Recueil de recettes et le médecin à la maison/Partie 1, Chapitre 5

Imprimerie Léger Brousseau (p. 23-30).

CHAPITRE V



PÂTISSERIE

Feuilletage

Prenez une pinte de fleur de farine[1], rassemblez-la en tas sur la table ou sur le tour à pâte[2], faites au milieu la fontaine (trou), mettez-y ⅓ d’once de sel, deux jaunes d’œufs, une noix de beurre et un bon verre d’eau ; remuez avec les doigts de la main gauche et détrempez peu à peu la farine, en ayant soin que l’eau ne passe pas par-dessus les bords ; lorsque le tout sera mêlé, rassemblez-le en boule et laissez-le reposer pendant un quart d’heure. Au bout de ce temps, étendez la pâte sur la table que vous aurez farinée légèrement pour qu’elle ne s’y attache pas, prenez ¾ de livre de beurre, aplatissez-le sur la pâte, mais dans le milieu seulement, de façon à ce qu’il ne couvre que la moitié de votre surface ; repliez la pâte sur elle-même, de manière à y renfermer le beurre, aplatissez avec le rouleau et donnez à la pâte une étendue du double de sa largeur ; pliez-la en quatre comme une serviette, c’est-à-dire en mettant le n°1 sur le 2 et le 4 sur le 3, puