sera.
  24. 251 — les, lisez ses.
  25. 252 — couroit, lisez courout.
  26. 271 — Il faudrait corriger : capons.
  27. 287 — faitise, lisez faitisse.
  28. 297 — ïaue, lisez iaue. — Après ce vers, il en manque au moins deux.
  29. 298 — Gile, lisez Gille.
  30. 299 — * aportée; ms., aporté.
  31. 304 — Il faudrait corriger : Ses iex et sa bouche.
  32. 320 — * poisson ; ms., capon.
  33. 354 — * mantaus ; ms., maus.
  34. 58, 12, liastes, lisez hastes.
  35. 376 — saus, content ; lisez sous coustent.
  36. 377 — oublie, lisez oubli.
  37. 384 — « de » manque au ms.
  38. 401 — * ou ; ms., de.
  39. 411 — s’appareille, lisez s’apareille.
  40. 412 — * dormir ; ms., domir.
  41. 422 — « bien » manque au ms.
  42. 427 — Ne faut-il pas lire après li li dans… ?
  43. 428 — Il faut lire : Si saurai…
  44. 429 — ce, lisez che.
  45. 455 — * no ; ms., vo.
  46. 456 — * j’ai ; ms., ja.
  47. 457 — servi, lisez servis.
  48. 477 — pur lisez pour.
  49. 485 — * L’enort ; ms., Le fait. Il fallait évidemment corriger ce vers, puisque ce n’est que quatre vers plus loin que l’écuyer se lève.
  50. 488 — retreire, lisez retrerre.
  51. 494 — l’ambre, lisez lambre.
  52. 533 — « Li » est déchiré dans le ms.
  53. 547 — Au lieu de « Li chevaliers », le sens porterait plutôt à lire Li escuiers.
  54. 555 — * m’amenas ; ms. m’amena.
  55. 558 — monoie, lisez monnoie.
  56. 565 — * braquiés ; ms., braquiers.
  57. 570 — * Sous ; ms., Sour.
  58. 577 — « pas » manque au ms.
  59. 579 — « pour » manque au ms.
  60. 606 — Lisez : Que voeille perdre .CC. saus.
  61. 607 — * puchelage ; ms., puccelage.
  62. 632 — « la » manque au ms.
  63. 642 — * escuiers ; ms., chevaliers.
  64. 648 — la, lisez le.
  65. 652 — « et » manque au ms.
  66. 665 — Ne pourrait-on pas lire qu’el ?
  67. 668 — « il » manque au ms.
  68. 673 — prend, lisez pren.
  69. 705 — Il faut corriger : Qui est et s’anchiele…
  70. 715 — * le ; ms., si le.
  71. 718 — Dusqu’à, lisez Dusque.
  72. a et b 721 et 1107 — Maufès, lisez Maufés.
  73. 723 — fai, lisez fais.
  74. 735 — * entreuvre ; ms., entreuve.
  75. 752 — La, lisez Li.
  76. 763 — * tenres ; ms., tenre.
  77. 767 — * Sans ; ms., Sauf.
  78. 772 — * Et ; ms., Se.
  79. 773 — * atent ; ms., atenc.
  80. 775 — * ne sans demeure ; ms., et sans demourée.
  81. 785 — * jurerai ; ms., jurrai.
  82. 795 — * haitiement ; ms., haitement.
  83. 801 — * de sour ; ms., souz.
  84. 807 — * cuiterés ; ms., cuiderés.
  85. 811 — suie, lisez suic.
  86. 821 — Ne vaut-il pas mieux du brach ?
  87. 823 — * m’envoist ; ms., mevoist. — « nule » manque au ms.
  88. 825 — * deverai ; ms., devera.
  89. 831 — * dist ainsi ; ms., si dist.
  90. 834 — le chavie, lisez l’echavie.
  91. 837 — « las de » manquent au ms.
  92. 838 — Ce vers est faux dans le ms. ; ne faut-il pas lire et à li ?
  93. 842 — autruï, lisez autrui. Le vers reste faux.
  94. 885 — * l’escuiers ; ms., li escuiers.
  95. 900 — Vers faux dans le ms.
  96. 905 — * Qu’a li prestres ; ms., Que li prestres a.
  97. 908 — * vin ; ms., fruit.
  98. 914 — * se li ; ms, s’il.
  99. 917 — piert, lisez pierc.
  100. 925 — * soulacent ; ms., soulage.
  101. 929 — * cui ; ms., qui.
  102. 932 — pourrie, lisez pourie.
  103. 937 — au lit, lisez ou lit.
  104. 939 — * soulacent ; ms., soulagent.
  105. 940 — * desconfortent ; ms., desconforte.
  106. 969 — deffende, lisez desfende.
  107. 983 — qu’il, lisez k’il.
  108. 990 — * venie, correction plus que hasardée pour venue, qui ne rime pas.
  109. 999 — « faus » manque au ms.
  110. 80, 7, sa mie, lisez s’amie.
  111. 1030 — * mengastes ; ms., megastes.
  112. 1036 — Dieu, lisez Diex.
  113. 1040 — votre, lisez vostre.
  114. 1051 — * couvenenche ; ms., couvenche.
  115. 1052 — Le ms. porte « Li escuiers » ; il faudrait corriger : Et l’escuier.
  116. 1059 — « foutrai » a été gratté dans le ms.
  117. 1066 — te, lisez ti.
  118. 1070 — Encore, lisez Encor.
  119. 1075 — Votre, lisez Vostre.
  120. 1079 — * amenés ; ms., anés.
  121. 1084 — * mournes ; ms., mourme.
  122. 1088 — * le ; ms., ne.
  123. 1098 — Le mort, lisez La mors.
  124. 1103 — * demanois ; ms., de demanois.
  125. 1106 — * fait-il ; ms., fait ele.
  126. 1113 — N’es, lisez Nés. — * jeüst ; ms., just.
  127. 1116 — * toute rien ; ms., te rien.
  128. 1124 — « bien » manque au ms.
  129. 1134 — m’enulliés. Le ms. porte « metuilliés ». Le vers étant faux, il faut sans doute lire me travailliés.
  130. 1143 — votre, lisez vostre.
  131. 1145 — « onc » manque au ms.
  132. 1147 — « La Karitet », « La Charité », petite ville de la Nièvre.
  133. 1151 — * cuites ; ms., toute cuite.
  134. 1172 — Pues, lisez Priés.
  135. 1176 — dreche, lisez drecha.
  136. 1181 — * s’ame ; ms., s’amie.
  137. 1188 — Vers faux.
  138. 1196 — * Cierte ; ms., Ciertes.
  139. 1197 — * deveastes ; ms., devastes.
  140. 1208 — * desille ; ms., desisse.
  141. 1213 — * frankise ; ms., frankisse.
  142. 1229 — malveis, lisez malvais.
  143. 1236 — povoit, lisez pooit.
  144. 1239 — * veue ; ms., veu.
  145. 1240 — * le met ; ms., me ment.
  146. 1248 — * escuiers ; ms., chevaliers.
  147. 1251 — « onc » manque au ms.
  148. 1252 — « Ne » manque au ms.
  149. 1260 — « mout » manque au ms.
  150. 1268 — * Comme ; ms., Que.
  151. 1272 — felonie, lisez felonnie.
  152. 1273 — lais, lisez lait.
  153. 1276 — « son » manque au ms.
  154. 1283 — « ot » manque au ms.
  155. 1292 — * avoecque ; ms., avoec.
  156. 1304 — * Arrivés estes ; ms., Averiés estes.
  157. a et b 1329 et 1331 — deffenge, lisez desfenge.
  158. 1334 — Supprimez « je ».
  159. 1335 — * qu’il ; ms., qui.
  160. 90, 26, aperdre, lisez à perdre.
  161. 1344 — * Foi que doi ; ms., Foi que je doi.
  162. 1346 — la, lisez sa.
  163. 1348 — * tousjours ; ms., tousjour.
  164. 1352 — * veera ; ms., vera.
  165. 1363 — * Ore ; ms., Or.

XXXV

DE GUILLAUME AU FAUCON.

Bibl. nat. Man. F. Fr. 19,152 (ancien 1830,
fonds Saint-Germain), fo 60 ro à 62 vo.

1
Qui d’aventure velt traiter,
Il n’en doit nule entre[1]laisser
Qui bonne soit à raconter :
Or en vorrai d’une palier.
5Jadis estoit .I. damoiseax
Qui molt estoit cointes et beax ;
Li valiez ot à non Guillaumes.
Cerchier péust-on .XX. réalmes
Ainz c’on péust trover si gent,
10Et n’estoit molt de haute gent.
Il n’estoit mie chevaliers ;
Valiez estoit. .VII. anz entiers
Avoit .I. chastelain servi ;
Encor ne li avoit meri
15Li service qu’il li faisoit :
Por avoir armes le servoit.
Li vallez n’avoit nul talent
D’avoir armes hastivement ;
Si vos dirai raison por qoi :
20Amors l’avoit mis en effroi ;

La feme au chastelain amoit,
Et li estres molt li plaisoit,
Quar il l’amoit de tel manière
Qu’il ne s’en pooit traire arrière.
25Si n’en savoit celé nient
Qu’il l’amast si destroitement.
S’ele seüst que il l’amast,
La dame molt bien se gardast
Que lui parlast en nule guise.
30De cest[2] feme trop mal aprise
Ne vos en mentirai noient ;
Quant feme set certainement
Que home est de s’amor espris,
Se il devoit arragier vis,
35Ne vorroit-ele à lui parler ;
Plus volentiers iroit joer
A un vill pautonier failli,
Qu’el ne feroit à son ami.
S’ele l’aime de nule rien,
40Si m’aïst Diex, ne fait pas bien ;
La dame qui ainsi esploite,
De Diex soit-ele maléoite,
Quar ele fait molt grant pechié.
Quant el a l’ome entrelacié
45Du mal dont en eschape à peine,
Ne doit pas estre si vileine
Que ne li face aucun secors,
Puis qu’il ne puet penser ailiers.
Reperier vueil à ma raison.
50Guillaumes a s’entencion

Et s’amor en la dame a mise[3].
Mis l’a Amors en sa justise,
Soffrir li estuet grant martire.
De la dame vos voldrai dire
55.I. petitet de sa beauté.
La florete qui naist el pré,
Rose de mai ne flor de lis,
N’est tant bêle, ce m’est avis,
Com la beauté la dame estoit.
60Qui tot le monde cercheroit.
Ne porroit-on trover plus bele.
Ne el Realme de Castele[4],
Où les plus belles dames sont
Qui soient en trestot le mont.
65Si vos dirai ci la devise
De sa beauté par soutill guise :
Que la dame estoit plus très cointe,
Plus très acesmée et plus jointe.
Quant el est parée et vestue.
70Que n’est faucons qui ist de mue,
Ne espervier, ne papegaut.
D’une porpre estoit son bliaut,
Et ses menteaus d’or estelée,
Et si n’estoit mie pelée
75La penne qui d’ermine fu ;
D’un sebelin noir et chenu
Fu li menteax au col coulez,
Qui n’estoit trop granz ne trop lez.
Et, se ge onques fis devise
80De beauté que Dex eüst mise

En cors de feme ne en face,
Or me plaist-il que mes cuers face
Où jà n’en mentirai de mot.
Quant desliée fu, si ot
85Les cheveus tex qui les veïst,
Qu’avis li fust, s’estre poïst,
Que il fussent tuit de fin or,
Tant estoient luisant et sor.
Le front avoit poli et plain,
90Si com il fust fait à la mein,
Sorciz brunez et large entr’ueil ;
En la teste furent li œil
Clair et riant, vair et fendu ;
Le nés ot droit et estendu,
95Et mielz avenoit sor son vis
Le vermeil sor le blanc assis,
Que le synople sor l’argent ;
Tant par seoit avenanment
Entre le menton et l’oreille ;
100Et de sa bouche estoit vermeille,
Que ele sanbloit passerose,
Tant par estoit vermeille et close ;
Et si avoit tant beau menton,
N’en puis deviser la façon ;
105Neïs la gorge contreval
Sanbloit de glace ou de cristal,
Tant par estoit cler et luisant,
Et desus le piz de devant
Li poignoient .II. mameletes
110Auteles comme .II. pommetes.

Que vos iroie-ge disant ?
Por enbler cuers et sens de gent
Fist Diex en lui passemerveille,
Ainz mais nus ne vit sa pareille.
115Nature qui faite l’avoit,
Qui tote s’entente i metoit,
I ot mise et tot son sens[5],
Tant qu’el en fu povre lonc tens.
De sa beauté ne vueil plus dire.
120Un jor estoit alez li sire
Li chastelains por tornoier,
Son pris et son los essaucier ;
En .I. loigtieng païs ala,
Molt longuement i demora,
125Quar molt ert riches et poissanz.
Chevaliers mena et serjanz
A grant foison ensanble o lui.
En sa route n’avoit celui
Qui ne fust chevaliers esliz ;
130Li plus coarz estoit hardiz,
Guillaumes ert en grant effroi ;
Ne volt pas aler au tornoi,
Ençois amoit mielz le sejor.
A l’ostel fu ; li Diex d’amors
135Si l’a sorpris ne sait que faire,
Et si n’en set à quel chief traire
Du mal qui ainsi le destraint.
A soi méisme se complaint :
« Hé ! las », dit-il, « mal-eürez,
140De si male heure ge fui nez,

En tel leu ai mise m’amor ;
Jà ne porrai veoir le jor
Que ge soie à ma volenté !
Trop longuement ai voir celé
145Mon cueur vers lui, ce m’est avis ;
Se ge por lui toz jors languis,
Qu’el ne le saige, c’est folie.
Il est bien droiz que ge li die ;
Bien sai,[6] grant folie feroie,
150Se ge par tens ne li disoie.
Ainsi porroie-ge amer
Totes les femes d’outre mer.
Tu li diras… Que diras-tu ?
Tu n’auras jà tant de vertu,
155Que tu ne l’oseroies dire
Que por lui fusses en martire.
Ge li dirai bien par mon chief,
Mais le comencement m’est grief.
Tant li dirai que ge l’aim bien,
160Jà n’i doie-ge faire rien. »
Guillaume dit : « Ne sai que faire,
Bien m’en cuidoie arrière traire
Quant ce vint au comencement.
Amors m’eschaufe, Amors m’esprent. »
165Guillaumes s’est lors enhardiz ;
Molt volentiers, non à enviz,
Si est en la sale venuz.
Coiement, sanz faire granz huz,
Il boute l’uis, en la chambre entre,
170................

Aventure li adona
Que la dame seule trouva.
Les puceles totes ensanble
Erent alées, ce me sanble,
175En une chanbre d’autre part.
Ne sai lioncel ou liépart
Cousoient en un drap de soie ;
Entr’eles menoient grant joie ;
Ce ert l’ensaigne au chevalier.
180Guillaume ne se volt targier.
La dame seoit sor .I. lit,
Plus bele dame onques ne vit
Nus hom qui de mère soit nez.
Guillaumes fu toz[7] trespenssez
185Où voit son leu, molt li est tart,
La dame fait .I. doz regart,
Guillaumes et puis la salue.
Ele ne fu mie esperdue,
.I. molt beax ris li a gité,
190Tot en riant l’a salué :
« Guillaume, » dit-el, « or avant. »
Cil li respont en soupirant :
« Dame, » fait-il, « molt volentiers.
— Séez-vos ci, beax amis chiers. »
195La dame point ne se gardoit
Du coraige que cil avoit.
Quant son chier ami l’apela ;
S’el le séust, n’en pallast jà.
Guillaumes s’est el lit assis
200Joste la dame o le cler vis

Rit et parole et joe à li,
Et la dame t0t autresi.
De mainte chose vont pallant,
Guillaume fait .I. soupir grant :
205« Dame, » fait-il, « or m’entendez,
En bonne foi quar me donez
Conseil de ce que vos diroie.
— Dites, » fait-ele, « ge l’otroie.
— Se clers ou chevaliers amoit,
210Borjois, valiez, que que il soit,
Ou escuiers meïsme ensanble,
Dites moi que il vos en senble,
S’il amoit[8] dame ou damoisele.
Reine, contesse ou pucele.
215De quele guise qu’ele soit,
De haut liu ou de bas endroit ;
Il aura bien .VII. anz amée ;
Itant aura s’amor celée,
Ne ne li ose encore dire
220Que por lui soit en tel martire,
Et très bien dire li porroit
Se tant de hardement avoit
Assez aisement et loisir
De son coraige descovrir.
225Or me dites vostre pensée ;
Puisqu’il a tant s’amor celée,
Itant vorroie-ge savoir
S’il a fait folie ou savoir.
— Guillaume, » dit-ele, « endroit moi
230Dirai molt bien si com ge croi.

Ge ne l’en tieg mie por saige
Que ne li a dit son coraige,
Puis que il puet parler à lui.
Ele eüst de lui merci,
235Et, s’ele amer ne le voloit,
Certes grant folie feroit
Se por lui entroit puis en peine.
Mais, dès qu’Amors si le demeine
Qu’il ne s’en puet arrière traire,
240Itant li loerai-je[9] à faire
Que li die seürement ;
Amors demande hardement.
Un jugement droit vos en faz :
Cil que Amors a pris au laz,
245Ne doit pas estre acoardi ;
Seürs doit bien estre[10] et hardi.
Se ge ère d’amor esprise,
Foi que ge doi à saint Denise
Diroie li comme hardie.
250Itant li lo-ge que li die ;
S’ele le velt amer, si l’aint. »
Guillaumes a jeté .I. plaint ;
En soupirant li respondi :
« Dame, » fait-il, « véez le ci
255Cil qui a trate ce dolor
Tant longuement por vostre amor.
Dame, ne vos osoie dire
Ne la dolor ne le martire
Que g’ai tant longuement sofferte.
260A grant paine l’ai descoverte ;

Ma douce Dame, à vos me rent,
Tot à vostre commandement ;
Sui mis en la vostre menoie.
Dame, garissiez moi la plaie
265Que g’ai dedenz le cors si grant.
Il n’est voir nul homme vivant
Qui me peüst santé doner.
D’itant me puis-ge bien vanter[11]
Ge sui tot vostre et fui et iere ;
270En plus doulereuse manière
Ne pot onques vivre nus hom.
Dame, ge vos requier par don
Que me faciez de vostre amor,
Por qoi ge sui en tel error. »
275La Dame entent bien que il dit,
Mais tot ce prise molt petit ;
Elle li respondi itant
Ne pris .I. seul denier vaillant
Ce qu’el oï Guillaume dire ;
280Ele li conmença à dire :
« Guillaume, dist-ele, est-ce gas ?
Ge ne vos ameroie pas,
Vos gaberoiz encor autrui.
Onques mais gabée ne fui,
285Par mon chief, com vos m’avez ore.
Se vos me pallioiz encore
De ce que vos m’avez ci dit,
Ne remandroit, se Diex m’aïst.
Que ge ne vos feïsse honte.
290Ge ne sai riens que amors monte,

Ne de ce que vos demandez.
Beax[12] sire, quar vos en alez,
Fuiez de ci, alez là fors ;
Gardez que mais li vostre cors
295Ne viegne mais là où ge soie.
Molt en aura certes grant joie
Mes sires quant il le saura !
Certes, tantost com il vendra,
Li dirai-ge ceste parole
300Dont vos m’avez mis à escole.
Molt me sanblez musarz et fox ;
Maldahez ait parmi le cox,
Sire, qui ci vos amena !
Beax amis, traez-vos en là. »
305Et quant Guillaumes ce oï,
Sachiez que molt fut esbahi ;
De ce qu’il ot dit se repent.
Onques ne respondi noient.
Tant fu dolenz et esbahiz.
310« Hé ! las, » fait-il, « ge sui trahiz. »
De ceste chose me sovient
Que li mesaiges trop tost vient
Qui la male novele aporte.
Amors li commande et enorte
315Qu’encore voist palier à lui ;
Ne la doit pas laisser ainsi.
« Dame, » dit-il, « ce poise moi
Que ge n’ai de vos autre otroi,
Mais vos faites molt grant pechié,
320Quant vos m’avez pris et lié,

Et plus mal faire me baez ;
Ociez moi si vos volez.
De vostre amor vos ai requise ;
.I. don vos pri, par tel devise
325Que jamais jor ne mengerai
Jusqu’à cel eure[13] que j’aurai
Le don eü de vostre amor,
Dont ge sui en itel error. »
Dist la Dame : « Par saint Omer,
330Molt vos covient à jeûner
Que se devant lors ne mengiez
Que vos aiez mes amistiez.
Ce n’ert, si com j’ai enpensé[14],
S’erent soiez li noveau blé. »
335Guillaumes fors de la chambre ist ;
Onques point de congié ne prist.
.I. lit a fait appareillier.
Lors si i est alez couchier.
Quant il se fu couchié el lit.
340Si se reposa molt petit.
Trois jors toz pleins en son lit jut,
Onques ne menga ne ne but ;
Près fu du quart en tel manière.
Molt fu la dame vers lui fiere
345Qu’ele nel’ daigna regarder.
Bien sot Guillaumes geüner
Qu’il ne menja de nule chose.
Son mal qu’il a point ne repose ;
Tant le destraint et nuit et jor
350Tote a perdue la color.

S’il amegrist n’est pas merveille ;
Riens ne menjue et toz jors veille.
Guillaumes est en grant effroi
Quant li hueil li tornent .I. poi ;
355La dame, qui tant par est gente,
Ce li est vis que il la sente
Entre ses bras dedenz son lit,
Et qu’il en fait tot son delit.
Tant com ce dure est molt a èse,
360Quar il l’acole et si la baise ;
Et, quant cel avision[15] faut,
Donques soupire et si tressait ;
Estent ses braz, n’en treuve mie ;
Fols est qui chace la folie.
365Par tot son lit la dame quiert ;
Quant ne la trueve, si se fiert
Sor la poitrine et en la face.
Amors le tient, Amors le lace,
Amors le tient en grant torment.
370Il vosist que plus longuement
Li durast cel avisions[15],
Le Dieu d’amors le r’a semons
De froit avoir et de tranbler.
Du chastelain vorrai parler
375Qui revient du tornoiement ;
Ensamble o lui ot molt grant gent.
Atant ez vos .I. escuier
A la dame venu noncier
Que se sires vient du tornoi.
380.XV. prisons enmaine o soi.

Chevaliers riches et puissanz ;
Li autres gaainz est molt granz.
La dame entendi la novele ;
Molt par li fu joieuse et bele,
385Molt par en est joianz et liée.
Tost fu la sale apareilliée,
Et mengier fist faire molt gent ;
Molt fist bel apareillement
La dame encontre son seignor,
390Guillaumes fu en grant freor ;
Et la dame se porpensa
Que à Guillaume le dira
Que ses sires vient du tornoi ;
Demander li vorra por qoi
395Il est si fox qu’il ne menjue.
Droit à son lit en est venue ;
Grant piece fu devant son lit ;
Onques Guillaumes ne la vit.
Dont l’a apelé par son non ;
400Il ne li dit ne o ne non,
Quar toz en autre siècle estoit.
Elle l’a bouté de son doit,
Et si le husche .I. poi plus haut.
Quant il l’entent, toz en tressaut,
405Quant il la sent, toz en[16] tressue,
Quant il la voit, si la salue :
« Dame, bien soiez-vous venue
Comme ma sente et m’aïue[17] ;
Dame, » fait-il, « por Dieu vos pri
410Que vos aiez de moi merci. »

Itant la dame respondi :
................
« Guillaume, foi que ge vos doi,
Vous n’aurez jà merci par moi
415En tel maniere com vos dites.
Rendu avez maies mérites
A mon seignor de son servise,
Quant vos sa feme avez requise.
Amez le vos de tel amor ?
420Jà ne porroiz veoir le jor
Que vos m’aiez en vo baillie ;
Mais vos faites molt grant folie,
Guillaume, que vos ne mengiez.
Quant vos ainsi vos ociez,
425La vostre ame sera perie,
Quar ge ne vos donroie mie
Le don que vos me demandez.
Faites le bien, si vos levez,
Que mes sires vient du tornoi.
430— Par cele foi que ge vos doi
Ge ne gart l’eure que il viegne.
— Se Diex, » fait-ele, « me sostiegne,
Il saura por qoi vos gisez.
Si que jà n’en eschaperez.
435— Dame, » dist-il, « ce n’a mestier,
Por trestoz les menbres trenchier.
Que ne mengeroie jamès.
J’ai sor le col un si grant fès
Nel’ puis jus metre ne descendre.
440Vers vos ne me puis-ge deffendre ;

Por jeüner ne por morir,
Dame, dites vostre plaisir. »
Atant la Dame s’est partie
De Guillaume sanz estre amie ;
445En la sale en est retornée,
Qui fu richement atornée,
Et les tables basses assises,
Et les blanches napes sus mises,
Et anprès les mes aportez,
450Pain et vin, et hastes tornez.
Lors sont venu li chevalier,
Et sont tuit assis au mengier,
Et plus très bien furent servi
C’on ne porroit raconter ci.
455Le Sire et la Dame menja ;
Parmi la sale regarda
Se Guillaume veïst venir
A son mengier por lui servir.
A molt grant merveille le tint
460Que Guillaumes à lui ne vint.
« Dame, » dit-il, « en bone foi
Me sauriez-vos[18] dire por qoi
Guillaumes n’est à moi venuz.
— Il est trop cointes devenuz, »
465Dit la Dame ; « gel’vos dirai ;
De mot ne vos en mentirai.
Il est malades d’un tel mal
Dont[19] jà n’aura medecinal.
Si corn ge cuit, en nule guise.
470— Dame, » fait-il, « par saint Denyse,

Moi poise qu’il a se bien non. »
Mais, s’il seüst bien l’aqoison
Por qoi Guillaumes se geüst,
Jà du lit ne se remeüst.
475Il ne le set encore pas,
Il i a un molt fort trespas.
Ge cuit à toz tens le saura,
Que la dame li contera
La parole, s’il ne menjue,
480Por qoi la teste aura perdue.
Lors ont monté li chevalier ;
La dame ne volt plus targier.
Son seignor prist par le mantel,
Et dit : « Sire, molt me merveil
485Que Guillaume n’alez veoir.
Vos devriez très bien savoir
Quel mal ce est qui le destraint ;
Encore cuit-ge qu’il se faint. »
Lors i sont maintenant aie ;
490Guillaume ont trouvé trespensé.
Li Sires et la Dame vient
Devant Guillaume, qui ne crient
La mort qu’il a à trespasser.
Qu’il ne velt mais plus andurer
495Ne tel martire, ne tel paine ;
Bien velt la mort li soit prochaine.
Li sires s’est ageloigniez
Devant Guillaume vers les piez ;
De ce fist-il conme frans hom ;
500Doucement le mist à raison.

« Guillaumes, dites, beax amis,
Quex maus vos a ainsi sorpris ;
Dites moi conment il vos est.
— Sire, » fait-il, « malement m’est.
505Une molt grant dolor me tient ;
Une goute, qui va et vient,
Me tient es menbres et el chief ;
Ge ne cuit que jamais en lief.
— Ne[20] porriez-vos menger ne boivre ?
510— Ge nel’porroie pas reçoivre
Nule riens c’onques Diex feïst. »
La Dame plus ne se tenist.
Qui la deüst vive escorchier :
« Sire, par Dieu, ce n’a mestier ;
515Guillaume dit sa volenté.
Mais ge sai bien de vérité
Quex maus le tient et où en droit.
Ce n’est mie du mal du doit,
Ainz est un maus qui fait suer
520Ceus qui l’ont et souvent tranbler. »
Puis dist à Guillaume la Dame :
« Sire, se Diex ait part en m’ame,
Guillaume, se vos ne mengiez,
Or est li termes aproschiez
525Que vos ne mengerez jamais.
— Dame, » dit-il, « ge n’en puis mais ;
Vostre plaisir poez bien dire.
Ma dame estes et il mes sire,
Mais ne porroie pas mengier
530Por toz les menbres à tranchier.

Sire, » dit-ele, « or esgardez
Com Guillaumes est fox provez.
Tantost com au tournoi alastes,
Guillaume, qui ci gist malades.
535Vint en ma chambre devant moi.
— Il i vint. Dame ? et il por qoi ?
Que fu-ce qu’il vos demanda,
Quant dedenz vostre chambre entra ?
— Sire, ce vos dirai-ge bien…
540Guillaume, mengeroiz-vos rien ?
Ge dirai jà à mon Seignor
La grant honte et la deshenor. »
Dist Guillaume : « Nenil, par foi ;
Jamais ne mengerai, ce croi. »
545Lors dist li Sires à la Dame :
« Vos me tenez por fol, par m’ame,
Et por musart et por noient,
Quant ge ne vos fier maintenant
D’un baston parmi les costez.
550— Avoi, Sire, » dit-ele, « ostez,
Ainz le vos dirai par mon chief.
Guillaume, » dist-el, « ge me lief,
Mengerez-vos ? Ge dirai jà. »
Guillaumes donques soupira.
555Et respondi piteusement,
Com cil qui grant angoisse sent :
« Ge ne mengeroie à nul fuer.
Se le mal qui me tient au cuer
Ne m’est primes assoagiez. »
560Lors en ot la dame pitié,

Et à son Seignor respondi :
« Sire, Guillaumes, que vez ci,
Si me requist vostre faucon,
Et ge ne l’en voil faire don ;
565Si vos dirai par quel maniere,
Qu’en vos oiseax n’ai-ge que faire. »
Dist li Sires : « Ne m’est pas bel.
J’amasse mielz tuit li oisel,
Faucon, ostoir et espervier
570Fussent mort que .I. jor entier
En eüst Guillaumes geü. »
Bien a la dame deçeü.
« Sire, » dit-el, « or li donez,
Puisque faire si le volez ;
575Il nel’ perdra mie par moi.
Guillaume, foi que ge vos doi,
Quant messire le vos ostroie,
Molt grant vilenie feroie
Se vos par moi le perdiez. »
580Guillaumes fu joianz et liez,
Quant il oï ceste raison,
Plus que ne puet dire nus hom.
Tost s’apareille et tost se lieve ;
Li maus qu’il a point ne li grieve ;
585Quant il fu chauciez et vestuz,
Droit en la sale en est venuz.
Quant la dame le vit venir,
Des elz a gité .I. soupir ;
Amors li a gité .I. dart ;
590Ele en doit bien avoir sa part.

Froidir li fait et eschauffer ;
Sovent li fait color muer.
Dit li Sires à Guillemet :
« Il a en vos molt fol vallet
595Qu’à mon faucon vos estes pris ;
G’en ai esté molt très pensis :
Ce n’en sai nul, ne fol ne saige,
Prince, ne conte de parage
Cui[21] gel’ donasse en tel manière
600Por servise ne por proiere. »
Lors a dit à un damoisel :
« Alez moi querre mon oisel. »
Cil li aporta arroment.
Li Sires par les gièz le prent ;
605Si l’a à Guillaume doné.
Et cil l’en a molt mercié.
Dist la Dame : « Or avez faucon ;
.II. besanz valent .I. mangon. »
Ce fu bien dit, .II. moz à un,
610Que il en auroit .II. por un,
Et cil si ot ainz l’endemain
Le faucon dont il ot tel faim,
Et de la dame son déduit
Qu’il ama mielz que autre fruit.
615Par la raison de cest flabel
Monstre ai essanple novel
As valiez et as damoiseax.
Qui d’Amors mainent lor[22] cenbeax,
Que, qant auront lor cuer doné
620As dames de très grant beauté,

Que il la doit tot arroment
Requerra molt hardiement.
S’ele l’escondit au premier,
Ne la doit mie entrelaissier ;
625Tost amolit vers la proiere,
Mais que il soit qui la requiere ;
Et tot ausi Guillaume fist
Qui cuer et cors et tot i mist,
Et por ce si bien en joï
630Com vos avez oï ici.
Et Diex en doint ausi joïr,
Sanz demorer et sanz faillir,
A toz iceus qui par amors
Sueffrent et paines et dolors :
635Si ferai je[23], se ne lor faut
Bon cuer. Ici li contes faut.

Explicit de Guillaume au faucon.

  1. XXXV. — De Guillaume au faucon, p. 92.

    Publié par Méon, IV, 407-427, et donné en extrait assez long par Legrand d’Aussy, III, 307-315.


  2. Vers 30 — « cest » est appliqué à « feme ».
  3. 51 — mise, lisez a mise.
  4. 62 — Faut-il voir dans cet éloge des femmes de la Castille une flatterie à l’adresse de Blanche de Castille ?
  5. 117 — Ce vers faux peut être ainsi corrigé : Et i ot mise et tot son sens.
  6. 149 — Placez une virgule après « Bien sai ».
  7. 184 — * toz ; ms., tolz.
  8. 213 — aimoit, lisez amoit.
  9. 240 — * loerai je ; ms., loerage.
  10. 246 — Corrigez le vers : Seürs doit bien estre…
  11. 268 — Après ce vers, le ms. en ajoute un nouveau qui fait double emploi :

    Fors vos d’itant me puis vanter.

  12. 292 — * Beax ; ms., Bax.
  13. 326 — Ne faut-il pas lire cele eure ?
  14. 333 — en pensé, lisez enpensé.
  15. a et b 361 et 371 — Ne faut-il pas lire cele avisions ?
  16. 405 — « en » manque au ms.
  17. 408 — ajue, lisez aïue.
  18. 462 — « vos » manque au ms.
  19. 468 — D’ont, lisez Dont.
  20. 509 — « Ne » manque au ms.
  21. 599 — * Cui ; ms., Qui.
  22. 618 — les, lisez lor.
  23. 635 — « je » manque au ms.

    Ce fabliau n’a aucun rapport avec le conte de La Fontaine qui porte le nom du « Faucon ». (Voir Caylus, Mém. de l’Acad. des Inscript., XX, p. 366 et suiv.)

XXXVI

DOU POVRE MERCIER.

Bibl. nat. Man. F. Fr. 1593 (ancien 7615), fol. 150
vo à 152 ro.[1]

1
Uns joliz clers, qui s’estudie
A faire chose de conrie,
Vous vueil dire chose novelle.
Se il dit chose qui soit belle,
5Elle doit bien estre escoutée ;
Car par biaus diz est obliée
Maintes fois ire et cussançons.
Ai abasies granz tançons,
Car, quant aucuns dit les risées,
10Les forts tançons sont obliées.
Uns Sires qui tenoit grant terre,
Qui tant haoit mortel guerre
Tote[2] genz de malveisse vie
Que il lour[3] fesoit vilenie.
15Que tot maintenant les pandoit,
Nule raenson n’an prenoit,
Fist crier .i. marchié novel.
Uns povres Merciers, sanz revel,
vint à tot son chevallet ;
20N’avoit beasse[4] ne vallet ;
Petite estoit sa mercerie.
« Que ferai-je, Sainte Marie, »

Dist li Merciers, « de mon[5] cheval ?
Il ai[6] moult grant herbe en ce val,
25Volumtiers pestre le manroe
Se perdre je ne le cuidoe ;
Car trop me coste ses ostages,
Et son avoinne[7], et ses ferrages. »
Un merchant, qui l’ot escouté,
30Li dit : « Jà mar seras douté
Que vos perdroiz la vostre chose
En ceste prée qui est close[8] ;
Seur totes les terres dou monde,
Tant com il dure à la rehonde.
35Ne trueve-l’on si fort justissc.
Si vos dirai par quel devisse
Vos lerroiz aler vostre beste.
Commandez les piez et la teste
Au bon seignour de ceste ville
40Où il n’ai ne barat ne guille ;
S’il est perduz seur sa fiance,
Je vos di, sanz nulle créance,
Vostres chevaus vos iert randuz,
Et li lerres sera penduz,
45S’il est trovez en sa contrée.
Faites an ce que vos agrée,
Li miens i est deis ier à nonne,
Par foi, » dist-il, « à l’eure bone, »
Dit li Merciers : « Je l’amanrei,
50Et puis ou val le lesserei. »
A Deu, à Seignour le cornant,
El en latin et en romant

Conmance prieres à faire
Que nuns ne puet son cheval treire
55Du vaul ne de la praerie,
Li fiz Deu ne l’an faillit mie,
Conques n’issist de la valée.
Une louve tote effamée
Vint celle part ; les danz li ruhe,
60Si l’estrangle, puis l’a mainjue.
L’andemain va son cheval querre
Li Merciers ; si le trueve à terre
Gissant en pièces estandu.
« Diex ! car m’eüst-on or pandu, »
65Dist li Merciers, « je le vorroe,
De tote ma plus fort corroe :
Ne porrai marchiez porsuïr.
Hélas ! il m’an covient foïr
De mon païs en autre terre,
70Si me covient mon pain aquerre ;
Et non porquant je m’an irei
Au Seignour, et se li dirai
Qu’avenuz m’est tel meschéance
De mon cheval sor sa fiance,
75Veoir se il me le randroit.
Ne se il pitié l’an panroit. »
Plorant s’an vai juqu’à Seigneur[9].
« Sire, » dit-il, « joe greignor
Vos doint-il qu’il ne m’a donée, »
80Et li Sires sanz demorée
Respondit moult courtoissemant :
« Biaus amis, bon amandemant

Vos doint Dex ; por quoi plorez-vous ?
— Biaus Sires, le volez-vos
85Savoir ? Et je le vos dirai,
Que jà ne vos an mentirai.
Mon cheval nnis en vos pesture ;
Si fis ma grant mesaventure,
Car li lou l’ont trestot maingié.
90Sire, s’an ai le san changié.
On m’avoit dit si[10] comandoie
A vos, et après le perdoie,
En pesture ne en maison,
Que vos m’an randriez raison.
95Sire, par sainte patenostre,
En la Deu guarde et en la vostre
Le comandoi entieremant ;
Si vos pri pour Deu doucemant.
Se la raison i entandez.
100Qu’aucune chose m’an randez. »
Li Sires respont en riant :
« N’alez mie por ce plorant, »
Dit li Sires, « confortez-vos.
Seur vostre foi, me direz-vos
105De vostre cheval verité ?
— Oïl, par Sainte Trinité.
— Ne, se jà Dex me gart d’essoigne.
Se tu[11] eusses grant besoigne
D’ergent, por combien[12] le donasses.
110Et de coi denier ne lessases ?
— Sire, par le peril de m’ame,
Ne par la foi que doi ma Dame,

Ne se-je mes cors soit essos,
Il valoit bien .LX. sols.
115— Ami, la moitié de .LX.
Vos randrai-je ; ce sont bien .XXX.,
Car la moitié me comandestes,
Et l’autre moitié Deu donestes.
— Sire, je ne li doné mie.
120Ainz le mis en sa commandie.
— Amis, or prenez à li guerre ;
Si l’alez guagier en sa terre,
Que je plus ne vos an randroie,
Se me doint Dex de mon cors joie.
125Se tout comandé le m’eussiez,
Toz les .LX. sols reussiez. »
Li Merciers dou Seignor se part,
Et s’an vai tot droit cele part
Où il avoit sa mercerie.
130Sa delour li fu alegie,
Por l’ergent que renduz li ère :
« Par la foi que je doi saint Père, »
Dist-il, « se je vos tenoie[13],
Ne se seur vos povoir avoe.
135De vostre cors l’achèteriez,
Que .XXX. sols me randriez. »
Li Merciers ist hors de la ville,
Et jure, foi qu’i doi saint Gille,
Que moult volentiers pranderoit[14]
140Sor Deu, et si se vangeroit.
S’il an povoit le leu[15] trover,
Que bien s’an porroit esprover.

Quant il ot sa raison finée,
Si voit venir parmi la prée
145Un Moinne, que du bois se part ;
Li Merciers s’an va celle part,
Se li dist : « A cui estes-vos ?
— Biaus douz Sire, que volez-vos ?
Je sui à Deu, le nostre Pere.
150— Hai, hai, » dist li Merciers, « biaus freres,
Que vos soiez le bien venuz.
Je soie plus honiz que nus[16],
Se m’achapez en nule guisse
S’an daviez aler en chemisse,
155Tant que je serai bien paiez
De .XXX. solz ; or tost traiex
Sanz contredit vostre grant chape.
Guardez que la main ne m’eschape
Sur vostre cors par felonie,
160Car foi que doi Sainte Marie,
Je vos donrai jai tel coulée,
Que tele ne vos fu donée,
Que ne vos donesse greignour.
Je vos gage por vos Seignours[17] ;
165.XXX. sols m’a fait de domage.
— Frere, vos faites grant domage, »
Dist li Moinnes, « que me tenez ;
Mès devant le Seignor venez,
Qui est justise de la terre.
170Nuns moinnes ne doit avoir guerre ;
Se savez moi que demander,
Li Sires set bien comander

C’on doint à chescun sa droiture.
— Si me doint Dex bone aventure, »
175Dist li Sires ; « je vueil aler,
Mès s’il me davoit avaler.
En sa chartre la plus parfonde,
S’averai-je vostre reonde.
Bailliez la moi apertemant,
180Ou, foi que doi mon sauvemant,
Vous tanroiz jai malvès sentier.
— Sires[18], envis ou voleintiers, »
Dit li Moinnes, « la vos donrai-je ;
Vos me faites mout[19] grant outrage. »
185Cil a la chape desvestue,
Et li Merciers l’ai recoillue.
Entre le Moingne et le Mercier
Veignent au Seignour encerchier
Liquiex ai droit en la querelle.
190« Sire, ce n’est pas chose bele, »
Dit li Moinnes, « c’on me desrobe
En vostre terre de ma robe.
N’est-il bien hors de la mémoire[20]
Qui mat sa main sus .I. provoire ?
195Sire, ma chape m’ont tolue ;
Faites qu’ele me soit randue.
— Si me doint Dieux amendement, »
Dit li Merciers apertemant,
« Vos mentez, mès je vos an gage ;
200Je ne vos demant autre outrage,
S’an vueil le jugemant oïr.
— Ce me fait le cuer resjoïr, »

Dit li Moinnes, « que vos me dites ;
Par jugemant serai toz quites.
205Je n’ai seignor fors que le Roi
De Paradis. — Par son desroi, »
Dit li Merciers, « vos ai gagié,
Et de vostre gage ostagié ;
Mon cheval li mis en sa guarde :
210Morz est ; se li mausfués[21] ne m’arde.
Vos an paieroiz la moitié.
— Merciers, tu es moult tôt coitié, »
Dit li Sires, « de gages prandre. »
Dit[22] li Sires : « Sanz plus estandre,
215Tot maintenant je jugeroie
Du très plus bel que je sauroe.
— Por ce suemes-nos ci venuz, »
Dit li Moinnes, « Il sera[23] tenuz »,
Fait li Sires, « ce que[24] dirai.
220— Sire, jai ne vos desdirai, »
Dit li Moinnes. « Ne je, biaus Sires »,
Dit li Merciers. Qui veïst rire
Le Seignor et sa compaignie,
De rire ne se teignist[25] mie.
225« Or antandez le jugemant, »
Dist li Sires, « communalmant,
Car tout en hault le vos dirai.
Dan Moinnes, ne vos partirai
.II. geus ; le malveis lesserez,
230Et à moillour vos an tanres.
Se volez lessier le servisse
De Deu et de la sainte Yglise,

Et autre Seignour faire homage,
Vos ravez quite toz vos gages,
235Et, se vos Deu servir volez[26]
Ausi come[27] vos solïez,
Le Mercier vos covient paier
.XXX. sols por lui rapaier ;
Or an faites à vostre guisse. »
240Com li Moinnes ot la dévisse,
Il vosist[28] estre en s’abaïe ;
Bien voit qu’il n’achapera mie.
« Sire, avant que Deu renoiesse
J’auroe plus chier que paiesse, »
245Dit li Moinnes, « .XL. livres.
— De .XXX. sols serés delivres, »
Dist li Sires « seüremant[29]
Et porrez plus hardiemant
Prandre des biens Deu sanz outrage,
250Car por lui avez cest domage. »
Li Moinnes plus parler n’an osse,
Meis je vos di à la parclosse
Paia li Moinnes dan Deniers,
Por Deu, .XXX. sols de deniers ;
255Por Deu les paia sanz aumosne.
Et li Sires, qui toz biens done,
Gart cels de maie destinée
Qui ceste rimme ont escoutée
Et celui qui l’a devissée.
260Done-moi boire, si t’agrée.

Explicit.

  1. XXXVI. — Dou povre Mercier, p. 114.

    Publié par Barbazan, I, 27 ; par Méon, III, 17-25, et traduit par Legrand d’Aussy, III, 93-98.


  2. Vers 13 — Totes, lisez Tote. — * malveisse ; ms., malveisses.
  3. 14 — leur, lisez lour.
  4. 20 — besasse, lisez beasse au sens de bagasse, servante.
  5. 23 — * mon ; ms., son.
  6. 24 — a, lisez ai.
  7. 28 — * Et son avoinne ; ms., S’avoinne. Il faudrait corriger plutôt : Ses avoinnes.
  8. 32 — * close ; ms., rose.
  9. 77 — Seignor, lisez Seigneur.
  10. 91 — * si ; ms., su.
  11. 108 — su, lisez tu.
  12. 109 — bien, corrigez combien ; le ms. porte : por que bien donesses.
  13. 133 — Vers faux.
  14. 139 — * pranderoit ; ms., prandroit.
  15. 141 — * leu ; ms., lue.
  16. 152 — * nus ; ms., nuns.
  17. 164 — Ne faut-il pas corriger vo seignour ?
  18. 182 — * Sires ; ms., Sire.
  19. 184 — « mout » manque au ms.
  20. 193 — Corrigez de la memoire.
  21. 210 — Mausfuès, lisez mausfués.
  22. 214 — Dist, lisez Dit.
  23. 218 — Dans ce vers faux on peut corriger « sera » en ert.
  24. 219 — * que ; ms., qui.
  25. 224 — * teignist; ms., teignest.
  26. 235 — volés, lisez volez.
  27. 236 — * come ; ms., com.
  28. 241 — * vosist ; ms., resist.
  29. 247 — seürement, lisez seüremant.

    Ce fabliau a été remis en vers par Imbert.

XXXVII

LE DIT DES MARCHÉANS

[par phelippot]
Bibl. nat., Man. Fr., no 837 (anc. 7218),
fo 282 vo à 283 vo[1].

1
Quiconques veut bien rimoier,
Il doit avant estudier
A bone matire trouver
Si qu’il ne soit au recorder
5De nului blasmez ne repris,
Et por ce me sui entremis
De fere .I. dit dont j’ai matiere.
Diex le me doinst en tel maniere
Fere qu’il puisse à chascun plere.
10Des Marchéanz vous vueil retrere
.I. dit novel, qui n’est pas granz.
Je di c’on doit les marchéanz
Deseur toute gent honorer ;
Quar il vont par terre et par mer

15Et en maint estrange païs
Por querre laine et vair et gris.
Les autres revont outre mer
Por avoir de pois achater,
Poivre, ou canele, ou garingal.
20Diex gart toz marchéanz de mal
Que nous en amendons sovent.
Sainte Yglise premierement
Fu par Marchéanz establie,
Et sachiez que Chevalerie
25Doivent Marchéanz tenir chiers
Qu’il amainent les bons destriers
A Laingni, à Bar, à Provins.
Si i a marchéanz de vins,
De blé, de sel et de harenc,
30Et de soie, et d’or et d’argent,
Et de pierres qui bones sont.
Marchéanz vont par tout le mont
Diverses choses achater.
Quant vienent de marchéander
35Il font mesoner lor mesons,
Et mandent plastriers et maçons,
Et couvréors et charpentiers ;
Quant ont fet mesons et celiers,
Feste font de lor voisinage ;
40Puis en vont en pèlerinage
Ou à saint Jaque ou à saint Gile,
Et, quant reviennent en lor vile,
Lor fames font grant joie d’els.
Et mandent les menesterels ;

45L’uns[2] tabore, l’autre vièle ;
L’autres redist chançon novele,
Et puis, quant la feste est faillie,
Si revont en marchéandie,
Li .I. en vont en Engleterre
50Laines et cuirs et bacons querre ;
Li autre revont en Espaingne,
Et tels i a vont en Bretaingne
Bues et pors, vaches achater,
Et penssent de marchéander
55Et reviennent de toz pais
Les bons marchéanz à Paris
Por la mercerie achater,
Et sevent moult bien demander
Et Troussevache et Quiquenpoist.
60Or escoutez, si ne vous poist :
Iluec pueent il bien trover
Toutes choses à achater
Qui à la mercerie apent,
L’or empaillolé et l’argent,
65Corroies de soie, aumosnieres,
Et joiaus de maintes manières,
Cuevrechiefz crespés, melequins,
Pailes ouvrez, riches et fins,
Guimples, fresiaus, coutiaus d’yvuire,
70Et maint riche joiel trefuire.
Et riches croces à evesques,
A abez et à archevesques,
Crucefiz et ymagerie
D’argent et d’yvuire entaillie.

75Tout raconter ne vous porroie
Les joiaus d’argent et de soie
Et de fin or i trueve l’on.
Des autres marchéans diron.
Il i a marchéanz de dras,
80Et de toile et de chanevas,
De basane et de cordouan,
De cire, d’alun, de safran,
De dras dorez et de cendaus.
Si a marchéanz de metaus
85Que l’on redoit forment amer.
Il i a marchéanz de fer,
Et si i a, que je n’oublie,
Marchéanz de peleterie,
D’ermine, de vair et de gris.
90De piaus d’aigniaus et de brebis,
De poisson frès et de salé,
De fain et d’avaine et de blé,
De gaude et de waide por taindre ;
Des marchéanz ne me vueil faindre.
95Il i a marchéanz de pion,
Et de busches et de charbon,
D’estain, de cuivre et de métal,
D’orfaverie et de cristal.
De madré et de fust et de coivre ;
100Si i a marchéanz de voirre.
Encor n’ai pas tout devisé.
Marchéanz i a de filé ;
Si a marchéans de forages.
De sauvagine et de poulages.

105Or oiez, si ne vous anuit ;
Il i a marchéanz de fruit,
Naviaus et poriaus et letues,
De faucons, d’ostors et de grues ;
Et marchéanz de freperie,
110Et de chanvre et de corderie,
Et de sarges et de tapis,
Et de ratoires à soris ;
Si i a marchéanz de lin,
De mueles de fer de molin,
115De haces et de bernagoes.
De peles, de pis et de hoes.
Hotes et vanz et escueles,
Et de gates et de foisseles,
De martiaus, d’englumes, d’acier.
120Diex gart marchéanz d’encombrier,
Chandeliers, potiers, lormerie,
Marchéanz de féronerie,
De seles, d’estriers, de poitraus,
De charretes et de borriaus.
125Il i a marchéanz de nois.
De feves, de veces, de pois.
De siu[3], d’oint, de miel et de sain,
De chandoile et de peresin.
Ne le tenez mie à eschar :
130Li bouchier si vendent la char,
Et li poissonier li poisson.
Marchéanz d’uile et de coton
Et de gingembras d’Alixandre,
De jaspe et de cristal et d’ambre

135Et de trestoute espisserie.
Diex soushauce Marchéandie
Et gart marchéanz d’encombrier.
Moult ont paine por gaaignier,
Et si sont moult sovent pelez,
140Mes lor biens foisonent, adès
Que Dame Diex sa grace i met.
A tant de rimer me demet.
Que Jhesucriz, li fîlz Marie,
Gart Marchéanz de vilonie
145Et lor doinst si marchéander
Qu’en paradis puissent aler,
Et les marchéandes aussi
N’i met Phelippot en oubli.
A tant vueil ma rime finer ;
150Si vueil por marchéanz ourer.
Diex gart Marchéans d’anemis,
Et de tonoirre et de peris[4] ;
Et des larrons, Diex, les gardez
Que il ne soient desrobez,
155Et d’encontre de fol et d’yvre
Soient tuit Marchéant delivre,
Et de la tormente de mer
Si qu’à droit port puissent aler,
Et il les deffende du dé
160Qui maintes foiz m’a desrobé ;
Encor ne sui pas enrobez,
Quar par le dé sui desrobez ;
Se Dieu plest, je m’enroberai
Et aus Marchéanz conterai

165Des diz noviaus si liement
Qu’il me donront de lor argent.
Que Jhesucrist, li filz Marie,
Doinst aux Marchéanz bone vie.

Amen.
Explicit des Marchéanz.

  1. XXXVII. — Le Dit des Marcheans, p. 123.
    [Il faut lire vo et non ro après 283.]

    Publié par G. A. Crapelet, Proverbes et Dictons populaires, 1831, p. 159-165.


  2. Vers 45 — Li uns, lisez L’uns.
  3. 127 — sui, lisez siu.
  4. 152 — pris, lisez peris.

XXXVIII

UNE BRANCHE D’ARMES

Bibl. nat., Man. Fr., no 837 (anc. 7218),
fo 222 vo à 223 ro.[1]

1
Qui est li gentis bachelers ?
Qui d’espée fu engendrez,
Et parmi le hiaume aletiez,
Et dedenz son escu berciez,
5Et de char de lyon norris,
Et au grant tonnoirre endormis,
Et au visage de dragon,
Iex de liepart, cuer de lyon,
Denz de sengler, isniaus com tygre,
10Qui d’un estorbeillon s’enyvre
Et qui fet de son poing maçue,
Qui cheval et chevalier rue
Jus à la terre comme foudre[2],
Qui voit plus cler parmi la poudre[3]
15Que faucons ne fet la riviere,
Qui torne ce devant derriere
.I. tornoi por son cors deduire,
Ne cuide que riens li puist nuire,

Qui tressaut la mer d’Engleterre
20Por une aventure conquerre,
Si fet il les mons de Mongeu,
Là sont ses festes et si geu ;
Et, s’il vient à une bataille,
Ainsi com li vens fet la paille,
25Les fet fuir par devant lui.
Ne ne veut jouster à nului
Fors que du pié fors de l’estrier,
S’abat cheval et chevalier
Et sovent le crieve par force ;
30Fer ne fust, platine n’escorce
Ne puet contre ses cops durer,
Et puet tant le hiaume endurer
Qu’à dormir ne à sommeillier
Ne li covient autre oreillier.
35Ne ne demande autres dragies
Que pointes d’espées brisies
Et fers de glaive à la moustarde.
C’est un mès qui forment li tarde,
Et haubers desmailliez au poivre,
40Et veut la grant poudriere boivre
Avoec l’alaine des chevaus ;
Et chace par mons et par vaus
Ours et lyons et cers de ruit
Tout à pié, ce sont si déduit ;
45Et done tout sanz retenir.
Cil doit moult bien terre tenir
Et maintenir chevalerie
Que cil, dont li hiraus s’escrie,

Qui ne fu ne puns ne couvez,
50Mès ou fiens des chevaus trovez ;
S’il savoient à qoi ce monte
Sachiez qu’il li dient grant honte.

Explicit une Branche d’armes

  1. XXXVIII. — Une Branche d’armes, p. 130.

    Publié par Ach. Jubinal, Jongleurs et Trouvères, 1835, p. 73-74.


  2. Vers 13 — poudre, lisez foudre.
  3. 14 — foudre, lisez poudre.

XXXIX

LE DEBAT DU C. ET DU C.

Bibl. nat., Man. Fr., no 837 (anc. 7218),
fo 183 vo à 184 ro.[1]

1
L’autrier me vint en avison
Que li Cus demandoit au Con
.III. sous de rente qu’il li doit.
Mès li Cons dist que non fesoit,
5Qu’il ne l’en doit mie tant ;
Si en estoit bien souvenant
Que il li doit .II. sous sanz plus.
« Comment, deable, » dist li Cus,
« Me veus-tu fere desreson ?
10— Nenil, biaus amis, » dist le Con,
« Je ne demant fors que mon droit.
Contons, moi et toi orendroit,
Et si sauras que je te doi.
— Par foi, » dist li Cus, « je l’otroi[2] ;
15Je conterai moult volentiers.
Ne me dois-tu .XII. deniers
Quant tu eschaufes et tu sues ;
Por ce que dout que tu ne pues,
Je te corne, je te deduis,
20Je te soufle au miex que je puis ;

Je t’abandonne tout mon vent ?
Ce sont .II. sous ; or le mes rent. »
Et dist li Cons : « Tu contes bien ;
Mès des autres ne sai-je rien
25S’il ne me sont amenteü.
— Il ne pueent estre perdu, »
Ce dist li Cus ; « trop les achat
Que je en reçoif maint grant flat ;
Je sui batuz, je sui roilliez :
30Pour ce sont il bien gaaingniez.
Quant tu engoules les morsiaus,
Et l’en me bat des .II. jumiaus
Et d’une grant borse velue ;
Sor moi la truis toz[3] jors pendue ;
35Icele borse a à non coille.
Ersoir menjas tu une andoille,
C’onques rien ne m’en départis.
— Par mon chief, » dist li Cons, « si fis ;
Je t’en donai. — Non feïs, voir.
40— Si fis ; saches le tu de voir ;
Au mains du brouet eus tu.
— Voire maugré en aies tu.
Que l’escuele estoit fendue[4]
Et maudehait Cons qui menjue. »
45Et dist li Cons : « Ce n’est pas drois ;
N’as-tu assez quant tu en bois ;
Je ne te doi fors abevrer.
Et bien batre por bien corner ;
Li cop ne te font se bien non.
50Ce n’est pas maçue de plon

Dont l’en te bat ne de flaiaus ;
Ne te plain fors des .II. jumiaus ;
Ce poise toi qu’il sont si mols
Qu’il ne te fièrent plus granz cops ;
55Nous sommes si près herbregié
C’uns parchemins qui est moillié
N’est pas si tenus[5] par toz leus
Con la paroit entre nous .II.
Mauvesement en esploita[6]
60Qui si près moi te herbrega.
Tu ne fleres pas comme uns coins ;
Se tu fusses .I. poi plus loins,
Toz li mons fust à moi aclin ;
Mès j’ai en toi si ort voisin
65Que tu ne vaus ne tu ne sez.
A toz cels dont tu es amez
Doinst Dame Diex male aventure,
Quar il le font contre nature ;
Qui me lessent et à toi vont,
70Je pri Dieu que il les confont.
Je faz agenoillier les contes,
Les chastelains et les viscontes ;
Les evesques et les abéz
S’i sont maintes foiz aclinez ;
75Je les faz metre à estupons
Et redrecier à reculons.
Quant je vueil, jes remet en voie,
Jes faz dansser en mi la voie ;
Je faz commencier la carole ;
80Mès de toi n’ert-il jà parole

Que Diex ne fist preudomme nul
Qui doie amer solaz de cul.
— Tais-toi », dist li Cus, « ors baveus ;
Moult par es ore ramposneus.
85L’en ne se puet de moi soufrir ;
Bien sez qu’il convendroit morir
Homme et fame, se je n’estoie :
Je les esvuide et esnetoie.
Jamès homme ne mengeroit
90Et, s’il menjoit, il creveroit
S’il ne s’en delivroit par moi.
Toutes merdes passent par moi »,
Dist li Cus, « et toutes ordures
Et toutes viez deslavéures[7]
95De mes barbes, de mes grenons
Tu moilles en toutes sesons.
— Uns cons vaut bien .C. mile cus. »
De m’aventure n’i a plus.
Seignor, ceste desputison,
100Qu’avez oï du Cul au Con,
Si m’avint l’autrier en sonjant
A mie-nuit en mon dormant.
Tout issi com je me dormoie
Si me prist une si grant joie
105Qu’il me prist talent de rimer
Por ceste aventure conter ;
Mès onques plus je n’en oï
Fors ce que j’ai conté ici.

Explicit du C. et du C.

  1. XXXIX. — Le Debat du c. et du c., p. 133.

  2. Vers 14 — l’otroie, lisez l’otroi.
  3. 34 — tor, lisez toz.
  4. 43 — fandue, lisez fendue.
  5. 57 — * tenus ; ms., tenues.
  6. 59 — exploita, lisez esploita.
  7. 136, 14. Supprimez le point après « deslaveüres ».

XL

LE DIT DES C.

Bibl. nat., Man. Fr., no 837 (anc. 7218), fo 241 ro
à fo 241 vo.[1]

1
Seignor, qui les bons cons savez,
Qui savez que li cons est tels
Que il demande sa droiture,
Foutez assez tant comme il dure
5Et, quant vous n’en poez plus fere,
Fetes Baucant cele part trere,
Si le menez devant la porte,
Et, se Baucent se reconforte
Qu’il puist en haut lever la teste,
10On li ouverra la fenestre.
Et menra jusqu’en la fontaine
Qui tant par est de dolor plaine,
Et se dans Rondiaus li proliers[2][3],
Qui tant est orguilleus[4] et fiers,
15Veut contredire le cheval,
Si le batent li mareschal
Que je ne sai autre venjance,
Mès qu’il i fust le roi de France.

Seignor, ne soiez pereceus,
20Faintis, lanier, mès viguereus ;
Prendez le sovent et menu,
Et seul à seul et nu à nu.
Quant li preudon se lieve au main,
Si mete sor le con sa main ;
25Si l’aplanit une grant pose ;
Jà puis, ce di, ne fera chose
Quemiex n’en soit et miex n’en viengne[5]
S’il same blé ne plante vingne[6].
Ne s’il fet autre maraudise.
30Or gardez que n’i ait faintise
Que sovent ne soit li cons pris ;
Cest maistire[7] vous ai apris :
Si le tenez de moi en us,
Jà ne s’en repentira nus ;
35Et, se c’est chevaliers erranz,
Ou escuiers, ou souduianz,
Serve le con et si l’ait chier.
Mains en redoutera l’acier,
Et s’en sera plus eüreus ;
40Ce tesmoingne Gautiers Li Leus
Que li cons porte tel racine.
Sa dame en fet gesir souvine,
Et, si demande tele andoille
Dont sor l’anel en pent la coille,
45Jà si grant vit ne li vendra
Que transglouti errant ne l’a.
Ne jà n’ert de si grosse vaine
Qu’il n’ait moult tost tolu l’alaine ;

Jà n’enterra nus en sa goule
50Qu’il ne le vainque en petit d’oure ;
Por[8] ce sommes à lui enclin ;
Contre le con ne vaut engin.
Cist fabliaus dist au definer :
Connebert fet tornoi crier
55Et moult de grandes fiertez faire.
Li cons est .I. nice douaire.

Explicit des C.

  1. XL. — Le Dit des c., p. 137.

  2. Vers 13 — * pioliers ; ms., proliers.
  3. 137, 18. Rétablissez la leçon du ms. proliers, au lieu de « pioliers ».
  4. 14 — orguilleux, lisez orguilleus.
  5. 27 — vieigne, lisez viengne.
  6. 28 — vigne, lisez vingne.
  7. 32 — * maistire ; ms., marstire.
  8. 51 — * Por ; ms., Pon.

XLI

DES VINS D’OUAN

Bibl. nat., Man. Fr., no 837 (anc. 7218),
fol. 217 ro à 217 vo.[1]

1
Biaus sire Diex, rois debonere,
Qui le pooir avez de fere
Vostre plesir communaument,
Puis vostre resuscitement
5Ne feïstes tele vingnée
Comme ele est ouan devinée.
Chascuns dit, et je m’i acorde,
Que vin sont dur et de mal orde,
Pou plesant et mal acuillable.
10Virge pucelle et amiable,
Por nous toz soliiez prier
Nostre[2] Seigneur, qui oublier
Nous veut, dame, bien le savons.
Se par vous sa grâce n’avons,
15Hé, mère Dieu, comment vivront
Marchéanz qui tels vins bevront.
Plus frez seront au departir
Qu’au commencier, c’est sanz mentir ;
Si est pitiez et grant domage.
20Marchéant vont par mer à nage

Et par la terre en plusors leus ;
Communement dient entre els :
« Marchéandise a devorée
Li vin, qui lor art la corée »,
25Et, si l’ont à moult granz dangiers,
Que referont ces messagiers
Qui les bons vins boivre soloient,
Dont lor chemin plus tost aloient
Et monter plus legierement ?
30Or vous di-je certainement
Que celui qui miex en bevra
Plus pesant que devant sera ;
Messagiers à dolor seront ;
De .II. jornées .III. feront
35Et de .IIII. .VI. ; c’est descort.
Eh ! Diex done lor reconfort
Et aux fèvres et aus forniers.
Vin lor coustera granz deniers
Et à cels qui bâtent le piastre,
40Et si ne s’en porront esbatre
Qui les vins ne font s’enfler non.
Qui de bons vins boivre a[3] renon
Jà au novel ne touchera
Devant que le viez li faudra,
45Qui auques se défaut et gaste ;
Moult nous poise qui si se haste
De lessier nostre compaignie.
Que cels qui aiment cortoisie
En sont dolenz ! Se Diex me voie,
50Or n’i a fors c’on se porvoie

Comment l’en bevra les noviaus.
Vert sont et dur et desloiaus,
Qu’il vuelent les gens estrangler.
Jà n’en orrez homme jengler
55Ne parler plus tost ne plus tart.
Je voi ces gens, si Diex me gart,
Qui por boivre font granz dossées
Le vin qui lor art les corées,
Et si ne s’en sentent de rien,
60Geste chose vous[4] di-je bien
Que jà n’en seront plus haitiez
Provoz, qui sont toz afaitiez
Por prendre cels qui mesprendront.
Aus yvres pou conquesteront,
65Qu’avant les verriiez crever
Que des vins d’ouan enyvrer ;
Ce n’est pas le preu aus Provoz.
Cels qui auront aus et civoz
Gaigneront plus et aus poriaus
70Que Maires, Provoz ne Bediaus
Aux vins d’ouan, si com je cuit,
Que la gorge leur art et cuit
A toz cels qui les vont bevant
Et puis si les vont remuant
75Et chaufent au feu por sotir.
Eh î Diex, por qoi vaus consentir
Que ceste anée est avenue.
Où tant avons descouvenue[5] ?
Sire, qui onques ne mentistes.
80De pou de vin .II. pars feïstes ;

L’une est trop dure, l’autre a cuiçon,
Dont nous somrties en grant friçon,
Que sovent nous font rechingnier,
Bouche clorre, les iex cluingnier.
85Qui plus en boit, bien le puis dire
Que le ventre li enfle et tire.
Tels sont en la terre de France
Qu’il ne font fors qu’emplir la pance
A celui qui plus en engorge ;
90Plus aspres sont que nul pain d’orge.
Ne sai quels sont à la Rocele.
Menesterels, qui de vièle
Soloient les genz[6] solacier,
Ne se sevent[7] où porchacier.
95Que la bone gent est troublée
Por ce que l’en lor a emblée
La très bone houce Gilet,
Qui les marchiez fere fesoit
Et les bones gens assambler ;
100Cil n’avoit pooir de trambler
Qui l’avoit en son dos vestue ;
Or s’est en tel leu embatue
Que il covient trop grant avoir
Qui la veut en pou d’eure avoir ;
105Les povres genz s’en souferront
Qu’en cest an ne l’afubleront
Que trop avons mauvese anée.
Virge, qui sanz pechié fus née,
Qui le cors Jhesucrist portas
110Et Théophile confortas

Que tu meïs en bone voie,
Prie à Jhesucrist qu’il envoie,
Au menu pueple soustenance ;
Dame, en qui nous avons fiance.
115Toz et toutes communaument
Nous vous requérons doucement
Que li vueilliez ce deproier
Qu’il nous ajut sanz delaier.
Tuit li prions qu’ainsi le face
120Par son plesir et par sa grâce ;
De nous li plèse souvenir.
Ici luec veut son dit fenir
Guiot, qui est de Vaucresson,
Et sa petitete oroison.

Explicit des vins d’ouan.

  1. XLI. — Des Vins d’ouan, p. 140.

  2. Vers 12 — Notre, lisez Nostre.
  3. 42 — Le ms. n’a pas le mot a.
  4. 60 — vou, lisez vous.
  5. 78 — desconvenue, lisez descouvenue.
  6. 93 — gens, lisez genz.
  7. 94 — savent, lisez sevent.

XLII

LA PATRE-NOSTRE FARSIE

Bibl. nat., Man. Fr., no 837 (anc. 7218),
fo 274 ro.[1]

1
Pater noster doit chascuns[2] dire
A Dieu et crier : Biaus douz sire,
Gardez nos ames et noz cors ;
Qui es in celis haut là sus,
5Tu connois bien chascun çà jus
Et par dedenz et par defors.

Sanctificetur nomen tuum,
Car il n’est nus, soit fame ou hom,
S’à toi de cuer adveniat,
10Qu’il ne gaaint regnum tuum ;
S’il humelie cor suum,
Tu lui diras tantost : fiat.

Voluntas tua est moult droite ;
Le salu de chascun covoite
15Aussi du povre com du riche,
Sicut in celo et in terra.
Jà nus enz ès ciex n’enterra
Qui le cuer ait aver ne chiche.


Panem gardent trop li riche homme ;
20Nostrum ne lor lest prendre somme
Quar adès acroistre le vuelent ;
Anui ont cotidianum ;
Bien se travaillent in vanum,
Qu’à la mort rien porter n’en pueent.

25Da ne maint mès en cest païs
Qui de nobis est si haïs
C’on l’a tout perdu hodie,
Et dimitte l’en a quaissié,
Qui nobis a le cuer lechié
30In hac valle miserie.

Debita nostra sont moult grandes ;
Ce sont li vin et les viandes
Que chascun jor volons avoir ;
Il n’est nus hom, sages ne sos,
35S’il despendoit sicut et nos,
Qu’il ne deijst moult grant avoir.

Sire, qui es piissimus,
Envoies nous dimittimus
Que nous en aurions mestier.
40Si mandez debitoribus
Que jà à creditoribus
Ne pait maaille ne denier.

Nostris seroit bien avenu ;
Lié seroient jone et chanu

45Inclinatis capitibus,
Et ne nos, por nostre mesfait[3],
Inducas en enfer le lait
Peccatis exientibus.

Secor nous in temptationem
50Que ne perdons mansionem
De toi demonis artibus ;
Nous, qui nous savons entechiez,
Devrions gehir noz péchiez
Dedans le mois .VI. foiz ou .VII.,
55Dont seroit l’âme libera ;
Si voleroit per aera
Devant Dieu tout pur et tout net.

Quant nous vendrons en cel[4] osté,
A malo serons bien osté ;
60Sanz fin troverons solamen ;
Quar Diex i maint et tuit si saint,
Et por ce qu’il nous i amaint
Si en die chascuns amen.

Explicit la Patre-Nostre farsie.

  1. XLII. — La Patre-Nostre farsie, p. 145.

  2. Vers 1 — chascun, lisez chascuns.
  3. 46 — meffait, lisez mesfait.
  4. 58 — a cel, lisez en cel.

XLIII

DE L’OUSTILLEMENT

AU VILLAIN
Bibl. nat., Man. Fr., no 837 (anc. 7218),
fol. 119 vo à 121 ro.[1]

1
Homme qui se marie
Moult par fet[2] grant folie ;
S’il n’est si[3] estorez
Et de pain[4] et de blez
5Et de fuerre et de paille
Que nule rien n’i faille,
Tost en est assotez
Et de la gent blasmez.
Li prestres del[5] moustier
10Li[6] demaine dangier ;
Si voisin ensement[7]
En parolent savent[8].
Se de plege[9] a mestier,
Nus ne li veut aidier,
15Et, se il n’a que prendre[10],
Tant a il mains[11] à rendre.
Si le plege à envis
Li granz et li petis,
Et, se il se corouce
20Et sa fame regrouce,

Maudient l’assamblée[12] ;
Or[13] sont à la meslée.
Si[14] venist miex, ce croi,
Que chascuns fustpar soi.
25Or vous vueil aconter
Com se doit estorer
Homme[15] qui fame prent.
Sachiez tout vraiement[16]
Qu’il[17] li covient meson,
30Et bordel et buiron ;
En l’un mete son grain[18]
Et en l’autre son fain,
Et en la tierce maingne.
Que riens ne li soufraingne,
35Si li covient fouier[19]
Et la busche el[20] buchier,
Et le bacon au feste ;
S’en menjust à la feste.
Si n’envoit[21] mie au vin,
40Mès chascun jor matin
Envoit[22] à la fontaine
Por une buire[23] plaine ;
De cele boive[24] assez
Qu’il ne soit enyvrez ;
45Tost est d’avoir delivre[25]
Home qui trop s’enyvre.
Se li covient les[26] feves
Et les chois et les reves[27],
Et aus et porions.
50Et civos et oingnons,

Et la[28] cuve à baingnier,
Charrete à charrier[29]
Et sele charretiere,
Et forrel et dossiere,
55Trais et avaléoire,
Panel[30] et menéoire,
Crameillie de fer
Et craisset[31] en yver.
Se li covient trepier[32],
60Et paiele et andier,
Et le pot et la louce
Où la[33] purée grouce,
Le graïl et le croc
A trere de son pot
65La char, quant ele[34] ert quite,
Qu’il ne s’arde ne cuise,
Tenailles et soufiet
A fere son fouet.
Mortier et molinel,
70Et pilete et pestel.
Se li covient coingnie
Trenchant et enmanchie,
Doléoire et cisel
Esmolu de novel,
75Besague d’acier[35],
Tarere por percier.
Fers à fere mortoise
Et en pierre et en boise,
La lingne et le compas.
80Ice n’est[36] mie gas,

Et se li covient roisne
Et canivet et foisne[37],
Et engin à peschier[38],
Et au col[39] le panier
85A metre[40] son poisson,
Quant il en a foison.
Puis[41] le covient armer,
Por sa[42] terre garder,
Coterele et hiaumet[43],
90Maçuele[44] et gibet,
Arc et lance et espée[45],
Se vient à la meslée[46] ;
Au chevès soit[47] couchie
L’espée enrœillie
95Qu’il n’ait soing d’estoutie[48]
Ne d’esmovoir[49] folie ;
Tost est .I. homme[50] mort,
Soit[51] à droit, soit à tort,
Par une saietele[52] ;
100Tele oevre[53] n’est pas bele
Par petite achoison[54],
Ce nous dit la reson.
Si[55] ait son viez escu
A la[56] paroit pendu,
105Por ce, se il n’est bel
Acesmez[57] de novel,
N’est il mie mains durs,
De ce sui toz seürs ;
A son col le doit pendre
110Por sa[58] terre desfendre.

Mès[59] gart qu’il ne soit mie
Devant à l’escremie,
Quar il feroit que fols[60],
S’il ert[61] aus premiers cops ;
115Tels vient aus primerains,
S’il ert des[62] daarrains
Qu’il n’i perdist jà[63] rien ;
De ce savons nous bien[64].
Toz jors soit en porpens
120De revenir par tens,
S’il[65] puet, à sa meson,
Et si ait son gaignon
Si afetié et duit
Que il n’abait par nuit
125Se il ne set por qoi,
Ainçois se tiengne qoi[66].
Et se[67] li covient huches,
Et corbeillons et cruches[68].
Le chat aus soris prendre
130Por les huches desfendre.
Et le banc el fouier[69]
Et la table[70] à mengier.
Se li covient en haut
Le chasier sus le baus
135Aus frommages garder,
Et l’eschiele à monter,
Trepier[71] et chauderon
A brasser son boillon.
Quant ce revient[72] au tens
140En Quaresme ès Avens

Et si reface en Mars
Assez cueillir des hars
A la charrue joindre ;
L’aguillon au buef[73] poindre
145N’i[74] doit estre oubliez,
Et port, comme senez[75],
Par[76] derrier son crepon,
Ou sarpe ou[77] faucillon
A ses hars detrenchier.
150Se il en a mestier,
Besche ou hache d’acier[78]
Aus busches esracier ;
Tout traie[79] à gaaignage,
Si fera moult que sage.
155Et si li covient herche[80],
La civiere et la fesche,
Le sarcel enhanter
Por les chardons oster.
Se[81] li covient faucille.
160Et alesne et estrille,
Coutel à pain taillier,
Et la jarce d’acier[82],
La keus et le fuisil
A aguisier l’ostil,
165Les aguilles poingnanz[83]
Et les forces trenchanz[84],
Sollers et estivaus[85].
Et chauces et housiaus,
Cotele et sorcotel[86],
170Chaperon et chapel[87]

Corroie et couteliere,
Et borse et aumosniere[88],
Et moufles bien cuiries,
De novel afeties,
175A espines cueillir
Por son Seignor servir
Por[89] fere heriçon
Tout entor sa meson.
Puis ait pendu au laz
180Le trible[90] et le saaz,
Chaelit à gesir,
Et la met à pestrir[91].
Se li covient le four
Et les forchons[92] entour ;
185S’il a la barbe uslée,
N’en face jà posnée,
Mès soit de bele here[93]
Et face bele chiere,
Quar bon est le mestier
190Où l’on puet gaaignier.
Se li covient sauniere[93],
A son feu par derrière
Toraille à brais sechier[94].
Ne li doit anoier
195De lui bien[95] estorer,
Quar il en doit prester
A son voisin sovent,
Se besoing le sorprent,
Les pilons et la pile,
200Nel tenez pas à guile[96],

Le sac et le boissel,
Le van et le rastel[97],
Picois, coingnie et pele[98].
Se la mesons est tele,
205A il de plus mestier
A son Seignor aidier[99] ?
Oil, par le mien chief.
Encore i a plus grief,
Quar[100], se il ne l’avoit,
210Querre li covendroit
Hanas et escueles,
Et platiaus et foisseles,
Granz gates et menues ;
Por ce, s’el sont fendues.
215Ne les get en puer mie[101],
Quar ce seroit folie[102].
Le bers face devant,
Ainz que naisse[103] l’enfant,
Doit il estre tout plain
220De drapiaus et d’estrain,
Et, se ce est vallet,
Se li quiere .I. auget[104]
Por baingnier estendu[105].
Si est ainçois creü,
225Et, se c’est baisselete[106],
Se li quiere minete[107].
Si sera miex fornie,
Quar ce[108] est la mestrie.
Et, se il bien li plaist[109].
230Si porchast, que il ait[110]

Viaus, une vache à lait[111],
Qu’il nel mete en delait[109]
A l’enfant alaitier,
Quant il en a[112] mestier ;
235Quar, se saouls n’estoit,
Toute nuit[113] ploerroit,
Si toudroit le dormir,
Quant s’iroient[114] gesir
Toz ceus de la meson[115]
240D’entor et d’environ,
Et l’endemain l’ouvraingne[116] ;
Ice n’est pas gaaingne[117].
Por ce di je souvent
Et faz sermonement
245Que li fol se[118] chastient
Quant li sage lor[119] dient :
Homme[120] qui fame prent,
S’il n’a estorement,
N’est ja tenuz por sage[121]
250A poissant ne à large ;
Quar, se il n’a que prendre.
Tant a il mains à rendre.
N’a garde de larron
Qu’il li brist[122] sa meson.
255Ne que par nul[123] engien
Li toille nule rien.
Por ce n’ai je que fere
De nule rien atrere.

Explicit de l’Estillement au Villain

  1. XLIII. — De l’Oustillement au villain, p. 148.

    A. — Paris, Bibl. nat., Mss. fr. 837, fol. 119 vo à 121 ro.

    B. — Paris,» Bibl. nat.,» Mss. fr.»1593, fol. 212 ro à 213 vo.


    Publié d’après le ms. A, par Monmerqué, Paris, Silvestre, 1833, et dans la Revue historique de l’ancienne langue française, janvier 1877, p. 18-30.


  2. Vers 2 — Moult par fet. B, Si fet molt.
  3. 3 — si. B, bien.
  4. 4 — Et de pain. B, D’avoinne.
  5. 9 — del. B, au.
  6. 10 — Li. B, L’en.
  7. 11-12 — Ces deux vers sont placés dans B avant le vers 9.
  8. 12 — souvent, lisez savent.
  9. 13 — de plege. B, d’aïde.
  10. 15-18 — Ces vers manquent dans B.
  11. 16 — moins, lisez mains.
  12. 21-22 — Ces vers sont intervertis dans B.
  13. 22 — Or. B, Lors.
  14. 23 — Si. B, Or.
  15. 27 — Homme. B, Li hons.
  16. 28 — B, S’il n’a estoremant.
  17. 29 — Qu’il. B, Il.
  18. 31-32 — B :

    L’une à metre son frein
    Et l’autre son estrain.

  19. 35 — B, Et le bief ou grenier.
  20. 36 — el. B, ou.
  21. 39 — Si n’envoit. B, Et ne voist.
  22. 41 — Envoit. B, S’envoist.
  23. 42 — buire. B, cruche.
  24. 43 — boive. B, boine.
  25. 45-46 — B :

    Car li hons qui s’enyvre
    Est tost d’avoir delivre.

  26. 47 — les. B, des.
  27. 48 — B, Des choleiz et des reves.
  28. 51 — li, lisez la.
  29. 52 — à charrier. B, et charretier.
  30. 56 — Penel. B, Banel. — meneoire. B, menjoire.
  31. 58 — craisset. B, grassot.
  32. 59-60 — Ces deux vers manquent dans B.
  33. 62 — la. B, sa.
  34. 65 — ale, lisez ele.
  35. 75 — B, Et besagu d’acier.
  36. 80 — Ice n’est. B, Nel tenez.
  37. 82 — foisne. B, soisne.
  38. 83 — B, La trugle pour peschier.
  39. 84 — au col. B, avec.
  40. 85 — A metre. B, Pour metre.
  41. 87 — Puis. B, Si.
  42. 88 — sa. B, la.
  43. 89 — hiaumet. B, harmet.
  44. 90 — Macuele. B, Et maçue.
  45. 91 — et espée. B, enfumée.
  46. 92 — B, Qu’il n’ait soing de meslée.
  47. 93 — Au chevès soit. B, Avec lui ait.
  48. 95 — B, Qu’il ne preigne estoutie.
  49. 96 — d’esmovoir. B, de feire.
  50. 97 — home, lisez homme.
  51. 98 — soit. B, ou.
  52. P. 151, l. 19, sajetele, lisez saietele.
  53. 100 — oeuvre, lisez oevre.
  54. 101-102 — Ces deux vers manquent dans B.
  55. 103 — Si. B, Puis.
  56. 104 — la. B, sa.
  57. 106 — Acesmez. B, Esmoluz.
  58. 110 — sa. B, la.
  59. 111 — Mès. B, Mès et. — Ce vers ne vient dans B qu’après le vers 112 qui se lit ainsi :

    Quant il vient ost banie.

  60. 113-114 — Ces deux vers sont intervertis dans B.
  61. 114 — S’il ert. B, Devant.
  62. 116 — dus, lisez des. — B, Se il venist derreins.
  63. 117 — « ja » manque dans B.
  64. 118 — B, Ce savez vous luit bien.
  65. 121 — S’il. B, Se il. — « sa » manque dans B.
  66. 126 — B, Ainz se tiegne tout coi.
  67. 127 — Et se. B, Se. — huches. B, des huches.
  68. 128 — cruches. B, ruches.
  69. 131 — B, Le banc et le foier.
  70. 132 — Et la table. B, Et la trible.
  71. 137 — Trepier. B, Tonnel.
  72. 139 — revient, B, vient.
  73. 144 — au buef. B, as bues.
  74. 145 — N’i. B, Ne.
  75. 146 — B, Et voist touz jourz à pié.
  76. 147 — « Par » manque dans B. — son. B, sur le.
  77. 148 — Ou et ou. B, Et et et.
  78. 151-152 — Ces deux vers manquent dans B.
  79. 153 — traie. B, tourne.
  80. 155 — B, A blez covrir en terre.
  81. 159 — Se. B, Si.
  82. 162 — B, La jarce pour seignier.
  83. 165-166 — Ces deux vers sont intervertis dans B.
  84. 166 — trenchanz. B, taillans.
  85. 167 — B, Et solers à noiaux.
  86. 169 — B, Cotel et couteliere.
  87. 170-171 — Ces deux vers manquent dans B.
  88. 172 — B, Corroie et aumosniere.
  89. 177 — Por. B, A.
  90. 180 — trible. B, crible.
  91. 182 — pestrir. B, pretir.
  92. 184 — forchons. B, furgons.
  93. a et b 187-188 et 191-192 — Ces quatre vers manquent dans B.
  94. 193 — B, Toaille à blé senier.
  95. 195 — lui bien. B, soi à.
  96. 200 — Nel. B, Non.
  97. 202 — rastel. B, rasel. — Après ce vers, B ajoute:

    La fourche et le flael
    Et rabot et rastel ;
    Si li covient balai,
    Pourquoi le celerai ?

  98. 203 — B, Le picois et la pele.
  99. 206 — B, De son voisin prier.
  100. 209 — Quar. B, Que.
  101. 215 — B, Hors ne les gitez mie.
  102. 216 — Après ce vers, B ajoute :

    Mès face relier
    Et la frete alier.
    Car tout raestier aura
    Quant mesniée croistra.

  103. 218 — naisse. B, veigne.
  104. 222 — auget. B, baquet.
  105. 223-224 — Ces deux vers manquent dans B.
  106. 225 — baisselete. B, mechinette.
  107. 226 — minete. B, tinete.
  108. 228 — Quar ce. B, Ce en. — Après ce vers, B ajoute :

    Sachiez qu’il li estuet
    Se il feire le puet.

  109. a et b 229 et 232 — Ces deux vers manquent dans B.
  110. 230 — B, Il covient que il ait.
  111. 231 — B, Une vache à lait (vers faux).
  112. 234 — Quant il en a. B, Se il en est.
  113. 236 — Toute nuit. B, Volentiers.
  114. 238 — s’iroient. B, en iroit.
  115. 239-240 — Ces deux vers manquent dans B.
  116. 241 — l’ouvraingne. B, l’on maigne.
  117. 242 — pas gaaingne. B, mie gaingne.
  118. 245 — se. B, s’en.
  119. 246 — lor. B, le. — Après ce vers, B ajoute :
  120. 247 — Homme. B, Li hons.
  121. 249-252 — Ces quatre vers sont remplacés dans B

    Car se il n’a chastel,
    Tant a il moins troussel.

  122. 254 — li brist B, despient.
  123. 255 — nult, lisez nul.

XLIV

DU VALLET

QUI D’AISE A MALAISE SE MET
Bibl. nat., Man. Fr., no 12,603 (anc. Suppl. fr., no 180),
fol. 242 vo à 244 vo.[1]

1
Volés vous oïr du Vallet
Qui d’aise à malaise se met ?
Quant li Vallès a tant gaaingné[2]
Et[3] assamblé et esparnié
5Qu’il a une cote en son dos,
De bleu, de rouge u[4] d’estainfort,
Et il a braies et chemises,
Dont a ses soingnes aemplies,
................
10Ne il ne dort, ne il ne soingne ;
Et, quant il a un sercotel
Dont pert il trestout[5] son revel,
Que il cuide mout bien, sans faille,
Valoir .X. tans ke il[6] ne vaille,
15Dont[7] se commenche à forquidier ;
Pour che se met au fol mestier.
Maintenant conmenche à amer
Et dist, s’il[8] estoit mariés,
Qu’il seroit sires et refais,
20................

Et je di bien, se Dix m’aït,
Que d’ont devenroit[9] il caitis.
Je vous conterai bien le conte
Comment li Vallès va à honte,
25Et li baiselete ensement,
Qui se marie povrement.
Li Vallès vint à une ville ;
Si parole à une meschine,
Celi quiconques miex li siet.
30Li Vallès delés[10] li s’asiet,
Puis si li dist : « Ma douche seur.
Je vous ainme de tout men cuer. »
Cele respont : « Laissiés me[11] ester,
Biaus sire, et si ne me gabés ;
35Envis m’ameriés, s’ariés droit.
Plus bele et plus cointe de moi
Ames vous, ce quide[12] je bien ;
Laissiés me en pais, si ferés bien.
Car ce n’est mie courtoisie
40Se vous gabés une meschine. »
Et chiex respont : « Ma douche amie,
Sachiés, je ne vous gabe mie.
Anchois[13] vous ai mout enamée ;
N’a meschine en ceste contrée
45Cui j’aimme tant com je fac vous.
Pour honneur[14] faire vieng à vous ;
Si vous prendrai[15], se vous volés ;
S’irai à vos amis parler
Et à vo dame et à vo sire. »
50Celle respont, qui le desire

Et bien vauroit que che fust fait :
« Biaus sire, tenés vous em pais ;
De marier n’ai je mestier.
Je n’ai encore peu gaaignié ;
55De chi à .II. ans chi avant
I venrai je assés à tans.
Riches hom n’est mie mes pères,
Et je ne sui bien[16] atournée. »
Et chius respont : « Pis apparans
60Se marieront en cest[17] an,
Voire voir .XXII. u[18] plus. »
Tant parlerent et sus et jus
Que li voisin d’aval le rue
En ont la nouvelle espandue ;
65Se li dient : « Vous ne savés ?
Chius Vallès veut vo[19] fille amer. »
D’ont vienent li fol et li sage ;
Si parolent du mariage.
Dist li uns : « S’il avoit vo fille,
70Elle seroit mout bien assisse.
En non Diu, c’est .I. boins waingneres[20]
Et si n’est ne fol ne lechieres.
Encor n’aient il grant avoir.
Si porront il assés avoir. »
75Ciertes il dient verité,
Voirement aront il assés :
Ou dissetes ou povretés
Aront il, tout plain les costés.
Ore est li mere en grant pensée
80Conment se fille ert mariée,

Quant ele gist lés[21] sen preudomme,
Dont ne li puet prendre nus[22] sommes :
« Sire, » fait el[23], « vous ne savés ?
Chius Vallès veut vo fille amer.
85Chiertes, che est[24] .I. boins vallès ;
Ne fol, ne trumeleres n’est,
Et si est[25] un boins vuaaignieres,
Et si n’est ne fols ne lechieres. »
Chius se retourne en l’autre coste :
90« Oiiés », fait-il, « de ceste sote 1
Ciertes, vous n’estes mie sage.
Qui m’aparlés de mariage
Pour ches deniers que j’ai gissans
Et pour chu mueble que j’ai tant.
95Or estes vous bien courechie[26]
Que no fille n’est aharnesquie.
— Ha hai, sire, que dites vous ?
— Je ne le di mie pour chou,
Ains le di pour ches baseletes
100Qui sont si très soteletes[27].
— Se elle vuaignoit .I. quastron.
Puis n’oseriens vir .I. preudon.
Toutes voies es-ce nos enfes ;
Si i devons bien garde prendre
105En tant que nous le marions
Et preude femme[28] le faissons ;
Chius le prendera[29] pour petit,
Car il l’ainme, je l’[30]sai de fit ;
Ainchois le prendroit il pour nient
110Qu’il ne l’eüst, ce sai je[31] bien. »

Quant li femme entre en le reddie,
U faice savoir u folie,
Anchois mangeroit fer u[32] boise
Qu’ele ne vainque u qu’ele voisse.
115Et li preudom si lait à dire :
« Dame », fait-il, « vous en souvigne[33] ;
Se chius marchiés pooit venir,
Je l’otroiroie[34] endroit de mi ;
Ainmi, las, que nous li donrons[35] ?
120U prenderons nous garissons
Que nous li puisomes[36] doner
Que puist avoec li aporter.
— Nous li donrons une vakielle
Et .I. petitet de no terre ;
125S’ai de mes coses en tour mi,
De mes napes et de men lin.
Se vous taissiés d’ore en avant ;
Laissiés m’ent convenir atant, »
Or iert li Vallès bien venus,
130Quel eure qu’il spit revenus,
Et[37], quant il revient à s’amie.
Sa dame ne se targe mie
Que[38] ne li faiche boine chiere.
Soit sour lesson, soit sour keiere,
135Le fait assir delés[10] se fille.
Et puis si li set très bel dire :
« Bien soies vous venus, biaus fix.
Je cuit que vous serés mes fix.
Je ne quidaisse en mout grant tans
140Que mes sires vous amast tant ;

Il vous aime, je l’[30] sai de fi.
— Dame, » fait chius, « le[39] soie merchi,
Et Dix le mire men boin sire.
Je ne li fis onques serviche,
145Mais, s’il avoit de nous mestier,
Nous li feriesmes volentiers. »
Dist la dame : « Je le sai bien ;
A son preu estes et au mien.
Mais .I. Vallès de cele[40] ville
150Nous fait apparier de no fille
Qu’il le prendroit moût volentiers,
Se nous li voliemes aidier,
Et je respondi lues pour vous :
Plus chiere l’auroie avec vous ;
155Vous n’estes mie deputaires,
Ains estes forment deboinaires ;
Qui me fille donroit .I. cop,
Ciertes il me donroit la mort.
Que, par tous sains, c’est uns boins enfes :
160On ne set en li que reprendre,
Qu’ele ne saice bien filer
Et bien pestrir et bien buer.
Et si vous di, par le boin jour.
Que, se je demouroie .VIII. jours
165Ne perderoie, mien escient,
Le pieur louche de chaiens.
En non Diu, et s’est eüreuse.
Et s’est bien sage[41] et bien viseuse.
Mais chiex, qui amenra me fille,
170N’aura pas tout à une fie

Che que je li vaurai donner.
Se j’ai ma char, se j’ai mon sel,
Je voeil que chiex, qu’ara[42] ma fille,
Le prengne si com[43] soi meïsme.
175— Dame, » failli Vallès, « par foi,
Chou est uns boins enfes, je croi ;
Plus chier l’auroie[44] à mains d’avoir
Que une autre pour plus avoir. »
Or oiiés de le bone femme,
180Qui devant l’uoeil li trait le pane :
« Dont vous dirai je que ferés.
Alés à vos amis parler ;
Se vous à conseil le trouvés,
Revenés chà, se vous volés.
185— Par le saint Diu », chiex respondi,
« Li consaus en gist tous en mi ;
Mais je[45] leur dirai toutes voies.
S’il i veulent estre, si soient.
Et, se che non, je vous di bien
190Que pour aus ne demourra[46] rien. »
Mieus li venist[47], le malostrut.
Le chatif et le durfeüt[48],
C’on le fresist d’un grant baston,
A l’issue d’une maison.
195Si le cachast on à la rue,
S’alast cachier une carue.
Li Vallès ist de le maison,
Puis si dist à sen compaignon :
« Tu ne ses que je te dirai,
200Compains ? je me marierai.

Et cui[49] prender as-tu ? » fait cil.
« Par tous les sains[50], » fait chiex, « celi. »
Si le nomma par son droit non.
« Ha hai, si le te donra on ?
205— Oïl, certes, mout volentiers ;
Se mere le me dist l’autrier.
— Mout a de honte et peu est plains
Chiex qui se leuwe à ces vilains.
— Mais, se j’estoie mariés
210Et j’estoie par mi tournés.
Me femme averoit sen bel lit ;
Si gerriens aise, moi et li ;
Si passeriens de peu le tans.
La merchi Dieu, il est boins tans.
215Auan quant je me revesti,
Si mis je d’argent deseur[51] mi
.XLVII. s. et demi.
................
Che vous conterai je mout[52] bien ;
220Mentirs n’i vaut[53], ce voi je bien.
A me cote eut .XIIII. saus,
.IIII. saus à mes estivaus ;
Enne, sont che .XVIII. saus ?
................
225Et[54] braies et chemise ausi
Que j’euc de .VI. saus et demi,
Que du keudre que du taillier ;
Che sont .XXIIII. saus, .VI. denier[55].
Et[56] me cape, que je ai chi,
230Que j’euc de .X. saus et demi,

Enne, sont ce pas[57] .XXXVI.,
Qui sont jà deseur[58] mi assis ?
Une petite cauchemente,
Que je chauce le diemence[59],
235Cele me cousta .IIII. saus ;
Enne, sont ce .XL. saus ?
Et .I. tacons dessous mes pies
Que j’acatai[60] de .IX. deniers
Qu’il me convient paiier tous seus,
240Et s’en eut .III. en .I. huvet ;
Une coroie et .I. blans wans[61],
Que j’acatai[60] .VI. deniers blans.
Vois, par le tieste Diu, » fait-il,
« Comment[62] me poroie tenir :
245Ne jou piniés ne je lavés,
Ne onques n’ai mes dras hués ;
Tant les ai portés entour mi
C’a peu k’il ne me sont pouri. »
Or se départ du compaignon,
250Auquel a dite sa raison ;
Si s’en revient à ses parens.
Si lor conte[63] son errement
Que il se vora marier
Et k’il vorra par lui tourner.
255Adont li dist uns siens parens,
Et auques mout crueusement :
« Biaus niés, k’avés vous enpensé,
Qui or vous volés marier ?
Uns rices bons de cele[64] ville
260Ne vous donra mie se fille ;

N’avés maison, n’avés ostel
U vous le puissiés bien[65] mener ;
En court terme et en peu de tans
Porrés vous[66] mout avoir d’enfans.
265Alés encor maistre servir,
Car vous ne porrés mie issir. »
Chiex respont : « Certes, non ferai,
Jamais vilain ne servirai.
Mais, se vous volés, s’i soiiés ;
270Se vous volés, si le laissiés.
Et, se ce non, vous di je bien
Que pour vous n’en demourra[67] rien. »
Dont li respont .I. siens parens :
« Marie toi hardiement,
275Et, se tu n’as mie[68] un ostel.
Je te presteroie un cambrel. »
Et chiex respont : « Moût volentiers »,
Qui bien set qu’il en iert mestiers.
Si s’en revient vers sen amie ;
280Cheroit[69] fait k’il l’a fianchie ;
Li prestres fait ses bans hanster
Et dons[70] li pramet à donner ;
Et si n’a nient tant esparnié
Qu’il ait .X. saus de ses deniers
285De quoy il peust ses noches faire ;
Si l’en converra meschief faire.
Si va .I. sien ami proier
Tant k’il ait .X. saus de deniers,
Et li a en couvent, sans faille,
290Que des deniers de revidaille

Li rendera tout erraument,
Ja ne devra[71] plus longement ;
Et chiex li preste[72] les deniers,
Ki voit bien k’il en est mestiers.
295Or a acaté li dansiaus
Ses affichés et ses juiaus,
Pour la joie k’il se marie
Et pour ce ke il[73] prent s’amie.
Ceroit[69] fait k’il l’a espousée ;
300Adont ont[74] fait lor destinée.
On les revida l’endemain ;
On lor aporta vin et pain ;
De deniers lor aport’on pau,
N’en eurent pas jusque .VIII. saus.
305Font les commères, qui là sont :
« De cest premier avoir, k’il ont,
Chou est boine estrine nouvelle,
S’en acatent pot et paiele ;
Che doit on faire du premier
310Que Dix leur doinst eür de bien. »
On leur aporte pute estrine,
.I. pourcelet et .II. gelines.
Par chou perdront il[75] leur cambrel
Que leur parens leur a presté :
315Li pourcelès i va fouant.
Les[76] gelines i vont gratant ;
Li boine femme les encache[77],
Si les hue et si les manache ;
Si leur dist tout appertement,
320Et auques mout crueusement,

Que ne doit avoir nourechon
Li femme ki n’a se maison.
Cele en est forment courechie[78] ;
Si em pleure et si en crie[79] ;
325A sen baron vint, si li dist :
« Biaus dous frères, se Dix m’aït,
Moi sambleroit buer fuisse née
Se de chi estoie escapée,
Que nous euissiens .I. torciel,
330Une maison et .I. pourchiel. »
Ses drapiaus vent tous ki les a,
Et chiex les siens, teuls k’il les a,
Et tant que il[80] ont .I. torciel
Une maison et .I. pourciel
335U il pueent leur huche assir
Et leur lit faire à lor plaisir.
Or vous dirai je des deniers
C’on emprunta[81] as ussuriers ;
Il ne seront jamais rendus ;
340Si aura[82] .XXX. saus, ou plus.
Et, quant che vient au chief de l’an.
S’est cele grosse d’un enfant ;
Or li kiet li pois reveleus,
Et se li mue le couleurs,
345Mais, s’ele se plaint, ne puet nient,
Car plus a de mal que de bien.
Chiex va trestout le jour ouvrer
Et vuaaignier[83] et labourer,
Et, quant il vient à son ostel,
350Dont li estuet le fu souffler,

................[84]
Dont se prent caitis à clamer :
« Vois, » fait il, « maugrés en ait Dix !
Comme je sui uns[85] mausoutiex
355Quant je fui onques mariés.
Com bien en sui ore amendés. »
Si malade n’est cele mie,
Qu’ele ne saice mout bien dire ;
« Que dites vous, puans pendus ?
360C’à maie hart soiiés pendus !
Quant j’issi[86] de l’ostel mon père,
Je en issi bien endrapée ;
Je aportai mout boine plice
Et boin sercot et souscanie ;
365Vous me les[87] avés tous vendus,
Tous alouiés[88], tous despendus :
................
Qu’à maie hart soiiés pendus ! »
Que vous iroie jou contant,
370Ne qu’iroie ramentevant ?
Trestout le plus lonc jour d’esté
N’aroie mie raconté
Trestous ne leur fais ne leur dis ;
Que plus vivent, et[89] plus ont pis,
375Et tout adès de mal em pis.
Pour che vous di ge bien de fi
Qu’il n’ait si maie que de…..[90]
Ensi comme cis fiabliaus dist.
Or vous ai je dit du Vallet
380Qui d’aise à mallaise se met,

Que si faisoit le cretelet,
Et qui resamble l’oiselet
Qui, ains qu’ait elles, veut voler,
Et puis si demeure afolés.
385Or vorroit estre à marier.
S’en deüst aler outre mer ;
Or, dist il, se Diex li aït.
Que, s’il issoit de cest peril,
Que jamais ne s’i rembatroit[91],
390Se Diex li ait et sainte crois ;
Mès ne li vaut, que c’est trop tart :
s’est trop fort lachiés el lach.

Explicit.

  1. XLIV. — Du Vallet qui d’aise a malaise se met, p. 157.

    Publié par M. W. Fœrster dans le Jahrbuch für rom. und engl. Literatur, neue Folge, I, 295-304.


  2. Vers 3 — « gaaigné » n’a que deux syllabes, ici comme plus loin.
  3. 4 — « Et » manque au ms.
  4. 6 — ou, lisez u.
  5. 12 — * pert il trestout ; ms., per il tout.
  6. 14 — * ke il ; ms., kil.
  7. 15 — D’ont, lisez Dont, ici comme plus bas.
  8. 18 — * s’il ; ms., se il.
  9. 22 — * devenroit ; ms., deveroit.
  10. a et b 30 et 135 — delès, lisez delés.
  11. 33 — * Laissiés me ; ms., Laissieme.
  12. 37 — * quide ; ms., qui.
  13. 43 — * Anchois ; ms., Ains.
  14. 46 — * honneur ; ms., honner.
  15. 47 — * prendrai ; ms., prenderai.
  16. 58 — « bien » manque au ms.
  17. 60 — cet, lisez cest.
  18. 61 — ou, lisez u.
  19. 66 — « vo » manque au ms.
  20. 71 — vuaigneres, lisez waingneres.
  21. 81 — lès, lisez lés.
  22. 82 — * nus ; ms., nul.
  23. 83 — * el ; ms., ele.
  24. 85 — * che est ; ms., ch’est.
  25. 87 — est si, lisez si est. — * vuaaignieres ; ms., waignieres.
  26. 95 — * courechie ; ms., courchie.
  27. 100 — Vers faux.
  28. 106 — * femme ; ms., femmes.
  29. 107 — * prendera ; ms., prendra.
  30. a et b 108 et 141 — * jel ; ms., je le.
  31. 110 — * je ; ms., ce.
  32. 113 — ou, lisez u.
  33. 116 — * souvigne ; ms., couviegne.
  34. 118 — * otroiroie ; ms., otroierai.
  35. 119 — * nous li donrons ; ms., li donrons nous.
  36. 121 — * puisomes ; ms., puisons.
  37. 131 — « Et » manque au ms.
  38. 133 — * Que ; ms., Qu’ele.
  39. 142 — Il faut corriger ce vers en supprimant « le ».
  40. 149 — ceste, lisez cele.
  41. 168 — i est saige, lisez s’est bien sage. — uiseuse, lisez viseuse.
  42. 173 — * qu’ara ; ms., qui ara.
  43. 174 — * com ; ms., comme.
  44. 177 — * auroie ; ms., averoie.
  45. 187 — si, lisez je.
  46. 190 et 272 — demourra ; ms., demoura.
  47. 191 — * li venist ; ms., le venist or.
  48. 192 — * durfeüt ; ms., dur fut.
  49. 201 — * cui ; ms., qui.
  50. 202 — * tous les sains ; ms., .C. sains.
  51. 216 — * mis je d’argent deseur ; ms., misse d’argent seur.
  52. 219 — « mout » manque au ms.
  53. 220 — * vaut ; ms., vaut.
  54. 225 — « Et » manque au ms.
  55. 228 — Ce vers a deux syllabes de trop.
  56. 229 — * Et ; ms., A. — * je ai ; ms., j’ai.
  57. 231 — « pas » manque au ms. Ne vaudrait-il pas mieux corriger : Enne, ne sont ce .XXXVI. ?
  58. 232 — * deseur ; ms., seur.
  59. 234 — * diemence ; ms., dimence.
  60. a et b 238 et 242 — * j’acatai ; ms., j’aicatai.
  61. 241 — vuans, lisez wans.
  62. 244 — Coment, lisez Comment.
  63. 252 — * conte ; ms., content.
  64. 259 — ceste, lisez cele.
  65. 262 — « bien » manque au ms.
  66. 264 — « vous » manque au ms.
  67. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées v190et272
  68. 275 — « mie » manque au ms.
  69. a et b 280 et 299 — Ne faut-il pas lire « che roit » et « ce roit » ? Le sens reste douteux.
  70. 282 — * Et dons ; ms., Et li dons.
  71. 292 — * devra ; ms., devera.
  72. 293 — * preste ; ms., prestre.
  73. 298 — * ke il ; ms., k’il.
  74. 300 — * ont ; ms., on.
  75. 313 — « il » manque au ms.
  76. 316 — * Les ; ms., Et les.
  77. 317 — en cache, lisez encache.
  78. 323 — * courechie ; ms., courchie.
  79. 324 — Vers faux.
  80. 333 — * que il ; ms., qu’il.
  81. 338 — * emprunta ; ms., empruta.
  82. 340 — * aura ; ms., avera.
  83. 348 — * vuaaignier ; ms., wuaignier.
  84. 351 — Le chiffre qui indique au haut de la page la numérotation des vers doit être, non pas 378, mais 380, — Le vers 351, indiqué par des points, ne manque pas au ms., et doit être établi ainsi :

    Et l’iauwe du baing aporter.

  85. 354 — « uns » manque au ms.
  86. 361 — * j’issi ; ms., je issi.
  87. 365 — * Vous me les ; ms., Vous les me.
  88. 366 — * alouiés ; ms., aluiés.
  89. 374 — « et » manque au ms.
  90. 377 — La dernière syllabe de ce vers manque.
  91. 389 — * rembatroit ; ms., rembateroit.

XLV

DE MARTIN HAPART

Bibl. nat., Man. Fr., no 12,483,
fol. 239 vo à 240 vo.[1]

1
Aumosne delivre de mort
Et fait arriver à bon port
De Mammone[2] d’iniquités,
Faites amis[3] en la cité
5Du ciel, où cilz et celes vont
Qui as povres de cuer bien font ;
Quar, se petite aumosne vaut
Et fait monter ou ciel en haut,
Planté d’aumosne trop vaut miex
10Et fait plus tost monter ès cielx.
Honneure les angres et donne
Aumosne, quar Jhesus pardonne
Leur meffais à ceus qui ce font,
Et des angres honnouré sont.
15De ce je vous dire un conte,
Mès je ne scé qui le raconte.

Par mainte fois oï avez
De ces examples recorder :
De Saint Michiel un en orrez,

20Se il vous plaist à escouter.
Onques de tel n’oy parler
Nus qui soit vis ;
Il n’est[4] mie du temps jadis,
Mès il avint ou temps d’avril[5].

25A Avrenches, dessus le pont,
Une riche fame out meignant[6].
Que[7] espousa un riches hons
E[8] de molt grant atenement.
Il estoit plaideour molt grant.
30Sage et gaillart ;
On l’apeloit Martin Hapart :
Il hapoit de chascune part.

Martin hapoit quant estoit vif.
Et si hapa quant il fu mort ;
35Molt de gent metoit à essil
Et leur faisoit de leur droit tort ;
Miex amoit à boire bon vin
Qu’estre au moustier ;
S’entente estoit à soutillier
40Conme il peüst gent essillier.

Martin Hapart haïoit moustier
Sur toute rien et le sermon,
Les mesiaus et les potenciers,
Et les gens de religion ;
45L’Anemi l’avoit par reson
Mis en escrit :

En enfer estoit fet son lit,
Mès sa fame le garanti.

Sa fame à Saint Michiel ala
50Par mainte fois et l’aoura ;
Son mari pria qu’i alast[9],
Mès il dist que rien n’en fera.
Un jour par matin se leva,
Si pria molt
55Son mari qu’il alast au Mont ;
Martin dist que foie gent sont

D’aler Saint Michiel aourer,
Quar i n’i a de li noient :
Il n’i a riens que un moustier
60Et un grant ymage d’argent ;
Saint Michiel n’est c’un pou de vent.
Dieu le crea,
Ne char ne sanc ne li donna,
Fors les eles dont il vola.

65Tant comme il est, en Poitou,
Ou à Paris, ou à Orliens,
Puet l’Anemi faire un trou
En son moustier qu’i n’en set riens ;
Que fust l’or et l’argent ceens
70En bons deniers,
Et le moustier fust trebuchiez,
Et les moignes tretous noiez.


« Tu ez folz, » sa fame li dist,
« Diex le commanda de son ciel
75Que l’en un moustier i feïst
U non de l’angre Saint Michiel.
A dames est plus dous que miel,
Et qui ira
Bien repentant de tout meffait,
80En paradis son lit est fait.

— Ou quel paradis ? » dist Martin ;
« Il n’est paradis fors deniers
Et mengier, et boire bon vin,
Et gesir sus draps déliez ;
85Il n’i a riens de Saint Michiel
Fors les parois
Et l’ymage que le biau rois
Fist paiier de ses viex orfrois.

« Mès, g’irai, » dist il « par mon chief[10],
90A povres[11] gent rien ne donrai.
Ne n’amenderont ja du mien ;
..............
Une maille li porteray
Qu’ey espargnié ;
Ele est esbrechie le tiers ;
95Je li offerray volentiers. »

Cele[12] maaille li moustra :
La fame molt bien la quenut.
Martin à Saint-Michiel ala ;

Onques n’i menga ne ne but,
100Ne onques tant povre ne sut[13]
Demander li
Qu’i donnast vaillant un espi :
Là venir n’en fu pas marri.

Quant à l’ostel s’en retourna,
105La mort le prist ; si vint son jour :
Ne cuidoit pas que mort entrast[14]
En tel chastel n’en si fort tour ;
Des biens estoit à grant honnour,
Quar faucement
110Bien doit amer celui l’argent
Qui le gaaigne loiaument.

Or oez par quoy il hapa,
Quant il fu en son sarqueu mis ;
C’est miracle si ne fust ja
115Sceü par homme qui soit vis ;
Mès le fossier si avoit mis
En son braeul
.C. et .II. soulz, que il avoit
Receu d’un buef qui cras estoit.

120Le fossier ses pans rebraça
A sa ceinture hautement ;
Sa bourse aval li balocha :
Le sarqueu prist li et l’argent.
Quant vint à son devalement,
125Il s’entr’ouvri,
La bourse du braeul rompi ;

Martin hapa tout devers li.

Il senti bien rompre le las,
Mès il ne sot pas que ce fu[15].
130A son hostel se clama las
Quant il s’en fu aperceü ;
Au prestre s’en est revenu ;
Si se clama
De Martin Hapart, qui hapa
135Sa bourse, quant il l’enterra.

Cele journée proprement
Refu le sarqueu deffouy ;
Le fossier trouva son argent
Qui en la fosse li chey.
140Et la maaille, qu’il ofîri ;
On l’enporta ;
Au vesque la nouvele ala,
Dont par mainte fois se seigna.

Le grameire, se dient, lut
145.I. clerc, qui sot molt de latin ;
L’Anemi tantost s’aparut :
« Di moy, » fait il, « où est Martin ?
— Tu en orras, » fait il, « la fin ;
Le cors tenon ;
150En enfer nous entrebaton
Pour l’ame que perdue avon.

« Son lit estoit en meson fait[16].
Mès Michiel le nous a tolu ;

Une maaille l’en a trait ;
155S’a ballancé devant Jhesu
Les grans biens qu’il avoit eü
Par faus recors ;
Saint Michiel nous en a fet tort ;
Il estoit nostre après la mort. »

160L’Anemi à tant s’en tourna,
Et le vesque est demouré.
Qui au Mont-Saint-Michiel ira,
Il li sera guerredonné.
Prions Saint Michiel, l’onnouré
165De toute gent,
Qu’il nous conduie à sauvement
Devant Dieu pardurablement.

Amen.

  1. XLV. — De Martin Hapart, p. 171.

    Publié par Ach. Jubinal, Nouveau recueil de contes, dits, fabliaux…, 1839, II, 202.


  2. Vers 3 — Mammon e, lisez Mammone. — * d’iniquités ; ms., de iniquités. — Placez une virgule après ce mot.
  3. 4 — Supprimez la virgule avant et après « amis ».
  4. 23 — * Il n’est ; ms., El n’est.
  5. 24 — Après ce vers, on lit dans le ms. les trois suivants, qui ne rentrent pas dans le rhythme des strophes :

    Douce gent, c’est bien verité.
    Qui au Mont Saint Michiel ira,
    S’il muert en l’an, miex l’en sera.

  6. 26 — * meignant ; ms., meiguant.
  7. 27 — * Que ; ms., Qui.
  8. 28 — « E » manque au ms.
  9. 51 — * qu’i alast ; ms., qu’il i alast.
  10. 89 — Ce vers, dans le ms., n’assonne pas en  : Par mon chief, » dist il, « ge irai.
  11. 90 — * A povres ; ms., Mès à povres.
  12. 96 — * Cele ; ms., Sele.
  13. 100 — * ne sut ; ms., li siut.
  14. 106 — * que mort entrast ; ms., qu’entrast la mo[rt].
  15. 129-131 — Les premières lettres de ces vers ont dû être restituées, ainsi que pour les vers 145-149 et 159.
  16. 152 — Il faut absolument corriger en meson fait pour la rime.

XLVI

DE DEUX ANGLOYS

ET DE L’ANEL
Bibl. nat., Man. Fr., no 19,153 (anc. 1830,
f. Saint-Germain), fo 47 vo.[1]

1
Un fableau vos veuil aconter
De .II. anglois, sanz mesconter,
Dont li .I. malade se jut,
Et li autre si com il dut
5Le garda bien au mielz qu’il pot :
De son porchaz moult bien le pot.
Tant vint li eure et tant ala
Que li malades resua,
Et, quant il se sent alegié,
10Son conpaignon a aresnié.
Son bon li velt dire en françois,
Mais la langue torne à englois
Que ce ne fu mie merveille.
Alein son conpaignon esveille ;
15Or oiez com il l’apela :
« Alein, » fait il, « foustés vus là ?
Trop dormés ore longuement,
Mi cuit un poi alegement,
Mi have tote nuit soué,
20Mi ave, ge cuit, plus soé ;

Si cuit vueil mangier .I. petit.
— Ha ! » dit Alein, « Saint Esperit,
Done mi companon santé,
Dont mi cors fou si fort troublé.
25— Triant, » fait-il « par seint Tomas,
Se tu avez .I. anel[2] cras
Mi porra bien mengier, ce croi.
— Vos aurez .I. » fait il, « par foi ;
Je m’en vois une tost querer.
30— Conpainz, Diex te puisse mirer, »
Alein s’en est tornez atant,
Tant va par la vile querant
Qu’il entra en une maison.
Le preudom a mis à raison
35Au mielz qu’il onques pot parler ;
Mais onc tant ne s’i sot garder
Que n’i entrelardast l’anglois.
Ainsi farsisoit le françois :
« Sire », fait il, « par saint Tomas,
40Se tu avez nul anel cras.
Mi chatera moult volontiers,
Et paie vos bones deniers
Et bones maailles frelins
Et paie vos bons estellins. »
45Quant li preudom qui hernechoit,
Oï celui qui fastroilloit,
Ne set que il va devisant :
« Que as-tu[3], » fait il, « fastroi liant ?
Ge ne sai quel mal fez tu diz :
50Va t’en, que tes cors soit honiz !

Es tu Auvergnaz ou Tiois ?
— Nai, nai, » fait il, « mi fout Anglois. »
Li preudons l’ot ; si en a ris :
« Que dites vos », fait il, « amis ?
55Dites moi que vos demandez.
— Entendez mi, vos saverez :
Mi conpanon fout moult malart ;
Il proie mi que ge li chat
Un ainel que il[4] velt mengier. »
60Li preudons, c’on claime Mainier,
Le cuide avoir bien entendu :
« Bien t’en est, » fait il, « avenu,
M’anesse en oit, ersoir, un bel. « 
Devant l’Anglois a mis l’anel ;
65Si le vendi ; cil l’achata.
A l’ostel vint, si l’escorcha.
Quant il est cuit et atorné,
Son conpaignon en a porté
Une des cuisses o le pié ;
70Et cil l’a volantiers mengié,
Qui moult desirroit la viande
Et de respaster ert en grande[5].
Quant ot mengié par bon talent,
Les os esgarde qui sont grant
75Et la hanche et la quisse tote,
Qu’il vit si grosse et si estote ;
Son conpaignon apele Alein,
Et il i[6] est venuuz à plain.
« Que volez tu, » fait il, « trichart
80Que vos me tenez por musart ?

Quel beste m’as tu ci porté ?
— Anel, » fait il, « en charité.
— Anel ? » fait il, « par seint Almon,
Cestui n’est mie filz moton ?
85— Si est, pour ane ge chatai,
Tot de plus grant que ge gardai.
— Anel ! deable, voirement :
Il sanble char de viel jument.
Se fu asnel que ge voi ci,
90Ainz fu anel vostre merci.
— Se tu ne croiz que fout anel,
Mi vos ira moustrer de pel :
— Oïl, » dit il, « moustrez de ça. »
Et cil la pel li aporta,
95Devant son conpaignon Testent ;
Cil le regarde durement.
Les piez, la teste, les oreilles :
« Alein, » fait il, « tou diz merveilles.
Si fait pié, si faite mousel
100Ne si fait pel n’a mie ainel.
Ainelet a petite l’os,
Corte l’eschine et cort le dos[7] ;
Cestui n’est mie fils bèhè.
Quoi dites vos, Alein, que est ?
105Ce ne fu mie fielz berbis.
— Tu dites voir, par seint Félix.
Foi que ge doi à seint Johan[8],
Cestui fu filz ihan, ihan ;
Encor fu d’anesse en maison
110Et ge vos porte ci d’asnon. »

Quant li malades li oit dire,
Ainz ne se pot tenir de rire :
Du mal gari et respassa ;
Onques l’asnel que il menja
115Ne li fist mal, si con cil dist
Qui le flabel des Anglois fist.

Explicit.

  1. XLVI. — De deux Angloys et de l’Anel, p. 178.

    Publié par A. C. M. Robert, Fabliaux inédits, 1834, p. 11-14 ; et donné en extrait par Legrand d’Aussy, II, 347-348.


  2. Vers 26 — Toute cette pièce repose sur un jeu de mots. L’un des Anglais demande de l’agneau (aniel), et son compagnon lui apporte un ânon (asnel). La confusion est imputée à la mauvaise prononciation des Anglais, qui ne manquent pas du reste de confondre les conjugaisons françaises (querer, mirer, pour querir, merir, v. 29 et 30), et ne connaissent guère le genre des substantifs qu’ils emploient.
  3. 48 — * Que as-tu ; ms., Qu’as tu.
  4. 59 — qu’il, lisez que il.
  5. 72 — engrande, lisez en grande.
  6. 78 — « i » manque dans le ms.
  7. 102 — * Corte l’eschine et cort le dos ; ms., Corte eschine et corte dos.
  8. 181, 27, Joban, corrigez Johan.

XLVII

DU

CHEVALIER A LA CORBEILLE

British Museum, Man. Harleien, no 2,253,
fo 115 vo.[1]

1
Pur ce que plusours ount mervaille
Del[2] Chevaler à la corbaylle,
Ore le vus vueil je counter,
Se il vus[3] plest à escoter.
5Un chevaler de grant valour
E une dame de honour
S’entraimerent jadis d’amour
Leaument ou grande[4] douçour ;
Mès ne se[5] poeint assembler,
10Ne pur geiter ne pur embler,
Fors à parler taun soulement,
Qar molt estoit estreitement,
La dame close e enmurée.
Meson[6] ne clos ne ount durée
15Vers femme, qar son engyn pase
Tot ce qe autre[7] engyn compasse.
Le seigneur[8] l’out d’amour pryé,
Et la dame s’est otryé
A ly, quant vendreint en eyse ;
20Mès mester est qe um se teyse

E[9] vers pucele e vers chaunbrere,
Et q’ el[10] se tienge en sa barrere
En pès, qar soun mary la geyte
E fet geiter à grant deceyte ;
25E mès q’il geytée ne l’aust[11],
Si ne say corne l’em peust[12]
Approcher à tiel chasteleyne
Si ce ne fust à tro grant peyne,
Qar trop i a murs e fosseez.
30Cil qe tous les aveit passeez
E feïst taunt q’il poeit estre
Denz cele chambre le plus mestre
Où la dame dort e repose,
N’uncor[13] serreit legere chose
35D’aver tote sa volenté ;
Qar en yver e en esté
La gueyte une veele talvace[14] :
Si[15] la dame remuer se face
Une houre q’ el[16] ne la veïst,
40Meintenant ele le[17] deïst
A le seigneur q’estoit soun fis ;
Cil crerroit bien tost tus[18] ces dys.
Le chevaler mout bien[19] souvent
Soleyt aler à tournoyement,
45Si com riche baroun deit fere.
Le chevaler de basse affere,
Qe longement s’ avoit[20] mussee
E en mussaunt soun temps ussee,
Un jour forment[21] se purpensa
50Qe la dame veïr[22] irra,

Qaunt erré fust le chasteleyn.
Le porter ne fust pas[23] vileyn :
Son[24] message à la dame fist,
E meintenant al[25] porter dist :
55« Amis, lessez sa eynz venyr,
Qar à counsail le vueil tenyr
D’un[26] affere qe ge repens. »
Ataunt entra il[27] saunz defens ;
Les[28] chevalers qe leyns furent
60Ly firent joie, qe ly conurent.
La dame molt bel le reçust ;
Mès la veeille ne le y[29] pust
Saluer si à grant peyne noun,
Qar el l’avoit[30] en suspecioun,
65Desus un tapit se assistrent,
D’amours un parlement y mistrent.
Trop fut près la veeille frouncie,
Qe maie passioun la ocie !
Qar de parler ont poi d’espace :
70« Dame, « feit il », ja Dieu ne place
Qe ceste veille vyvre puisse,
Q’ el[31] n’eit brusé ou bras ou quisse,
Qe ele soit clepe ou contrayte !
Qar s’ el eüst[32] la lange trayte,
75Certes ce serroit charité,
Qe mensounge ne vérité
Ne issent jamès de ses[33] denz.
— Sire, mout ad el[34] cuer dedenz, »
Fet la dame, « feloun corage ;
80Qe[35] mort la prenge e male rage !

Trop ad en ly male racyne ;
Mès qi m’enseignast medicine[36]
Par qei ele fust asourdée,
Je l’en donasse grant soudée,
85Qar petit dort et longes veyle,
Si a par[37] tro clere l’oreyle
Auxi de nuytz corne de jurs.
Um di qe veeille gent sunt sourdz,
Mès ceste ad trop clere l’oye.
90— La male goute, bele amie, »
Feit il, « nus em pusse venger !
Je ne vus say autre enseigner ;
Mès, pur Dieu, que frez vus de moi,
Qe taunt vus ayme en bone foy ?
95Grant piece a, e bien le savez.
Trés[38] grant pechié de moy avez.
— Peché, » fet el[39], « bels amis chers ?
Ja estes vus ly chevalers
Qe je plus aym ; si je peüsse[40]
100E je le loyser en eüsse[41],
Veiez tauntz barrez e tanz murs[42],
Je vodroi estre ou vus aillours
En Espaigne ou en Lumbardye.
— Dame, » fet il, « par coardye,
105Si Diu peüst[43] mon cors salver,
Ne lerroi je pas à entrer
En cet hostel, e[44] tant feroi
Q’uncore[45] anuit seyenz seroi.
Si de vus qidoi esploiter.
110— Venez or[46] dount saunz respiter, »

Fet ele, « anuit, bels douz amis ;
Qar, si saienz estoyez[47] mis
Qe de nul aparsu fussez,
Mon corps gayné avérez ;
115Qar pus mès[48] ne faudrez vus ja
De venir desque cel us la
Où je serroye countre vus.
— Ensi, » fet il, « le ferrom nous ;
Je y vendroi anuit sauntz faile.
120— Bien dount[49], » fet ele, « vus y vaile. »
Ataunt[50] lessent le conciler ;
De l’ oriller[51] e d’escoter
Fust la veeille[52] molt entremise,
Mès n’avoit[53] pas la chose aprise.
125La dame demanda le vyn ;
Le chevaler, ce fust la fyn,
En bust, e ne mie grantment ;
Eynz regarde ententivement
La sale qe ad murs feytis
130Estoit assis e apentis
Devers le mur fust descoverte,
Si ja ne fust fenestre overte.
Si pout um vere de lover ;
Qar um porroit bien[54] un bover
135Launcer par mi ou tous ces buefs ;
Pensa qe[55] serroit à soun oefs.
Un soun esquier apela,
Priveement[56] le councila
Q’il s’en isse, e s’en aut muscer
140Joste la sale en un ligner

Qi estoit[57] apuez al mur,
E soit là dès q’il soit obscur
E que la gent se soit cochee[58] ;
Puis mounte le mur à celee[59],
145Si le atende à un kernel.
Cely, qe ne fust gueres bel
De remeyndre en si grande[4] doute,
Greaunta[60] sa volenté toute ;
Qar ne le osa fere autrement.
150Vers le ligner va belement,
Enbuchez est dedenz la buche
E tint en sa meyn une rusche.
E qant la gueyte avoit cornée,
Le chevaler s’ ert[61] atornee.
155Qant qida qe fust endormie
La gent, lors ne s’ oblia[62] mie,
E[63] le chevaler ad fet taunt
Qe grant piece après l’anuytant
Sy vint dehors les murs ester ;
160Et um ly fet tost[64] aporter
Une corbaille bien tornée.
De cordes bien avyronée,
Ou la aye cely desus.
Le chevaler, qe remist jus,
165S’est denz[65] la corbaille cochée,
E cil l’ount sus le mur sakee[66]
E molt tost le ount[67] mis a vale
De le mur desqe en la sale ;
Bien ad deservy son deduit.
170E la dame unqe cele nuit

Ne dormi, einz fust en entente,
Tant q’ele oie ou q’ele sente
De son amy l’ aviegnement[68].
Vers la chaunbre va belement
175Où la dame le entendoit[69].
Bon guerredoun[70] rendre l’en doit
La dame, qe grant joie en a ;
Dedenz la chaunbre le mena,
E firent qanqe fere durent.
180A molt grant joie ensemble furent,
Mès la veille gysoit molt près,
Qe molt avoit le cuer engrès,
E n’ert pas uncore endormie.
Entre lur deus litz n’i out[71] mie
185Une teyse, ce m’est avys ;
Un[72] covertour covroit lur lis,
Qe bon e bel e graunt estoit,
E qe soul[73] les deus litz covroit.
Le[74] chevaler fist son mester
190E le covertour[75] fist crouler ;
Lors la maveise[76] demaunda :
« File, ton covertour, q’ey ça
Qe tant l’ oie[77] aler e venir ?
— Dame, je ne me[78] pus tenir, »
195Fet ele, « de grater une houro :
Seigne, ce qid, me demoure. »
Cele qide que voir ly dye,
Mès longes ne demorra mie
Ne fist[79] le covertour crouler :
200Sout[80] les coupes le roy doner

Le chevaler, mien esscient,
Qar il ne se repose nent,
Molt ert vaillaunt en cel estour.
Sovent fesoit le covertour
205Crouler e torner d’ une[81] part ;
E la veille, qe mout soud d’ art[82]
E d’engyn e de trycherye,
Pensa q’ unqe[83] pur graterye
N’ ala[84] le covertour ensi.
210De son lit la maveise[85] issi,
Une chaundelle prist desteinte,
E d’ aler[86] suef ne se est feynte ;
Vers la cusyne tint sa voie ;
Mès par mi la sale forvoie
215Taunt q’en la corbaille chay.
Cil qiderent estre trahy
Qe les cordes braunler sentirent,
Vistement la corbaille tyrent ;
Sus trehent la veille chanue.
220Le ciel fust estoillé saunt nue ;
Qant cele vint près del[87] lover,
Donqe conurent li esqier[88]
Qe ce n’est mie lur seignour.
Donqe la demeynent à dolour,
225Qar la corbaille balauncerent,
De tref en autre la launcerent ;
Unqe n’ ala ele à tiel[89] hounte.
Primes avale e pus amounte.
En tel peyne e en tel[90] torment
230L’ont[91] demenée longement,

Pur poy ne l’ ont[91] toly la vie ;
Bien qide q’il l’ eye[92] ravye
Deables ou autre malfees.
Qaunt il furent trop[93] eschaufeez
235De crouler les cordes guerpissent,
La corbaille à terre flatissent,
E la veille à une part vole ;
Qaunt el[94] leva, se fist que foie.
A quoy ferroi je lonc sermoun ?
240Taunt hordely[95] par sa mesoun
Q’à son lit s’en est revenue
Tremblaunt come fueille menue
Qe le vent de byse demeyne.
Si com[96] poeit parler à peyne,
245Dit à la dame à grant tristour :
« Mal feu arde ton covertour !
Tel noise ad anuit démenée,
Malement me ad atornee. »
Les dames q’ errerent[97] par nuit
250Mout en eürent[98] grant desduit,
Les deuz amantz, qant l’ œvre[99] surent,
E ceux qe balauncé l’eürent.
Le[100] chevaler ala e vynt :
Unq[101] plus à la veille n’avynt,
255Q’el[102] levast puis qe fu cochée ;
Qant ly sovynt de sa haschée,
N’avoit talent de hors aler[103] ;
Unqes puis taunt n’ oy[104] crouler
Le covertour, qe se remust
260Pur nulle besoigne q’ ele[105] eüst.

Pur ce est droit qe mal purchace
Qe à[106] la foiz mal à ly face.
Ataunt finist sauntz nulle[107] fayle
De la veille e de la corbayle.

Explicit.

  1. XLVII. — Du Chevalier a la corbeille, p. 183.

    Publié par M. Fr. Michel, à la suite de Gautier d’Aupais, Paris, 1835, p. 35-44.

    [Nous avons essayé, pour ce fabliau et le suivant, de rendre aux vers leurs huit syllabes réglementaires ; mais les corrections à faire à ces vers anglo-normands sont si nombreuses qu’on peut se demander s’il n’eût pas été préférable de laisser les vers tels quels.]


  2. Vers 2 — * Del ; ms., De le — * à ; ms., e.
  3. 4 — vous, lisez vus.
  4. a et b 8 et 147 — * grande ; ms., grant.
  5. 9 — * ne se ; ms., il ne se.
  6. 14 — * Meson ; ms., Mesone. — * ne ount ; ms., n’ount.
  7. 16 — * qe autre ; ms., qu’autre.
  8. 17 — * seigneur ; ms., chevaler.
  9. 21 — « E » manque dans le ras.
  10. 22 — * q’el ; ms., qe ele.
  11. 25 — aüst, lisez aust.
  12. 26 — peüst, lisez pust.
  13. 34 — * N’uncor ; ms., Uncore ne.
  14. 37 — * talvace ; ms., talevace.
  15. 38 — * Si ; ms., Et si.
  16. 39 — * q’el ; ms., qe ele.
  17. 40 — « le » manque au ms.
  18. 42 — « tus » manque au ms.
  19. 43 — « bien » manque au ms.
  20. 47 — * s’avoit ; ms., se avoit.
  21. 49 — « forment » manque au ms.
  22. 50 — * veir ; ms., vere.
  23. 52 — * pas ; ms., mie.
  24. 53 — * Son ; ms., Eynz son.
  25. 54 — * al ; ms., à le.
  26. 57 — * D’un ; ms., De un.
  27. 58 — « il » manque au ms.
  28. 59 — * Les ; ms., Et les.
  29. 62 — * le y ; ms., ly.
  30. 64 — * el l’avoit ; ms., ele le avoit.
  31. 72 — * Q’el ; ms., Qe ele.
  32. 74 — * s’el eüst ; ms., si ele ust.
  33. 77 — * ses ; ms., ces.
  34. 78 — * el ; ms., en le.
  35. 80 — « Qe » manque au ms.
  36. 82 — * medicine ; ms., la medicine.
  37. 86 — « par » manque au ms.
  38. 96 — « trés » manque au ms.
  39. 97 — * el ; ms., ele.
  40. 99 — * peüsse ; ms., pusse.
  41. 100 — * en eüsse ; ms., usse.
  42. 101 — Ce vers nous paraît incompréhensible.
  43. 105 — * peüst ; ms., pust.
  44. 107 — et, lisez e.
  45. 108 — * Q’uncore ; ms., Qe uncore.
  46. 110 — « or » manque au ms.
  47. 112 — * estoyez ; ms., vous estoyez.
  48. 115 — « mès » manque au ms.
  49. 120 — « dount » manque au ms.
  50. 121 — Atant, lisez Ataunt.
  51. 122 — * De l’oriller ; ms., De le oriller.
  52. 123 — * Fust la veeille molt ; ms., Molt fust la veeille.
  53. 124 — * n’avoit ; ms., n’out.
  54. 134 — « bien » manque au ms.
  55. 136 — * Pensa qe ; ms., E pensa qe ce.
  56. 138 — * Priveement ; ms., Privément.
  57. 141 — * Qi estoit ; ms., Q’estoit.
  58. 143 — * cochee ; ms., cochié.
  59. 144 — * à celee ; ms., tot à celee.
  60. 148 — * Greaunta ; ms., Graunta.
  61. 154 — * s’ert ; ms., se s’ert.
  62. 156 — * s’oblia ; ms., se oblia.
  63. 157 — « E » manque dans le ms.
  64. 160 — « tost » manque dans le ms.
  65. 165 — * denz ; ms., dedenz.
  66. 166 — * sakee ; ms., saké.
  67. 167 — * le ount ; ms., l’ount.
  68. 173 — * l’aviegnement ; ms., le aviegnement.
  69. 175 — * le entendoit ; ms., l’entendoit.
  70. 176 — * guerredoun ; ms., guerdoun.
  71. 184 — * out ; ms., avoit.
  72. 186 — * Un ; ms., Un soul.
  73. 188 — * Et que soul ; ms., Le covertour que.
  74. 189 — * Le ; ms., Comme le.
  75. 190 — * E le covertour fist ; ms., Le covertour comença.
  76. 191 — * Lors la maveise ; ms., La maveise veille.
  77. 193 — * l’oie ; ms., le oie.
  78. 194 — « me » manque dans le ms.
  79. 199 — * Ne fist ; ms., Qe il ne fist.
  80. 200 — * Sout ; ms., Bien sout.
  81. 205 — * d’une ; ms., de une.
  82. 206 — * d’art ; ms., de art.
  83. 208 — * q’unqe ; ms., qe unqe.
  84. 209 — * N’ala ; ms., Ne ala.
  85. 210 — * maveise ; ms., veille.
  86. 212 — * d’aler ; ms., de aler.
  87. 221 — * del ; ms., de le.
  88. 222 — * li esqier ; ms., l’esqier.
  89. 227 — * n’ala ele à tiel ; ms., la veille ne alla à tiele.
  90. 229 — * tel peyne e en tel ; ms., tele peyne e.
  91. a et b 230 et 231 — * L’ont ; ms., La ont.
  92. 232 — * l’eye ; ms., la eye.
  93. 234 — « trop » manque au ms.
  94. 238 — * el ; ms., ele.
  95. 240 — * hordely ; ms., hordly.
  96. 244 — * com ; ras., come.
  97. 249 — * q’errerent ; ms., que errerent.
  98. 250 — * eürent ; ms., urent.
  99. 251 — * l’oevre ; ms., le oevre.
  100. 253 — * Le ; ms., Ensi le.
  101. 254 — * Unq ; ms., Unqe. — * n’avint ; ms., ne avint.
  102. 255 — * Q’el ; ms., Qe ele.
  103. 257 — * aler ; ms., issyr.
  104. 258 — * n’oy ; ms., ne oy.
  105. 260 — * q’ele ; ms., qe ele.
  106. 262 — « à » manque au ms.
  107. 263 — « nulle » manque au ms.

XLVIII

LE DIT DE LA GAGEURE

British Museum, Man. Harleien, no 2253
fo 118 ro.[1]

1
Une fable vueil comencer,
Que je oy l’autr’er counter,
De l’Esquier e la[2] Chaunbrere
Que comence en ytiel[3] manere :
5Un chevaler jadis estoit
Que une trés bele femme avoit ;
Ele[4] n’amoit pas soun lygnage ;
De ce ne fist ele que sage.
Son frere estoit son esquier ;
10Si ly servy de tiel mestier
Come à bon[5] esquier apent,
E la dame tout[6] ensement
Avoit une sue cosyne
Qe molt estoit gente meschyne ;
15E l’esquyer la daunoa,
E de molt fyn cuer l’ama[7].
Mès[8] avynt issi par un jour
L’esquier[9] la requist d’amour,
E cele à sa dame tost[10] counte
20Que[11] l’esquier requist sa hounte.

E dit la dame : « Savez bien
Qu’il vus ayme sur tote rien ?
— Oïl, certes, ma douce[12] dame ;
Ce me jure il toudis[13] par s’aime.
25— Or arere, fille[14], tost va,
E ditez vostre amour ne avéra,
Quar vus ne poez bien[15] saver
Qu’il vus ayme de cuer enter,
S’ il[16] ne vus feïst une rien.
30Et de ce vus asseurist bien,
Vo[17] cul beiser premerement,
Si que ne sache pas la gent ;
Et, quant avéra toun cul beisé,
De toi fera[18] sa volenté,
35E puis me dirrez la verte[19]
Quant il vus avéra ce graunté. »
La pucelle n’a[20] oblié ;
A l’esquier est repeyré
Que ele[21] li dit tot son talent.
40La pucele dit erralment
Que ne[22] puet crere ne quider
Que il[23] l’ayme de cuer enter ;
Pur ce, s’il[24] velt s’amour aver,
S’il li covent son cul beyser,
45Et se ensi privéement[25]
Ne soit[26] aparsu de la gent,
« Quar de ce n’avérez ja blame.
— Molt[27] volenters, » fet il, « par m’alme !
Or tost terme me i[28] metez.
50— Tantost, » fet el[29], « si vus volez,

Là sus en icel grant[30] jardyn ;
Desouz le perer Jahenyn
Alez, e ilec[31] m’atendez :
Je y vendroi, se bien[32] sachez. »
55Li esquier[33] avant ala,
E la pucele retorna
A sa dame ; si l’a countee,
Que molt ad joie démenée,
A l’esquier la envoia,
60Et à soun seigneur meisme[34] ala,
Ou bele chere, ou bel semblant :
« Sire, » fet el[29], « venez avaunt ;
Si verrez pur voir[35] vostre frere
Beyser le cul de[36] ma chaunbrere !
65— Certes, » dit il, « je ne quid raie
Qu’il fereit[37] tiele vyleynie.
— Si fera il[38], par seint Martyn ;
Ce mettroi un tonel de vyn, »
La gagure ount il[39] affermee
70E as fenestres sunt alee.
La damoisele se est venue
A l’esquier, que la salue ;
Yl leve sus les dras derer,
Puis pensout si à bon mester
75Li esquier[33] à soun voler
De l’affere ne voelt[40] failler.
Yl sake avaunt un[41] bon bordoun,
Si l’a donné en my le coun,
Un gros vit et long[42] et quarré,
80Si l’ a[43] en my le coun donné ;

Ensi à ly[44] de ces bras l’afferma
Ne[45] poeit gwenchir sa ne là.
Et la dame ly escria
E hastivement li[46] parla
85Ou grosse voiz e longe aieyne :
« Gwenchez, gwenchez[47], gwenchez, puteyne ;
Trestresse[48], Dieu te doint mal fyn !
J’ay perdu le tonel de vyn. »
E ly sire dist[49] en riaunt :
90« Tien tei, leres, je te comaunt,
Frapez la bien e vistement ;
Je te comaund hardiement.
De lower averez, seint[50] Thomas,
Un cheval qe vaudra dis mars !
95Dame[51], or me diez par amour,
Ay je gayné le wagour ?
Vus[52] ne fetez mie que sage
De haier ceux de mon[53] lynage,
Depus qe je molt[54] tendrement
100Aym les vostres[55] entierement. »
Et[56] le prodhome fist son frere
Esposer icele[57] chaunbrere ;
E de[58] pus après ycel jour,
Ama la dame[59] par tendrour
105Ceux que soun seigneur bien[60] ama,
E molt de cuer les honora.
De la Chaunbrere et l’Esquier
Ne est[61] ore plus à treter.


  1. XLVIII. — Le Dit de la Gageure, p. 193.

    Publié par Sir Francis Palgrave, Londres, 1818, in-4o, et par M. Fr. Michel, Paris, Silvestre, 1850, in-8o.


  2. Vers 3 — * De l’esquier e la ; ms., De un esquier e une.
  3. 4 — * ytiel ; ms., ytiele.
  4. 7 — * Ele ; ms., Mès ele.
  5. 11 — « bon » manque au ms.
  6. 12 — « tout » manque au ms.
  7. 16 — la ama, lisez l’ama. — Il faut corriger autrement ce vers.
  8. 17 — « Mès » manque au ms.
  9. 18 — * L’esquier ; ms., Que l’esquier.
  10. 19 — « tost » manque au ms.
  11. 20 — * Que ; ms., Coment.
  12. 23 — « douce » manque au ms.
  13. 24 — « toudis » manque au ms.
  14. 25 — « fille » manque au ms.
  15. 27 — « bien » manque au ms.
  16. 29 — * S’il ; ms., Se il.
  17. 31 — * Vo ; ms., Vostre.
  18. 34 — * fera ; ms., fra.
  19. 35 — * verte ; ms., verité.
  20. 37 — * n’a ; ms., ne s’est.
  21. 39 — « ele » manque au ms.
  22. 41 — Que ne ; ms., Que ele ne.
  23. 42 — * Que il ; ms., Qu’il.
  24. 43 — * s’il ; ms., si il.
  25. 45 — * ensi privéement ; ms., si privément.
  26. 46 — * Ne soit ; ms., Qu’il ne soit.
  27. 48 — « Molt » manque au ms.
  28. 49 — « i » manque au ms.
  29. a et b 50 et 62 — * el ; ms., ele.
  30. 51 — * icel grant ; ms., cel.
  31. 53 — * ilec ; ms., ileque.
  32. 54 — « bien » manque au ms.
  33. a et b 55 et 75 — Li esquier ; ms., L’esquier.
  34. 60 — * meisme ; ms., meismes.
  35. 63 — « pur voir » manque au ms.
  36. 64 — « de » manque au ms.
  37. 66 — * fereit ; ms., freit.
  38. 67 — * fera il ; ms., frez.
  39. 69 — « il » manque au ms.
  40. 76 — * l’affere ne voelt ; ms., son affere ne voldra.
  41. 77 — « un » manque au ms.
  42. 79 — * et long ; ms., long.
  43. 80 — * l’a ; ms., ly a.
  44. 81 — * Ensi à ly ; ms., Si l’a ensi à li.
  45. 82 — * Ne ; ms., Qu’ele ne.
  46. 84 — * li ; ms., à li.
  47. 86 — * Gwenchez, gwenchez ; ms., Gwenchez, tres tresse.
  48. 87 — * Trestresse ; ms., Gwenchez.
  49. 89 — * dist ; ms., ly dist.
  50. 93 — * seint ; ms., par seint.
  51. 95 — * Dame ; ms., Or, dame.
  52. 97 — * Vus ; ms., E dame, vus.
  53. 98 — * de mon ; ms., qe sunt de mon.
  54. 99 — « molt » manque au ms.
  55. 100 — * vostres ; ms., vos.
  56. 101 — « Et » manque au ms.
  57. 102 — * icele ; ms., cele.
  58. 103 — « de » manque au ms.
  59. 104 — * Ama la dame ; ms., La dame ama.
  60. 105 — « bien » manque au ms.
  61. 108 — * Ne est ; ms., N’est.

XLIX

LA VEUVE

Bibl. de Turin, Man. fr. L. v. 32.[1]

1
Sangnour, je vous velh chastoyer.
Ne devons[2] aler ostoyer
En un ost d’ont nus[3] ne retorne ?
Saveis cornent on les atorne,
5Chiaus ki sont en cel ost[4] semons ?
On les lieve sor .II. limons ;
Si les porte[5] on de grant ravine
Vers le mostier, pance sovine[6],
Et sa feme[7] le siet après.
10Chil qui à li montent[8] plus près
Le tiennent, par bras et par mains,
Des pames batre, c’est do mains,
Car ele crie à haute vois :
« C’est merveilhe comment je vois,
15Dulce dame[9], sainte Marie,
Con sui dolante et esmarie.
Ja Diés ne doinst con je tant voie[10]
Ke je repas par[11] ceste voie ;
Si soie avec mon sangnour mise,
20Cui je avoi[12] ma foi promise.

Mult m’est ceste vie aspre et sure[13] ;
C’est merveille comment je dure ! »
Devant l’entrée del mostier,
Là recommence son mestier[14]
25De criher haut et durement.
Et li prestres isnelement,
Ki convoite l’offrande[15] à prendre,
Reuve les chandoiles esprendre,
Ne ne fait pas longes trioles[16],
30Car ilh convoite les chandoiles.
Cant li services[17] est finés,
Et li cors ensi atorneis
K’ilh est couchiés, toz en envers[18],
En terre noire avec les vers,
35La dame cort[19] après salhir.
Ki dont le veïst[20] tressailhir
Et les oelz ovrir et clugnier[21],
Et l’un poing en l’autre fichier,
Il desist[22] bien, selonc mon sens :
40« Ceste puet bien perdre son sens[23]. »
Cant li cors fu en terre mis[24],
Es vos entor li ses amis
Ki tost le ramoinent ariere[25]
Et si[26] le tienent par deriere
45Et à son hostel[27] le ramainent.
Si voisin, ki entor li[28] mainent,
Li font boire de l’aigue froide,
Por ce que ses duez li refroide[29].
A l’entrée de sa maison,
50[30] recommence sa raison

De crier haut et durement[31] :
« Vrai Diex ! que j’ai le cuer dolant !
Sire, qu’asteis vos devenus ?
Vousn’esteis mie revenus ?
55Sire[32], con vos m’esteis enblez !
Con nostre avoirs estoit[33] dobleiz
Et que no choze nos venoit[34],
Et con ilh vos bien avenoit
Aler contreval vostre[35] cort !
60Con vos seioient vo drap cort,
Sire ! Ousi[36] faisoient li nuef,
Ki furent fait à l’an renuef[37].
Ahi ! con j’ai[38] awant songié,
Encor ne l’aie je annonchiet[39],
65De lais songes et de hisdeus[40] !
A bien le m’avertisse Deus !
Sire, encor songoie l’atr’yer[41]
Ke vos astiés en ce mostier ;
S’astoient andui li hus cloz.
70Or astez vos en[42] terre encloz !
Chist songes est bien avoiris[43].
Si songai que astiés[44] vestis
D’une grande[45] chape à piron ;
En cele aiwe faisiés le[46] pion,
75Ains puis ne reveniés desore ;
Or astez mors en mult pou d’ore[47].
Et puis me vint[48] en mon avis.
Mais je le conte mult envis,
Chaiens venoit .I. colenbiaus,
80Ki mult estoit et gens[49] et biaus,

Ki s’asioit dedens mon soing[50],
Et cest assiet refaisoit soing ;
Mais[51] ne sai que ce senefie,
Sire, à ceste darraine fie[52]. »
85Dont commence[53] li runemens,
Li conseil et li parlemens[54]
Des parentes et des cusines,
Et des vechiens[55] et des voisines ;
Si li dient : « Ma dulce amie[56],
90Or ne vos desconfortez mie,
Mès lessiés tot ce duel ester ;
Penseis de vos remarier.
— Remarier ? Male[57] aventure !
Teneis en pais, je n’en ai cure. »
95L’autres dist : « Ma belle done[58],
Vos reprendereis un preudome[59]
Ki ne sera faus ne lechieres. »
Ki dont le veïst faire chieres[60]
Et respondre par maltalent :
100« Certes[61], je n’ai de ce talent :
De Damedeu soit ilh maudis,
Ki jamais me dira tez dis[62],
Car ne moi vienent pas à bel. »
Or maudist ele son lembel[63].
105Or vos lairons chi de la dame[64],
Qui conte son duel et son dampne ;
Si dirons après de celi[65]
Ki ne volt faire bien ppr li.
Ilh fu meneis[66] à la grant cort,
110Où on le fist[67] tenir mult cort ;

Se ilh ne sout[68] rendre raison,
On le prent[69] à poi d’ocoison.
Sovent regratoit[70] sa maisnie,
Cui ilh avoit suëf norrie[71],
115Et ses parens et ses annis[72],
Où il avoit son avoir mis,
Et si huce[73] à dolente chiere
Sa molhier, qu’il tant avoit[74] chiere.
Mais la dame est en autre point ;
120Une dolors al cuer li point,
Ki le sorlieve en contremont,
Car li doiens le resomont,
Ki desire à mangier char crue,
Ki n’est de paon ne de grue,
125Ains est des andoilles pendans[75]
Où li plusor sont atendans[76].
La dame n’a mais de mort cure,
Ains soi reblanchoie[77] et rescure.
Et fait janise et molekins[78].
130Et redrece[79] ses raverquins
Et seurcos jusc’as acorez[80],
Et commence ses estivez[81].
Et veste reube à remuyers[82].
Ausi con uns ostoirs[83] muiers
135Ki se va par l’air enbatant[84],
Se va la dame deportant,
Mostrant son cors[85] de rue en rue ;
Mult simplement les gens[86] salue
Et les encline jusqu’en terre.
140Mult souvent clout la boce et serre ;

Or[87] n’est ele pas perecheuse,
Dure ne aspre[88] ne tencheuse,
Ains est[89] plus dolce que canelle,
Et plus tornans et plus isnele
145Ke ne soit rute[90] ne venvole ;
Avec les œlz li cuers s’en vole[91].
Or vos ai dit de sa manire[92],
Con faitement elle se mire[93].
Or vos raconterai[94] briément
150Un petit de son errement[95].
Le lundi[96] comence son œvre :
Dont n’encontre blonde[97] ne noire
K’ele ne[98] face à li entendre,
Por tant[99] k’ele le vœlhe atendre.
155Mult est or[100] ses corages liez ;
Ele[101] l’envoie en plusor liez
Où on n’a gaires de li cure.
La nuit n’est onkes si oscure[102]
Ke ses cuers ne voist en nuiere[103],
160Et[104] dist sovent : « Ce m’est aviere,
Je avenrai[105] bien à celui ;
Il a mult bial valet[106] en lui,
Et chil n’aroit cure de mi ;
S’or[107] enparolent mi ami ;
165Et chil autre ne[108] m’aroit œz,
Il n’a mie valhant douz œz ;
Chil est trop haus et chil trop viés[109].
Je poroie bien faire miés. »
Ensi toute nuit estudie,
170Car ilh n’est ki li[110] contredie,

Et, cant ce vient la matinée,
Si dist : « De bune œre fui née
Ke n’ai mais privé, ne estrange[111],
...........
175Ne brun, ne blanc, ne bis[112], ne roz ;
Or est mes chenevaus[113] derous. »
Or n’a ele soing de lochier[114],
Ne de plaidier ne de closcier,
Ains se fait mult et clere et saine.
180Sovent pour le blanchir se saine,
Et, s’ele a la teste chenue,
A mult envis la porte nue ;
Ains se fait sovent sage et simple,
Et si remet avant sa guimple
185Por ses viez grates recovrir
Ki rasemblent az œs ovrir.
Or[115] n’a ele soing de repunre ;
Il ne l’estœt mie semonre,
S’on fait noces, qu’ele n’i soit ;
190Or n’a ele[116] ne fain ne soit ;
Or ne li faut fors que li rains[117]
Ki le mal li lache des rains ;
Celui acquiert[118] bien et porcace.
Ses enfans en sus de li chace
195Et bece ausi con la geline
Ki desouz[119] le cok s’ageline ;
Nuitons devient, ses escalchire[120],
Et si[121] fait chandoiles de cire,
K’ele offre par us et par nombre,
200Ke Dex des enfans le descombre

Et ke la pute[122] mors les prengne :
« Por eus ne trui je qui me prengne[123] ;
A ! qui[124] s’i oseroit enbattre. »
Dont[125] se reva à iauz conbattre,
205Si fiert, et grate, et pice, et mort[126],
Et les[127] maudist de male mort.
Ce fait la dame, et plus aseis ;
Car[128], s’ele a deners amasseis,
Volentiers avec li les porte.
210Et[129] dist : « Uns lions devers la porte
Me les paya[130] dès huy matin. »
Puis nome Tybert et Martin,
Ki l’en doient encore .VII. tans[131],
Et si li paieront par tans[132],
215« Mon essient, ains[133] .XV. dis. »
Mult se fait rice par ses dis,
Et, s’ele encontre nouveliere[134]
Ki d’annonchier soit costumiere[135],
Lors[136] s’acoste dejoste li,
220Et se li dist : « Ce poise mi,
Ke[137] ne sui auques vostre acointe.
Car vos n’esteis mie trop[138] cointe ;
Si vos ai grant piecha amée,
Et si me sui sovent[139] esmée
225D’aler o[140] vos esbanoyer ;
Il ne vos doit pas[141] anoyer
Se je parole un poi à vos,
Car vos deveis monter à nos,
Ce me soloit ma mere[142] dire ;
230Mais je ai en mon cuer grant ire[143]

De mon sangnour que j’ai perdu ;
Mais mi ami m’ont deffendu
Ke je laisse mon[144] duel ester,
Car je n’i puis rien conquester.
235Certes, mes sires m’iert[145] mult bons,
Il[146] me faisoit mult de mes bons
Et de chaucher et de vestir[147] ;
Il m’avoit fait ja ravestir[148]
De sa maison et de son estre.
240Il avoit mult le cuer honeste,
Mais ilh n’avoit point le delit
Ke li preudome ont en lor lit[149] :
Car, cant mes sire[150] astoit couchiés,
M’ert ses eus en mon sainch[151] fichiés.
245Là s’endormoit tote la nuit[152],
Si n’en avoi autre deduit ;
Ce me devoit mult enuier.
Certes ja nel vos quier[153] noier,
Mes sires s’est[154] d’avoir sopris
250Anchois que je l’euuisse pris,
Et j’astoie[155] une baiselette
A une tenre mamelette[156],
Et vos astiés uns enfanchons
Ausi petis[157] com uns pinchons ;
255S’aliés corant après vo mere
Ki à la moie[158] estoit commere ;
S’ame soit hui[159] en bon repos !
J’ai asseis et pailes[160] et pos,
Huges, et sieges, et chailis[161].
260Blances cuetes et dras de lis,

J’ai assez dras lingnes et langnes[162],
Si ai encor de douz lanages[163],
De la grosse, de la menue.
Ma maison n’est mie trop nue,
265Ains i pert, al dire de maint[164],
Que preude femme et riche i maint,
Car, certes, j’ai mult bel harnais[165].
Je ai encor tez .II. benais[166],
Li uns en fu fais al viés tor[167],
270A l’or[168] reverseit tot entor ;
Mes sires l’avoit forment chier.
Mais je n’ai cure d’anunchier
Se j’ai ce ke[169] Dex m’a doné.
Vos conissez bien Deudoné,
275Et aussi faites vos[170] Herbert,
Et Balduin, le filh Gobert ?
Saveis vos riens[171] de lor afaire ?
One n’i[172] veuc mariage faire ;
Mais c’est merveilhe de la gent :
280On quide en tel liu de l’argent
[173] il n’en a mie plenté ;
Li plusor sunt mult endeté,
Mais[174] je sui riche femme à force[175].
On voit asseiz del fust l’ascorce,
285Mais on ne seit qu’il a dedens ;
Lors avoirs va aussi ke vens[176].
Mais li miens est bien apparans.
Je fais asseis de dras par ans,
Et si sui preude feme et sage.
290S’ai awant eu maint message[177]

De plusors[178] qui sont ci parent ;
Li melhor en sont no parent[179].
Enne, connissiez vos Gomer ?
Celui ose je bien nomer ;
295Por Gomer ne le di je mie,
Mais je vos dirai, dulce amie,
L’atrier[180] me dist une devine,
Ki me fîst estaindre sovine
Et muchier parmi un chercel[181],
300Ke je[182] aroie un jouvencel,
Car, certes[183], j’ai mult bel avoir
Por un bel jovenciel[184] avoir.
Dulce[185] amie, penseis de mi ;
S’il n’y avoit nul vostre ami[186],
305Ki auques fust preus et seneiz,
Il seroit mult[187] bien asseneis.
Et vos, soiés preus et senée,
Car s’astoi[188] par vos assenée,
Vos en ariés bon guerredon.
310Se Diex me face vrai pardon.
Mais je ne vos voelh[189] tant prometre
C’onques ne m’en soch entremetre[190] ;
Mais sachiés mult bien, tot[191] de fit,
Se la chose torne[192] à profit,
315Vos[193] en sereis mult bien chauchie.
Or prendez garde en la Chauchie[194]
Et en Essem[195] et en Nœf-borc,
Quels est li fiz dame Guibort,
Et li fiz sangnour Godefroit[196] ;
320Il se fist avant ier mult froit,

Cant on l’aparla d’Issabel.
S’ilh vos devoit venir[197] à bel,
Je ne m’en departisse anuit,
Mais je crein qu’il ne vous anuit.
325Je vos mech jor al diemenche ;
Si sera avec vos[198] Clamence ;
S’arons des[199] pumes et des nois
Et de cel bon vin de l’Onois[200].
Alez à Deu, dame, mais ent[201]
330Revenez moi veoir sovent.
Chil qui maint delez vo maison[202]
Me samble de mult grand raison ;
Il m’a awant mult regardée[203],
Mais je me[204] sui mult bien gardée
335C’onques vers lui ne me tornai[205].
I maint uns preudons à Tornai,
Ki m’appartient de par mon pere,
Si m’a parleit[206] d’un sien compere,
Ki est et riches et manans[207]
340Et est mult près de lui manans,
Mais il est vies, ce m’at on dit ;
Si[208] l’ai awant asseis maudit,
Car, foi que doi à Saint Linart[209],
Suer, je n’ai cure de vielhart.
345Et, puis qu’il vient à la bescosse[210],
Je n’ai cure de garbe scose.
Or vous dirai d’un mien parent[211] ;
Il[212] ne maint mie chi parent :
Il me voloit rendre[213] converse… »
350Cele le fiert à palme enverse[214],

Et à ce mot[215] si s’en depart,
Et cele s’en va[216] d’autre part
Ki en maint liu le dist et conte.
Or en orés par tens[217] le conte,
355Con faitement la dame esploite,
Car Golyas forment le coite[218]
Et li maus[219] dont ele est esprise,
Qu’ele en a un sachiet[220] à prise ;
Puis qu’ele[221] le tient en ses las,
360Il se puet bien tenir por las[222].
S’il ne sait auques d’enviaus.
S’il n’est[223] remuans et isniaus.
Et s’il ne sait bien cottener[224]
Et bien froier et cropencr,
365Il iert al matin[225] mal venus ;
De ce ne li puet aidier nus,
Qu’il n’ait sa loche[226] mal lavée
Tantost con la dame iert[227] levée.
Or[228] est li cas batus en l’estre.
370Or commence li maus à naistre[229]
Et la noise[230] et li reprovier :
« Nos avons chaiens .I. brehier[231],
Un defeü, un dehuré[232] !
Haï ! com Demedex me heit,
375Ki tant ou de preudomes chiés[233],
Et de cortois et d’ensigniés ;
Si pris un[234] chaitif par nature.
Tot chil aient malaventure
Qui m’en fisent assenement[235].
380Car[236] ilh m’ont mis en grant torment.

Il ne demande autre dangier
Con de dormir et de mangier :
C’est ses deduis[237] et ses depors.
Toute[238] jour ronke con .I. pors ;
385Et ne sui je bien[239] mal venue
Tant ilh me sent delez[240] li nue,
Et ilh se torne d’autre part.
A poi[241] ke li cuers ne me part.
Sire, ce ne faisiés vos mie,
390Ains m’appeliés trés[242] dulce amie,
Et je vos appeloie ami ;
Dont vos retourniés devers mi[243],
Si me baisiés mult dolcement
Et disiés al comencement :
395« Ma bele dulce kastelaine,
Con vos avez dulce l’alaine[244] ! »
Et chiz ribauz me tieht plus vil
Ke le fumier de son cortilh.
Je ne le doi gaires amer[245],
400Car fuist il ors ultre la mer ! »
Et chil[246] respont à cele fois :
« Dame, vos astez en defois,
Je vous aïre[247] mult envis,
Car trop aveis torble[248] ce vis.
405On ne puet mie[249] totans faire.
Ce savez bien, icel afaire ;
Quez dyables[250] feroit tot tans !
En non Dieu, je sui recreanz :
Se[251] vilain ont biaz bues par hores,
410Si ne sont mie[252] tos tans mores ;

On peut bien si destraindre l’ive[253],
K’ilh n’i a sève ne salive.
Si m’avez destraint et sachié[254]
Ke vos m’avez à mort jugié[255]
415Et ke, bien veoir le poés[256],
On dist que je sui craventés ;
Ce est voirs, par sainte Marie.
Trop[257] a li bons la char hardie,
Cui li dyables sy[258] sorprent,
420Ke vielhe[259] feme à enfans prent,
Car il n’iert ja[260] .I. jor sans lime.
Venez avant, ma dame grime,
Si me paiés[261] les .XXX. mars
Ke me promesistes domars
425Entrosque je[262] fesoie l’euvre
Où ilh covient la crupe mure[263].
— Aï », fait ele, « fouz couvers[264],
Vous deuuistes[265] iestre convers
U rendus à[266] une abeïe !
430Voir, je devroi estre banie[267]
Cant je lessai por vos Jehan,
Ki a sa terre et son ahan,
Et Godefroi et Balduin,
Et Gillebert et Focuin[268] ;
435Si pris trestot le plus malvais
Ki soit d’Orliens jusqu’à[269] Bialvais.
Tant m’aveis tolut et emblez[270],
Ke n’ai mais avaine ne bleiz ;
Bien est ma maison escovée.
440Vous astez d’une orde covée,

Car je conoi bien vo parentes,
Les chaitives et les dolentes,
Et vos serors et vos aintains
Ki toutes sont ordes putains ;
445Et ne fu cele vo cusine,
Et tante fois a jut sovine
Ki out .XIIII. enfans d’un prestre ?
Vos ne deveiz mie[271] bons estre. »
A ce mot li preudons li saut ;
450Ilh ne dist mie : « Dex vos saut »,
Ains le saisi par ses linbars,
Se li done des esclubars ;
Tant li promet et tant li done
Ke tous ses dis li gueredone.
455Cant ilh l’en ot doneit asseis,
Tant qu’il fu sus, lens et lassés,
La dame en sa chambre se muce,
Tot sans chapel et sans amuce ;
Là suce ses couz et repose,
460Et dist sovent à chief de pose :
« Leres, con vos.m’aveis traïe !
Or m’a Dieu la mort otroïe,
Et si me mete en tele voie
Où je l’ame mon sangnour voie,
465Et ke la moie le porsiuue
Et k’ele soit avec la siuue ! »
A tant defent l’uis à ovrir,
Et si se fait bien chaut covrir.
Si[272] fait faire des chaudelès,
470Des restons et des wastelès ;

Si se bangne tant et atempre,
Et main et soir, et tart et tempre,
Ke cele chose est trespassée.
Or est garie et respassée ;
475Ce m’est avis et ce me samble
Qu’andoi sont revenu ensemble.
Tant k’il pora ferir des maz,
Sera tous pardonnez li maus.
Or est li biaus chaz rehuchiez,
480Or n’est ilh ferus ne tochiez,
Ains est li cossins retorneiz
Et li escamès destorneiz ;
Or est ilh amez et servis ;
Or a ilh tot à son devis,
485Et si vos di bien de rechief :
Pitiet de cul trait leus de chief.

Vos, ki les femmes despitiés,
Por Deu vo pri et por pitié,
Sovengne vos à icele hore
490K’ele est desous et vos desore.
De vos qui esteis aduin…
..............
Ne soies de riens en esmai :
Li aduin ont melhor mai
495Ke n’ont li felon combatant,
Ki les noises vont commenchant.
Gauthier li Lons dist en la fin
Ke chil n’a mie le quer fin,
Ki sa femme laidenge et koze,

500Ne ki li demande autre kose
Ke ses autres voisines font.
Je n’en vuelh parler plus parfont.

Explicit.

  1. XLIX. — La Veuve, p. 197.

    A. — Turin, L. V., 32 ; fol. 167 ro à 170 vo.

    B. — Paris, Bibl. nat., Mss. fr. 2168, fol. 91 vo à 94 vo.


    Publié, d’après le ms. A, par M. Aug. Scheler, une première fois dans les Annales de l’Académie d’archéologie de Belgique, XXII, 477-502 ; et une seconde fois dans les Trouvères belges du XIIe au XIVe siècle, 1876, p. 225-241, avec le secours d’une copie de Mouchet de la Bibliothèque nationale (coll. Moreau, 1727, Mouchet, 52). Les variantes du ms. B. viennent donc s’ajouter au texte de M. Scheler et au nôtre. — Ce fabliau a été donné en extrait très-court par Legrand d’Aussy, III, 322-327.


  2. Vers 2 — Ne devons. B, Tout devés.
  3. 3 — En un est d’ont nus. B, En l’ost dont neus hom.
  4. 5 — sont en cel ost. B, en cele ost sont.
  5. 7 — * porte. A, port. — B, Si les portent l’ierbe soavine.
  6. 8 — pance sovine. B, de grant ravine.
  7. 9 — fame. B, molliers.
  8. 10 — * montent. A, monte.
  9. 15 — Dulce dame. B, Bele dame.
  10. 17 — B, Ne place Diu que je tant voie.
  11. 18 — Ke je repas par. B, Ke je repair de.
  12. 20 — Cui je avoi. B, Cui j’avoie, leçon qu’il faut adopter.
  13. 21-22 — B :

    Ensi vait acontant ses fables,
    Ki ne sont mie veritables.

  14. 23 — B, Dont recommence son mestier. — Le vers 23 devient alors dans B le vers 24. (Note de Wikisource : Le vers est déjà 24)
  15. 27 — Ki convoite l’offrande. B, Ki l’ofrende desire.
  16. 29-30 — B :

    Quant il li a fait le pardon,
    Dont cante de molt grant randon.

  17. 31 — services. A, service.
  18. 33 — * toz en envers. A, toz en evers. B, trestaus envers.
  19. 35 — La dame cort. B, Dont veut la dame.
  20. 36 — veïst. B, verroit.
  21. 37 — B, Et les puins ensamble encugnier.
  22. 39 — desist. B, diroit.
  23. 40 — son sens. B, le sens.
  24. 41-42 — Ces deux vers manquent dans B.
  25. 43 — B, Ensi le resacent arriere.
  26. 44 — Et si. B, Li doi.
  27. 45 — Et à son hostel. B, Ki jusqu’à l’ostel.
  28. 46 — entor li. B, près de li.
  29. 48 — B, Por çou que li dex li refroide.
  30. 50 — Là. B, Dont.
  31. 51-52 — Ces deux vers manquent dans B.
  32. 55 — Sire. B, Por Diu.
  33. 56 — nostre avoirs estoit. B, estait vos avoirs.
  34. 57 — B, Dix, com vo cose vos venoit.
  35. 59 — vostre. B, cele.
  36. 61 — Sire ! Ousi. B, Car ausi.
  37. 62 — Après ce vers, B ajoute :

    Agace, bien le m’avés dit !
    Hairons, con je vous ai maudit,
    Ki tant avés awan crié !
    Kien, con avés sovent ullé !
    Geline, bien le me cantastes !
    Anerais, con vous m’encantastes
    Ke ne conjurai mon ami
    Por Diu k’i revenist à mi;
    Se nus mors hon le pooit faire,
    Je li ferai son treu tel faire.

  38. 63 — Ahi ! con j’ai. B, Dix ! con jou ai.
  39. 64 — annonchiet. B, noncié.
  40. 65 — B, Songes et vilains et hontex.
  41. 66 — B, Sire, je songoie avant ier.
  42. 70 — vos en. B, en la.
  43. 71-72 — Ces deux vers qu’on retrouve plus bas dans B sont ici remplacés :

    Puis resongoie après en oire :
    Vous aviés une cape noire.

  44. 72 — * que astiés. A, que vos astiés.
  45. 73 — * grande. A, grant. — B, Et unes grans bates de plont.
  46. 74 — le. B, un.
  47. 76 — On lit dans B, après ce vers, les huit vers suivants, dont les deux premiers sont les vers 71-72 de A.

    Cis songes est bien avertis ;
    Je songai vous estiés vestis
    D’une grant cote à caperon ;
    En vo main teniés un peron ;
    Si abatiés tout cel assié.
    Sire, quel treu m’avés laissié,
    Jamais n’ert par nul home plains ;
    Bien est drois que vous sovens plains.

  48. 77 — Et puis me vint. B, Puis me revint.
  49. 80 — gens. B, blans.
  50. 81-82 — B :

    Si m’avoloit ens en mon sain,
    Si refaisoit cel aisié sain.

  51. 83 — Mais. B, Jou.
  52. 84 — B, A ceste daeraine fie.
  53. 85 — commence. A, recommence. — runemens. B, parlimens.
  54. 86 — parlemens. B, runemens.
  55. 88 — vechiens. B, nieces.
  56. 89-94 — Ces vers manquent dans B.
  57. 93 — * Male. A, Par male.
  58. 95 — B, En carité, ma bele dame.
  59. 96 — Après ce vers, B ajoute :

    Ki ceste maison maintenra
    Et en cest avoir enterra.

  60. 98 — B, Ki li verroit faire les ciercs.
  61. 100 — Certes. B, Dames.
  62. 102 — Me dira tez dis. B, maintenra ces dis.
  63. 104 — lembel. B, musel ; cf. plus bas v. 131.
  64. 107 — B, Si rediroumes de celui.
  65. 109 — fu meneis. B, est remés.
  66. 110 — on le fist. B, le fait on.
  67. 111 — Se ilh ne sout. B, S’il ne set bien.
  68. 112 — prent, B, prist.
  69. 113 — Sovent regratoit. B, Il huce et crie.
  70. 114 — B, K’il avoit molt souëf nourie.
  71. 115-116 — Ces vers sont remplacés dans B :

    Por Diu qu’il li viegnent aidier,
    Mais ce ne puet nus souhaidier.

  72. 117 — Et si huce. B, Puis apele.
  73. 118 — qu’il tant avoit. B, k’il avoit molt.
  74. 125 — B, Ains est de l’andoille pendant.
  75. 126 — B, U les plusors vont atendant.
  76. 128 — soi reblanchoie. B, se retifete.
  77. 129 — B, Si fait gausnir son molekin. Cette leçon donne un sens au vers du ms. A, qu’il faut corriger comme M. Scheler : Et fait janir ses molekins.
  78. 130 — redresse, lisez redrece. — B, Et relieve son raviekin.
  79. 131 — Le vers de A, que nous avions corrigé du tout au tout pour lui donner un sens, se lisait ainsi : Et fait cos muscas à corez ; la leçon de B, Si refait musiax à toretes, nous indique qu’il fallait lire : Et fait ces musias à torez. Pour le sens de ce vers il faut se reporter au vers 104, où nous voyons figurer déjà le mot musel, qui semble être le nom d’une parure (peut-être d’une coiffure) de femme. Au vers 104 la femme maudit sa toilette de veuve ; au vers 131, alors qu’elle se pare, elle se hâte de refaire sa parure (ses museaux) à toretes, c’est-à-dire avec des tours (peut-être des frisures).
  80. 132 — B, Et recommence ses tifetes ; cf. le vers 128 où on lit, dans B, retifete.
  81. 133 — B, Si vest les dras à remuiers.
  82. 134 — uns ostoirs. B, li faucons.
  83. 135 — B, Ki se vait à l’ane esbatant.
  84. 137 — Mostrant son cors. B, Et demoustrant.
  85. 138 — les gens. B, la gent.
  86. 141 — Or. B, Dont.
  87. 142 — Dure ne aspre. B, Aspre ne sure.
  88. 143 — « est » manque dans B.
  89. 145 — rute. B, roe.
  90. 146 — B, Aval le[s] ex li cuers li vole. — Après ce vers, B ajoute :

    Ele n’a talent de corcier
    Ne de plaindre ne de groucier,
    Ains se fait molt et sage et simple ;
    Souvent remet avant se guimple,
    Por les joes cretes couvrir
    Ki s’asanlent à l’uel ouvrir.

  91. 147 — Il faut lire manire pour la rime, au lieu de maniere ; B nous donne matire.
  92. 148 — se mire. B, s’atire.
  93. 149 — raconterai. B, aconterai.
  94. 150 — Après ce vers, B ajoute :

    Con faitement ele se mainne
    Le diemence et le semainne.

  95. 151 — lundi. B, deluns. — œvre. B, oire, qui est la bonne leçon, et doit être adopté.
  96. 152 — blonde. B, blance.
  97. 153 — K’ele ne. B, Ke ne.
  98. 154 — Por tant. B, Por çou. — Après ce vers, B ajoute :

    Ensi toute jor va et vient ;
    De mainte cose li souvient.
    Et, quant ele est la nuit coucie,
    Dont commence sa cevaucie.

  99. 155 — B, « or » manque. — liez. B, alius.
  100. 156 — * Ele. A, Et. — plusor liez. B, tant mains lius.
  101. 158 — B, Ja la nuis n’estra tant oscure.
  102. 159 — en vuiere, lisez en nuiere, qui est la bonne leçon, au sens de « rêve ».
  103. 160 — Et. B, Puis.
  104. 161 — Je avenrai. B, J’avenroie.
  105. 162 — * valet. A, valez.
  106. 164 — S’or. B, Se.
  107. 165 — ne. B, me.
  108. 167-168 — Ces vers manquent dans B.
  109. 170 — li. B, le.
  110. 173-174 — La lacune de A est comblée ainsi par B :

    Car je n’ai mais qui me destrange ;
    Je ne creim privé ni estrange.

  111. 175 — blanc ne bis. B, bis ne blant.
  112. 176 — chenevaus. B, cavestres.
  113. 177-186 — Ces vers manquent dans B.
  114. 187 — Or. B, Dont.
  115. 190 — Or n’a ele. B, Ele n’a or.
  116. 191 — B, Il ne li faut ne plus ne mains.
  117. 193 — aquiert. B, porquiert.
  118. 196 — desouz. B, dalés.
  119. 197 — ses escalchire. B, si ses caucire.
  120. 198 — Et si. B, Souvent.
  121. 201 — pute. B, male.
  122. 202 — B, « Je ne truis qui por aus me prenge.
  123. 203 — A, qui. B, Nus ne.
  124. 204 — Dont. B, Puis.
  125. 205 — B, Ses heurte et flert et grate et mort.
  126. 206 — B, « les » manque. — de. B, de le.
  127. 208 — Car. B, Et.
  128. 210 — Et. B, Puis.
  129. 211 — * Me les paia. A, Le mes paia. B, Le vit passer.
  130. 213 — B, Ki encor l’en doivent .II. tans.
  131. 214 — B, K’il li vaurent paiier partons.
  132. 215 — * ains. A, ain.
  133. 217 — nouveliere. B, une parliere.
  134. 218 — B, Ki par ses dis soit nouveliere.
  135. 219 — Lors. B, Si.
  136. 221 — Ke. B, Jou.
  137. 222 — mie trop. B, foie ne.
  138. 224 — me sui sovent. B, sui maintes fois.
  139. 225 — o. B, à.
  140. 226 — pas. B, mie.
  141. 229 — mere. B, dame.
  142. 230 — en mon cuer grant ire. B, molt le cuer plain d’ire.
  143. 233 — mon. B, le.
  144. 235 — m’iert. B, ert.
  145. 236 — Il. B, Si.
  146. 237 — B, Et en caucier et en vestir.
  147. 238 — B, Si m’avoit faite ravestir.
  148. 242 — ont en lor lit. B, font u lit.
  149. 243 — Car, cant mes sire. B, Tantost com il.
  150. 244 — * sainch. A, sairch. — ses eus en mon sainch. B, li eus en l’escourt (?).
  151. 245-246 — Ces vers sont intervertis dans B.
  152. 248 — ja nel vos quier. B, nel vos quier à.
  153. 249 — sires s’est. B, sire ert molt.
  154. 251 — Et j’astoie. B, Et jou ere.
  155. 252 — tenre mamelette. B, crasse maisselete.
  156. 254 — Ausi petis. B, Autretele.
  157. 256 — la moie. B, ma dame. — Après ce vers, B ajoute :

    Jou sui de sa mort trop dolente,
    Kar ele estoit près no parente,
    Foi que je doi Nostre Signor.
    Or vos dirai de mon segnor ;
    Il savoit molt bien gaegnier.
    Et asamber et espargnier.

  158. 257 — hui. B, mise.
  159. 258 — et pailes. B, caudieres.
  160. 259-260 — Ces deux vers sont remplacés dans B :

    Et bons mantias et peliçons,
    Ki furent fait à esliçons.

  161. 261 — langues, lisez langnes.
  162. 262 — B, Et s’ai encore de .II. laignes.
  163. 265 — * al dire de maint. A, al dit de tamaint. — Ce vers, ainsi que le suivant, manque dans B.
  164. 267 — B, Ains i a certes biax harnas.
  165. 268 — benais. A, benaus, qu’il faut sans nul doute lire et corriger henaus, comme le prouve le vers de B : Car j’ai encore .II. hanas.
  166. 269 — Il faut corriger ainsi ce vers : Li uns en fu fais al viés tor. B, Li uns en est fais à viés tor.
  167. 270 — l’or. B, leur.
  168. 273 — ce ke. B, quanques.
  169. 275 — Et aussi faites vos. B, Et si connisciés bien.
  170. 277 — vos riens. B, noient.
  171. 278 — * Onc n’i. A, O ne ni. B, On en vout.
  172. 281 — * Où. A, Or. — n’en a mie. B, n’a gaires de.
  173. 283 — Mais. B, Et.
  174. 284 — B, On puet du fist veïr l’escorce.
  175. 286 — B, Ainsi est il de maintes gens.
  176. 290 — B, Si ai souvent eü mesage.
  177. 291 — * plusors. A, plusor. B, mellors.
  178. 292-296 — B :

    Tex i a qui sont vo parent.
    Mais je n’ai cure de nomer :
    En apartenés vos Gaumer ?
    Mais por Gaumer ne dt je mie,
    Or entendes, ma douce amie.

  179. 297 — L’atrier. B, Anten.
  180. 299 — * chercel. A, chercler. — B, Si m’esgarda en .I. cercel.
  181. 300 — Ke je. B, K’encor. — Après ce vers, B ajoute :

    S’avés noient en vo vinnage
    U il ait auques de linnage ;

    Puis vient une série de vers qui dans A est placée après le vers 330.

  182. 301 — certes j’ai. B, j’ai certes.
  183. 302 — jovenciel. B, valeton.
  184. 303 — Dulce. B, Bele.
  185. 304 — B, Se vos avés nul bel ami.
  186. 306 — seroit mult. B, ert en moi.
  187. 308 — Car s’astoi. B, Se je sui.
  188. 311 — ne vos voelh tant. B, n’ai cure de.
  189. 312 — B, N’onques ne m’en vol entremetre.
  190. 313 — mult bien tot. B, bien trestout.
  191. 314 — torne. B, vient.
  192. 315 — * Vos. A, Tos.
  193. 316 — B, Esgardés en cele caucie.
  194. 317 — * Et en Essem. A, Et Essem. B, Et en Ensaing.
  195. 319-320 — Ces deux vers sont intervertis dans A.
  196. 322 — devoit venir. B, venait auques. — Après ce vers, B ajoute :

    S’en parlissiés couvertement,
    J’ai ci esté molt tongement.

  197. 326 — vos. B, nos.
  198. 327 — S’arons des. B, S’averomes.
  199. 329-330 — Ces deux vers manquent dans B. — Dans ce ms., les vers 331-344 sont déplacés, et viennent à la suite du vers 300.
  200. 331-332 — B :

    Cil me sanle de grant raison
    Ki maint d’autre part vo maison.

  201. 333 — regardée. B, esgardée.
  202. 334 — me. B, m’en.
  203. 335 — me tornai. B, retornai.
  204. 338 — m’a parleit. B, parole.
  205. 339-340 — Ces vers manquent dans B.
  206. 342 — Si. B, Je.
  207. 343-344 — B :

    Foi que je doi saint Lienart,
    Jou n’i averai ja viellart.

  208. 345 — * bescosse. A, bescoelce. — Ce vers, ainsi que le suivant, manque dans B.
  209. 347 — Les deux mss. recommencent à marcher de pair à partir de ce vers.
  210. 348 — Il. B, Ki. — chil, lisez chi.
  211. 349 — rendre. B, faire.
  212. 350 — B, Puis le fiert de le main enverse.
  213. 351 — Et à ce mot. B, Lors s’en torne.
  214. 352 — Et cele s’en va. B, Cele s’entorne.
  215. 354 — Or en orés par tens. B, Huimais porrés oïr.
  216. 356 — B, Geulias tant l’argue et coite.
  217. 357 — maus. B, fus.
  218. 358 — sachiet. B, sacié.
  219. 359 — Puis qu’ele. B, Quant ele.
  220. 360-361 — B :

    Il puet bien dire qu’il est las ;
    S’il assés ne set des aniaus.

  221. 362 — S’il n’est. B, K’il soit.
  222. 363-364 — B :

    Et qu’il sace bien cotouner,
    Et heldiier et crotouner.

  223. 365 — Il iert al matin. B, Il est au vespre.
  224. 367 — loche. B, louce.
  225. 368 — iert. B, est.
  226. 369 — Or. B, Dont.
  227. 370 — B, Lors commencent li mal à naistre.
  228. 371 — Et la noise. B, Et li mal.
  229. 372 — brehier. B, bruhier.
  230. 373 — B, .I. durfëu, un rabehet.
  231. 375-376 — B :

    Ki fui des bons vallès agrius,
    Et des courtois et des jentius.

  232. 377 — un. B, cest.
  233. 379 — B, Ki en fisent là placement.
  234. 380 — Car. B, Quant. — grant. B, tel.
  235. 383 — deduis. B, delis.
  236. 384 — Coute, lisez Toute. — jour. B, nuit.
  237. 385 — Et ne sui je bien. B, Certes je sui molt.
  238. 386 — ilh me sent delez. B. je m’estent jouste.
  239. 388 — A poi. B, Por poi.
  240. 390 — trés. B, vo.
  241. 392 — B, Puis torniiés par devers [mi].
  242. 396 — dulce l’alaine. B, souëf alaine. — Après ce vers, B ajoute :

    Sire, c’estoit tous tans vos dis ;
    Vostre ame soit en Paradis.

  243. 399-400 — Ces vers sont remplacés dans B par les suivants :

    Mais jou sai bien, par saint Eloi,
    K’il n’est mie de bone loi,
    Ains est decaus de Mont Wimer :
    II n’a soing de dames amer.

  244. 401 — Et chil respont. B, Dont respont cil.
  245. 403 — aïre. B, adoise. — Ce vers et le suivant sont intervertis dans B.
  246. 404 — torbé, lisez torble. — B, Tant par avés torble le vis. — Après ce vers, B ajoute :

    Je ne vos puis tenir couvent,
    Goulias bée trop souvent.

  247. 405 — * mie. A, mies. Ce vers manque dans B, ainsi que le suivant. — Le ms. B place ici les vers 427-436, et ce n’est que plus loin que l’on retrouve ceux dont nous donnons les variantes ci-dessous.
  248. 407 — * dyables. A, dyables le. — Au lieu de ce vers et du suivant, on lit dans B :

    On ne puet pas faire tous tans
    K’on ne soit et las et estans.

  249. 409 — Se. B, Li. — biaz. B, bons.
  250. 410 — * mie. A, mies. — B, Mais tous tans ne sont mie meures.
  251. 411-412 — Ces vers manquent dans B.
  252. 414 — jugié. B, jucié.
  253. 415-417 — B :

    Si que bien certes le verrés,
    On dist ja je sui esverrés,
    Ja ne larrai que tiel vous die.

  254. 418 — Trop. B, Molt.
  255. 419 — si. B, tant.
  256. 420 — vielhe. B, veve.
  257. 421 — il n’iert ja .I.. B, ja n’iert .I. seul.
  258. 423 — paies. B, bailliés.
  259. 425 — B, « je » manque. — l’euvre. B, cele oeuvre.
  260. 426 — la crupe mure. B, les rains remuevre. — Après ce vers, le ms. B ajoute :

    Se jou nes ai par saint Ricier.
    Vous les comperrës ja molt cier. »
    La dame l’ot, molt li anoie.
    Quant ele entent à la monnoie
    Ke li bacelers li demande ;
    A .C. diables le commande.
    Ele aimme mix estre batue,
    U que il l’ocie et le tue,
    K’ele tel avoir li delivre
    Ne qu’il en ait ne marc ne livre.
    Lors le recommence à maudire
    Et à tencier et à laidire :
    « Ahi ! » fait ele, « despendus.
    Or est vos avoirs despendus… »

    Le ms. B s’arrête ici, le feuillet qui suit manquant. — Les variantes que nous notons plus loin se trouvent placées plus haut dans B. Cf. la note du vers 405.

  261. 427 — B, « Dont, » dist la dame, « fel cuivers. » — Ce vers et les suivants font suite dans B au vers 405 de A.
  262. 428 — deuuistes. B, deüsciés.
  263. 429 — U rendus à. B, Et entrer en.
  264. 430 — B, Malement m’avés obeïe. — Après ce vers, B ajoute :

    Or puet on bien de fi savoir
    Ke je n’eue gaires de savoir.

  265. 434 — Focuin, B, Foukelin.
  266. 436 — d’Orliens jusqu’à. B, dementres qu’à.
  267. 437 — * emblez. A, emblé. — Ce vers manque dans B, et tous les vers qui suivent sont ajoutés :

    Sire, mal estes restorés ;
    Vous devés bien estre plourés.
    Car onques plus preudora ne fu.
    Vos sens et vos favors mar fu
    Vostre science et vo bontés.
    Molt estiés sages et dontés ;
    Onques par vous ne fui maudite.
    Ni adesée ne laidite,
    Et cis damoisiax me manace ;
    Il est bien drois que je me hace. »
    Dont li respont cil à haut ton :
    « Dame, vous avés un glouton
    Ki tous jors vauroit alaitier ;
    Il a fait Bauçant dehaitier ;
    Je l’ai awant souvent retrait
    Tout herçoiié et tout contrait.

    Suit le vers 407 de A.

  268. 448 — * mie. A, mies.
  269. 469 — * Si. A, Et si. — * des. A, de.

    Imbert a remis ce fabliau en vers. Cf. aussi La Fontaine, Fables, liv. VI, 21, et VII, 5.

L

ROMANZ

DE UN CHIVALER ET DE SA DAME

ET DE UN CLERK
Man. de Corpus Christi College, Cambridge,
no 50, fo 91 à fo 94.[1]

1
Un chivaler jadis estoit
Ke femme et enfaunz avoit.
De sun cors esteit trés pruz ;
A tuz esteit corteis et druz ;
5Sa femme estoit mult[2] bone dame,
De vilainie n’out unkes blame ;
Seinte[3] Esglise mult amoit,
A mushter chascun jor aloit ;
Par matin il i voleit estre
10Bien sovent ainz ke li prestre.
Mult fu de grant religion ;
A nului[4] ne vout si bien noun.
La dame fu corteise e bele ;
Si avoit une dammoisele
15Ke fu la soer de[5] son seignur.
La dammoisele nuit e jur
A la dame tut entendeit,
E son commandement feseit

Si ke n’i out une contredit.
20Li chevaler ad grant delit
De user sun tens en juer,
En venerie et en river.
Sovent haunta il[6] les esturs ;
Ilekes[7] receut les honurs ;
25Chevals conquist, armes gaina,
E la dame pur li preia.
Kaunt vint à l’oshtel sojorner,
Dune se joyna à sa muler[8] ;
Une n’i out entre eus mesparlé,
30Car pleins furent de charité.
Assez aveient terres e feuz ;
L’un vers l’autre fud druz e pius,
E fu la dame bele e gente :
Tant bele n’aveit entre trente.
35Bele fud la dammoisele,
Mès la dame fud cent fez plus bele ;
De beauté poer ne avoit.
La dammoisele bele estoit.
Quei vus irrei plus eslongner
40De lur beauté sermoner ?
Assez fu l’une e l’autre bele,
Mès meins remist à dammoisele[9].
En cele vile, si com sout estre,
Estoit un vicaire, un prestre,
45Que fud prodomme en sa manere.
Ne fud ne[10] glotun ne lechere,
Bien ama Deu e seinte Esglise
E bien sustint le sien[11] servse.

Les[12] clerks amoit ke bien chanteient
50E ke melodie feseient
En esglise pur Deu loer ;
En li n’i aveit quei reprover.
Icil[13] produm un clerk avoit
Ke de novel venuz estoit :
55Bien savoit et[14] chaunter e lire
Li clerk, e si savoit li sire,
Li clerk fu de bele estature,
Bien out en li overé Nature.
Qui de beauté vousist contendre,
60En li n’avoit que i reprendre :
Apert avoit la viere,
Sur tote rien fud debonere.
La gent le amoient pur sa bounté,
Pur sa pruesce, pur sa beauté.
65Le vicaire mult le ama
Kar sage e umble[15] le trova.
Si estoit li clerk gentil,
Ne fut païsant ne nés[16] vil,
Car[17] fiz de chivaler estoit.
70Piere e miere perdu avoit ;
A la clergie se vout tenir :
De ceo se quidout mieuz guarir.
Quei vus irrai[18] plus enloingnant ?
Li clerk fud par amé taunt
75De riches, de poveres ensement,
Des homes, de femmes, de tote gent,
Ke tuy parleient bien de li :
Ne vodroient k’il eiist enui.

Cil clerk, deint jeo vus ai conté,
80Chascun jor en la matiné
Al mouster vint tut de[19] premer,
Overi l’us e lessa entrer
La dame ke par matin leveit
E al mouster tantost aleit.
85La dammoiselle l’i suy,
Que ne voleit estre loing de li.
Tant passa li tens avant
Ke li clerk devint amant
A ma dame sanz reison,
90Ke fud de grant religion.
Cele l’ ama com autre gent[20],
Mès il la ama tut autrement :
De amur à li parler ne oseit
Kar bone dame la saveit,
95E dotout mult le sien[21] seignur,
Ke il suth k’ eust[22] fait tel deshonur
Ke de sa femme eust felt folie
Tost i perdreit la vie ;
Mès pur eschiver[23] grant damage
100Koy se tint, e fist ke sage.
La dame rien ne savoit
Ke li clerk tant l’amoit.
Ne pensa nient de folie,
Deu ama e bone vie.
105Chascun jor, kant ele mangeit,
Treis povres devant li pesseit.
La chamberere le clerk ama
Tant ke bien[24] près se aragia.

Pur hounte ne pout descoverir
110Ke maus de amur la fist sentir ;
Bien vout ke le clerk la amast
E ke de amur la priast.
Ici avoit estrange amur :
Nul ne savoit de autri dolur ;
115La dame del clerk ne sout novele
Ne li clerk de la dammoisele.
Mult furent les dous tormenté ;
La dame n’i miht une sa pensé,
Ne ama le[25] clerk si en Deu nun.
120Li clerk par fine foleisun
Ama tant ke il enmaladi :
Sa colur, sa beauté perdi.
De la pucele vus puis dire
Que ele entra en tel martire[26]
125Por le clerk, kar forment l’amat,
Por poi ke sun sen ne chaungat[27] ;
De fine aunguisse[28] enmaladi.
Poi manga e meins dormi,
Perdi sa[29] force e sa colur.
130Le clerk ne sot de cele[30] amur,
Mès por la dame languisseit ;
E la dame rien ne saveit,
Kar n’ot cure de tel amur.
Ne amoit autre ke son seignur.
135Le clerk ne pout plus endurer :
Tant fu fiebles ne pout aler ;
Contre son[31] lit ala coucher,
Lessa le beivre et le manger.

Li proveire sun seignur
140Pur le clerk fud en tristur.
Mult le pleint, kaf bien le amat.
De manger sovent le priat,
Mès por nient le feseit ;
Le clerk dist qu’il ne mange reit,
145Kar ne pout por la[32] maladie.
Kant la novele fut oïe
Parmi la vile, entre la gent
Mult le pleindrent durement.
Li chivaler, la dame[33] auxi,
150Aveient grant pité de li.
La dammoisele kant ceo savoit,
Se purpensa mult estroit
Coment peûst à li parler,
Si de rien li peust conforter.
155A la dame vint, si li dist :
« Dame, merci pur Jhesu Christ.
Vous sovient il del bacheler
Ke vus soliez tout preiser,
Le beau clerk si bien chauntant ?
160Tant est malades ne peut avant :
Il ne atent mes que la mort.
Qui faire li peust nul confort
Il fereit[34] aumonne e honur. »
La dame respond[35] par douçur
165Ke volentiers confort li freit,
Si il nule rien voleit
De chose ke eust[36] en sa baillie.
La dame la dammoisele prie

Ke ele voit al clerk parler
170E[37] de sun estre demander.
Kant ceo oït la dammoisele,
Joiose fud de la novele ;
Ore quida bien acomplir
Une partie de sun désir.
175Quand ele fud apparaillée,
A plus tost ke[38] pout se est hastée :
Vient al clerk, si le salue.
Le clerk avoit truble la veue,
De june avoit fieble cervele.
180Ne conuht pas la dammoisele ;
Ele vint près, si le appella,
De par sa dame le[39] salua.
Kant il la dame oït nomer
Il se senti trestut[40] leger :
185Sus sailli com se[41] tut fust sain.
La pucele tendi sa main,
E loa ke en peis se tenist.
Sur le lit lez li[42] s’ashit,
Li demanda de sun estat :
190Le clerk, ke fud fiebles e mat,
Respondi ke bien le fereit[43]
Si sa dame amer[44] le voleit.
Adounk se lessa chair jus,
A cele eure ne dist plus.
195La dammoisele k’ Amur destreint,
(Amur est celi qui tut veint).
Ne se pout plus avant tenir[45].
Tost li covint à descovrir[46]

Son corage e son talant :
200Com le aveit amé forment,
E com pur le fud travaillée,
Palle, teinte e descolurée ;
Unkes[47] mès n’avoit à nule jor
Vers autre home[48] si grant amur ;
205Mès le clerk pur ceo li mercia,
E dist ke bien li rendera
La peine, le duel e l’ enuy[49]
Ke tant aveit suffert pur li.
Dès or[50] ne peut li clerk celer
210La peine e le grant encombrer ;
A la pucele descovri[51]
Pur quel e come[52] enmaladi,
E coment vivre ne poeit
Si de la dame l’amur ne aveit.
215Cele se tint bien afolée
Kant li clerk[53] out celi amée
E tel amoit ke li ne amat ;
Adonkes[54] forment se duillat.
Al clerk ne fist unkes[47] semblant
220De sa dolur ne[55] tant ne kant ;
Tut graanta quanqu’il voleit dire,
Mès al quor out e duel[56] e ire.
Li clerk la damoisele requist
Ke un message li feïst
225A sa dame privéement
Tantost, pur quel e coment
Suffri pur li paine e dolur ;
E s’il ne eust de li le amur

A bref terme de duel morreit,
230Tant li tint Amur en destreit.
La damoisele prist congee,
Triste e murne est retornee.
Or saveit ele bien de veir
Ke failli avoit de sun espeir,
235Mès tant fîst ele de corteisie
Ke son message ne cela mie.
Dist à la dame le grant dolur
Ke li clerk suffri pur s’amur ;
Requist k’ele eust de li pité,
240Alast le ver, pur l’amur Dé.
La dame dist k’ele ne voleit,
Kar de li cure ne avoit
Pur sa dolur ne pur sa joie.
E la pucele tote voie
245Pur le clerk pleide e crie
Tant ke sa dame se humelie,
E dist ke volentiers irreit,
De sa folie le chastiereit[57].
La dame afublieit un mantel
250D’escarlette bon e beel,
Puis dist à sa chamberere :
« Dammoisele, par vostre prière
Emprendrai[58] ore ceo veage,
Ou turt[59] à preu ou à damage.
255E si ne faz mie ke sage :
Unkes[47] mès en trestut mon age
Ne mespris tant vers mon seignur
Com faz ore pur vostre amur.

— Dame, « ceo dit la meschine,
260 « Ceo comande la lei devine
Ke hom deit le malade visiter ;
Deus vus en rendra bon loer. »
La dame s’en va, ke tant fu bele ;
Od li va sa dammoisele.
265A l’ostel le clerk vunt tut dreit ;
Vienent al lit où[60] il giseit.
Li clerk la dame reguarda,
De joie k’il out colur chaunga.
Parla en haut k’il fust oy :
270« Li sire qui de la Virgine nasqui
E deigna pur nus morir
Vous rende, dame, cest venir.
Mult me avez aleggé de ma paine,
Entré sui en bon simaigne. »
275La dame respont come corteise :
« De vostre maladie mult me peise ;
Deu, par sa sainte pieté,
Vous en doint bone saunté.
— De saunté, » fait il, « ceo ne est rien :
280De ma saunté sai très bien
Jamès saunté ne avérai
Ne lunges vivre ne porrai
Si vus ne eiez merci de moi.
— Jeo merci ! » fet ele, « de quel ?
285Ne me mesfeites unkes de rien,
Ne jeo vers vus ; ceo savez bien.
De vos pecchez vus face merci
Deu meimes, kar ceo est en li.

— Dame, dame, » li clerk respount,
290« Bien sai jeo[61] ke de tut le mund
Est Deu juges e seignur[62] ;
Mès sacez ke ja[63] ma dolur
Ne ert alegge si par vus nun.
— Vous ne dites pas reisun, »
295Dist la dame, « ainz dites folie.
— Nun faz, par sainte Marie ! »
Dist li clerk, « si[64] dirrai por quel :
Si vus ne eiez merci de moi,
Ke vus me grantez vos amurs,
300Ja sunt terminé mes jors,
Bien sai ke[65] ne puis vivre avant.
Ma vie, ma mort à vus comant ;
Tut est à vostre volenté
Ma maladie et ma saunté.
305— Coment, » ceo dist la dame, « peut estre ?
Ne sui[66] phisicienne ne prestre
Ke sache pocion doner
Ou vostre maladie oster.
— Allas ! » dist li clerk, « or[67] sui mort !
310Certes, ma dame, vous avez tort.
Ne soliez bien Deu amer ?
E volez ore un chaitif tuer !
Si jeo meur pur vostre amur
Jeo requer nostre Creatur
315Ke il prenge de vus vengance.
Kant faire me poez aleggance.
Si issi morir me lessez,
Apert homicide serrez.

Le maindre[68] mal deit hom eslire
320Pur eschure[69] cel ke est pire. »
La dame le clerk escuteit
E se purpensa mult estreit ;
D’autre part li sembla fort
Si ele fust encheson de sa mort ;
325Corteisement respondu[70] a
La dame, dist ke mult le ama,
E ke ele le dorreit volentiers
De ses dras, e[71] de ses deners,
E de son or si il voleit,
330Mes autre chose ne li freit ;
Ceo ne avendreit à nul jor
Ke tant mesprit vers sun seignur.
Le clerk à cel mot se pausma,
La dame grant pité en ad ;
335Un petit le ad suslevé,
E il la dame ad reguardé,
Puis recheï com homme mort.
Pensa la dame : « Jeo ai tort ;
Si cist se lest pur moi morir,
340Que[72] purrai jeo lasse devenir ? »
Par sei jugie la dame[73] e quide,
Se il meurt, que ele seit homicide.
Meuz li vaut fere un pecché
Ke seit encontre sa volenté
345Ke apertement e de gré suffrir
Un tel homme pur li morir.
De bon oyl le ad aguardé,
Teint le vit e descoloré,

E tant le aveit veu bel avant[74] !
350Adunc se prist pité mult grant.
La dame sa chamberere apelle :
« Entendez ça, soer bele,
De cest homme ai grant pité ;
Si jeo ne faz sa volenté
355Morra de duel, si corn jeo crei,
E si il morist[75] ceo peisereit mei.
— Ma dame, à vostre pleisir seit, »
Dist la pucele ; mes ele penseit :
De la dame aveit envie
360Com cele que quidout estre amie,
E del clerk quidout avoir ami.
Le clerk aitant ses oils overi,
Vit la dame ke ele fud pensive,
En sun corage pense e estrive ;
365Un mot li dist en suspirant :
« Ma dame, à Deu vus cumand.
Kant vus ne pensez de ma saunté
Del tut sui mort e afolé. »
Dune dist la dame : « Lessez ester
370Si vus[76] voleie m’amur granter,
Ne mie pur delit que jeo eie,
Mès pur tant ke jeo vodreie
Alegger vostre maladie,
Kei vus vaudreit aver amie,
375Quant vus n’avez le poer
Ke vus pussez od li juer ?
Mès si jeo tant vus amasse
Ke jeo m’amur vus grantasse

Ke vus jussez en mun lit
380E feissez de moi vostre delit,
Quant quidriez estre de vigur
Ke faire peussiez le jug d’amur
E servir une dame à talent ? »
Le clerk se adresça erraument
385Com il ne eüst el cors grevance
De tel afere bien se avance,
E dist ke dedeinz le tierz jor
Assez serreit de vigour,
Kar la joie k’il avereit
390Fort e vigorus li fereit[77].
La dame li dist k’il attendreit
Quinze jurs e dune avereit
Sa demande sanz desturber ;
Pensast de beivre e de manger.
395Li clerk, si tost com ceo oy,
Merveillusement[78] se esjoy
Tant com il feist[79] de la cité
De Paris ke li feust doné,
Mès le lung terme chalanga.
400E la dame le chastia,
Li dist le liu[80] où il vendreit,
Le oure e quel abit il avereit.
La dammoiselle tut escouta
A ki cest co venant mult peisa,
405Mès de ceo semblant ne fist ;
En sun quer pensa e dist
Ke lur covenant contereit
A son frere kant le verreit.

Traïz sunt li dous amanz
410Si Deu ne lur seit guaranz,
E la dame guarde ne prent ;
Trop se sevra folement.
Ele ad del clerk pris congié
Si l’ad trei fez baisé ;
415Dune se prisa, ne pas petit,
Le clerk ; tantost guerpi son lit,
Manga et[81] but, devint tut sein ;
Mult fu joius li chapelein.
La dammoisele ne se targa ;
420Al chivaler trestut[82] counta
De chef en autre lur afaire,
Mès le chivaler nel vout creire ;
Ele li jurad assez de sermenz :
« Fole garce, » dist il, « tu menz ;
425Unkes ma femme nel pensa.
Pur nient le dites, nel creirai ja.
Mau gré vus sai de la novele.
La dame est tant e[83] bone e bele
Ke ele ne freit ceo pur nule rien.
430Vous estes foie, jeo le vei bien ;
Il semble que vous eiez la rage.
— Jeo vus durrai ma teste en gage, »
Respondi[84] tantost la meschine,
« Si jeo vus ment de lur covine ;
435E si vus meimes le volez,
Deinz bref terme le troverez.
Le liu[80], le terme oi deviser
Kant il voleient asembler.

— Alas ! » le chivaler ad dit,
440« Dune me prise ma femme petit ;
E jeo l’ai tant tut jors amé !
Si vus me aiez le veir[85] counté,
Jeo vus ferai[86] si grant honur
Ke une frere à suer ne fist greinur,
445Jeo serrai meimes lur espie ;
Mar penserent la folie
Si jeo les peus entreprendre.
Or n’i ad for de l’attendre. »
La dame de ceo mot ne saveit.
450Kant le terme venuz esteit,
Le chivaler ad congié pris,
Dist qu’il irreit fors de païs :
A un torneement irreit,
De sun revenir nient ne saveit,
455La dame quidout qu’il deist veir,
Mès failli aveit de sun espeir,
Kar le seignur tut el pensa.
Près de la vile i demora
Deskes à vespre ; dune se atornout
460En tele robe com le clerk out ;
Hasta sei al plus tost qu’il pout ;
Mès la dame de ceo ne sout.
Par une privée posterne entra,
Desuth un perer se reposa
465Où le clerk venir deveit
Si com la soer li dit avoit.
Este vus la dame est issue :
Cele part est tost venue,

Le clerk quidout aver trové.
470Cil se tint tut coi e celee,
Bessa le vis e le mentun.
La dame se dota de traïson,
En son afaire aveit pour,
Reguerda, conust son seignur,
475Pensa que ele fust traïe,
Mès[87] pur tant ne s’amaya mie ;
Suëf le prist par la main,
Li demanda si il fust tut sein.
Cil respondi tut coiement
480De maladie ne senti nient.
La dame tantost l’ad mené,
En une chambre l’ad enfermé,
Ke forte fud e loinz de gent ;
Puis si li dist corteisement
485La conveniht qu’il attendist
Desques de meimes après li venist,
E dist qu’ele avoit herbergé
Dous chivalers e lour mainé ;
En la sale voleit aler
490Pur ses hostes reheiter.
Si leur freit appariler liz,
E quant il fussent endormi,
A li priveement vendreit,
E il de li son talent fereit.
495La dame tost arere ala.
Vint al gardin, le clerk trova ;
Ou li le mena en grant delit,
Si le fist cocher en son lit ;

Après lez li se coucha.
500Le clerk la dame acola,
Beisa e fist tot son talant.
Trop fu la dame longement,
Ceo fud avis al chivaler ;
Enué fud del reposer.
505Kant le clerk aveit tant fet,
Servi la dame sis fez ou seet,
Tant fu las ne pout avant.
La dame li dist en riant :
« Ore en pernez tant com voudret,
510Kar jamès plus n’i avendret. »
Que volez vus ? il ne pout plus.
Ele li dist : « Or levez sus,
Alez tost hors de cest païs,
Kar, si le sussent mes amis,
515Tost serriez vus tut[88] afolé.
De male gleive tut detrenché. »
La dame .XX. mars li dona ;
Li clerk donc s’en ala,
L’endemain sun congié prist :
520A l’escole irreit, ce dist.
Le comand la dame tint ;
Une puis en le païs ne vint.
La dame dune en sa sale entra,
Ses serjanz trestuz appella :
525« Or[89] tost as armes com bons vassals !
Un clerjastre[90], un menestrauz
En ma chambre est abatu.
Gardez k’il seit tant batu

Ke bien seie de li vengié,
530Fole me quidout aver trové.
Fust or mon seignur à l’oustel,
Nus li feïssom trestut el !
Une mès ne m’avint en ma vie
Ke hom me feiht[91] la vileinie.
535Si il ne seit cher comparé,
A tuz jurs serrai vergundé. »
A tant se levent[92] un e un ;
Un bon bastun prent chascun,
Od la dame vunt tut dreit
540Là où le chivaler l’atendeit ;
Le us overi, e puis cria :
« Ore à li ! ore i parra
Si vus amez vostre seignur.
Dune me vengez de ceo lechur !
545Fetes ke mès ne eit corage
Fere à gentil femme hontage. »
Ore est li seignur mal arivé,
Kar batuz est de sa maisnée[93] ;
Li un fiert al chef, li autre al cool ;
550Ore se tint il bien pur fol.
Blescié se sent, en haut escrie :
« Merci, pur Deu, ma duce amie !
Si me ociez, vus ferez[94] mal :
Jeo sui vostre sengnur leal ;
555Par mal conseil ai meserret. »
La dame se feint mult corucée[93],
Respondi, com par[95] grant irrur,
Ke ceo ne fud pas sun seignur,

Mès fud le clerjastre de la vile
560Ke deceivre la quidout par gile :
« Mai quidout honir e mon baron. »
Il osta dune sun chaperun,
E la dame le reconuht.
Tantost à ses pez coruht :
565« Sire, » dist ele, « pur Deu, merci !
Ki vus quidout ore aver ici ?
Forfete me sui durement.
— Par foi, » dist il, « nun estes nient,
Mais durement grant gré vus sai ;
570A tuz jors meuz[96] vus amerai ;
Vous avez feit com bone dame,
E cele ke vus miht en blame
De moi ne ert jamès amie. »
Sa soer tantost ad enchacie,
575Ama sa femme, la tint plus chère,
Kant servi li avoit en teu manere,
E sa femme après cel jor
Ama e chéri son seignur
Assez plus k’ unke[97] mès ne fiht.
580De sun peché penaunce prist,
Ama Deu sor tote rien,
Unkes[47] puis ne mespriht de rien ;
Lung tens vesqui en vie bone,
Del païs dame e matrone,
585E, kant moruth la bone dame,
A Deu rendi sus sa alme.


  1. L. — Le Chevalier, sa Dame et le Clerc, p. 215.

    Publié par M. Paul Meyer dans la Romania, I, 69-87.

    La plupart des corrections que nous avons à indiquer sont empruntées à M. P. Meyer ; mais, malgré tout, bien des vers de ce fabliau anglo-normand restent encore faux.


  2. Vers 5 — « mult » manque au ms.
  3. 7 — * Seinte ; ms., Seint.
  4. 12 — * nului ; ms., nul.
  5. 15 — « de » manque au ms.
  6. 23 — « il » manque au ms.
  7. 24 — * Ilekes ; ms, Ilek.
  8. 28 — * muler ; ms., mulier, qui n’est pas la forme anglo-normande.
  9. 42 — Le ms. porte : Mès le meins remist à la dammoisele.
  10. 46 — « ne » manque devant « glotun ».
  11. 48 — « sien » manque au ms. — servse, lisez service.
  12. 49 — « Les » manque au ms.
  13. 53 — * Icil ; ms., Cil.
  14. 55 — « et » manque.
  15. 66 — * sage e umble ; ms., sages e umbles.
  16. 68 — * nés ; ms., neif.
  17. 69 — « Car » manque au ms.
  18. 73 — * irrai ; ms., irrai jes.
  19. 81 — « de » manque.
  20. 91 — Le ms. porte : Cele ne li aina mès com autre gent.
  21. 95 — « sien », manque au ms.
  22. 96 — * k’eust ; ms., k’il eust.
  23. 99 — * eschiver ; ms., eschure.
  24. 108 — « bien » manque au ms.
  25. 119 — * le ; ms., li.
  26. 124 — * martire ; ms., matire.
  27. 126 — * chaungat ; ms., rechaungat.
  28. 127 — * fine aunguisse ; ms., fin aunguisse est.
  29. 129 — « sa » manque les deux fois.
  30. 130 — * ne sot de cele ; ms., ne savait de cel.
  31. 137 — « son » manque au ms.
  32. 145 — « la » manque.
  33. 149 — * la dame ; ms., e la dame.
  34. 163 — * fereit ; ms., freit.
  35. 164 — * respond ; ms., respondi.
  36. 167 — Le ms. ajoute ele avant « eust ».
  37. 170 — « E » manque.
  38. 176 — * ke ; ms., k’ele.
  39. 182 — * le ; ms., si le.
  40. 184 — * trestut; ms., tut.
  41. 185 — « se » manque au ms.
  42. 188 — « li » manque au ms.
  43. 191 — Le ms. porte : Respondi e dist que bien le freit.
  44. 192 — « amer » manque au ms.
  45. 197 — * avant tenir ; ms., detenir.
  46. 198 — covint à descovrir ; ms., covenist à descoverir.
  47. a, b, c et d 203, 219, 256 et 582 — * Unkes ; ms., Une.
  48. 204 — « home » manque au ms.
  49. 207 — * l’enuy ; ms., li enuy.
  50. 209 — * or ; ms., ore.
  51. 211 — * descovri, ms., se descoveri.
  52. 212 — * come ; ms., coment.
  53. 216 — « li clerk » manque au ms.
  54. 218 — * Adonkes ; ms., Adonc.
  55. 220 — « ne » manque au ms.
  56. 222 — * e duel ; ms., duel.
  57. 248 — Le ms. porte : E de la folie se chastiereit.
  58. 253 — * Emprendrai ; ms., Prendrai.
  59. 254 — * turt ; ms., tut.
  60. 266 — * ou; ms., là ou.
  61. 290 — « jeo » manque au ms.
  62. 291 — Le ms. porte : Est juges e seigneur Deu.
  63. 292 — * ja ; ms., je.
  64. 297 — « si » manque au ms.
  65. 301 — « ke » manque au ms.
  66. 306 — * Ne sui ; ms., Ja ne sui.
  67. 309 — * or ; ms., ore.
  68. 319 — * maindre ; ms., main.
  69. 320 — « eschure » qu’il faut corriger en eschiver, comme au vers 99.
  70. 325 — * respondu a ; ms., respondera.
  71. 328 — « e » manque au ms.
  72. 340 — * Que ; ms., Ou.
  73. 341 — « la dame » manque au ms.
  74. 349 — avant ; ms., en avant.
  75. 356 — * morist ; ms., morsist.
  76. 370 — * vus ; ms., jes vus.
  77. 390 — * vigorus li fereit ; ms., vigrus li freit.
  78. 396 — * Merveillusement ; ms., Merveillement.
  79. 397 — * feist ; ms., feust.
  80. a et b 401 et 437 — liu ; ms., lui.
  81. 417 — « et » manque au ms.
  82. 420 — * trestut ; ms., tut.
  83. 428 — « e » manque avant « bone ».
  84. 433 — * Respondi ; ms., Respont.
  85. 442 — * veir ; ms., veirs.
  86. 443 — * ferai ; ms., frai.
  87. 476 — « Mès » manque au ms.
  88. 515 — « vus tut » manque au ms.
  89. 525 — * Or ; ms., Ore.
  90. 526 — * clerjastre ; ms., clerejastre.
  91. 534 — * me feiht ; ms., mesfeiht.
  92. 537 — * levent ; ms., leve.
  93. a et b 548 et 556 — Les rimes de ces deux vers sont fautives ; mais il faut remarquer que l’anglo-normand note ordinairement le son é par ee, ce qui pour l’œil semble rimer avec ée.
  94. 553 — * ferez ; ms., freiet.
  95. 557 — Le ms. ajoute mult après « par ».
  96. 570 — * meuz ; ms., le meuz.
  97. 579 — * unke ; ms., k’unke.

    L’idée de ce fabliau est à peu près la même que celle qui a inspiré le fabliau de « la Borgoise d’Orliens », publié dans notre premier volume, p. 117, et dont nous avons donné plus haut (p. 292) les variantes. M. P. Meyer rapproche le fabliau « Du Chevalier, de la Dame et du Clerc » du « Castiagilos » de Raimon Vidal.

LI

DU PRESTRE ET DE LA DAME

Bibl. nat., Man. Fr., no 19,152 (anc. S.-Germain 1830),
fo 65 ro, 1re  col. , à 65 vo, 2e  col. [1]

1
Icil qui les mençonges trueve,
A fait ceste trestote nueve,
Quar il avint, à un mardi,
Que uns Prestres, devers Lardi,
5S’aloit à Estanpes déduire ;
Mais ses deduiz li dut bien nuire
Ainsi com vos m’orroiz ja dire.
Mais conter vos vueil tot à tire
Comment une cointe borgoise,
10Qui estoit mignote et cortoise,
Li ot mandé, n’est mie guile,
Que ses sires à une vile
Devoit cel jor au marchié estre :
Bien li ot tot conté son estre.
15Que vos iroie plus contant ?
Li Prestres si esploita tant,
Et tant de la Dame s’aprime
Qu’il fu à l’ostel devant prime,
Ou fu receü sanz dangier.
20La baiesse atorne à mengier

Char cuite en pot, pastez au poivre,
Et bon vin cler et sain à boivre,
Et li bains estoit ja chauffez,
Quant uns deables, uns mauffez,
25Le seignor ia Dame amena,
Quant au marchié ot esté ja.
Le cheval qui soef le porte,
Il s’en vint droit devant la porte ;
Si la trouva molt bien fermée,
30Que la barre ert tote coulée.
Quand il parla, si dit : « Ovrez
Errant et point n’i demorez ;
Por qoi m’avez la porte close ? »
Et la borgoise molt en poise,
35Qui li covient la porte ovrir ;
Mais cele fist avant covrir
Les pastez soz une touaille,
Et puis après se retravaille
De repondre le chanteor,
40Qui de soi avoit grant paor.
Au Provoire loe et conseille
Qu’il entrast en une corbeille,
Qui ert mise dedenz la porte.
Et cil, qui ne se desconforte,
45Cel conseil ne refusa mie,
Ainz i entra, sanz nule aïe,
Que geter se velt de la frape ;
Mais il laissa aval sa chape.
Plus ne repostent ne ne firent,
50Tot maintenant la porte ovrirent

Au borgois qui tendoit la muse.
Cil entra enz et partot muse,
Tant qu’il a la cuve veüe
Où la Dame estoit tote nue ;
55Ainz nul barat n’i estendi,
Tantost du cheval descendi,
Si l’a fait molt tost establer[2] :
Et cil, qui n’a soing de fabler.
Qui repoz ert en la corbeille,
60Icil ne dort ne ne someille,
Mais si fort de paor trestranble,
Que la corbeille et lui ensanble
Encontre terre aval chaïrent ;
Cil de l’ostel pas ne le virent.
65Quant il vit qu’il estoit cheùz
Et qu’il n’estoit mie veûz,
Si s’en vient enmi la meson ;
Hardiement dist sa raison,
Ne parla pas comme noienz :
70« Diex, » fait li Prestres, « soit ceanz ;
Ge vos raport vostre corbeille. »
Au borgois molt a grant merveille
Quant il vit ainsi le Provoire,
Et la Dame li fait acroire
75Que ele le li avoit prestée.
Bien est la dame asseürée :
« Certes que ge en ai bon gaige.
— Dame, vos feïstes outraige, "
Fait li borgois, « quant en preïstes
80Son gaige, ne ne retenistes, »

Or est li Prestres fors de foire :
« Dame, » fait il, « ma chape noire.
Se vos plaist, quar me faites rendre,
Ge n’ai mestier de plus atendre,
85Et ma toaille et mes pastez.
— Sire Prestres, trop vos hastez,
Mais mengiez avuec mon seignor ;
Si li faites itant d’ennor. »
Et li Prestres dit : « Je l’otroie, »
90Qui du remanoir ot grant joie :
Il est remés sanz grant dangier.
Lors vont laver et puis mengier.
La table sist sor deus coussins ;
Desor la table ot deus broissins
95Où il avoit cierges d’argent ;
Molt estoient bel et gent.
Lors despiecent pastez et froissent ;
La Dame et li Prestres s’engoissent
De verser vin à grant foison :
100Tant qu’au seignor de la maison
Ont tant doné de vin à boivre
Et mengier des pastez au poivre
Que il fu maintenant toz yvres.
Si ot vaillant plus de mil livres
105En son chatel que au matin.
Lors commence à palier latin
Et postroillaz et alemant,
Et puis tyois et puis flemmanc,
Et se ventoit de sa[3] largesce,
110Et d’une trop fiere proesce

Que il soloit faire en s’anfance[4] ;
Li vins l’avoit fet roi de France.
Lors dist li Prestres, ce me sanble,
Que trois genz leveroit ensanble ;
115Mais li borgois li contredist,
Et dit : « Merveilles avez dit ;
Ice ne porroit pas voir estre ;
Merveille avez dit, sire Prestre, »
Fait li Prestres : « Et g’i metroie.
120— Et qui metroiz ? » fait il. « Une oie, »
Fait li Prestres, « se vos volez.
— Ce est gas, quant ainsinc pallez,[5] »
Fait li borgois, qui le devée.
La parole au Provoire agrée
125Et molt li plaist et atalente.
Lors vient au borgois ; si l’adente
Tot estendu encontre terre,
Et puis va la baiasse querre ;
S’il l’a mise sor son seignor ;
130A la Dame fîst tant d’onor
Que sor lui lieve la chemise ;
Après si l’a enverse mise ;
Entre les cuisses si li entre ;
Par le pertuis li entre el ventre ;
135Là a mis son fuiron privé :
Molt seroit malvais au civé
Li connins que li fuirons chace.
Molt est fox qui tel connin trace ;
Mielz li venroit trover deus lièvres,
140Quar cil connins est si enrievres

Qu’il ne puet faire bele chiere
S’il n’a fuiron en sa tesniere.
De ci au borjois vos rameine,
De lui relever molt se paine,
145Que, quant li Prestres boute et saiche,
Li borgois dit qu’il les esquasche
Et que desor lui a deus rosches,
Et li Prestres sone deus cloches,
Qui avoit faite sa besoigne.
150Au borgois a dit sanz aloigne :
« Levez sus, que ge ne porroie
Ces trois lever por riens que j’oie :
Por quant s’en ai tel paine eiie
Que tote la coille m’en sue
155Et[6] de l’angoisse et de l’efforz. »
Dist la Dame : « N’estes si forz
Que ausi forz ou plus ne soit ;
Or paiez l’oie, quar c’est droit.
— Dame, » fait il, « par bone estraine,
160Soffrez vos jusqu’à diemaine,
Vos l’aurez grasse par ma foi. »
Dit le borgois : « Et ge l’otroi,
Si l’achaterez au marchié :
Bien ai eu le col charchié.
165Alez à Dieu beneïçon ! »
Atant s’en vait en sa maison,
Que saigement a esploitié ;
C’est de tel vente tel marchié.
Par cest flabel poez savoir
170Molt sont femes de grant savoir :

Tex i a et de grant voisdie ;
Molt set feme de renardie,
Quant en tel maniere servi
Son bon seignor par son ami.

Explicit du Prestre et de la Dame

  1. LI. — Du Prestre et de la Dame, p. 235.

    Publié par Méon, IV, 181-187, et donné en extrait par Legrand d’Aussy, IV, 299-300, sous le titre de : « De la Dame et du Curé ».


  2. Vers 57 — * establer ; ms., entabler.
  3. 109 — * sa ; ms., ses.
  4. 111 — * en s’anfance ; ms., es anfance.
  5. 122 — Ce vers manque dans le ms., et a sans doute été suppléé par Méon.
  6. 155 — « Et » manque au ms.

    Ce conte se retrouve dans les Nouveaux Contes à rire, dans les Contes du sieur d’Ouville, etc., etc.

LII

LE ROI D’ANGLETERRE

ET LE JONGLEUR D’ELY.
British Museum, Man. Harleien 2253,
fol. 107 vo.[1]

1
Le Jouglour ne fuit losengier,
Einz fin, senez, e dreioturier ;
Le Roy duement endoctrina
E corne prudhome le chastia.
5Delez le trosne, dessoubs le deis,
As fortz chastels, es riches paleis,
Truffeur se trovent e pautonier,
Qar mestier ert de lur mestier ;
Devaunt nostre sire en pleniere cour
10Sunt meint jogleur e meint lechour ;
Molt bien sevent de tricherie,
D’enchauntementz e genglerie,
E font parroistre par lur grymoire
Voir come mençonge, mençonge come voire.
15Prions la doulce benoicte Marie
Qe des Engleis ele eie merci,
Prions que ele vueille semoigner
Cil tregetours à sermoner
E à nostre sire donner conseil
20Tiel come le loiax menestrel.

Seygnours, escotez un petit,
Si orrez un trés bon desduit
De un menestrel que passa la terre
Pur merveille e aventure quere.
25Si vint de sà Loundres, en un pree
Encountra le Roy e sa meisnée ;
Entour son col porta sun tabour
Depeynt de or e riche atour.
Le roi demaund par amour :
30« Ou qy este vus, sire Joglour ? »
E il respount sauntz pour :
« Sire, je su ou mon seignour.
— Quy est toun seignour ? » fet le Roy.
« Le baroun ma dame, par ma foy.
35— Quy est ta dame par amour ?
— Sire, la femme mon seignour.
— Coment estes vus apellee ?
— Sire, come cely qe m’ad levee.
— Cesti qe te leva quel noun aveit ?
40— Itel come je, sire, tot dreit.
— Où vas tu ? — Je vois de là.
— Dont vien tu ? — Je vienk de sà.
— Dont estez vus ? ditez saunz gyle.
— Sire, je su de nostre vile.
45— Où est vostre vile, daunz Jogler ?
— Sire, entour le moster.
— Où est le moster, bel amy ?
— Sire, en la vile de Ely.
— Où est Ely qy siet ?
50— Sire, sur l’ewe estiet.

— Quei est le eve apelé, par amours ?
— L’em ne l’apele pas, eynz vint tousjours
Volonters par son eyndegré,
Que ja n’estovera estre apelée.
55— Tot ce savoi je bien avaunt.
— Don qe demandez com enfant ?
A quei fere me demaundez
Chose que vus meismss bien savez ?
— Si m’aïd Dieus, » fet le Roy,
60« Uncore plus vus demaundroy :
Vendras tu ton roncyn à moy ?
— Sire, plus volenters que ne le dorroy.
— Pur combien le vendras tu ?
— Pur taunt com il serra vendu.
65— E pur combien le vendras ?
— Pur taunt come tu me dorras.
— E pur combien le averoi ?
— Pur taunt comme je recevroy.
— Est il jevene ? — Oïl, assez ;
70Yl n’avoit unqe la barbe reez.
— Vet il bien, par amours ?
— Oïl, pis de nuit qe de jours.
— Mange il bien, ce savez dire ?
— Oïl, certes, bel douz sire ;
75Yl mangereit plus un jour d’aveyne
Que vus ne frez pas tote la symeyne.
— Beit il bien, si Dieu vus gard ?
— Oïl, sire, par seint Leonard ;
De ewe à une foiz plus bevera
80Que vus ne frez taunt come la symeyne durra.

—Court il bien e isnelement ?
— Ce demaundez tot pur nient :
Je ne sai taunt poindre en la rywe
Qe la teste n’est devaunt la cowe.
85— Amy, ne siet il point trere ?
— Je ne vus menterei, a quel feyre ?
D’ark ne d’arblastre ne siet il rien ;
Je ne le viunqe trere puis qu’il fust mien.
— Passe il bien le pas ?
90— Oïl, ce n’est mie gas ;
Vus ne troverez en nulle route
Buef ne vache que il doute.
— Emble il bien, come vus est avis ?
— Yl ne fust unqe de larcyn pris ;
95Tant com ou moi ad esté
Ne fut mes de larcyn prové.
— Amis, si Dieu vus espleit,
Je demaund si il porte dreit. »
Feit le Jogler : « Si Deu me eyt,
100Qy en son lit coché serreit
Plus suef avereit repos
Qe si yl fust mounté soun dors.
— Ces paroles, » dit le Roy, « suntneynz ;
Or me dirrez si il est seinz.
105— Seintz n’est il mie, ce sachez bien ;
Car si il fust seintz ne fust pas mien,
Les noirs moynes le m’eussent toleyt
Pur mettre en fertre, come s’en serreit,
Auxi come autres seintz cors sunt,
110Par tot le universe mount

Pur pardoun receyvre e penance fere
A tote gent de la terre.
— Seinte Marie ! » fet le Roy,
« Comment parles tu à moy ?
115Je dis sauntz de gales e sorenz
E d’autres mais e tormentz. »
Fet le Jogler al Roy :
« Yl ne se pleynt unque à moy
De maladie qu’il out en sey,
120Ne à autre myr, par ma fey.
— Bels amis, ad il bons pies ?
— Je ne mangay unque, ce sachez, »
Ensi le Joglour respount ;
« Pur ce ne say je si bons sunt.
125— Qe vus est, daun rybaut ?
Sunt il[2] durs, si Dieu vus saut ?
— Durs sunt il verroiement.
Come je quide à mon escient ;
Yl usereit plus fers un meis
130Que je ne feisse mettre en treis.
— Est il hardy e fort ?
— Oïl, il ne doute point la mort ;
S’il fust en une grange soulement,
Yl ne dotereit verreiement,
135Ne ja n’avereit il poour
Ne de nuit ne de jour.
— Ditez moi s’il ad lange bone.
— Entre si e Leons sur Rone
N’ad nulle meilour, comeje quyt ;
140Car unque mensonge ne dit.

Ne si bien noun de son reysyn
Ne dirreit pur cent marcz d’or fyn,
Mès qu’il ly voleit apertement fere
Mavesté de chescune matere
145Ou larcyn par le pays,
Ou homicide, qe valt pys ;
Sire Roy, ce sachez,
Par ly ne serrez acusez. »
Fet le Roi : « Je ne prise pas vos dys.
150— Ne je les vos, que vaillent pys.
Je di bourde pur fere gent ryre,
Et je vus en countray, bel douz syre.
— Responez à droit, daunz Joglours ;
De quele terre estez vus ?
155— Sire, estez vus tywlers ou potters
Qe si folement demaundez ?
Purquoi demandez de quele tere ?
Volez vus de moi potz fere ?
— E qe diable avez vus,
160Que si responez à rebours ?
Tiel ribaud ne oy je unqe mès.
Diez de quel manere tu es ?
— Je vus dirroi, par seint Pere,
Volenters de ma manere :
165Nus[3] sumes compaignons plusours,
E de tiele manere sumes nous
Que nus mangerons plus volenters
Là où nous sumez priez,
E plus volenters e plus tost,
170Qe là où nous payons nostre escot ;

E bevoms plus volenters en seaunt
Qe nus ne fesons en esteaunt,
E, après manger que devant,
Pleyn hanap gros e grant ;
175E, si vodroms assez aver,
Mès nus ne avoms cure de travyler,
E purroms molt bien deporter
D’aler matyn à mostier ;
E ce est le nostre us
180De gysyr longement en nos lys
E à nonne sus lever
E puis aler à manger ;
Si n’avoms cure de pleder,
Car il n’apent à nostre mester ;
185E nus vodroms estre tôt dis,
Si nus pussoms, en gyws e rys ;
E si vodroms aprompter e prendre,
E à nostre poer malement rendre ;
Nus n’avoms cure de aver,
190For que nus eyoms assez à manger ;
Plus despondroms à ung digner
Qu’en un mois pourroms gayner ;
E uncore volum plus,
Quar orgoil est nostre us,
195E à bele dames acoynter,
Ce apent à nostre mester.
Or savez une partie
Coment amenons nostre vie ;
Plus ne puis par vileynye
200Counter de nostre rybaudie.

Sire Roi, or me diez
Si nostre vie est bone assez. »
Le Roy respoygnant ly dit :
« Certes, je preise molt petit
205Vostre vie ou vostre manere,
Quar ele ne valt mie une piere.
Pur ce que vus vivez en folie,
Daheit[4] qe preyse vo vie !
— Sire Roi, » feit le Jogler,
210« Quei val sen ou saver ?
Ataunt valt vivre en folye
Come en sen ou corteysie.
Et tot vus mostroi par ensample
Qu’est si large e si aunple
215E si pleyn de resoun,
Que um ne dira si bien noun.
Si vus estez simple et sage houm.
Vus estez tenuz pour feloun ;
Si vus parlez sovent e volenters,
220Vus estes tenuz un janglers ;
Si vus eiez riant semblaunt.
Vus estez tenuz pur enfaunt ;
Si vus riez en veyn.
Vus estez tenuz pur vileyn ;
225Si vus estes riche chivaler
E ne volez point tourneyer,
Donqe dirra ascun houme
Vus ne valez pas un purry poume ;
Si vus estes hardy e pruytz,
230E hauntez places de desduytz :

« Cesti cheitif ne siet nul bien ;
Taunt despent qu’il n’a rien. »
Si vus estes houme puissaunt
E serez riche et manaunt,
235Dount dirra hom meyntenaunt :
« De par le deable ! où ad il taunt ? »
S’il est povre e n’ad dount vyvre :
« Cest cheitif tot ditz est yvre. »
Si il vent sa tere pur ly ayder :
240« Quel diable ly vodera terre doner ?
Yl siet despendre e nient gaigner »,
Chescun ly velt cheytyf clamer.
S’il achate terres par la vile,
Si lur estoit autrement dire :
245« Avey veu de cel mesel
Come il resemble le boterel
Qe unque de terre ne fust pleyn ?
Ensi est il de cel vileyn. »
Si vus estes jeovene bachiler
250E n’avez terre à gaygner
E en compagnie volez aler
E la taverne haunter,
Vus troverez meint qe dirrat :
« Où trovera il ce qu’il ad ?
255Unque ne fist gayne à dreit
Ce qu’il mangue et ce qu’il beit. »
Si vus alez poi en compagnie
E taverne ne hauntez mye :
« Cesti est escars, avers et cheytif,
260C’est damage qu’il est vyf ;

Yl ne despendi unque dener,
S’il ne fust dolent al departer :
De son gayn Dieu li doint pert,
Yl n’out unqe la bourse overt. »
265Si vus estes vesti quoyntement,
Donqe dirrount la gent :
« Avez veu de cel pautener,
Com il est orguillous e fier ?
Ataunt usse je de or real
270Com il se tient valer fient de cheval !
Yl[5] n’i averoit si riche houme, par Dé,
En Londres la riche cité. »
Si vostre cote seit large e lée,
Si derra ascun de soun grée :
275« Ce n’est mie cote de esté. »
Donqe dirra le premer :
« Assez est bone, lessez ester ;
Il resemble un mavois bover. »
Si vostre teste soit despyné
280............
E soit haut estauncé :
« C’est un moygne eschapé. »
Si vostre teste seit plané,
E vos cheveus crestre lessé ,
285Yl serra meintenant dit :
« C’est la manere de ypocrit. »
Si vostre coyfe seit blanche e bele :
« S’amie est une damoysele,
Qe ly vodra plus coyfes trover
290Qe ly rybaud pust decyrer. »

Si ele est neyre, a desresoun :
« Yl est un fevre, par seint Symoun !
Veiez corne est teint de cliarboun. »
...............
295Si vus estes cointement chaucé
E avez bons soudlers al pié,
Si serra ascun par delee
Que vus avera al dey mostree,
E à soun compaignoun est torné :
300 « Ce n’est mie tot, pur Dé,
De estre si estroit chaucé. « 
Dirra l’autre : « A noun Dé,
C’est pur orgoil e fierté
Que li est al cuer entrée. »
305Si vus estes largement chaucé,
E avez botes feutré
Et de une pane envolupé,
Donqe dirra ascun de grée :
« Beneit soit le moigne de Dee
310Qe ces veyle botes par charité
Ad à cesti cheytyf doné. »
E si vus les femmes amez,
E ou eux sovent parlez
E lowés ou honorez,
315Ou sovent revysitez,
Ou, si vus mostrez par semblaunt
Qe à eux estes bien vuyellaunt,
Donque dirra ascun pautener :
« Veiez cesti mavois holer,
320Come il siet son mester

De son affere bien mostrer ».
Si vus ne les volez regarder
Ne volenters ou eux parler,
Si averount mensounge trové
325Que vus estes descoillé !
Auxi di je par delà
Come l’ensaunple gist par desà,
Si ascune dame bele
Ou bien norrie damoysele
330Par sa nateresse e bounté
De nulli seit privée,
Ou si ele tant ne quant
Fasse à nully bel semblaunt,
Ou si ele vueille juer :
335Cele est femme de mester
E de pute manere
E à gayner trop legere.
Si ele soit auqa hontouse
E de juer dangerouse :
340« Veiez corne ele se tient souche !
Bure ne destorreit en sa bouche. »
Cornent qe ele ameyne sa vie,
Rybaudz en dirront villeynie.
Si volenters alez à mostier
345E à Dieu volez prier
De vos pechiés remissioun
E de fere satisfaccioun,
Si dirra ascun qe vus regard :
« Ja de vos prieres n’ey je part,
350Qar vus n’estes qe un papelart ;

Vos prieres serrount oys tart. »
E si vus alez par le moster
E ne volez point entrer,
Donqe dirra vostre veysyn :
355« Cesti ne vaut plus qe un mastyn ;
Si Dieu me doint de son bien,
Cesti ne vaut plus que un chien. »
Si vus volenters volez juner
Pur vos pechiés amender,
360Dount dirra li maloré :
« Où à deables ad il esté ?
Yl ad soun père ou mère tué,
Ou ascun de soun parentee,
Ou femme, file ou enfaunt.
365Pour ce qu’il june taunt ».
Si vus sovent ne junez,
Donqe dirrount malorez :
« Cesti mavais chien recreant
Ne puet juner taunt ne quant,
370Le bon vendredy ahorree
Prendreit il bien charité
Trestot par soun eyndegré
Ja de prestre ne querreit congé ».
Si je su mesgre : « Bels douz cher,
375Mort est de faim ; il n’a qe manger ».
E, si je su gros e gras.
Si me dirra ascun en cas :
« Dieu ! come cesti dorreit graunt fiaut
En une longayne, s’il cheit de haut ! »
380Si j’ay long nées asque croku,

Tost dirrount : « C’est un bercu. »
Si j’ay court nées tot en desus,
Um dirrat : « C’est un camus. »
Si j’ay la barbe long pendaunt :
385« Est cesti chèvre ou pelrynaunt ? »
E si je n’ay barbe : « Par seint Michel !
Cesti n’est mie matle, mès femmel. »
E si je su long e graunt,
Je serroi apelé geaunt ;
390E si petitz sei de estat,
Serroi apelé naym et mat.
Dieu ! come le siecle est maloré,
Que nul puet vivre sanz estre blamé !
Plus y avereit à counter,
395E assez plus à demaunder ;
Mès je ne vueil estudier
Si vus ne me volez del vostre doner ;
Car ensi va de tote rienz
E des malz et des bienz ;
400Car nulle rien ne purroi fere
Qe um ne trovera le countrere. »
Donqe dit le Roi : « Verroiement
Vus dites voir, à mien ascient.
Quei me saverez vus counsiler ?
405Coment me puis countener
Et sauntz blame me garder,
Que um me vueille mesparler ? »
Respound le Joglour al Roy :
« Sire, moun counsail vus dirroy :
410Si vus vostre estat veilla bien garder,

Ne devrez trop encrueler,
Ne trop estre simple vers ta gent ;
Mès vus portez meenement ;
Car vos meymes savez bien
415Qe nul trop valt rien :
Qy par mesure tote ryen fra
Ja prudhome ne l’y blamera,
Par mesure meenement
Corne est escrit apertement,
420E le latim est ensi :
Medium tenuere beati.
Qy ceste trufle velt entendre,
Auke de sen purra aprendre ;
Car um puet oyr sovent
425Un fol parler sagement.
Sage est qe parle sagement,
Fols[6] come parle folement. »

Explilcit du Roy et du Jouglour.

  1. LII. — Le Roy d’Angleterre et le Jongleur d’Ély, p. 242.

    Publié par Sir Francis Palgrave, Londres, 1818 ; par De la Rue, Essais historiques sur les bardes, les jongleurs, etc., 1834, I, 285-298 ; et par M. Fr. Michel, à la suite de la Riote du monde, 1834, p. 28-43.

    Le ms. met toujours n à la place de u.


  2. Vers 126 — ils, lisez il.
  3. 165 — Nous, lisez Nus.
  4. 208 — * Daheit ; ms., Dasscheit. — * vo ; ms., vostre.
  5. 271 — Il, lisez Yl.
  6. 427 — * Fols, ms., Fole.

    L’Explicit n’existe pas dans le ms.

LIII

LA CONTREGENGLE

Bibl. nat., Man. fr. 837 (anc. 7218),
fol. 214 ro à 215 ro.[1]

1
Fabloié as or longuement
Et moi ledangié durement :
Si te vient de grant ribaudie ;
Mès qui biau veut oir, biau die ;
5Ceste resons bien i afiert,
L’une bontez l’autre requiert.
Tu es fols de contralier,
Quar l’uevre loe bien l’ouvrier.
Moult me torne or à grant anui
10Quant tu demandes qui je sui.
Tu me demandes que je sai ;
Mès je voudroie qu’à l’essai
Fussons ore, entre toi et moi[2],
Liquels set plus. Foi que doi toi,
15Tu paroles moult folement.
Si me fez si .I. argument
Et .I. sofisme tout boçu.
Mès, chetis bouliers, qui es tu ?
Nul bien al siecle tu n’entens ;
20Or, di quels est tes argumens ;

Va aprendre ; bien t’est mestiers.
Tu es et moult baus et moult fiers ;
As tu ci nul de tes parenz ?
Tu te fez prone entre les genz.
25Et si vous veus ci fere[3] entendre
Que nus ne te porroit aprendre
Por ce qu’il te facent aïue.
Tu n’as pas ta borde vendue,
Qui ainsi bestornes les nons.
30Tu es li sages Salemons,
Qui tant aprist que en folie
Torna le sens de sa clergie.
Tant as vescu que tu radotes,
Or[4] t’est avis que, por .II. cotes
35Que tu as environ tes os,
Que nus ne soit jamès si os
Que il devant toi parler ost
Ne plus que devant .I. provost.
Ce est coustume de chetif
40Et de truant ribaut faintif
Que, quand il vient à .I. poi d’aise,
Dont ne voit rien ne li desplaise.
De maigre poille par nature
Plus male d’autre est la morsure.
45Ne deüsses pas avoir cote
Qui fust entire ? mès la hote
Ce deüst estre tes mestiers,
Et fîen porter en .II. paniers.
Mestier n’as entre nule[5] gent
50Qui en els aient escient.

Va seoir o tes vieilles sordes ;
Celes dois tu pestre de[6] bordes.
Tu ne dois pas porter viele
Ne mengier en nete escuele,
55Mès en une auge avoec porciaus.
Forche, pele, besche, fiaiaus
Dois porter et itel merrien ;
Diex[7] te desfende de tout bien,
Et il te gart de ton salu.
60Poi m’as grevé et poi valu ;
N’i bée ja que mes mestiers
Puist empirier de tels bordiers.
Quar pleust ore Dieu et Saint Leu
Que samblaisses aussi bien leu
65Que tu resambles .I. asnier.
Or esgardez quel charruier,
Comme est bien tailliez à vilain.
Seignor, or soiez tuit certain
Qu’il est du plus mauvais lingnage
70Qu’ainc veïssiez en vostre eage ;
Por ce di que tels pautoniers
Ne se puet grever .II. deniers.
Fui de ci[8], quar tu es ribaus ;
Ne vaus pas certes .II. chiez d’aus,
75Non pas ribaus, mès ridolenz.
Male goute aies tu ès denz
Tu es un ribaus pailletous ;
Je t’ai veü par maintes cors
Que tu n’avoies pas vestu
80Vaillant .III. solz. Mès qui es tu ?

Qui fu ton pere et qui ta mere ?
Je les conui bien, par Saint Pere :
Tes peres embla .I. tabar
Par qoi il fu penduz à Bar,
85Et en meïsme cele anée
Fu ta mere à Provins plantée ;
Je vi une teue seror
Qui espousa .I. lecheor ;
Andui furent planté ensamble
90A Miaus le Chastal[9], ce me samble ;
Por .I. sorcot qu’ele ot emblé
Furent ensamble audui planté.
Encor n’a gueres que je vi
A Sens, .I. jor de samedi,
95En l’eschiele .II. granz meschines,
Qui près estoient tes cousines.
Qui en faus plet furent trovées ;
En Yone furent getées.
Estrais es de pute lingnie
100Je revi ja de ta mesnie
Lez moi que j’avoie à voisins
.II. maus larrons de tes cousins ;
Andui furent par bougresie
Ars en milieu de Normendie.
105Por ce me torne à grant despit
Que .I. tel ribaut me mesdit.
Ja bons ne seras, par Saint Pere ;
Li filz[10] doit resambler le pere ;
Chetiz es et chetiz seras,
110Ne ja nul jor n’amenderas.

Par tant n’auras de qoi tu vives.
Por ce me poise quant t’estrives
A moi et que tu me deshonte.
Dont te vient il ? A toi que monte ?
115Chascuns ribaus si devient prone
Quant il fet tant que il larrone
.IIII. deniers ou .V. ou sis,
Si veut estre ou haut dois assis ;
Mès tu auras le pelori ;
120Jamès ne t’en verra[11] guéri.
Si t’aït Diex, où emblas tu
Cel sorcot que tu as vestu ?
Or emble tant que tu porras ;
Por .I. pendre quites seras.
125Trop par esprens à .I. besoing ;
Tu n’as de l’autrui chose soing,
Se nel pues tolir ou embler.
Hé Diex ! com vaillant bacheler !
Comme est servanz et de grant pais 1
130Diva, fol ribaus, quar te tais ;
Si te va pendre à .I. gibet.
Tu ne sais rien fors que d’abet,
De mespoins et de fortreture ;
Mès de ce n’ont preudomme cure.
135Ja n’est il nus hom qui Dieu croie
Qui en moustier entrer te voie ;
Tu as toute usée ta pel
En la taverne et au bordel.
Tu trueves ainz c’on ait[12] perdu.
140Or te voi je tout esperdu ;

Or soit ore tout en respit
Si recordé ce que j’ai dit.
Mès tu ne sez nule rien dire ;
Tu ne fez rien fors d’autrui lire.
145Tu vas autrui mort conquérant,
Dont tu aquiers maint mal voillant.
Quanques[13] tu as ici jenglé
As tu d’autre leu descenglé ;
Je suis près de ce à prover
150Que tu m’as ci oï conter.
Je n’i vueil mètre plus d’alonge ;
Aconsiurre vueil ta mençonge,
Mès les oevres dont tu te prises
N’as tu pas encor bien aprises.
155En toi n’a se les bordes non,
Ne n’es tu pas de grant renon
Si comme autre menestrel sont
Qui aus granz cors les robes ont.
Mès toi, por qoi les donnoit l’en ?
160En toi n’a proece ne sen,
Dont l’en te doinst .I. oef pelé.
Musart or t’ai bien apelé ;
Tu ne sez ne bien ne honor.
Onques mès, par le Sauveor,
165Ne vi si fol ni si musart.
Va, si te pent à une hart ;
Feus t’arde l’eschine et les flans ;
Va toi repondre[14] souz ces bans
Con povre chose et nice et fole ;
170Et fols est qui a toi parole ;

Mès Fortune t’a or bien fet
Qui t’a encressié et refet.
N’ai cure d’à toi estriver,
Quar bien tost me porroie irer
175De corouz et de mautalent.
Mès se ce n’estoit por[15] la gent
Et por mes amis ahonter,
Je te feroie mesconter
De ces degrez une partie.
180Or t’en va, si ne revien mie
En leu où me saches ne voies,
Que tu tendroies males voies.

Explicit la Contregengle.

  1. LIII. — La Contregengle, p. 257.

    Cette pièce n’est que la seconde partie du fabliau « Des .II. Bordeors ribauz », publié dans notre premier volume, p. 1-12. (Cf. plus haut les Notes et variantes du premier volume, p. 273, vers 177.)


  2. Vers 13 — * toi et moi ; ms., moi et toi.
  3. 25 — faire, lisez fere.
  4. 34 — Et, lisez Or.
  5. 49 — seule, lisez nule.
  6. 52 — des, lisez de.
  7. 58 — Dieu, lisez Diex.
  8. 73 — * d’eci, lisez de ci.
  9. 90 — « Miaus le Chastal », « Meaux » en Brie.
  10. 108 — fils, lisez filz.
  11. 120 — Il faudrait lire verras, mais l’s finale manque de même au vers 113.
  12. 139 — * ait ; ms., art.
  13. 147 — Quanque, lisez Quanques.
  14. 168 — repandre, lisez repondre.
  15. 176 — pas, lisez por.

LIV

[DES ESTATS DU SIECLE]

Bibl. de Genève, Man. fr., 179 bis,
fol. 37 et 38.[1]

1
Nous lisons une istoire, ou fable,
D’un qu’avoit .I. fil non estable,
Qu’au comancement de sa vie
Regarda l’estat de Clergie,
5Et vit qu’il est trop precieux,
Trés aisiés, trés delicieux.
Les Clers ont les prelations,
Les rantes, les possessions,
Les grans palaffrois, les chevaux,
10Les vins vieux et les vins nouveaux,
Devant tous autres la parole.
Si se prist aler à l’escole,
Et cuyda bon Clerc devenir
Et cel grant estat maintenir.
15Quant vint après .III. ans ou quatre,
Il regarda les enfans batre,
Et la poine qu’il convient traire,
Quant uns homs se veut por Clerc faire,
Matin lever et tart cuchier,
20De jour panser, de nuyt songier,

Et les autres affliccions
Qui sont nès ès prelations ;
L’estat de Clergie desprise,
Et dist que mieux vaut Marchandise.
25Marchans gagnyent ardiement,
Merchans vivent aisiement,
Marchans puent prouffit aquerre
Et en la mer et en la terre.
Lors fist ses nefz appareillier,
30Outre mer[2] s’en vait por gagnier,
Mais, quant fust en la mer profonde,
Regarda le peril de l’onde,
Et se santist le cuer amer
Par l’esmeuvement de la mer,
35Tantoust arrière s’en retourne ;
A cultiver terre s’atourne[3].
Cilz, qui avoit le cuer volage,
Commencza louuer cultivage,
Quar l’en puet gagnier en cultil
40Sans grant travail et sans peril,
Sans aler loing de sa maison.
Mais après vint une saison,
Quant il cuida grant gaing aquerre,
Sa semence pourrist en terre
45Et ne gita herbe ne grain.
Si se sentist por fol vilain,
Et jura par sa main senestre
Que Chevalier lui convient estre,
Quar Chevaliers ont les honneurs
50Et les estas de grans seigneurs.

Sans main mettre, l’en leur aporte
l’out ce qui leur faut à leur porte.
L’en[4] les sert à grant diligence,
A honneur et à reverence ;
55Chacun doubte les Chevaliers.
Quant eulx moynent leurs escuiers.
Leurs hommes avoec[5] leur pennallye ;
N’est rien ou monde qui leur fallye.
Qu’à Chevalier fait vilenie.
60Il n’est pas seür de sa vie.
Tantoust Chevalier se fist faire.
Mais après luy vint .I. contraire.
Que luy convient aler en guerre
Por son paix et por sa terre.
65Et s’arma, selon la coustume,
Des armes qui ne sont pas plume.
Et il mist[6] l’eaume en sa teste ;
Ne le tient pas n’a jeu n’a feste.
Après, quant vist la chivauchie
70Des enemis qu’ont aprouchie.
Et qui se moustroint en appart.
Lors voulsist bien estre autre part
Et pensa, s’il n’estoit délivres,
Qui luy dondroit .xm. livres,
75Quar tel estat plus ne tiendroit
Pour le peril qu’il y veoit[7].
Si se trouva estre Avocas,
Et vist, entre tous les estas.
C’est celli par qui mieux luy samble
80Que l’en met plus d’argent ensamble.

Avocas gagnyent sans grant poine.
Quant .I. homs sa cause demoine
Par Avocat, qui tout jour tire,
Il se puet bien tenir de rire,
85Quar, s’il a point d’argent en borse,
Li Avocas[8] en fera trousse.
Tantoust prist l’abit d’Avocat ;
De Chevalier laissa l’estat.
Quant vint après, en .I. fort plait.
90Ses aversaires avant trait
Tant de coustumes, tant de droès,
Tant de canons et tant de loès.
Et tant de desmandes luy baillye
Que il ne scet quel par qu’il alye.
95Si propousa en son courage
Qu’il se mettroit en Mariage.
Quant .I. homs a sa preude feme,
Sage, sutil, de bonne fame,
Elle governe la maison
100Et tout commande par raison.
Moult d’aise fait à son mary ;
S’elle luy voit le cuer mary,
Trés doucement le reconforte ;
Assés d’autre prouffit luy porte.
105Pour ce tantoust se maria
Pour le grant aise qu’il y a.
Après, quant son estat cognoit,
Ne trueve pas ce qu’il cuydoit ;
Si tient en despit Mariage,
110Et se mist en .I. reclusage,

Et propousa toute sa vie
Estudier Astronomie,
Et savoir du ciel la nature ;
Quar de la terre n’a plus cure.


  1. LIV. — Des Estats du siecle, p. 264.

    Nous devons la copie de ce fabliau à l’obligeance de M. Eug. Ritter.


  2. Vers 30 — * Outre mer ; ms., Autre mer.
  3. 36 — * s’atourne ; ms., s’acourde.
  4. 53 — * L’en ; ms., L’un.
  5. 57 — * avoec leur ; ms., et leur.
  6. 67 — * Et il mist ; ms., Et mist.
  7. 76 — * veoit ; ms., vesoit.
  8. 86 — * Li Avocas ; ms., Le Avocat.

NOTES ET VARIANTES

DU PREMIER VOLUME


Les mots marqués de l’astérisque sont des corrections faites aux manuscrits.


I. — Des .ii. Bordeors ribauz, p. 1.

A. — Paris, Bibl. nat., Mss. fr. 19152, fol. 69 vo à 70 ro.

B. — Paris,» Bibl. nat.,» Mss. fr.» 837, fol. 213 vo à 214 ro.


Le ms. 354 de Berne contient ce fabliau sous le titre de : « Li esbaubismanz lecheor ».


Publié d’abord par B. de Roquefort, De l’état de la Poésie françoise, 1815, p. 290-305, d’après le ms. A. — Publié ensuite comme inédit par A. C. M. Robert, de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, Fabliaux inédits, 1834, p. 16-26, et par Achille Jubinal, Œuvres complètes de Rutebeuf, 2e  éd., 1875, III, 2-14, d’après le ms. A ; donné en extrait par Legrand d’Aussy, éd. Renouard, II, 369-892.

Le ms. B porte comme titre : « La gengle au ribaut ».


Vers 8 — Com tu es. B, Vez comme es.

9 — * gaagnaige. A, gaaigne.

11 — bones. B, beles.

14 — cuit. B, croi.

19 — Tu. B, Qui.

22 — un cureur. A, une uevre. B, une oevre. C’est évidemment le sens d’œuvre qu’il faut adopter comme leçon.

24 — d’amone, leçon de Robert. A, d’aucone. B, d’aucune, qui est la bonne leçon.

27 — Lechieres. B, Et lechier.

29 — Cils homs, com. B, Com cils homs.

30 — robe. B, cote.

31 — N’a u. B, N’aura.

32 — Or esgardez. B, Veez or en.

35 — quant tel. A, quant que. B, quanques.

39 — bone œuvre. B, oevre bons.

40 — * Tu sanbles un. A, Tu sanble un. B, Ainz es uns ors. — bouvieis. A, B, bouviers.

42 — un meneur. B, meneres.

43 — Miels. B, Molt miels. — faces. B, fez.

46 — Diex t’aïst. B, t’aïst Diex. — s’onques tu as, lisez s’onques tuas. B, se tu tuas.

50 — Pour Dé. B, Pour ce.

53 — repondre. B, respondre.

54 — on. B, l’en.

58 — conter. B, chanter.

63 — et, lisez ou.

65 — B, Chanter el monde n’i a tel.

66 — On remarquera que, dans l’énumération des chansons de geste, la plaisanterie consiste à emprunter à deux chansons différentes les éléments de deux nouveaux titres combinés deux à deux. Ici « Guillaume au tinel » est une allusion à « Guillaume au cort nez ».

68 — « Renoart au cort nés », allusion à « Renoart au tinel ».

69 — com. B, quant.

70 — d’Aie. B, d’Aien. — « Aïe de Nanteuil », allusion au roman d’« Aïe d’Avignon ».

72 — Garins. A, B, Garnier, qui est la bonne leçon. — « Garnier d’Avignon », allusion à « Garnier de Nanteuil ».

74 — « Guyon d’Aleschans », allusion à « Guy de Bourgogne ».

75-76 — Manquent dans B. — « Vivien de Bourgogne », allusion à un roman perdu portant le titre de « Vivien d’Aleschans », qui a dû précéder la « Chevalerie Vivien » et « Aliscans », rattaché plus tard à la Geste de Guillaume au court nez.

76 — « Bernart de Saisoigne », allusion à « Bernard de Brabant », personnage de la maison de Monglane, héros d’une chanson perdue. Cf. G. Paris. Hist. poét. de Charlemagne, p. 79.

77 — Guiteclin. B, Guidequin. — « Guiteclin de Brebant », allusion à « Guiteclin de Saisoigne », c’est-à-dire à la « Chanson des Saxons ».

78 — « Ogier de Montauban », allusion à la chanson d’« Ogier le Danois ».

79-98 — Manquent dans B.

80 — « Renaut le Danois », allusion à « Renaud de Montauban ».

85-86 — « Gauvain et Kex », personnages des romans de la Table ronde, qui se prennent ici mutuellement leur épithète ordinaire.

87 — « Perceval de Blois », allusion à « Perceval le Galois ».

88 — « Pertenoble le Galois », allusion à « Partenopeus de Blois ».

95 — Allusion au roman de « Flore et Blanchefleur ».

98 — « Tibaut de Viane », allusion à « Thibaut d’Aspremont », chanson de geste perdue aujourd’hui et que ce passage nous révèle.

99 — « Girart d’Aspremont », allusion à « Girart de Viane ».

100 — n’est. B, n’a.

102 — Grant despit ai com, B, Si ai desdaing quant.

107 — recouvriers. A, B, recouvrier.

110 — Se de ma main voloie ovrer. B, Se je m’en voloie à ovrer.

112 — Entre le vers 112 et le vers 113, le ms. B donne les 16 vers suivants, qui répètent avec des différences les vers 79-98 du ms. A :

Mès de chanter n’ai ore cure.
Si sai de romanz d’aventure
Qui sont à oïr delitable ;
Je sai de la roonde table,
De G. (Gauvin) sai, le mal parlier,
Et de Keu, le bon chevalier ;
Si sai de Percheval del bois.
Et de sire Yvain le Galois
Sai je plus de .lx. lesses.
Et tu, chetis, morir te lesses
De mauvestié et de perece.
En tout le monde n’a proece
De qoi tu te puisses vanter.
Mès je sai aussi bien chanter
Et en romanz et en latin
Ausi au soir comme au matin.

113 — à. B, en.

115 — D’ues friz. B, Desus.

126 — B, En ceste monde n’a nule riens.

133 — nel lairai que ne vos. B, ne lairai que ne te.

134 — une. B, tel.

135 — grantz, lisez granz.

136 — fax, lisez fox. — B, Et tu, que fez, di, folz noiens. — Le ms. B ajoute après ce vers :

Bien pert que tu es fols naïs ;
Que quiers tu donc en cest païs ?

137 — Tu ne sai pas, lisez Tu ne sez pas. B, Quant tu ne sez.

138 — force. A, B, toz les.

140 — Trenchefonde, lisez Tranche-fonde.

141-142 — Ces deux vers sont intervertis dans B. — On lit dans A : Gros-groig, poig.

142 — B, Qui assomme le buef del poing.

143-144 — Ces deux vers sont intervertis dans B. — Trenche-fer. A, Tranche-fer. — B, Et Runge-fer et Trenche-foie.

144 — qu’il, lisez que il.

145 — B, Et Mache-buignet et Guinant.

150 — pour, lisez par.

151 — ici. B, ceens.

152 — B, Certes l’en te devroit tant batre.

156 — por, lisez par. — * bouton. A, vouton. B, voton, qui n’a pas de sens.

158 — vuidéor. B, humeor. — brouet, lisez broet.

159 — humerre. B, vuideor.

160 — poi se tient. B, petitet.

161 — pas, lisez por.

165 — sur, lisez sor. — main, lisez mein. — B, Qui sur chetif homme met main.

167 — somes. B, savons.

171 — Fu de ci. B, Or t’en va.

173 — grosse. B, grant.

175 — par, lisez por.

176 — Nos. B, Quar.

177 — À partir de ce vers, la version du ms. B est toute différente de celle du ms. A, et a été publiée dans le second volume de cette édition (p. 257-263) sous le titre de « La Contregengle ». Nous n’avons donc plus à nous occuper ici que des corrections à faire au ms. A.

186 — beaux, lisez beax.

187 — * haute ; ms., hautes.

190 — * mal parliers ; ms., mentéors.

191 — cointereax, lisez cointerax ; — * mentéors ; ms., mal parliers.

197 — cueur, lisez cuer.

198 — sès, lisez sez.

200 — Sès, lisez Sez.

205 — jongleres, lisez jugleres.

215 — arrumaire, lisez artumaire.

218 — vueil, lisez vueill.

221 — prudhomes, lisez preudhomes.

223 — Tous les noms que nous voyons donner dans ce fabliau à des seigneurs ou à des sergents avaient peut-être pour les auditeurs du temps une application personnelle.

226 — Tosjors, lisez Tozjors.

234 — connois, lisez conois.

236 — vaincu, lisez veincu.

238 — tosjors, lisez tozjorz.

242 et 252 — coup, lisez cop.

246 — conois dusqu’à, lisez connois jusqu’à.

248 — connoi, lisez connois.

253 — Arrache, lisez Errache.

261-262 — Ces deux vers sont intervertis à tort. — Quauquelin, lisez Gauquelin.

263 — Funde, lisez Fonde.

264 — tos les bons sirjans, lisez toz les bons serjans.

267 — tan, lisez tant.

269 — sont plus, lisez plus sont.

272 — Hotte, lisez Hote.

273 — Torne-Enfine, lisez Torne-en-fui.

284 — * beax ; ms., beau.

289-298 — Tous les fabliaux dont parle ici notre trouvère sont connus ; celui de « Dame Erme », qu’on ne connaît pas sous ce nom, n’est autre que « le Villain de Bailleul ».

292 — els, lisez elz.

306-319 — Les chansons de geste et les héros d’épopée que cite notre auteur sont dans la mémoire de tous : Berthe aux grands pieds, les Loherains, la Chanson de Roland et autres poëmes du cycle carolingien ; Ogier le Danois, les Quatre Fils Aymon, le Couronnement Looïs, Beuve de Comarchis, Foulques de Candie, le Moniage Rainouart, etc.

331 — Ne parle, lisez Ne parler.

336 — Le ms. porte « noz parole » ; pour la régularité du vers, il vaut mieux lire no parole.


II. — Des trois Boçus, p. 13.
Paris, Bibl. nat., Mss. fr. 837, fol. 234 ; lisez fol. 238.

Publié par Barbazan, II, 125 ; par Méon, III, 245-254 ; par Renouard dans Legrand d’Aussy, IV, app. 27-30, et traduit par Legrand d’Aussy, IV, 257-263.


Vers 83 — deffendu, lisez desfendu.

105 — Ez-vos, lisez Ez-vous.

118 — Es-vous, lisez Ez-vous.

167 — arrière, lisez arrier.

227 — Jel, lisez Tel.

230 — * fust ; ms., fus.

262 — grand, lisez grant.

265 — durement ; lisez duremant.

Ce fabliau se retrouve dans Straparole, Nuit V, nouv. 3. Cf. Loiseleur Deslongchamps, Essai sur les fables indiennes, p. 157, et Straparole, éd. Jannet, I, xxviij.


III. Du vair Palefroi, p. 24.
Paris, Bibl. nat., Mss. fr. 837, fol. 348 vo à 355 ro.

Publié par Méon, I, 164-208, et traduit par Legrand d’Aussy, IV, 220-235.


Vers 26 — cueurs, lisez cuers.

38 — pourrez, lisez porrez.

39 — Champaigne, lisez Champaingne.

44 — proesce, lisez proece.

51 — preudome, lisez preudomme.

52 — some, lisez somme. De même pour un certain nombre d’autres mots de ce fabliau qui, écrits avec une seule m, en ont deux dans le ms.

147 — faisoit, lisez fesoit.

194 — convenoit, lisez couvenoit.

226 — deffere, lisez desfere.

236 — Ou soit à joie, ou soit à rage, lisez Ou tort à joie, ou tort à rage.

243 — convoite, lisez couvoite.

255 — suis, lisez sui.

389 — accordast, lisez acordast.

419 — vuet, lisez veut.

420 — promettre, lisez prometre.

438 — oncle, lisez oncles.

456 — senz, lisez sanz.

463 et 466 — convenant, lisez couvenant.

482 — l’acoitiez, lisez la coitiez.

487 — Galardon, « Gallardon », petite ville de la Beauce (Eure-et-Loir, arr. de Chartres).

497 — Guillaume, lisez Guillaumes pour la mesure du vers.

502 — eslirre, lisez eslire.

539 — aparcevoir, lisez apercevoir.

582 — preudom, lisez preudomme, qui dans la phrase est au régime.

613 — ceste afere, lisez cest afere.

635 — convoitise, lisez couvoitise.

640 — grans avoir, lisez granz avoirs.

698 — sans, lisez sanz.

720 — effraée, lisez esfraée.

730 — effroiz, lisez esfroiz.

789 — elle, lisez ele.

792 — * Là-sus ; ms. Lais, qu’il faut peut-être mieux lire Laiens.

803 — besoigne, lisez besoingne.

804 — pardoigne, lisez pardoingne.

835 — sans, lisez sanz.

898 — deffere, lisez desfere.

902 — grand, lisez grant.

943 — jor, lisez jors.

963 — Le vers est faux ; il faut corriger : li amena.

1020 — Vincestre, « Winchester », ville d’Angleterre, comté de Hampshire.

1107 — alé, lisez alez.

1119 — sait, lisez set.

1138 — fu, lisez fust.

1141 — aille, lisez j’aille.

1151 — poterne, lisez posterne.

1161 — garnemens, lisez garnemenz.

1215 — Besié, lisez Besie, pour la mesure du vers.

1286 — effroi, lisez esfroi.

1297 — meffet, lisez mesfet.

1306 — deffet, lisez desfet.

1322 — convenables, lisez couvenables.

Imbert a imité ce fabliau.


IV. — Des trois Avugles de Compiengne, p. 70.

A. — Paris, Bibl. nat., Mss. fr. 837, fol. 73 vo à 75 ro.

B. — Paris, » Bibl. nat., » Mss. fr.» 1593, fol. 103 ro à 107 ro.

C. — Paris, » Bibl. nat., » Mss. fr.» 12,603, fol. 240 vo à 242 vo.

T. — Fragment trouvé dans la Bibl. de Troyes, aujourd’hui à la Bibl. nat., comprenant seulement les vers 151-293.


Il y a dans B, C et T des différences d’orthographe trop nombreuses et trop insignifiantes pour être données.

Publié par Barbazan, III, 68 ; par Méon, III, 398-408, d’après le ms. A ; par Renouard dans Legrand d’Aussy, III, app. 5-9, et analysé par Legrand d’Aussy, III, 49–57.


Vers 1-5 — B :

Une aventure conterai
D’ou le fablel vos en dirai.
Je tien le menestrel molt sage
Qui en trover met son usage
Quant il dit fabliaus et contes.

On lit dans C :

Une matere conterai
Dont le flabel vous dirai.
Je tieng le menestrel à sage
Qui en trouver met son usage
Dont on fait fabliaus et contes.

6 — dus, devant. B, rois et devant. C, rois, dus et.

7 — B, Fabliaus sont bon à raconter.

8 — mesconter. B, C, oblier.

9 — meffet. A, mesfet.

10 — Cortebarbe. C, Cointebarbe. — a cest fablel. B, a ce fablel. C, a cestui.

11 — B, Je croi molt bien qui l’en soveigne.

14 — B, Entr’aus .III. nul garson n’avoient. C, Entr’aus .III. .I. garchon n’avoient.

19 — furent. B, yerent.

21 — aloient. B, C, venoient. — Senlis. C, Saint Lis.

22 — qui venoit. B, C, revenoit.

24 — sommier. B, garson.

25 — Et bel. B, C, .I. bel.

26 — vint. B, vit. C, vient.

27 — C, « grant » manque. — embleüre, lisez ambleüre.

28 — vit. C. voit.

29 — B, Lors se pensa c’a nus envoie. C, Lors se pensa qu’aucuns en voie.

30 — la. C, lor.

31 — El cors. B, Ançois.

34 — Erraument. B, Maintenant.

38 — erraument. B, C, maintenant.

39 — falordant. B, faunoient. C, ambousant.

40 — Vez ici. B, Vez vos ci. C, Vés ci.

42 — Croix, lisez Croiz.

43 — Fet chascuns. B, Font il que. C, Dist chascuns.

45 — B, C, Atant li clers ansus se part.

46 — * veoir. A, vir, forme contracte de veïr. — B, Et dit qu’il verra lor depart. C, Dist que veïr veut lor depart.

47 — Esraument. B, Maintenant.

48 — B, Tant qu’il oy et entendi. C, Cil qui oï et entendi.

49 — B, Ce que li avugle disoient. C, Quanque li avule disoient.

50 — B, Et que antr’aus .III. devisoient.

52 — B, « or » manque. — or mie. C, mie ore.

53 — cest. B, se.

55 — Savez, « fet il. B, Je vous dirai.

57 — Grant tens. B, Grant piece. — ne. C, que ne.

58 — que chascuns s’aise. B, chacuns soit aise.

59 — plentive. B, garnie.

62 — C’or eussons. B, C, Car eüssiens.

63-64 — B :

Et si fuciens ataverné. »
À Compeigne sont retorné.

De même à peu près dans C :

Et fuissimes entavrené. »
Vers Compeingne sont retourné.

65 — lié, baut. B, baut, lié.

66 — les va adès. C, adiès les vait.

67 — dist que. B, C, dit tot.

68 — si adonc. B, C, ci atant.

69 — Dedenz la vile. B, An la vile en.

70 — C, S’oïrent et si escouterent.

71 — crioit. B, C, huchoit.

73 — B, C’est d’Auvergne, c’est de Soissons.

74 — et vin. B, pastés, leçon qui est de beaucoup préférable. — C, Cha char d’oissons et poissons.

75 — Ceens, lisez Ceenz. — B, Ci fet bon despendre son argent.

76 — Ostel i a. B, Ci a hostel.

77 — Ceens, lisez Ceenz. — B, C, Ci puet on aize herbergier.

78 — B, « part » manque.

79 — Si s’en. B, Tuit. C, Tuit .iii.

80 — Li borgois. B, Le prodome.

81 — Entendez çà. B, Sire, entendez.

83 — si. C, trop.

86 — Ce vers manque dans B, et est remplacé par le suivant, qui précède le vers 85 :

En une bele sale pointe.

De même dans C :

En une loge biele et painte.

87 — Quar nous volons. B, Si voulons nous.

88 — B, C, Li ostes pense il dient voir.

90 — aaisier. B, aseoir. — engranz, lisez en granz. Le vers manque dans C.

91 — B, En la salle qui estoit pointe.

93 — Porriez. C, Poés. — ci estre. B, estre et.

95 — Que. B, Dont.

96 — Sire. B, C, Oïl.

98 — C, « dont » manque.

99 — borgois. B, ostes.

100 — De. B, Et.

101 — Pain. C, Plais. — chapons. B, poissons.

102 — B, Et vins noviaus qui furent bons.

103-104 — B :

Puis lor fait laissus trametre
Et lor fait charbon en feu metre.

— fist. C, fait.

105 — se sont. B, C, furent.

106 — Li vallès au clerc. B, Et li vallès clers. C, Li vallès le clerc.

107 — ses chevaus. B, C, son cheval.

108 — qui moult ert. B, fu biaus et. C, fu sages et.

109 — B, Et fu vestuz molt richement. C, Biaus et vestus molt richement.

110 — moult hautement. B, cortoisement. — C, Sist avoec l’oste courtoisement.

111 — C, Au digner le matinée.

112 — au souper. B, après à la. — C, Puis au souper à la vesprée, leçon qu’il faut adopter.

115 — paticle. C, particle.

116 — B, Li .I. à l’autre vin donoit.

117 — après m’en. B, et tu me.

118 — Cis crut sor. B, Cil crut en.

119 — qu’il lor. B, que lor.

120 — Ainsi jusqu’à la. B, C, Ensis jusques à.

123 — Jusqu’au demain qu’il. B, Jusc’à demain qu’i.

125 — qu’il. B, que.

126 — Et l’ostes fu. B, Li ostes est. C, Li ostes ert.

127 — B, Et ses sergens, et si conterent.

129 — B, C, Li vallez dist : « En charité.

132 — B, Si m’aït Diex et saint Thiebaut !

133 — sols pour. B, tot pour. C, à par.

134 — De lui. B, A lui.

136 — C, Et chius i vait sans delaiier.

137 — Vint aus. C, Droit as.

138 — chascuns errant. B, tantost chacuns.

140 — Font il : « Or. C, « Or, » font il.

141 — li paierons. B, C, vous paierons.

142 — Savez, » font il, « que. B, C, Savez vos combien.

143 — dist il. B, C, fait il.

145 — Tuit troi. C, Tout droit.

147 — devant. C, desor.

148-149 — B :

Li avugle, sans contredit,
En vont l’oste arraisonnant.

150 — C, Si cuidons bien k’il soit pesans. — Ce vers manque dans B.

151 — Quar. B, Si. C, Se. T, Or. — rendez. C, donnée.

153-155 — Ces trois vers sont remplacés dans C par les cinq suivants :

Et dist li ostes : « Volentiers.
— Robert, » fait l’uns, « ces li bailliés,
Vous le vis qui veniés premiers.
— Mais vous qui veniés daarains,
Li donnés, car je n’en euc mie.

154 — baille. B, bailliez. — T, Faites tost, se li donés dont.

155 — l’a. Bé ! je n’en ai. B, l’a don, je ne l’ai. T, vous n’a, je n’en ai.

156 — Barbe florie. B, Plante florie.

157 — B, Non n’ai, mès vous l’avez, bien le sai.

158 — B, Par la cervelle Dé, non ai. C, Par le cerveille bieu, mon ai. T, Par le cervele Dieu, non ai.

159 — Liquels l’a dont ? C, Et qui là ?

161 — Dist. B, C, Fait.

162 — en longaingne puant. B, en la longaigne grant.

164 — Il li crient. B, Sire, » font il. C, A lui dient. T, Il l’escrient.

165 — Sire, moult bien. B, C, T, Car molt trés bien.

166 — Dont. B, C, T, Lors. — lor. B, la.

167 — Robers, lisez Robert. — fet l’uns, quar. B, fait il, car. T, faites, se.

168 — devant nous menez. B, devant li metez. C, devant nous metés. T, qui nous fu donnés.

169 — Vous le reçustes. B, Vous l’eüstes tot. T, Que receüstes.

170 — venez daarains. B, veniés derriens. C. veniés daarains. T, veniez daarrains.

171 — bailliez. B, C, T, donnés. — quar. B, que.

175 — lingnas. B, ligaz. C, laingnars. T, saignaz (ou sargnas).

176 — biaus, lisez biau. — à biau harnas. B, en ces biaus draz.

177 — le conte. B, cest conte.

178 — De ris. B, De rire.

180 — A l’oste. T, Cele part. — vint isnelement. B, s’en vint erremant.

181 — Se li. T, L’oste.

182 — gens, lisez genz. — ces gens. B, à ses gens. C, tel gent.

183 et 189 — Fet. B, Dit. C, T, Dist.

184 — c’ont. T, tout. — C, .X. sols que mengié que beü.

185 — fors escharnir. B, fors qu’escharnir. C, el k’escarnir.

186 — T, Mès de tout les puis garnir.

188 — le. B, C, les. — sor mon. B, à mon.

191 — L’oste respont : Moult. B, Dist li ostes : « Molt. » T, Li oste respont.

192 — entiers. B, legers.

194 — refuite. B, recite.

195 — porpenssa maintenant. T, maintenant se porpensa.

196 — la messe. T, as messes.

197 — C, Li clers tantost l’oste araisonne. T, Le bourjois tantost aresone.

198 — Ostes. B, C, Sire.

199 — dont. T, en. — dont ne connissiez. B, bien reconnoissiez. C, en le connissiés.

200 — Ces. B, Les. — croiriez. B, croiiez.

203 — Fet li borgois. B, Dist li ostes. T, Dist li bourgois.

204 — Que. B, Car. — C, Car je querrai bien…

206 — Dont dites j’en. B, Dites dont je. C, Dites que je. — j’en. T, que.

207 — B, C, A l’ostel quant je revandrai. T, Quant del moustier repairerai.

208 — Au moustier. T, Esraument.

209 — le commande. T, li otroie.

210 — ainsi. B, C, tot si. T, ausi.

211 — garçon. B, C, sergent.

212 — et qu’il troussast. B, si qu’i montast. C, et son harnas.

213 — B, Si tot com il reveigne (vers faux).

214 — B, A son oste dit que se veigne. — A l’oste. T, Au bourjois.

215 — el moustier en vont. B, C, T, au moustier s’en vont.

216 — le chancel. T, ambedoi.

217 — les .XV. sols doit. T, biax et gens estoit.

218 — doit, lisez doi.

219 — assir. B, T, seïr.

220 — B, Puis li dist : « Je n’ai pas loisir… ».

221 — dusqu’après. B, jusc’après.

223 — Je l’irai dire qu’il. B, C, Je li voiz dire que. T, Je li dirai que il.

224 — .XV. sols trestout. T, Vos .XV. sols tout.

225 — que. B, com. T, comme.

227 — Fet. T, Dist. — borgois. B, ostes. — le. T, l’en.

229 — Qui maintenant. B, La grant messe. C, Qui grant messe. T, Car grant messe.

230 — B, Li clers est venus à l’autel.

231 — bien. T, bel.

232 — estre gentiz. B, que fut gentis. C, qu’il fust gentis.

233 — C, Il n’avoit pas chiere rebourse.

234 — tret de. C, prist en. T, traist de.

235 — met. B, T, mist. C, boute.

236 — por. B, C, par.

237 — Entendez ça .I. poi. B, Or entendez .I. poi. T, Entendez .I. petit.

238 — li clerc. B, C, clerc si.

239 — je. B, si.

240 — giut, lisez giuc. — B, Je jiu ennuit en .I. ostel.

241 — B, Chiés .I. riche home qui tant vaut. C, T, Chiés .I. borgois qui forment vaut.

243 — Quar preudom. B, Vaillanz hons.

244 — cruel. B, si grant. C, molt grant. T, molt griés.

246 — B, Entr’aus que dememeniens grant feste. C, Entreus que nous meniemes feste. T, Entrues que meniiens no feste.

247 — Si qu’il. B, Car il. T, Si que. — trestoz. T, toz. — marvoiez. B, malvoiez. — Ce vers manque dans C.

248 — C, « Dieu » manque.

249 — encore li. T, c’un petit l’en.

251 — Après chanter. B, Après messe. C, Après le messe. T, Deseur son chief.

252 — Desus son chief. Et. B, Molt trés volentiers. T, Après chanter. Hé ! — Et par. C, De par.

253 — Fet. B, T, Dist. — lirai. B, dirai.

255 — Tantost. B, Si tost. — com j’aurai. C, que j’arai.

256 — clers, lisez clerc. — B, Dont en claim je bien le clerc quite.

257 — Fet. B, Dit. T, Dist. — Miex. C, B, Plus.

258 — comant. B, rant.

259 — Fet li clers. B, Di li prestres. C, Fait li prestres. — B, C, « doux » manque.

260 — à l’autel va. B, va à l’autel.

261 — Hautement. T, Esraument.

262 — Par .I. jor fu. T, Ce fu un jor.

263 — Au. C, T, C’au. — vindrent. B, T, vienent. C, vont.

265 — prendre. B, penre.

266 — borgois. C, ostes.

267 — Dusqu’à son ostel. B, Tantost à l’otel.

268 — monte, si. B, maintenant. — si va sa voie. C, si s’avoie.

269 — tantost. B, trestot.

270 — T, De revenir fu molt engrès.

271 — De. T, Pour.

272 — tout por, B, bien de.

273 — el. B, ou.

274 — devesti, lisez desvesti.

275 — que la. B, quant la. T, que grans.

277 — le livre et puis l’estole. B, le messel et l’estole. C, le livre et l’estole. T, et le livre et l’estole.

278 — Si. C, Puis.

279 — Venez avant. T, Or ça, » fait il.

280 — C, Ches paroles ne sont pas lies. T, Li bourjois l’ot, ne fu pas liez.

281 — Li borgois, ainz li. T, Tantost au prestre. — ainz li. B, ainsoiz.

281-4 — C :

Au bourgois molt forment anoie :
« Mais paiiés me tost ma monnoie.

282 — ving. B, T, vieng.

284 — marvoiez. B, malvoiez.

285 — Dist. B, T, Fait.

286 — B, C, T, Soiés cest home aidant à l’ame.

287 — de voir qu’il. B, bien que il. C, de fi k’il. — T, Bien voi que il est fourcenés.

288 — B, Veez, » fait li borgois, « veez. C, Or, » i fait li bourgeois, « veés. T, Or ois, » fait li bourgois, « oez.

289 — Com. B, Que. — or. B, C, T, ci.

290 — Por. T, A. — B, A po mes cuers do cen n’it. C, Pour poi mes cuers fors du sens n’ist.

291 — Quant. B, Qui.

292 — Je vous dirai. B, Dist li prestres. C, Fait li prestres.

293 — Fet li prestres. B, Je vos dirai. C, Je le dirai. — comment qu’il praingne. B, C, T, coi qu’il aviegne.

294 — C, De Diu tout adès vous souviegne.

295 — poez. C, pores.

296 — Le. B, Son.

297 — dire, lisez lire, qui est exigé par la rime.

298 — commence. B, C, li prist.

299-300 — Ces deux vers sont intervertis dans B et C.

302 — durement. B, C, molt forment.

303 — apele. B, en apelle.

305 — tenez. B, prenez. — C, Puis a dit : « Cestui me tenés.

306 — B, C, Je sai de fi qu’il est desvez.

311 — B, Prenez, » li prestres a dist. C, Prendéle tost, » li prestres dist.

312 — paroschiens. B, païsant.

313 — B, L’ont pris et lié de maintenant. C, 'Le vont illuec tantost prendant.

314 — trestuit tenant. B, formant tordant. C, estroit loiant.

315 — bel. B, bien.

317 — Si. B, Se. — C, « seur » manque. — son. B, le.

319 — lut. B, lit.

320 — tenoit. C, tiennent.

321 — l’esproha d’eve. B, l’esparge d’iaue. C, l’espresent d’iaue.

322 — borgois. B, prestres.

323 — Qu’à son ostel. B, Que li borjois.

324 — B, Laissiez et ne fui plus tenuz. — plus. C, mais.

325-330 — Manquent dans B.

326 — Avez estés. C, Estet avés.

328 — est et moult. C, fu molt el.

329 — qu’il fu si. C, k’ensi fu.

331 — en. B, s’en.

334 — B, Ici fenit li miens contes. C, Ensi definera son conte.

Ce fabliau, bien souvent imité, se divise en deux parties séparées par la bataille des aveugles. La première partie se retrouve dans le Scelta di facezie, dans Sacchetti (nouv. 140), dans les Serées de Bouchet, dans les Contes du sieur d’Ouville, dans Imbert, etc. ; la deuxième partie est racontée à peu près pareille dans les Facétieuses journées de Chappuis, dans la Manière d’avoir du poisson (première repue de Villon, éd. Jannet, 187-190), dans les Facetie de Poncino, dans les Nouveaux contes à rire, etc., etc.


V. — La Houce partie, p. 82.
Paris, Bibl. nat., Mss. fr. 837 (anc. 7218), fol. 150 ro à 152 vo.

Publié par Méon, IV, 472-485 ; par Renouard dans Legrand d’Aussy, IV, app. 13 ; par Bartsch, dans sa Chrestomathie de l’ancien français, 1re éd., 274-282, et traduit par Legrand d’Aussy sous le titre de « Le Bourgeois d’Abbeville », IV, 117-124. — L’auteur de ce fabliau est non Bernard, mais Bernier, comme l’indique le vers 414.


Vers 11 — penser, lisez pensser.

12 — notre ancistier, lisez nostre ancissier.

79 — plorer, lisez plorers.

81 — convendra, lisez couvendra.

92 — besoin, lisez besoing.

204 — deffesi, lisez dessesi.

206 — enfez, lisez enfes.

238 — repaire, lisez repere.

362 — aussi, lisez ausi.

393 — monstrance, lisez moustrance.

407 — qu’ils, lisez qu’il.

409 — en, lisez à.

On retrouve ce conte dans le Novelliero italiano, dans Imbert, etc. — Il en existe une autre rédaction (Cf. notre second volume, p. 1-7).


VI. — De sire Hain et de dame Anieuse, p. 97.

Publié par Barbazan, III, 39 ; par Méon, III, 380-393, et traduit par Legrand d’Aussy, III, 175-180.


Vers 57 — Vers faux. Au lieu de « ou chien » on pourrait lire ou bien chien.

126 — Comencier, lisez Commencier. De même pour d’autres mots qui doivent prendre deux m au lieu d’une.

146 — ariere, lisez arriere.

212 — tuiel ; ms., tuuel, qu’il faut mieux lire tijuel, tijel, tigel, au sens de canon. Cf. Du Cange, sous Tigellum.

230 — vilainz, lisez vilains.

238 et 349 — Hains, lisez Hain.

269 — por, lisez par.

281-284 — Le ms. est déchiré au commencement de ces quatre vers.

291 — convient, lisez covient.

293 — destresce, lisez destrece.

302 — meffete, lisez mesfete.

322 — Allusion à « Tristan et Yseult ».

347 — mefferas, lisez mesferas.

351 — deffenge, lisez desfenge.

352 — ledange, lisez ledenge.

355 — deffenderai, lisez desfenderai.

Ce conte, sans le dénoûment, est dans les Novelle de Sacchetti. Par contre, on trouve un dénoûment semblable dans la Farce du Cuvier, la quatrième de l’Ancien Théâtre français de la Bibliothèque elzévirienne, I, 21-50.


VII. — Du Provost a l’aumuche, p. 112.

Publié par Barbazan, II, 40 ; par Méon, III, 186-190.


Vers 7 — sans, lisez sanz.

17 — fait, lisez fet.

29 — « Saint Jaque », « Saint Jacques » de Compostelle, en Galice.

64 — més, lisez mès.

85 — * fu ; ms., eu ou tu, qui n’offrent pas de sens.

94 — degouster, lisez degouter.

119 — Vers faux ; peut-être faut-il lire : Que brisiés li ont il les rains.

129 — emblers, lisez embler.


VIII. — De la Borgoise d’Orliens, p. 117.

Le ms. de Berne 354 (fol. 78 ro à 80 vo), contient une autre version toute différente de ce fabliau.

Publié par Barbazan, II, 1 ; par Méon, III, 161-168 ; et traduit par Legrand d’Aussy, IV, 294-297, sous le titre : « De la bourgeoise d’Orléans, ou de la dame qui fit battre son mari ».


Vers 14 — manjoient, lisez menjoient.

42 — convenant, lisez couvenant.

85 — « Argu », « Argus », personnification de la vigilance.

102 — com, lisez comme.

104 — * une ; ms., un.

156 — deffens, lisez desfens.

161 — * errez ; ms., errer.

Nous trouvons une aventure analogue dans les Convivales sermones, dans les Facetiæ du Pogge, dans Domenichi, dans Malespini (nouv. 21), dans les Cent Nouvelles nouvelles de la cour de Bourgogne (nouv. 88). Bandello (nouv. 25), Boccace (Journ. VII, nouv. 7) et enfin La Fontaine, dans son « Cocu battu et content », ont imité, avec d’autres encore, ce fabliau bien connu. — Cf. les renvois du Pogge, éd. Noël, 1798, in-16, II, 9-11.


IX. — Le Cuvier, p. 126.

Publié par Barbazan, I, 147 ; par Méon, III, 91-96 ; donné en extrait par Legrand d’Aussy, IV, 47-48.


Vers 16 — grant, lisez granz.

30 — tremble, lisez tramble.

79 — Fait, lisez Fet.

81 — meffet, lisez mesfet.

111 — poroit, lisez porroit.

132 — ensemble, lisez ensamble.

143 — effraée, lisez esfraée.

Cette vieille histoire se trouve déjà dans Apulée. Les contes de Boccace et de La Fontaine, qui portent le même titre, n’ont aucun rapport avec notre fabliau.


X. — De Brunain, la vache au Prestre, p. 132.

Publié par Barbazan, I, 41 ; par Méon, III, 25-28 ; et traduit par Legrand d’Aussy, III, 330-331, sous le titre de « la Vache du curé ». — L’auteur de ce fabliau est sans doute Jean de Boves. Cf. Hist. litt., XXIII, 153-4.


Vers 1 — * conte ; ms., cont.

11 — convent, lisez couvent.

39 — fasse, lisez face.

Se trouve sous une forme un peu analogue dans le Passa tempo de’ curiosi, et a été reproduit en prose dans la VIIIe nouvelle de Philippe de Vigneulles.


XI. — La Chastelaine de Saint Gille, p. 135.

Cette pièce, qui à proprement parler n’est pas un fabliau, mais une chanson, a été publiée par Barbazan, III, 21 ; par Sainte-Palaye (Amours du bon vieux temps), qui y a fait quelques changements ; par Méon, III, 369-379 ; et donnée en extrait par Legrand d’Aussy, IV, 89-93.

Il est bien difficile d’identifier ce Saint Gille. La vis de Saint-Gilles, si connue en architecture, étant celle d’une église du midi, n’a rien à faire ici. Mais il y a plus d’un Saint-Gille, dans le pays d’oïl. Il y en a en Bretagne, en Anjou, en Normandie, en Tourraine. S’il fallait absolument choisir, on pourrait pencher pour le Saint-Gilles de Champagne, à six lieues et demie de Reims.


Vers 21 — arez, lisez aurez.

66 — * qui ; ms. , ou.

269 — Mais, lisez Mès.

300-301 — Ce refrain se retrouve aussi dans la « Cour de Paradis », publiée par Barbazan, I, 200, et par Méon, III, 142.

Imbert a récrit ce conte en vers.


XII. — De la Dent, p. 147.

Publié par Méon, I, 159-164 ; et donné en extrait par Legrand d’Aussy, II, 350-351 , sous le titre de « l’Arracheur de dents ».


Vers 7 et 10 — sais, lisez sai.

8 — gens, lisez genz.

23 — « Alexandre le Grand » est pris ici comme type de la générosité et de la prodigalité.

38-40 — Les noms cités dans ces trois vers paraissent mettre la composition de ce fabliau à la fin du XIVe siècle. En effet, Bertran peut s’appliquer à Duguesclin, mort en 1380, le Maréchal à Jean de Maugenchy, dit Mouton, sire de Blainville, mort en 1391, le Chambellan à Bureau de la Rivière, chambellan de Charles V, mort en 1400 et enterré à Saint-Denis, aux pieds de son maître. Quant à Robert Malet, nous trouvons dans l’Histoire généalogique du P. Anselme (VII, 868) un Robert Malet, seigneur de Graville, vivant en 1378.

40 — Le chamberlanc, lisez le Chamberlenc.

41 — Normendie, lisez Normandie.

Imité très-souvent : dans la Gibecière de Rome, le Courier facétieux, les Novelle de Sacchetti (nouv. 166), les Serées de Bouchet (ser. 27), les Nouveaux Contes à rire, etc.


XIII. — Des .II. Chevaus, p. 153.

Public par Barbazan, II, 58 ; par Méon, III, 197-204 ; et donné en extrait par Legrand d’Aussy, IV, 43-46. — Ce fabliau est l’œuvre de Jean de Boves, comme le prouvent les titres des Fabliaux qui sont énumérés en tête de la pièce et qui nous sont tous parvenus. Cf. l’Histoire littéraire (XXIII, 153-4), qui attribue ces fabliaux à un Jean Bedel.


Vers 1 — d’el, lisez del.

25 — Lonc-Eve, aujourd’hui « Longueau », près d’Amiens.

26 — un, lisez uns.

29 — messonner, lisez messoner.

50, 63 et 208 — com, lisez comme.

53 — Saint-Acueil, aujourd’hui « Saint-Acheul » (canton d’Amiens).

119 — engaigne, lisez engaingne.

131 — à dévaler, lisez adevaler.

147 — mettons, lisez metons.

161 — veuil, lisez vueil.

162 — convenant, lisez couvenant.

187 — le cuer, lisez li cuers.

190 — Baillet, lisez Baillès.

200 — defferre, lisez desferre.

204 — ressort, lisez resort.


XIV. — De l’Enfant qui fu remis au soleil, p. 162.

Publié par Barbazan, II, 78 ; par Méon, III, 215-220 ; et traduit par Legrand d’Aussy, III, 81-84, sous le titre de « l’Enfant qui fondit au soleil ».


Vers 95 — « Agraine » peut être le nom de l’enfant ; mais on pourrait aussi lire : à graine (contre du blé). Seulement il faudrait ajouter un pronom au vers, et proposer comme lecture : Li preudon l’a changié à graine.

97 — « Alixandre », « Alexandrie » (en Égypte).

124 — La fin du vers manque dans le ms. 

145 — meffette, lisez mesfette.

146 — meffez, lisez mesfez.

Ce fabliau a été souvent imité : Cf Sansovino (journ. IX, nouv. 6), les Facétieuses journées, les Cent Nouvelles nouvelles (nouv. XIX), les Novelle de Malespini, les Contes de Grécourt, etc.


XV. — Des .III. Dames qui trouverent l’anel, p. 168.

Publié par Barbazan, II, 86 ; par Méon, III, 220-229 ; et donné en extrait par Legrand d’Aussy, IV, 192-195. — Ce fabliau a pour auteur Haisiau (Hist. littéraire, XXIII, 134).


Vers 84 — li, lisez le.

140 — courant, lisez corant.

212 — aimé, lisez amé.

233 — Chiez, lisez Chiés.

249 — changiez, lisez chancgiez.

La première partie de ce fabliau se trouve dans le Grand Caton ; le sieur d’Ouville lui a consacré une longue histoire. Il se retrouve imité dans les Facetiæ de Bebelius, dans les Convivales sermones, dans Boccace (journ. VII, nouv. 8 et 9), dans les Délices de Verboquet, dans les Facezie, motti e burle de Donienichi, dans les Contes pour rire, et enfin dans La Fontaine, sous le titre de la « Gageure des trois commères ». Cf. dans la Romania (III, 192) les renvois de M. d’Ancona pour la nouv. 22 du Novellino.


XVI. — Du Chevalier qui fist sa fame confesse, p. 178.

Publié par Barbazan, II, 100 ; par Méon, III, 229-238 ; et traduit par Legrand d’Aussy, IV, 132-138, sous le titre « Du chevalier qui confessa sa femme ».


Vers 1 — « Le Bessin », petit pays de la basse Normandie, ayant Bayeux pour capitale ; « Vire » (Calvados).

33 — de lui, lisez d’à lui.

41 — penssa, s’il tant ; lisez penssa s’il, tant.

115 — conut, lisez connut.

124 — suis, lisez sui.

150 — et gent, lisez ne gent.

205 — Qu’elles, lisez Qu’eles.

214 — convenance, lisez couvenance.

232 — daignoit, lisez daingnoit.

234 — com, lisez comme.

247 — mauvèse, lisez mauvaise.

264-273 — Le ms. est déchiré au commencement de chacun de ces vers.

266 — Quar ; se ; lisez Quar, se.

Imité par Boccace (journ. VII, nouv. 5), Bandello, Malespini (nouv. 92), Doni, les Cent Nouvelles nouvelles (nouv. 78), et enfin par La Fontaine, sous le nom du « Mari confesseur ».


XVII. — Le Dit des Perdrix, p. 188.

Publié par Barbazan, II, 32 ; par Méon, III, 181-186 ; par Bartsch, dans sa Chrestomathie de l’ancien français, 1re éd., 269-272 ; et donné en extrait par Legrand d’Aussy, IV, 38-41.


Vers 121 — mangiez, lisez mengiiez.

137 — amaise, lisez amaisse.

138 — monstraise, lisez monstraisse.

149 — * pertris ; ms., pertrist.

Ce fabliau a été remis en vers par Imbert ; on le retrouve dans les Contes du sieur d’Ouville, dans le Passa tempo de’ curiosi, dans les Nouveaux Contes pour rire, dans les Facezie, motti e burle, de Zapata ; de nos jours, M. le comte de Chevigné l’a introduit dans ses Contes rémois.


XVIII. — Du Prestre crucefié, p. 194.

Publié par Barbazan, I, 22 ; par Méon, III, 14-17 ; et donné en extrait par Legrand d’Aussy, IV, 160-161.


Vers 20 — jeté, lisez geté.

24 — heure, lisez eure.

26 — tremble, lisez tramble.

36 — Leens, lisez Leenz.

46 — fit, lisez fist.

72 — riens, lisez rien.

Se retrouve dans Sacchetti (nouv. 25 et 84), Malespini (nouv. 93), Straparole (nuit IX, nouv. 4), les Cent Nouvelles (nouv. 64) et dans les Contes de Gudin (I, p. 136-9). Cf. Straparole, éd. Jannet, I, xxxvij.


XIX. — D’Estormi, p. 199.

Publié par Méon, IV, 452-472 ; et donné en extrait par Legrand d’Aussy, IV, 264-265.


Vers 2 — uns fabler, lisez un fablel.

39 — com, lisez comme.

76 — destrier, lisez detrier.

167 — deffarme, lisez desfarme.

231 — defferma, lisez desferma.

316 — meffet, lisez mesfet.

339 — sur, lisez sor.

342 — uns, lisez (.I.) un.

414 — convenir, lisez couvenir.

418 et 595 — reson, lisez resons.

423 et 585 — meffet, lisez mesfet.

484 — radresse, lisez radrece.


XX. — Du Sot Chevalier, p. 220.

Publié par Barbazan, III, 202 ; et par Méon, IV, 255-265.


Vers 5 — meffez, lisez mesfez.

7 — « Ardane », forêt des Ardennes.

8 — « Otane ». L’Othe, Otta silva, l’un de ces petits pagus dont la trace s’est conservée dans la composition de certains noms de lieux, est dans l’Aube et dans l’Yonne, c’est-à-dire à l’ouest de Troyes. Cf. Guérard, « Pays de la France ». Ann. de la Soc. de l’Hist. de Fr., pour l’année 1837, p, 122. Dans la Moselle, il y a Othe, près de Briey, et Ottange, près de Thionville. Enfin il y a un Authe dans les Ardennes, à quatre lieues de Vouziers ; c’est probablement de celui-là que notre trouvère aura fait Otane pour la rime.

33-34 — La répétition de « estoit » à la rime est un bourdon du copiste.

40 — damoiselle, lisez damoisele.

62 — l’ambre, lisez lambre.

76 — meffais, lisez mesfais.

104 — terre de Los, lisez terre de los.

112 — « Saint Eron », « Saint-Evrou ».

132 — court, lisez cours.

144 — « Dinant », ville de Belgique, province de Liège.

151 — « Tongres » , ville de Belgique, province de Limbourg.

167-8 — Le répétition de crampi, à la rime, bourdon du copiste.

174 — les, lisez des.

182 — lonc, lisez lons.

196 — « Auçoirre », « Auxerre ». Le vin d’Auxerre était renommé dès le moyen âge.

262 — « Aussai ». Semur est dans l’Auxois ; c’est donc comme si le trouvère disait du vin d’Auxerre ou du Semurois.

271 — cort, lisez court.

283 — deffermer, lisez desfermer.

314 — Galons, lisez Galon.

Ce fabliau se retrouve dans les Facezie de Domenichi.


XXI. — Du Fevre de Creeil, p. 231.

Publié par Barbazan, III, 218 ; et par Méon, IV, 265-271.


Vers 3 — « Creeil », « Creil », en Picardie (Oise).

4 — battre, lisez batre.

14 — San, lisez sanz.

33 — « Corbueil », « Corbeil » (Seine-et-Oise).

87 — com, lisez comme.

129 — convent, lisez couvent.

179 — fineront, lisez finerons.

Ce conte se retrouve dans Malespini, dans l’Enfant sans souci et dans les Cent Nouvelles nouvelles (nouv. 85).


XXII. — De Gombert et des .ii. clers, p. 238.

A. — Bibl. nat., Mss. fr. 837, fol. 210 vo à 211 vo.

B. — Bibl.» nat., Mss. fr.» 2168, fol. 240 vo à 241 vo.

Ce fabliau est l’œuvre de Jean de Boves (Cf. plus haut les notes du fabliau des « Deus Chevaus », p. 295). — Publié par Barbazan, II, 115 ; par Méon, III, 238-244 ; par la Chaucer Society (Originals and analogues of some of Chaucer’s Canterbury Tales. London, 1872, p. 87) ; donné en extrait par Legrand d’Aussy, III, 18-22.


Vers 2 — vienent. B, vinrent.

3 — Despendu orent. B, S’orent despendu.

5 — quistrent. B, prisent.

6 — De. B, Et.

7 — B, Et uns des clers quant il vint.

8 — convint. A, couvint. — B, Sa fame à amer li convint.

9 — set. B, sot.

11 — B, S’ot vairs les iex com un cristal.

12 — Toute jour. A, Toute nuit.

13 — si qu’à paine se. B, qui s’en merveille.

15 — Qui adès i avoit. B, Si qu’adès i tenoit.

16 — encor s’entente. B, s’entente encore.

17 — sa fille est et cointe. B, la fille est et jovene.

18 — « Et » manque dans le ms. A, qui est déchiré à cet endroit.

20 — B, Seur toutes amours est gentieus.

21 — B, Com est li faucons au terchuel.

23 — la bone. B, li prode.

24 — B, Quentrues qu’ele entendoit à paistre.

25 — Uns. B, L’uns.

26 — paelete. B, palete (vers faux).

27 — L’anelet dont. B, L’anel à coi.

28 — lues en son. B, en son sen.

31 — assez la nuit. B, la nuit assez.

34 — Cele nuit fu moult. B, Bien fu toute nuit.

38 — ne sot l’afere. B, bien cuidoit fere.

41 — les. B, ses.

42 — couche. B, coucha.

45 — Quant la gent se fu. B, Et, quant la gent fu.

47-48 — Ces vers manquent dans le ms. A.

49 — B, Au lit de la pucele vint.

50 — B, Or oiez comment li avint.

53 — Dist. B, Fait.

54 — omnipotent. B, alés vous ent.

55 — Que querez vous ci. B, C’avés vos chi quis.

56 — dist. B, fait.

57 — talent. B, pooir.

58 — tesiez vous. B, tesiez, si.

62 — que. B, ja que.

64 — * se vos mes bons. A, se mes bons me. B, se vos mon bon.

66 — si aurez. B, s’aurés ja.

68 — Or sentez. B, Sentés mon.

69 — m’anel, lisez manel. — B, Il m’est trop grans au doit manel.

70 — Et cil. B, Atant.

71 — B, Et doit si li passe la jointe.

73 — Et. B, Si.

75 — s’amolie. A, s’umelie.

77 — B, Mais com il plus acole et baise.

79-80 — Ces deux vers sont remplacés dans le ms. B par les quatre suivants :

C’a la dame ne puet venir,
Car cil li fait resouvenir
Cui il ot faire ses delis ;
Ce qu’à l’un samble paradis.

81 — Sambloit à l’autre. B, A l’autre sambloit.

82 — Lors se lieve. B, Dont se leva.

83 — B, Si s’en ala pissier toz nus.

84 — L’autre. B, Et li.

86 — B, Si prent le berch atout l’enfant.

88 — B, Evous le vilain deceü.

89 — B, Car tout acoustumé tenait.

91 — tastoit. B, sentoit.

92 — estoit. B, en iert.

93 — Lors vint. B, Vint à.

95 — B :

Car li clers l’en avoit osté ;
Quant il n’a le beschuel trouvé.
Si cuide avoir voie cangie,

98 — dist, B, fait. — * tarie. A, B, carie.

100 — Il vint. B, Lors vient.

101 — B, Si sent le berch et le mailluel.

103 — B, Se tint que li vilains nel sente.

104 — À partir de ce vers jusqu’à la fin de la pièce, le ms. B, détérioré par l’humidité, est tout à fait illisible, sauf en quelques rares vers que nous relevons.

119 — com, lisez comme.

145 — B, Si est taniost aperceüs.

146 — trahis. B, souspris.

148 — dist. B, fait.

153 — tonel, lisez tonnel.

161 — Que tuit li oeil. B, C’andoi li oel.

Ce fabliau, qui a trois versions différentes, se retrouve dans Chaucer (The Reeves tale, 1843, p. 30-33), dans Boccace (journ. IX, nouv. 6), dans les Cent Nouvelles nouvelles, dans le Parangon des nouvelles (nouv. 30), et dans La Fontaine, sous le titre du « Berceau ».

Les deux autres versions se trouvent dans le ms. de Berne, no 354 : l’une porte le titre « d’Estula et de l’anel de la paelle » ; l’autre, « le Meunier et les deux Clers », a été publiée par M. Wright (Anecdota literaria, 1844, 15-23), avec plusieurs versions anglaises.


XXIII. — Des .II. Changeors, p. 245.

Publié par Barbazan, II, 140 ; par Méon, III, 254-263 ; par Renouard dans Legrand d’Aussy, IV, app. 21-24 ; et donné en extrait par Legrand d’Aussy, IV, 204-207.


Vers 4 — à qui vint, lisez à qoi vint.

62 — mettre, lisez metre.

100 — dois, lisez doi.

101 — conoissoit, lisez connissoit.

106 — * meü ; ms., neü.

156 — deffi, lisez desfi.

157 — deffent, lisez desfent.

183 — deffendez, lisez desfendez.

185 — deffendre, lisez desfendre.

246 — leens, lisez leenz.

266 — esprouvé, lisez esprové.

272 — aimée, lisez amée.

Ce fabliau a été imité très-souvent. La première partie du conte se retrouve dans les Cent Nouvelles nouvelles (nouv. 53) ; les autres conteurs, Pecorone, Straparole, Bandello, etc., ont changé l’ordre des aventures.


XXIV. — Le Flabel d’Aloul, p. 255.

Publié par Barbazan, II, 252 ; par Méon, III, 326-357 ; et donné en extrait par Legrand d’Aussy, IV, 201-203.


Vers 1 — veult, lisez veut.

77 — conois, lisez connois.

129 — sorvengne, lisez sorviengne.

205 — defferm, lisez desferm.

214 — descent, lisez destent.

384 — Hersent, lisez Hersens.

386 — voix, lisez voiz.

411 — menace, lisez manace.

415 — deffendre, lisez desfendre.

482 — prestres, lisez prestre.

484 — prestre, lisez prestres.

493 — Efforciez, lisez Esforciez.

499 — efforcent, lisez esforcent.

509 — emporte, lisez en porte.

512 — parin nomer, lisez parrin nommer.

529 — convenant, lisez couvenant.

547 — là, folie ; lisez la folie.

676 — convint, lisez couvint.

787 — apoice-on, lisez aporce on.

847 — uns, lisez (.I.) un.


XXV. — La Saineresse, p. 289.

Publié par Barbazan, III, 149 ; par Méon, III, 451-454 ; et donné en extrait par Legrand d’Aussy, IV, 308-309, sous le titre « De la femme qui se fit saigner ».


Vers 3 — n’el, lisez nel.

16 — deslié, lisez deliié.

61 — convendra, lisez couvendra.

96 et 111 — Mais, lisez Mès.

116 — presmerains, lisez premerains.


XXVI. — D’une seule fame qui servoit .c. chevaliers
de tous poins
, p. 294.

Publié par Barbazan, I, 98 ; par Méon, III, 61-67 ; et donné en très-court extrait par Legrand d’Aussy, III, 339-340.


Vers 37 — pourroit, lisez porroit.

40 — semble, lisez samble.

51 — Yssus, lisez Yssu.

63 — Es-vous, lisez Evous.

68 — Les Sarrasins, les Persans, les Slaves (Cf. Romania, II, 331) sont indistinctement des païens aux yeux des hommes du moyen âge.

107 — cort, lisez court.

119 — maintenant, lisez maintenent.


XXVII. — D’un Preudome qui rescost son compere
de noier
, p. 301.

Publié par Méon, I, 87-90 ; et donné en extrait par Legrand d’Aussy, II, 426-427, sous ce titre « Du prud’homme qui retira de l’eau son compère ».


Vers 16 — propenssez, lisez porpenssez.

32 — * ai ; ms., a.

47 — Il faut fermer les guillemets après ce vers.

50 — qu’à, lisez qu’an.

72 — Ce vers, qui manque dans le ms., a été suppléé par Méon.

Ce fabliau a été remis en vers par Imbert.


XXVIII. — Du Foteor, p. 304.

Le ms. 354 de la Bibliothèque de Berne comprend, du fol. 1 au fol. 3 vo, une partie incomplète de ce fabliau.

Publié par Méon, IV, 204-216.


Vers 1 — fabloie, lisez fabloit.

2 — affebloie, lisez affebloit.

20 — oublié, lisez oblié.

72 — * enseignier ; ms., entaignier.

92 — soi, lisez lui.

182 — Ce vers manque dans le ms. de Paris.

231 — Le mot « eschauffer » manque dans le ms. 

305 — baing ; ms., baig.


XXIX. — C’est de la Dame qui aveine demandoit
pour Morel sa provende avoir
, p. 318.

Publié par Barbazan, III, 236 ; et par Méon, IV, 276-285.


Vers 66 — covine, lisez convint.

90 — aim, lisez ain.

128 — lieus, lisez lieu.

130 — C’onque, lisez C’onques.

149 — l’amor, lisez l’amors.

153 — Non ai, lisez Non n’ai.

169 — plaist, lisez plait.

178 — miennuit, lisez mienuit.

192 — * demandant ; ms., demendent.

203 — mangeant, lisez mangant.

256 — comença, lisez comança.

268 — Placez un point avant les guillemets.


NOTES ET VARIANTES

DU SECOND VOLUME


Les mots marqués de l’astérisque sont des corrections faites aux manuscrits.


XXX. — De la Houce, p. 1.

Cette pièce, dont nous devons la copie à M. Stengel, n’est qu’une seconde version du fabliau que nous avons publié dans notre premier volume, p. 82-96.


Vers 28 — « je l’ vous», qui n’existe pas dans le ms., doit être lu jel vous.

62 — * n’a sens ; ms., n’a ne sens.

74 — Ne faut-il pas corriger gré eüst ?

82 — Il faudrait corriger : Et, cant tu me cacier en vius.

90 — * par ; ms., pour. — arés ; ms., avés.

93 et 94 — Pour la régularité de ces vers il faut corriger « viés » en vieles.

103 — « tout » manque.

124 — * morir s’en vuel ; ms., morut si en.

132 — convontie, lisez convoutie.


XXXI. — Du Prestre et d’Alison, p. 8.

Publié par Méon, IV, 427-441, et donné en extrait très-court par Legrand d’Aussy, IV, 301.


Vers 11 — Ce vers faux peut être corrigé ainsi : A sa fenestre avoec oignons.

15 — * pucele ; ms., puce.

26 — * maniere ; ms., manere.

64 — chapelains, lisez chapeleins.

73 — * ensaignie ; ms., ensaignée.

84 — * Cui ; ms., Qui.

128 — * mainte ; ms., maite.

133 — On peut corriger ainsi ce vers : Comme li prestres…

150 — Le nom de la « Tamise », comme plus haut ceux de « Gisors, Calais, etc. », servirait à prouver la nationalité de notre auteur, s’il n’avait pris soin de nous l’indiquer lui-même au vers 439.

157 — « ce » devrait être supprimé pour la régularité du vers.

161 — trainant, lisez traïnant.

166 — * s’agenoille ; ms., s’ageloigne.

167 — * lie ; ms., liée.

176 — « Mielanz ». Il y a dans le Gers une petite ville du nom de Miélan ; il est plus probable qu’il s’agît tout simplement de Meulan-sur-Seine.

177 — * vendi ; ms., viendi.

191 — * estoient ; ms., estoit.

202 — Mainaus, lisez Mainnaus.

259 — * grans plentés ; ms., grant plenté.

273 — aimai, lisez amai.

274 — sur, lisez sor.

303 — * Ainsi ; ms., Ainsinc.

332 — Herceloz, lisez Hercelot.

344 — Il faudrait lire : ceste aumosniere.

345 — a ci, lisez ci a.

367 — fois, lisez foiz.

368 — * une ; ms., un.

372 — * cuer ; ms., cue.

376 — * Et Alison ; ms., Aalison.

382 — * prestres ; ms., prestre.

392 — * drecie ; ms., deciée.

400 — * L’uis ; ms., L’us.

437 — Tremblant, lisez Tranblant.

Boccace (Journ. VIII, nouv. 4.) a une pièce qui a des points de ressemblance avec ce fabliau.


XXXII. — Du Prestre qui fu mis ou lardier, p. 24.

[À partir de ce fabliau, la méthode de numérotation change ; le chiffre placé à côté du titre courant indique non pas le premier mais le dernier vers de la page.]


Publié par M. P. Meyer dans la Romania, III, 103-106, sous le titre de « Le savetier Baillet ».


Vers 46 — * baingnier eulz deus ; ms., eulz deus baingnier.

48 — * seulz ; ms., ceulz.

88 — illec, lisez ilec.

139 — * tam ; ms., tan.

163 — delivre, lisez delivres.

168 — * ueil ; ms., uueil.

174 — * çavetier ; ms., çavetiers.

L’on peut comparer à ce fabliau le conte de La Fontaine à peu près analogue intitulé « le Cuvier », imité du reste de Boccace.


XXXIII. — Le Meunier d’Arleux, p. 31

Publié par M. Fr. Michel, à 100 exemplaires, Paris, Silvestre, 1833, in-8 de viii et 16 p., et donné en extrait par Legrand d’Aussy, III, 256-261.


Vers 7 — « Palluel », à sept lieues d’Arras (Pas-de-Calais).

8 — mannier, lisez maunier. Cette correction devra être faite chaque fois que ce mot se présentera.

10 — « Arleux » en Gohelle, à trois lieues d’Arras.

12 — * desous ; ms., desus.

18 — Il y a trois Estrée dans le Pas-de-Calais, un dans l’arrondissement de Montreuil-sur-mer et deux dans celui de Béthune.

22 — * sans son ; ms., de Sanson.

26 — * estuet ; ms., estuer.

31 — * nous ; ms., vous.

50 — * corchiés ; ms., correchiés.

65 — * prise ; ms., prises.

67 — Vers faux ; il faut lire sans doute : Vous en irez avuec mon maistre.

70 — * huimais ; ms., amais.

71 — * ses ; ms., ne ses.

83 — Ne vaudrait-il pas mieux corriger girai en dirai ?

104 et 134 — * el ; ms., ele.

123 — ainchois, lisez anchois.

126 — * conme ; ms., con.

139 — * Oïl ; ms., Doïl.

145 — * maure à Aleus; ms., à Aleus maure.

154 — * vinrent ; ms., virent.

177 — * entr’ovri ; ms., entrovi.

178 — * venue ; ms., venu.

193 et 280 — * a ; ms., n’a.

194 — par, lisez por.

204 — * en ; ms., entre.

215 — * entr’overt ; ms., entrovet.

223 — * che soit ; ms., que che soit.

228 — * Mouset ; ms., molt ert.

238 — * rechauciés ; ms., rechauciers.

245 — Le ms. n’a pas le mot vous.

248 — * je venrai ; ms., tu venras.

252 — * nous ; ms., vous.

258 — * demeure ; ms., demoure.

264 — Vers faux.

275 — Vers faux ; peut-être faut-il lire : A dame a congiet demandet.

282 — * cuide ; ms., cuida.

292 — n’es, lisez nes.

299 — Non-seulement ce vers est faux, mais sa rime est insuffisante.

305 — * cocha ; ms., le cochai.

312 — * à tort et pechiet ; ms., tort et à pechiet.

315 — * Jut de ma fame ; ms., De ma fame jut ; — bel, lisez biel.

336 — * sa raison leur ; ms., leur raison.

339 — * O la ; ms., Car o la. — La rime de ce vers, ou celle du suivant, est fautive.

340 — * O sa ; ms., Et sa.

349 — Le ms. n’a pas le mot il.

356 — * si ; ms., s’il.

363 — * dire voir ; ms., voir dire.

366 — * prendent ; ms., prede. — Le vers corrigé est faux ; ne faut-il pas supprimer se ?

368 — * torné ; ms., retorné.

370 — * disons vous ; ms., vous disons.

371 — * faites r’avoir ; ms., fait ravoir.

383 — * courchiés ; ms., courrechiés.

393 — * ni en mal dire ; ms., ni en dire.

394 — le pire, lisez li pire.

396 — Vers faux.

410 — * bones ; ms., bone.

411 — Vers faux, facilement corrigé en lisant : il ne fait que sage.

414 — Ronmanz, lisez Roumanz.


On retrouve ce fabliau dans les Facéties du Pogge, dans les Novelle de Sacchetti, dans les Contes de la Reine de Navarre, etc., etc. La Fontaine l’a imité dans ses « Quiproquo ».


XXXIV. — Du Prestre et du Chevalier, p. 46.

Vers 12 — debaretés, lisez desbaretés.

23 — lïues, lisez liues, ici comme plus bas.

25 — * dusque ; ms., dusques.

34 — qu’il, lisez que il.

60 — « Roie », « Roye », ville de Picardie.

73 — * menue ; ms., menu.

97 — Pour que ce vers rimât avec le suivant, il faudrait changer « sire » en frere.

101 — notre, lisez nostre.

105 — home, lisez homme.

114 — tient, lisez vient.

129 — Chevauche, lisez Chevaucha.

136 — * anuis, de ses ; ms., anuis ne de ses.

148 — * com; ms., si com.

149 — Le vers serait régulier en lisant pour conquerre los.

155 — Il faut corriger : Dieu ne plache.

158 — homs, lisez hons.

180 — vos, lisez vo.

186 — * clergiet ; ms., clegiet.

204 — * En tel ; ms., Et en tel.

207 — * vo ; ms., mon.

225 — * convenant ; ms., convent.

231 — * serai ; ms., sera.

251 — les, lisez ses.

252 — couroit, lisez courout.

271 — Il faudrait corriger : capons.

287 — faitise, lisez faitisse.

297 — ïaue, lisez iaue. — Après ce vers, il en manque au moins deux.

298 — Gile, lisez Gille.

299 — * aportée; ms., aporté.

304 — Il faudrait corriger : Ses iex et sa bouche.

320 — * poisson ; ms., capon.

354 — * mantaus ; ms., maus.

376 — saus, content ; lisez sous coustent.

377 — oublie, lisez oubli.

384 — « de » manque au ms.

401 — * ou ; ms., de.

411 — s’appareille, lisez s’apareille.

412 — * dormir ; ms., domir.

422 — « bien » manque au ms.

427 — Ne faut-il pas lire après li li dans… ?

428 — Il faut lire : Si saurai…

429 — ce, lisez che.

455 — * no ; ms., vo.

456 — * j’ai ; ms., ja.

457 — servi, lisez servis.

477 — pur lisez pour.

485 — * L’enort ; ms., Le fait. Il fallait évidemment corriger ce vers, puisque ce n’est que quatre vers plus loin que l’écuyer se lève.

488 — retreire, lisez retrerre.

494 — l’ambre, lisez lambre.

533 — « Li » est déchiré dans le ms.

547 — Au lieu de « Li chevaliers », le sens porterait plutôt à lire Li escuiers.

555 — * m’amenas ; ms. m’amena.

558 — monoie, lisez monnoie.

565 — * braquiés ; ms., braquiers.

570 — * Sous ; ms., Sour.

577 — « pas » manque au ms.

579 — « pour » manque au ms.

606 — Lisez : Que voeille perdre .CC. saus.

607 — * puchelage ; ms., puccelage.

632 — « la » manque au ms.

642 — * escuiers ; ms., chevaliers.

648 — la, lisez le.

652 — « et » manque au ms.

665 — Ne pourrait-on pas lire qu’el ?

668 — « il » manque au ms.

673 — prend, lisez pren.

705 — Il faut corriger : Qui est et s’anchiele…

714 — Supprimez là comme ailleurs l’apostrophe après Sel.

715 — * le ; ms., si le.

718 — Dusqu’à, lisez Dusque.

721 et 1107 — Maufès, lisez Maufés.

723 — fai, lisez fais.

735 — * entreuvre ; ms., entreuve.

752 — La, lisez Li.

763 — * tenres ; ms., tenre.

767 — * Sans ; ms., Sauf.

772 — * Et ; ms., Se.

773 — * atent ; ms., atenc.

775 — * ne sans demeure ; ms., et sans demourée.

785 — * jurerai ; ms., jurrai.

795 — * haitiement ; ms., haitement.

800 — « de » manque au ms.

801 — * de sour ; ms., souz.

807 — * cuiterés ; ms., cuiderés.

811 — suie, lisez suic.

821 — Ne vaut-il pas mieux du brach ?

823 — * m’envoist ; ms., mevoist. — « nule » manque au ms.

825 — * deverai ; ms., devera.

831 — * dist ainsi ; ms., si dist.

834 — le chavie, lisez l’echavie.

837 — « las de » manquent au ms.

838 — Ce vers est faux dans le ms. ; ne faut-il pas lire et à li ?

842 — autruï, lisez autrui. Le vers reste faux.

885 — * l’escuiers ; ms., li escuiers.

900 — Vers faux dans le ms.

905 — * Qu’a li prestres ; ms., Que li prestres a.

908 — * vin ; ms., fruit.

914 — * se li ; ms, s’il.

917 — piert, lisez pierc.

925 — * soulacent ; ms., soulage.

929 — * cui ; ms., qui.

932 — pourrie, lisez pourie.

937 — au lit, lisez ou lit.

939 — * soulacent ; ms., soulagent.

940 — * desconfortent ; ms., desconforte.

969 — deffende, lisez desfende.

983 — qu’il, lisez k’il.

990 — * venie, correction plus que hasardée pour venue, qui ne rime pas.

999 — « faus » manque au ms.

1030 — * mengastes ; ms., megastes.

1036 — Dieu, lisez Diex.

1040 — votre, lisez vostre.

1051 — * couvenenche ; ms., couvenche.

1052 — Le ms. porte « Li escuiers » ; il faudrait corriger : Et l’escuier.

1059 — « foutrai » a été gratté dans le ms.

1066 — te, lisez ti.

1070 — Encore, lisez Encor.

1075 — Votre, lisez Vostre.

1079 — * amenés ; ms., anés.

1084 — * mournes ; ms., mourme.

1088 — * le ; ms., ne.

1098 — Le mort, lisez La mors.

1103 — * demanois ; ms., de demanois.

1106 — * fait-il ; ms., fait ele.

1113 — N’es, lisez Nés. — * jeüst ; ms., just.

1116 — * toute rien ; ms., te rien.

1124 — « bien » manque au ms.

1134 — m’enulliés. Le ms. porte « metuilliés ». Le vers étant faux, il faut sans doute lire me travailliés.

1143 — votre, lisez vostre.

1145 — « onc » manque au ms.

1147 — « La Karitet », « La Charité », petite ville de la Nièvre.

1151 — * cuites ; ms., toute cuite.

1172 — Pues, lisez Priés.

1176 — dreche, lisez drecha.

1181 — * s’ame ; ms., s’amie.

1188 — Vers faux.

1196 — * Cierte ; ms., Ciertes.

1197 — * deveastes ; ms., devastes.

1208 — * desille ; ms., desisse.

1213 — * frankise ; ms., frankisse.

1229 — malveis, lisez malvais.

1236 — povoit, lisez pooit.

1239 — * veue ; ms., veu.

1240 — * le met ; ms., me ment.

1248 — * escuiers ; ms., chevaliers.

1251 — « onc » manque au ms.

1252 — « Ne » manque au ms.

1260 — « mout » manque au ms.

1268 — * Comme ; ms., Que.

1272 — felonie, lisez felonnie.

1273 — lais, lisez lait.

1276 — « son » manque au ms.

1283 — « ot » manque au ms.

1292 — * avoecque ; ms., avoec.

1304 — * Arrivés estes ; ms., Averiés estes.

1329 et 1331 — deffenge, lisez desfenge.

1334 — Supprimez « je ».

1335 — * qu’il ; ms., qui.

1344 — * Foi que doi ; ms., Foi que je doi.

1346 — la, lisez sa.

1348 — * tousjours ; ms., tousjour.

1352 — * veera ; ms., vera.

1363 — * Ore ; ms., Or.


XXXV. — De Guillaume au faucon, p. 92.

Publié par Méon, IV, 407-427, et donné en extrait assez long par Legrand d’Aussy, III, 307-315.


Vers 30 — « cest » est appliqué à « feme ».

51 — mise, lisez a mise.

62 — Faut-il voir dans cet éloge des femmes de la Castille une flatterie à l’adresse de Blanche de Castille ?

117 — Ce vers faux peut être ainsi corrigé : Et i ot mise et tot son sens.

149 — Placez une virgule après « Bien sai ».

184 — * toz ; ms., tolz.

213 — aimoit, lisez amoit.

240 — * loerai je ; ms., loerage.

246 — Corrigez le vers : Seürs doit bien estre…

268 — Après ce vers, le ms. en ajoute un nouveau qui fait double emploi :

Fors vos d’itant me puis vanter.

292 — * Beax ; ms., Bax.

326 — Ne faut-il pas lire cele eure ?

333 — en pensé, lisez enpensé.

361 et 371 — Ne faut-il pas lire cele avisions ?

405 — « en » manque au ms.

408 — ajue, lisez aïue.

462 — « vos » manque au ms.

468 — D’ont, lisez Dont.

509 — « Ne » manque au ms.

599 — * Cui ; ms., Qui.

618 — les, lisez lor.

635 — « je » manque au ms.


Ce fabliau n’a aucun rapport avec le conte de La Fontaine qui porte le nom du « Faucon ». (Voir Caylus, Mém. de l’Acad. des Inscript., XX, p. 366 et suiv.)


XXXVI. — Dou povre Mercier, p. 114.

Publié par Barbazan, I, 27 ; par Méon, III, 17-25, et traduit par Legrand d’Aussy, III, 93-98.


Vers 13 — Totes, lisez Tote. — * malveisse ; ms., malveisses.

14 — leur, lisez lour.

20 — besasse, lisez beasse au sens de bagasse, servante.

23 — * mon ; ms., son.

24 — a, lisez ai.

28 — * Et son avoinne ; ms., S’avoinne. Il faudrait corriger plutôt : Ses avoinnes.

32 — * close ; ms., rose.

77 — Seignor, lisez Seigneur.

91 — * si ; ms., su.

108 — su, lisez tu.

109 — bien, corrigez combien ; le ms. porte : por que bien donesses.

133 — Vers faux.

139 — * pranderoit ; ms., prandroit.

141 — * leu ; ms., lue.

152 — * nus ; ms., nuns.

164 — Ne faut-il pas corriger vo seignour ?

182 — * Sires ; ms., Sire.

184 — « mout » manque au ms.

193 — Corrigez de la memoire.

210 — Mausfuès, lisez mausfués.

214 — Dist, lisez Dit.

218 — Dans ce vers faux on peut corriger « sera » en ert.

219 — * que ; ms., qui.

224 — * teignist; ms., teignest.

235 — volés, lisez volez.

236 — * come ; ms., com.

241 — * vosist ; ms., resist.

247 — seürement, lisez seüremant.


Ce fabliau a été remis en vers par Imbert.


XXXVII. — Le Dit des Marcheans, p. 123.
[Il faut lire vo et non ro après 283.]

Publié par G. A. Crapelet, Proverbes et Dictons populaires, 1831, p. 159-165.


Vers 45 — Li uns, lisez L’uns.

127 — sui, lisez siu.

152 — pris, lisez peris.


XXXVIII. — Une Branche d’armes, p. 130.

Publié par Ach. Jubinal, Jongleurs et Trouvères, 1835, p. 73-74.


Vers 13 — poudre, lisez foudre.

14 — foudre, lisez poudre.


XXXIX. — Le Debat du c. et du c., p. 133.

Vers 14 — l’otroie, lisez l’otroi.

34 — tor, lisez toz.

43 — fandue, lisez fendue.

57 — * tenus ; ms., tenues.

59 — exploita, lisez esploita.


XL. — Le Dit des c., p. 137.

Vers 13 — * pioliers ; ms., proliers.

14 — orguilleux, lisez orguilleus.

27 — vieigne, lisez viengne.

28 — vigne, lisez vingne.

32 — * maistire ; ms., marstire.

51 — * Por ; ms., Pon.


XLI. — Des Vins d’ouan, p. 140.

Vers 12 — Notre, lisez Nostre.

42 — Le ms. n’a pas le mot a.

60 — vou, lisez vous.

78 — desconvenue, lisez descouvenue.

93 — gens, lisez genz.

94 — savent, lisez sevent.


XLII. — La Patre-Nostre farsie, p. 145.

Vers 1 — chascun, lisez chascuns.

46 — meffait, lisez mesfait.

58 — a cel, lisez en cel.


XLIII. — De l’Oustillement au villain, p. 148.

A. — Paris, Bibl. nat., Mss. fr. 837, fol. 119 vo à 121 ro.

B. — Paris,» Bibl. nat.,» Mss. fr.»1593, fol. 212 ro à 213 vo.


Publié d’après le ms. A, par Monmerqué, Paris, Silvestre, 1833, et dans la Revue historique de l’ancienne langue française, janvier 1877, p. 18-30.


Vers 2 — Moult par fet. B, Si fet molt.

3 — si. B, bien.

4 — Et de pain. B, D’avoinne.

9 — del. B, au.

10 — Li. B, L’en.

11-12 — Ces deux vers sont placés dans B avant le vers 9.

12 — souvent, lisez savent.

13 — de plege. B, d’aïde.

15-18 — Ces vers manquent dans B.

16 — moins, lisez mains.

21-22 — Ces vers sont intervertis dans B.

22 — Or. B, Lors.

23 — Si. B, Or.

27 — Homme. B, Li hons.

28 — B, S’il n’a estoremant.

29 — Qu’il. B, Il.

31-32 — B :

L’une à metre son frein
Et l’autre son estrain.

35 — B, Et le bief ou grenier.

36 — el. B, ou.

39 — Si n’envoit. B, Et ne voist.

41 — Envoit. B, S’envoist.

42 — buire. B, cruche.

43 — boive. B, boine.

45-46 — B :

Car li hons qui s’enyvre
Est tost d’avoir delivre.

47 — les. B, des.

48 — B, Des choleiz et des reves.

51 — li, lisez la.

52 — à charrier. B, et charretier.

56 — Penel. B, Banel. — meneoire. B, menjoire.

58 — craisset. B, grassot.

59-60 — Ces deux vers manquent dans B.

62 — la. B, sa.

65 — ale, lisez ele.

75 — B, Et besagu d’acier.

80 — Ice n’est. B, Nel tenez.

82 — foisne. B, soisne.

83 — B, La trugle pour peschier.

84 — au col. B, avec.

85 — A metre. B, Pour metre.

87 — Puis. B, Si.

88 — sa. B, la.

89 — hiaumet. B, harmet.

90 — Macuele. B, Et maçue.

91 — et espée. B, enfumée.

92 — B, Qu’il n’ait soing de meslée.

93 — Au chevès soit. B, Avec lui ait.

95 — B, Qu’il ne preigne estoutie.

96 — d’esmovoir. B, de feire.

97 — home, lisez homme.

98 — soit. B, ou.

100 — oeuvre, lisez oevre.

101-102 — Ces deux vers manquent dans B.

103 — Si. B, Puis.

104 — la. B, sa.

106 — Acesmez. B, Esmoluz.

110 — sa. B, la.

111 — Mès. B, Mès et. — Ce vers ne vient dans B qu’après le vers 112 qui se lit ainsi :

Quant il vient ost banie.

113-114 — Ces deux vers sont intervertis dans B.

114 — S’il ert. B, Devant.

116 — dus, lisez des. — B, Se il venist derreins.

117 — « ja » manque dans B.

118 — B, Ce savez vous luit bien.

121 — S’il. B, Se il. — « sa » manque dans B.

126 — B, Ainz se tiegne tout coi.

127 — Et se. B, Se. — huches. B, des huches.

128 — cruches. B, ruches.

131 — B, Le banc et le foier.

132 — Et la table. B, Et la trible.

137 — Trepier. B, Tonnel.

139 — revient, B, vient.

144 — au buef. B, as bues.

145 — N’i. B, Ne.

146 — B, Et voist touz jourz à pié.

147 — « Par » manque dans B. — son. B, sur le.

148 — Ou et ou. B, Et et et.

151-152 — Ces deux vers manquent dans B.

153 — traie. B, tourne.

155 — B, A blez covrir en terre.

159 — Se. B, Si.

162 — B, La jarce pour seignier.

165-166 — Ces deux vers sont intervertis dans B.

166 — trenchanz. B, taillans.

167 — B, Et solers à noiaux.

169 — B, Cotel et couteliere.

170-171 — Ces deux vers manquent dans B.

172 — B, Corroie et aumosniere.

177 — Por. B, A.

180 — trible. B, crible.

182 — pestrir. B, pretir.

184 — forchons. B, furgons.

187-188 et 191-192 — Ces quatre vers manquent dans B.

193 — B, Toaille à blé senier.

195 — lui bien. B, soi à.

200 — Nel. B, Non.

202 — rastel. B, rasel. — Après ce vers, B ajoute:

La fourche et le flael
Et rabot et rastel ;
Si li covient balai,
Pourquoi le celerai ?

203 — B, Le picois et la pele.

206 — B, De son voisin prier.

209 — Quar. B, Que.

215 — B, Hors ne les gitez mie.

216 — Après ce vers, B ajoute :

Mès face relier
Et la frete alier.
Car tout raestier aura
Quant mesniée croistra.

218 — naisse. B, veigne.

222 — auget. B, baquet.

223-224 — Ces deux vers manquent dans B.

225 — baisselete. B, mechinette.

226 — minete. B, tinete.

228 — Quar ce. B, Ce en. — Après ce vers, B ajoute :

Sachiez qu’il li estuet
Se il feire le puet.

229 et 232 — Ces deux vers manquent dans B.

230 — B, Il covient que il ait.

231 — B, Une vache à lait (vers faux).

234 — Quant il en a. B, Se il en est.

236 — Toute nuit. B, Volentiers.

238 — s’iroient. B, en iroit.

239-240 — Ces deux vers manquent dans B.

241 — l’ouvraingne. B, l’on maigne.

242 — pas gaaingne. B, mie gaingne.

245 — se. B, s’en.

246 — lor. B, le. — Après ce vers, B ajoute :

N’est pas de grant savoir,
Ce sachiés vous de voir.

247 — Homme. B, Li hons.

249-252 — Ces quatre vers sont remplacés dans B

Car se il n’a chastel,
Tant a il moins troussel.

254 — li brist B, despient.

255 — nult, lisez nul.


XLIV. — Du Vallet qui d’aise a malaise se met, p. 157.

Publié par M. W. Fœrster dans le Jahrbuch für rom. und engl. Literatur, neue Folge, I, 295-304.


Vers 3 — « gaaigné » n’a que deux syllabes, ici comme plus loin.

4 — « Et » manque au ms.

6 — ou, lisez u.

12 — * pert il trestout ; ms., per il tout.

14 — * ke il ; ms., kil.

15 — D’ont, lisez Dont, ici comme plus bas.

18 — * s’il ; ms., se il.

22 — * devenroit ; ms., deveroit.

30 et 135 — delès, lisez delés.

33 — * Laissiés me ; ms., Laissieme.

37 — * quide ; ms., qui.

43 — * Anchois ; ms., Ains.

46 — * honneur ; ms., honner.

47 — * prendrai ; ms., prenderai.

58 — « bien » manque au ms.

60 — cet, lisez cest.

61 — ou, lisez u.

66 — « vo » manque au ms.

71 — vuaigneres, lisez waingneres.

81 — lès, lisez lés.

82 — * nus ; ms., nul.

83 — * el ; ms., ele.

85 — * che est ; ms., ch’est.

87 — est si, lisez si est. — * vuaaignieres ; ms., waignieres.

95 — * courechie ; ms., courchie.

100 — Vers faux.

106 — * femme ; ms., femmes.

107 — * prendera ; ms., prendra.

108 et 141 — * jel ; ms., je le.

110 — * je ; ms., ce.

113 — ou, lisez u.

116 — * souvigne ; ms., couviegne.

118 — * otroiroie ; ms., otroierai.

119 — * nous li donrons ; ms., li donrons nous.

121 — * puisomes ; ms., puisons.

131 — « Et » manque au ms.

133 — * Que ; ms., Qu’ele.

142 — Il faut corriger ce vers en supprimant « le ».

149 — ceste, lisez cele.

168 — i est saige, lisez s’est bien sage. — uiseuse, lisez viseuse.

173 — * qu’ara ; ms., qui ara.

174 — * com ; ms., comme.

177 — * auroie ; ms., averoie.

187 — si, lisez je.

190 et 272 — demourra ; ms., demoura.

191 — * li venist ; ms., le venist or.

192 — * durfeüt ; ms., dur fut.

201 — * cui ; ms., qui.

202 — * tous les sains ; ms., .C. sains.

216 — * mis je d’argent deseur ; ms., misse d’argent seur.

219 — « mout » manque au ms.

220 — * vaut ; ms., vaut.

225 — « Et » manque au ms.

228 — Ce vers a deux syllabes de trop.

229 — * Et ; ms., A. — * je ai ; ms., j’ai.

231 — « pas » manque au ms. Ne vaudrait-il pas mieux corriger : Enne, ne sont ce .XXXVI. ?

232 — * deseur ; ms., seur.

234 — * diemence ; ms., dimence.

238 et 242 — * j’acatai ; ms., j’aicatai.

241 — vuans, lisez wans.

244 — Coment, lisez Comment.

252 — * conte ; ms., content.

259 — ceste, lisez cele.

262 — « bien » manque au ms.

264 — « vous » manque au ms.

275 — « mie » manque au ms.

280 et 299 — Ne faut-il pas lire « che roit » et « ce roit » ? Le sens reste douteux.

282 — * Et dons ; ms., Et li dons.

292 — * devra ; ms., devera.

293 — * preste ; ms., prestre.

298 — * ke il ; ms., k’il.

300 — * ont ; ms., on.

313 — « il » manque au ms.

316 — * Les ; ms., Et les.

317 — en cache, lisez encache.

323 — * courechie ; ms., courchie.

324 — Vers faux.

333 — * que il ; ms., qu’il.

338 — * emprunta ; ms., empruta.

340 — * aura ; ms., avera.

348 — * vuaaignier ; ms., wuaignier.

351 — Le chiffre qui indique au haut de la page la numérotation des vers doit être, non pas 378, mais 380, — Le vers 351, indiqué par des points, ne manque pas au ms., et doit être établi ainsi :

Et l’iauwe du baing aporter.

354 — « uns » manque au ms.

361 — * j’issi ; ms., je issi.

365 — * Vous me les ; ms., Vous les me.

366 — * alouiés ; ms., aluiés.

374 — « et » manque au ms.

377 — La dernière syllabe de ce vers manque.

378 — * comme ; ms., com.

381 — Il faut lire en haut de la page 392, et non 390.

389 — * rembatroit ; ms., rembateroit.


XLV. — De Martin Hapart, p. 171.

Publié par Ach. Jubinal, Nouveau recueil de contes, dits, fabliaux…, 1839, II, 202.


Vers 3 — Mammon e, lisez Mammone. — * d’iniquités ; ms., de iniquités. — Placez une virgule après ce mot.

4 — Supprimez la virgule avant et après « amis ».

23 — * Il n’est ; ms., El n’est.

24 — Après ce vers, on lit dans le ms. les trois suivants, qui ne rentrent pas dans le rhythme des strophes :

Douce gent, c’est bien verité.
Qui au Mont Saint Michiel ira,
S’il muert en l’an, miex l’en sera.

26 — * meignant ; ms., meiguant.

27 — * Que ; ms., Qui.

28 — « E » manque au ms.

51 — * qu’i alast ; ms., qu’il i alast.

89 — Ce vers, dans le ms., n’assonne pas en  : Par mon chief, » dist il, « ge irai.

90 — * A povres ; ms., Mès à povres.

96 — * Cele ; ms., Sele.

100 — * ne sut ; ms., li siut.

106 — * que mort entrast ; ms., qu’entrast la mo[rt].

129-131 — Les premières lettres de ces vers ont dû être restituées, ainsi que pour les vers 145-149 et 159.

152 — Il faut absolument corriger en meson fait pour la rime.


XLVI. — De deux Angloys et de l’Anel, p. 178.

Publié par A. C. M. Robert, Fabliaux inédits, 1834, p. 11-14 ; et donné en extrait par Legrand d’Aussy, II, 347-348.


Vers 26 — Toute cette pièce repose sur un jeu de mots. L’un des Anglais demande de l’agneau (aniel), et son compagnon lui apporte un ânon (asnel). La confusion est imputée à la mauvaise prononciation des Anglais, qui ne manquent pas du reste de confondre les conjugaisons françaises (querer, mirer, pour querir, merir, v. 29 et 30), et ne connaissent guère le genre des substantifs qu’ils emploient.

48 — * Que as-tu ; ms., Qu’as tu.

59 — qu’il, lisez que il.

72 — engrande, lisez en grande.

78 — « i » manque dans le ms.

102 — * Corte l’eschine et cort le dos ; ms., Corte eschine et corte dos.


XLVII. — Du Chevalier a la corbeille, p. 183.

Publié par M. Fr. Michel, à la suite de Gautier d’Aupais, Paris, 1835, p. 35-44.

[Nous avons essayé, pour ce fabliau et le suivant, de rendre aux vers leurs huit syllabes réglementaires ; mais les corrections à faire à ces vers anglo-normands sont si nombreuses qu’on peut se demander s’il n’eût pas été préférable de laisser les vers tels quels.]


Vers 2 — * Del ; ms., De le — * à ; ms., e.

4 — vous, lisez vus.

8 et 147 — * grande ; ms., grant.

9 — * ne se ; ms., il ne se.

14 — * Meson ; ms., Mesone. — * ne ount ; ms., n’ount.

16 — * qe autre ; ms., qu’autre.

17 — * seigneur ; ms., chevaler.

21 — « E » manque dans le ras.

22 — * q’el ; ms., qe ele.

25 — aüst, lisez aust.

26 — peüst, lisez pust.

34 — * N’uncor ; ms., Uncore ne.

37 — * talvace ; ms., talevace.

38 — * Si ; ms., Et si.

39 — * q’el ; ms., qe ele.

40 — « le » manque au ms.

42 — « tus » manque au ms.

43 — « bien » manque au ms.

47 — * s’avoit ; ms., se avoit.

49 — « forment » manque au ms.

50 — * veir ; ms., vere.

52 — * pas ; ms., mie.

53 — * Son ; ms., Eynz son.

54 — * al ; ms., à le.

57 — * D’un ; ms., De un.

58 — « il » manque au ms.

59 — * Les ; ms., Et les.

62 — * le y ; ms., ly.

64 — * el l’avoit ; ms., ele le avoit.

72 — * Q’el ; ms., Qe ele.

74 — * s’el eüst ; ms., si ele ust.

77 — * ses ; ms., ces.

78 — * el ; ms., en le.

80 — « Qe » manque au ms.

82 — * medicine ; ms., la medicine.

86 — « par » manque au ms.

96 — « trés » manque au ms.

97 — * el ; ms., ele.

99 — * peüsse ; ms., pusse.

100 — * en eüsse ; ms., usse.

101 — Ce vers nous paraît incompréhensible.

105 — * peüst ; ms., pust.

107 — et, lisez e.

108 — * Q’uncore ; ms., Qe uncore.

110 — « or » manque au ms.

112 — * estoyez ; ms., vous estoyez.

115 — « mès » manque au ms.

120 — « dount » manque au ms.

121 — Atant, lisez Ataunt.

122 — * De l’oriller ; ms., De le oriller.

123 — * Fust la veeille molt ; ms., Molt fust la veeille.

124 — * n’avoit ; ms., n’out.

134 — « bien » manque au ms.

136 — * Pensa qe ; ms., E pensa qe ce.

138 — * Priveement ; ms., Privément.

141 — * Qi estoit ; ms., Q’estoit.

143 — * cochee ; ms., cochié.

144 — * à celee ; ms., tot à celee.

148 — * Greaunta ; ms., Graunta.

154 — * s’ert ; ms., se s’ert.

156 — * s’oblia ; ms., se oblia.

157 — « E » manque dans le ms.

160 — « tost » manque dans le ms.

165 — * denz ; ms., dedenz.

166 — * sakee ; ms., saké.

167 — * le ount ; ms., l’ount.

173 — * l’aviegnement ; ms., le aviegnement.

175 — * le entendoit ; ms., l’entendoit.

176 — * guerredoun ; ms., guerdoun.

184 — * out ; ms., avoit.

186 — * Un ; ms., Un soul.

188 — * Et que soul ; ms., Le covertour que.

189 — * Le ; ms., Comme le.

190 — * E le covertour fist ; ms., Le covertour comença.

191 — * Lors la maveise ; ms., La maveise veille.

193 — * l’oie ; ms., le oie.

194 — « me » manque dans le ms.

199 — * Ne fist ; ms., Qe il ne fist.

200 — * Sout ; ms., Bien sout.

205 — * d’une ; ms., de une.

206 — * d’art ; ms., de art.

208 — * q’unqe ; ms., qe unqe.

209 — * N’ala ; ms., Ne ala.

210 — * maveise ; ms., veille.

212 — * d’aler ; ms., de aler.

221 — * del ; ms., de le.

222 — * li esqier ; ms., l’esqier.

227 — * n’ala ele à tiel ; ms., la veille ne alla à tiele.

229 — * tel peyne e en tel ; ms., tele peyne e.

230 et 231 — * L’ont ; ms., La ont.

232 — * l’eye ; ms., la eye.

234 — « trop » manque au ms.

238 — * el ; ms., ele.

240 — * hordely ; ms., hordly.

244 — * com ; ras., come.

249 — * q’errerent ; ms., que errerent.

250 — * eürent ; ms., urent.

251 — * l’oevre ; ms., le oevre.

253 — * Le ; ms., Ensi le.

254 — * Unq ; ms., Unqe. — * n’avint ; ms., ne avint.

255 — * Q’el ; ms., Qe ele.

257 — * aler ; ms., issyr.

258 — * n’oy ; ms., ne oy.

260 — * q’ele ; ms., qe ele.

262 — « à » manque au ms.

263 — « nulle » manque au ms.


XLVIII. — Le Dit de la Gageure, p. 193.

Publié par Sir Francis Palgrave, Londres, 1818, in-4o, et par M. Fr. Michel, Paris, Silvestre, 1850, in-8o.


Vers 3 — * De l’esquier e la ; ms., De un esquier e une.

4 — * ytiel ; ms., ytiele.

7 — * Ele ; ms., Mès ele.

11 — « bon » manque au ms.

12 — « tout » manque au ms.

16 — la ama, lisez l’ama. — Il faut corriger autrement ce vers.

17 — « Mès » manque au ms.

18 — * L’esquier ; ms., Que l’esquier.

19 — « tost » manque au ms.

20 — * Que ; ms., Coment.

23 — « douce » manque au ms.

24 — « toudis » manque au ms.

25 — « fille » manque au ms.

27 — « bien » manque au ms.

29 — * S’il ; ms., Se il.

31 — * Vo ; ms., Vostre.

34 — * fera ; ms., fra.

35 — * verte ; ms., verité.

37 — * n’a ; ms., ne s’est.

39 — « ele » manque au ms.

41 — Que ne ; ms., Que ele ne.

42 — * Que il ; ms., Qu’il.

43 — * s’il ; ms., si il.

45 — * ensi privéement ; ms., si privément.

46 — * Ne soit ; ms., Qu’il ne soit.

48 — « Molt » manque au ms.

49 — « i » manque au ms.

50 et 62 — * el ; ms., ele.

51 — * icel grant ; ms., cel.

53 — * ilec ; ms., ileque.

54 — « bien » manque au ms.

55 et 75 — Li esquier ; ms., L’esquier.

60 — * meisme ; ms., meismes.

63 — « pur voir » manque au ms.

64 — « de » manque au ms.

66 — * fereit ; ms., freit.

67 — * fera il ; ms., frez.

69 — « il » manque au ms.

76 — * l’affere ne voelt ; ms., son affere ne voldra.

77 — « un » manque au ms.

79 — * et long ; ms., long.

80 — * l’a ; ms., ly a.

81 — * Ensi à ly ; ms., Si l’a ensi à li.

82 — * Ne ; ms., Qu’ele ne.

84 — * li ; ms., à li.

86 — * Gwenchez, gwenchez ; ms., Gwenchez, tres tresse.

87 — * Trestresse ; ms., Gwenchez.

89 — * dist ; ms., ly dist.

93 — * seint ; ms., par seint.

95 — * Dame ; ms., Or, dame.

97 — * Vus ; ms., E dame, vus.

98 — * de mon ; ms., qe sunt de mon.

99 — « molt » manque au ms.

100 — * vostres ; ms., vos.

101 — « Et » manque au ms.

102 — * icele ; ms., cele.

103 — « de » manque au ms.

104 — * Ama la dame ; ms., La dame ama.

105 — « bien » manque au ms.

108 — * Ne est ; ms., N’est.


XLIX. — La Veuve, p. 197.

A. — Turin, L. V., 32 ; fol. 167 ro à 170 vo.

B. — Paris, Bibl. nat., Mss. fr. 2168, fol. 91 vo à 94 vo.


Publié, d’après le ms. A, par M. Aug. Scheler, une première fois dans les Annales de l’Académie d’archéologie de Belgique, XXII, 477-502 ; et une seconde fois dans les Trouvères belges du XIIe au XIVe siècle, 1876, p. 225-241, avec le secours d’une copie de Mouchet de la Bibliothèque nationale (coll. Moreau, 1727, Mouchet, 52). Les variantes du ms. B. viennent donc s’ajouter au texte de M. Scheler et au nôtre. — Ce fabliau a été donné en extrait très-court par Legrand d’Aussy, III, 322-327.


Vers 2 — Ne devons. B, Tout devés.

3 — En un est d’ont nus. B, En l’ost dont neus hom.

5 — sont en cel ost. B, en cele ost sont.

7 — * porte. A, port. — B, Si les portent l’ierbe soavine.

8 — pance sovine. B, de grant ravine.

9 — fame. B, molliers.

10 — * montent. A, monte.

15 — Dulce dame. B, Bele dame.

17 — B, Ne place Diu que je tant voie.

18 — Ke je repas par. B, Ke je repair de.

20 — Cui je avoi. B, Cui j’avoie, leçon qu’il faut adopter.

21-22 — B :

Ensi vait acontant ses fables,
Ki ne sont mie veritables.

23 — B, Dont recommence son mestier. — Le vers 23 devient alors dans B le vers 24.

27 — Ki convoite l’offrande. B, Ki l’ofrende desire.

29-30 — B :

Quant il li a fait le pardon,
Dont cante de molt grant randon.

31 — services. A, service.

33 — * toz en envers. A, toz en evers. B, trestaus envers.

35 — La dame cort. B, Dont veut la dame.

36 — veïst. B, verroit.

37 — B, Et les puins ensamble encugnier.

39 — desist. B, diroit.

40 — son sens. B, le sens.

41-42 — Ces deux vers manquent dans B.

43 — B, Ensi le resacent arriere.

44 — Et si. B, Li doi.

45 — Et à son hostel. B, Ki jusqu’à l’ostel.

46 — entor li. B, près de li.

48 — B, Por çou que li dex li refroide.

50 — Là. B, Dont.

51-52 — Ces deux vers manquent dans B.

55 — Sire. B, Por Diu.

56 — nostre avoirs estoit. B, estait vos avoirs.

57 — B, Dix, com vo cose vos venoit.

59 — vostre. B, cele.

61 — Sire ! Ousi. B, Car ausi.

62 — Après ce vers, B ajoute :

Agace, bien le m’avés dit !
Hairons, con je vous ai maudit,
Ki tant avés awan crié !
Kien, con avés sovent ullé !
Geline, bien le me cantastes !
Anerais, con vous m’encantastes
Ke ne conjurai mon ami
Por Diu k’i revenist à mi;
Se nus mors hon le pooit faire,
Je li ferai son treu tel faire.

63 — Ahi ! con j’ai. B, Dix ! con jou ai.

64 — annonchiet. B, noncié.

65 — B, Songes et vilains et hontex.

66 — B, Sire, je songoie avant ier.

70 — vos en. B, en la.

71-72 — Ces deux vers qu’on retrouve plus bas dans B sont ici remplacés :

Puis resongoie après en oire :
Vous aviés une cape noire.

72 — * que astiés. A, que vos astiés.

73 — * grande. A, grant. — B, Et unes grans bates de plont.

74 — le. B, un.

76 — On lit dans B, après ce vers, les huit vers suivants, dont les deux premiers sont les vers 71-72 de A.

Cis songes est bien avertis ;
Je songai vous estiés vestis
D’une grant cote à caperon ;
En vo main teniés un peron ;
Si abatiés tout cel assié.
Sire, quel treu m’avés laissié,
Jamais n’ert par nul home plains ;
Bien est drois que vous sovens plains.

77 — Et puis me vint. B, Puis me revint.

80 — gens. B, blans.

81-82 — B :

Si m’avoloit ens en mon sain,
Si refaisoit cel aisié sain.

83 — Mais. B, Jou.

84 — B, A ceste daeraine fie.

85 — commence. A, recommence. — runemens. B, parlimens.

86 — parlemens. B, runemens.

88 — vechiens. B, nieces.

89-94 — Ces vers manquent dans B.

93 — * Male. A, Par male.

95 — B, En carité, ma bele dame.

96 — Après ce vers, B ajoute :

Ki ceste maison maintenra
Et en cest avoir enterra.

98 — B, Ki li verroit faire les ciercs.

100 — Certes. B, Dames.

102 — Me dira tez dis. B, maintenra ces dis.

104 — lembel. B, musel ; cf. plus bas v. 131.

105 — B, Or le lairoumes de la dame.

107 — B, Si rediroumes de celui.

109 — fu meneis. B, est remés.

110 — on le fist. B, le fait on.

111 — Se ilh ne sout. B, S’il ne set bien.

112 — prent, B, prist.

113 — Sovent regratoit. B, Il huce et crie.

114 — B, K’il avoit molt souëf nourie.

115-116 — Ces vers sont remplacés dans B :

Por Diu qu’il li viegnent aidier,
Mais ce ne puet nus souhaidier.

117 — Et si huce. B, Puis apele.

118 — qu’il tant avoit. B, k’il avoit molt.

125 — B, Ains est de l’andoille pendant.

126 — B, U les plusors vont atendant.

128 — soi reblanchoie. B, se retifete.

129 — B, Si fait gausnir son molekin. Cette leçon donne un sens au vers du ms. A, qu’il faut corriger comme M. Scheler : Et fait janir ses molekins.

130 — redresse, lisez redrece. — B, Et relieve son raviekin.

131 — Le vers de A, que nous avions corrigé du tout au tout pour lui donner un sens, se lisait ainsi : Et fait cos muscas à corez ; la leçon de B, Si refait musiax à toretes, nous indique qu’il fallait lire : Et fait ces musias à torez. Pour le sens de ce vers il faut se reporter au vers 104, où nous voyons figurer déjà le mot musel, qui semble être le nom d’une parure (peut-être d’une coiffure) de femme. Au vers 104 la femme maudit sa toilette de veuve ; au vers 131, alors qu’elle se pare, elle se hâte de refaire sa parure (ses museaux) à toretes, c’est-à-dire avec des tours (peut-être des frisures).

132 — B, Et recommence ses tifetes ; cf. le vers 128 où on lit, dans B, retifete.

133 — B, Si vest les dras à remuiers.

134 — uns ostoirs. B, li faucons.

135 — B, Ki se vait à l’ane esbatant.

137 — Mostrant son cors. B, Et demoustrant.

138 — les gens. B, la gent.

141 — Or. B, Dont.

142 — Dure ne aspre. B, Aspre ne sure.

143 — « est » manque dans B.

145 — rute. B, roe.

146 — B, Aval le[s] ex li cuers li vole. — Après ce vers, B ajoute :

Ele n’a talent de corcier
Ne de plaindre ne de groucier,
Ains se fait molt et sage et simple ;
Souvent remet avant se guimple,
Por les joes cretes couvrir
Ki s’asanlent à l’uel ouvrir.

147 — Il faut lire manire pour la rime, au lieu de maniere ; B nous donne matire.

148 — se mire. B, s’atire.

149 — raconterai. B, aconterai.

150 — Après ce vers, B ajoute :

Con faitement ele se mainne
Le diemence et le semainne.

151 — lundi. B, deluns. — œvre. B, oire, qui est la bonne leçon, et doit être adopté.

152 — blonde. B, blance.

153 — K’ele ne. B, Ke ne.

154 — Por tant. B, Por çou. — Après ce vers, B ajoute :

Ensi toute jor va et vient ;
De mainte cose li souvient.
Et, quant ele est la nuit coucie,
Dont commence sa cevaucie.

155 — B, « or » manque. — liez. B, alius.

156 — * Ele. A, Et. — plusor liez. B, tant mains lius.

158 — B, Ja la nuis n’estra tant oscure.

159 — en vuiere, lisez en nuiere, qui est la bonne leçon, au sens de « rêve ».

160 — Et. B, Puis.

161 — Je avenrai. B, J’avenroie.

162 — * valet. A, valez.

164 — S’or. B, Se.

165 — ne. B, me.

167-168 — Ces vers manquent dans B.

170 — li. B, le.

173-174 — La lacune de A est comblée ainsi par B :

Car je n’ai mais qui me destrange ;
Je ne creim privé ni estrange.

175 — blanc ne bis. B, bis ne blant.

176 — chenevaus. B, cavestres.

177-186 — Ces vers manquent dans B.

187 — Or. B, Dont.

190 — Or n’a ele. B, Ele n’a or.

191 — B, Il ne li faut ne plus ne mains.

193 — aquiert. B, porquiert.

196 — desouz. B, dalés.

197 — ses escalchire. B, si ses caucire.

198 — Et si. B, Souvent.

201 — pute. B, male.

202 — B, « Je ne truis qui por aus me prenge.

203 — A, qui. B, Nus ne.

204 — Dont. B, Puis.

205 — B, Ses heurte et flert et grate et mort.

206 — B, « les » manque. — de. B, de le.

208 — Car. B, Et.

210 — Et. B, Puis.

211 — * Me les paia. A, Le mes paia. B, Le vit passer.

213 — B, Ki encor l’en doivent .II. tans.

214 — B, K’il li vaurent paiier partons.

215 — * ains. A, ain.

217 — nouveliere. B, une parliere.

218 — B, Ki par ses dis soit nouveliere.

219 — Lors. B, Si.

221 — Ke. B, Jou.

222 — mie trop. B, foie ne.

224 — me sui sovent. B, sui maintes fois.

225 — o. B, à.

226 — pas. B, mie.

229 — mere. B, dame.

230 — en mon cuer grant ire. B, molt le cuer plain d’ire.

233 — mon. B, le.

235 — m’iert. B, ert.

236 — Il. B, Si.

237 — B, Et en caucier et en vestir.

238 — B, Si m’avoit faite ravestir.

242 — ont en lor lit. B, font u lit.

243 — Car, cant mes sire. B, Tantost com il.

244 — * sainch. A, sairch. — ses eus en mon sainch. B, li eus en l’escourt (?).

245-246 — Ces vers sont intervertis dans B.

248 — ja nel vos quier. B, nel vos quier à.

249 — sires s’est. B, sire ert molt.

251 — Et j’astoie. B, Et jou ere.

252 — tenre mamelette. B, crasse maisselete.

254 — Ausi petis. B, Autretele.

256 — la moie. B, ma dame. — Après ce vers, B ajoute :

Jou sui de sa mort trop dolente,
Kar ele estoit près no parente,
Foi que je doi Nostre Signor.
Or vos dirai de mon segnor ;
Il savoit molt bien gaegnier.
Et asamber et espargnier.


257 — hui. B, mise.

258 — et pailes. B, caudieres.

259-260 — Ces deux vers sont remplacés dans B :

Et bons mantias et peliçons,
Ki furent fait à esliçons.

261 — langues, lisez langnes.

262 — B, Et s’ai encore de .II. laignes.

265 — * al dire de maint. A, al dit de tamaint. — Ce vers, ainsi que le suivant, manque dans B.

267 — B, Ains i a certes biax harnas.

268 — benais. A, benaus, qu’il faut sans nul doute lire et corriger henaus, comme le prouve le vers de B : Car j’ai encore .II. hanas.

269 — Il faut corriger ainsi ce vers : Li uns en fu fais al viés tor. B, Li uns en est fais à viés tor.

270 — l’or. B, leur.

273 — ce ke. B, quanques.

275 — Et aussi faites vos. B, Et si connisciés bien.

277 — vos riens. B, noient.

278 — * Onc n’i. A, O ne ni. B, On en vout.

281 — * Où. A, Or. — n’en a mie. B, n’a gaires de.

283 — Mais. B, Et.

284 — B, On puet du fist veïr l’escorce.

286 — B, Ainsi est il de maintes gens.

290 — B, Si ai souvent eü mesage.

291 — * plusors. A, plusor. B, mellors.

292-296 — B :

Tex i a qui sont vo parent.
Mais je n’ai cure de nomer :
En apartenés vos Gaumer ?
Mais por Gaumer ne dt je mie,
Or entendes, ma douce amie.

297 — L’atrier. B, Anten.

299 — * chercel. A, chercler. — B, Si m’esgarda en .I. cercel.

300 — Ke je. B, K’encor. — Après ce vers, B ajoute :

S’avés noient en vo vinnage
U il ait auques de linnage ;

Puis vient une série de vers qui dans A est placée après le vers 330.

301 — certes j’ai. B, j’ai certes.

302 — jovenciel. B, valeton.

303 — Dulce. B, Bele.

304 — B, Se vos avés nul bel ami.

306 — seroit mult. B, ert en moi.

308 — Car s’astoi. B, Se je sui.

311 — ne vos voelh tant. B, n’ai cure de.

312 — B, N’onques ne m’en vol entremetre.

313 — mult bien tot. B, bien trestout.

314 — torne. B, vient.

315 — * Vos. A, Tos.

316 — B, Esgardés en cele caucie.

317 — * Et en Essem. A, Et Essem. B, Et en Ensaing.

319-320 — Ces deux vers sont intervertis dans A.

322 — devoit venir. B, venait auques. — Après ce vers, B ajoute :

S’en parlissiés couvertement,
J’ai ci esté molt tongement.

326 — vos. B, nos.

327 — S’arons des. B, S’averomes.

328 — B, Et de ce vin de Laenois, qui est sans doute la bonne leçon.

329-330 — Ces deux vers manquent dans B. — Dans ce ms., les vers 331-344 sont déplacés, et viennent à la suite du vers 300.

331-332 — B :

Cil me sanle de grant raison
Ki maint d’autre part vo maison.

333 — regardée. B, esgardée.

334 — me. B, m’en.

335 — me tornai. B, retornai.

338 — m’a parleit. B, parole.

339-340 — Ces vers manquent dans B.

342 — Si. B, Je.

343-344 — B :

Foi que je doi saint Lienart,
Jou n’i averai ja viellart.

345 — * bescosse. A, bescoelce. — Ce vers, ainsi que le suivant, manque dans B.

347 — Les deux mss. recommencent à marcher de pair à partir de ce vers.

348 — Il. B, Ki. — chil, lisez chi.

349 — rendre. B, faire.

350 — B, Puis le fiert de le main enverse.

351 — Et à ce mot. B, Lors s’en torne.

352 — Et cele s’en va. B, Cele s’entorne.

354 — Or en orés par tens. B, Huimais porrés oïr.

356 — B, Geulias tant l’argue et coite.

357 — maus. B, fus.

358 — sachiet. B, sacié.

359 — Puis qu’ele. B, Quant ele.

360-361 — B :

Il puet bien dire qu’il est las ;
S’il assés ne set des aniaus.

362 — S’il n’est. B, K’il soit.

363-364 — B :

Et qu’il sace bien cotouner,
Et heldiier et crotouner.

365 — Il iert al matin. B, Il est au vespre.

367 — loche. B, louce.

368 — iert. B, est.

369 — Or. B, Dont.

370 — B, Lors commencent li mal à naistre.

371 — Et la noise. B, Et li mal.

372 — brehier. B, bruhier.

373 — B, .I. durfëu, un rabehet.

375-376 — B :

Ki fui des bons vallès agrius,
Et des courtois et des jentius.

377 — un. B, cest.

379 — B, Ki en fisent là placement.

380 — Car. B, Quant. — grant. B, tel.

383 — deduis. B, delis.

384 — Coute, lisez Toute. — jour. B, nuit.

385 — Et ne sui je bien. B, Certes je sui molt.

386 — ilh me sent delez. B. je m’estent jouste.

388 — A poi. B, Por poi.

390 — trés. B, vo.

392 — B, Puis torniiés par devers [mi].

396 — dulce l’alaine. B, souëf alaine. — Après ce vers, B ajoute :

Sire, c’estoit tous tans vos dis ;
Vostre ame soit en Paradis.

399-400 — Ces vers sont remplacés dans B par les suivants :

Mais jou sai bien, par saint Eloi,
K’il n’est mie de bone loi,
Ains est decaus de Mont Wimer :
II n’a soing de dames amer.

401 — Et chil respont. B, Dont respont cil.

403 — aïre. B, adoise. — Ce vers et le suivant sont intervertis dans B.

404 — torbé, lisez torble. — B, Tant par avés torble le vis. — Après ce vers, B ajoute :

Je ne vos puis tenir couvent,
Goulias bée trop souvent.

405 — * mie. A, mies. Ce vers manque dans B, ainsi que le suivant. — Le ms. B place ici les vers 427-436, et ce n’est que plus loin que l’on retrouve ceux dont nous donnons les variantes ci-dessous.

407 — * dyables. A, dyables le. — Au lieu de ce vers et du suivant, on lit dans B :

On ne puet pas faire tous tans
K’on ne soit et las et estans.

409 — Se. B, Li. — biaz. B, bons.

410 — * mie. A, mies. — B, Mais tous tans ne sont mie meures.

411-412 — Ces vers manquent dans B.

413 — B, Tant m’avés estrait et sucié.

414 — jugié. B, jucié.

415-417 — B :

Si que bien certes le verrés,
On dist ja je sui esverrés,
Ja ne larrai que tiel vous die.

418 — Trop. B, Molt.

419 — si. B, tant.

420 — vielhe. B, veve.

421 — il n’iert ja .I.. B, ja n’iert .I. seul.

423 — paies. B, bailliés.

425 — B, « je » manque. — l’euvre. B, cele oeuvre.

426 — la crupe mure. B, les rains remuevre. — Après ce vers, le ms. B ajoute :

Se jou nes ai par saint Ricier.
Vous les comperrës ja molt cier. »
La dame l’ot, molt li anoie.
Quant ele entent à la monnoie
Ke li bacelers li demande ;
A .C. diables le commande.
Ele aimme mix estre batue,
U que il l’ocie et le tue,
K’ele tel avoir li delivre
Ne qu’il en ait ne marc ne livre.
Lors le recommence à maudire
Et à tencier et à laidire :
« Ahi ! » fait ele, « despendus.
Or est vos avoirs despendus… »

Le ms. B s’arrête ici, le feuillet qui suit manquant. — Les variantes que nous notons plus loin se trouvent placées plus haut dans B. Cf. la note du vers 405.

427 — B, « Dont, » dist la dame, « fel cuivers. » — Ce vers et les suivants font suite dans B au vers 405 de A.

428 — deuuistes. B, deüsciés.

429 — U rendus à. B, Et entrer en.

430 — B, Malement m’avés obeïe. — Après ce vers, B ajoute :

Or puet on bien de fi savoir
Ke je n’eue gaires de savoir.

434 — Focuin, B, Foukelin.

436 — d’Orliens jusqu’à. B, dementres qu’à.

437 — * emblez. A, emblé. — Ce vers manque dans B, et tous les vers qui suivent sont ajoutés :

Sire, mal estes restorés ;
Vous devés bien estre plourés.
Car onques plus preudora ne fu.
Vos sens et vos favors mar fu
Vostre science et vo bontés.
Molt estiés sages et dontés ;
Onques par vous ne fui maudite.
Ni adesée ne laidite,
Et cis damoisiax me manace ;
Il est bien drois que je me hace. »
Dont li respont cil à haut ton :
« Dame, vous avés un glouton
Ki tous jors vauroit alaitier ;
Il a fait Bauçant dehaitier ;
Je l’ai awant souvent retrait
Tout herçoiié et tout contrait.

Suit le vers 407 de A.

448 — * mie. A, mies.

469 — * Si. A, Et si. — * des. A, de.

Imbert a remis ce fabliau en vers. Cf. aussi La Fontaine, Fables, liv. VI, 21, et VII, 5.


L. — Le Chevalier, sa Dame et le Clerc, p. 215.

Publié par M. Paul Meyer dans la Romania, I, 69-87.

La plupart des corrections que nous avons à indiquer sont empruntées à M. P. Meyer ; mais, malgré tout, bien des vers de ce fabliau anglo-normand restent encore faux.


Vers 5 — « mult » manque au ms.

7 — * Seinte ; ms., Seint.

12 — * nului ; ms., nul.

15 — « de » manque au ms.

23 — « il » manque au ms.

24 — * Ilekes ; ms, Ilek.

28 — * muler ; ms., mulier, qui n’est pas la forme anglo-normande.

42 — Le ms. porte : Mès le meins remist à la dammoisele.

46 — « ne » manque devant « glotun ».

48 — « sien » manque au ms. — servse, lisez service.

49 — « Les » manque au ms.

53 — * Icil ; ms., Cil.

55 — « et » manque.

66 — * sage e umble ; ms., sages e umbles.

68 — * nés ; ms., neif.

69 — « Car » manque au ms.

73 — * irrai ; ms., irrai jes.

81 — « de » manque.

91 — Le ms. porte : Cele ne li aina mès com autre gent.

95 — « sien », manque au ms.

96 — * k’eust ; ms., k’il eust.

99 — * eschiver ; ms., eschure.

108 — « bien » manque au ms.

119 — * le ; ms., li.

124 — * martire ; ms., matire.

126 — * chaungat ; ms., rechaungat.

127 — * fine aunguisse ; ms., fin aunguisse est.

129 — « sa » manque les deux fois.

130 — * ne sot de cele ; ms., ne savait de cel.

137 — « son » manque au ms.

145 — « la » manque.

149 — * la dame ; ms., e la dame.

163 — * fereit ; ms., freit.

164 — * respond ; ms., respondi.

167 — Le ms. ajoute ele avant « eust ».

170 — « E » manque.

176 — * ke ; ms., k’ele.

182 — * le ; ms., si le.

184 — * trestut; ms., tut.

185 — « se » manque au ms.

188 — « li » manque au ms.

191 — Le ms. porte : Respondi e dist que bien le freit.

192 — « amer » manque au ms.

197 — * avant tenir ; ms., detenir.

198 — covint à descovrir ; ms., covenist à descoverir.

203, 219, 256 et 582 — * Unkes ; ms., Une.

204 — « home » manque au ms.

207 — * l’enuy ; ms., li enuy.

209 — * or ; ms., ore.

211 — * descovri, ms., se descoveri.

212 — * come ; ms., coment.

216 — « li clerk » manque au ms.

218 — * Adonkes ; ms., Adonc.

220 — « ne » manque au ms.

222 — * e duel ; ms., duel.

248 — Le ms. porte : E de la folie se chastiereit.

253 — * Emprendrai ; ms., Prendrai.

254 — * turt ; ms., tut.

266 — * ou; ms., là ou.

290 — « jeo » manque au ms.

291 — Le ms. porte : Est juges e seigneur Deu.

292 — * ja ; ms., je.

297 — « si » manque au ms.

301 — « ke » manque au ms.

306 — * Ne sui ; ms., Ja ne sui.

309 — * or ; ms., ore.

319 — * maindre ; ms., main.

320 — « eschure » qu’il faut corriger en eschiver, comme au vers 99.

325 — * respondu a ; ms., respondera.

328 — « e » manque au ms.

340 — * Que ; ms., Ou.

341 — « la dame » manque au ms.

349 — avant ; ms., en avant.

356 — * morist ; ms., morsist.

370 — * vus ; ms., jes vus.

390 — * vigorus li fereit ; ms., vigrus li freit.

396 — * Merveillusement ; ms., Merveillement.

397 — * feist ; ms., feust.

401 et 437 — liu ; ms., lui.

417 — « et » manque au ms.

420 — * trestut ; ms., tut.

428 — « e » manque avant « bone ».

433 — * Respondi ; ms., Respont.

442 — * veir ; ms., veirs.

443 — * ferai ; ms., frai.

476 — « Mès » manque au ms.

515 — « vus tut » manque au ms.

525 — * Or ; ms., Ore.

526 — * clerjastre ; ms., clerejastre.

534 — * me feiht ; ms., mesfeiht.

537 — * levent ; ms., leve.

548 et 556 — Les rimes de ces deux vers sont fautives ; mais il faut remarquer que l’anglo-normand note ordinairement le son é par ee, ce qui pour l’œil semble rimer avec ée.

553 — * ferez ; ms., freiet.

557 — Le ms. ajoute mult après « par ».

570 — * meuz ; ms., le meuz.

579 — * unke ; ms., k’unke.


L’idée de ce fabliau est à peu près la même que celle qui a inspiré le fabliau de « la Borgoise d’Orliens », publié dans notre premier volume, p. 117, et dont nous avons donné plus haut (p. 292) les variantes. M. P. Meyer rapproche le fabliau « Du Chevalier, de la Dame et du Clerc » du « Castiagilos » de Raimon Vidal.


LI. — Du Prestre et de la Dame, p. 235.

Publié par Méon, IV, 181-187, et donné en extrait par Legrand d’Aussy, IV, 299-300, sous le titre de : « De la Dame et du Curé ».


Vers 57 — * establer ; ms., entabler.

109 — * sa ; ms., ses.

111 — * en s’anfance ; ms., es anfance.

122 — Ce vers manque dans le ms., et a sans doute été suppléé par Méon.

155 — « Et » manque au ms.


Ce conte se retrouve dans les Nouveaux Contes à rire, dans les Contes du sieur d’Ouville, etc., etc.


LII. — Le Roy d’Angleterre et le Jongleur d’Ély, p. 242.

Publié par Sir Francis Palgrave, Londres, 1818 ; par De la Rue, Essais historiques sur les bardes, les jongleurs, etc., 1834, I, 285-298 ; et par M. Fr. Michel, à la suite de la Riote du monde, 1834, p. 28-43.

Le ms. met toujours n à la place de u.


Vers 126 — ils, lisez il.

165 — Nous, lisez Nus.

208 — * Daheit ; ms., Dasscheit. — * vo ; ms., vostre.

271 — Il, lisez Yl.

427 — * Fols, ms., Fole.

L’Explicit n’existe pas dans le ms.


LIII. — La Contregengle, p. 257.

Cette pièce n’est que la seconde partie du fabliau « Des .II. Bordeors ribauz », publié dans notre premier volume, p. 1-12. (Cf. plus haut les Notes et variantes du premier volume, p. 273, vers 177.)


Vers 13 — * toi et moi ; ms., moi et toi.

25 — faire, lisez fere.

34 — Et, lisez Or.

49 — seule, lisez nule.

52 — des, lisez de.

58 — Dieu, lisez Diex.

73 — * d’eci, lisez de ci.

90 — « Miaus le Chastal », « Meaux » en Brie.

108 — fils, lisez filz.

120 — Il faudrait lire verras, mais l’s finale manque de même au vers 113.

139 — * ait ; ms., art.

147 — Quanque, lisez Quanques.

168 — repandre, lisez repondre.

176 — pas, lisez por.


LIV. — Des Estats du siecle, p. 264.

Nous devons la copie de ce fabliau à l’obligeance de M. Eug. Ritter.


Vers 30 — * Outre mer ; ms., Autre mer.

36 — * s’atourne ; ms., s’acourde.

53 — * L’en ; ms., L’un.

57 — * avoec leur ; ms., et leur.

67 — * Et il mist ; ms., Et mist.

76 — * veoit ; ms., vesoit.

86 — * Li Avocas ; ms., Le Avocat.


TABLE DES FABLIAUX

contenus dans ce volume.

Pages.

FabliauXXX. 
 1
XXXI. 
Du Prestre et d’Alison (par Guillaume le Normand) 
 8
XXXIII. 
Le Meunier d’Arleux (par Enguerrand d’Oisy) 
 31
XXXIV. 
Du Prestre et du Chevalier (par Milon d’Amiens) 
 46
 92
XXXVI. 
 114
XXXVII. 
Le Dit des Marcheans (par Phelippot) 
 123
XXXVIII. 
 130
XL. 
 137
XLI. 
Des Vins d’ouan (par Guiot de Vaucresson) 
 140
 145
XLV. 
 171
XLVIII. 
 193
XLIX. 
La Veuve (par Gautier le Long) 
 197
LIII. 
 257
 264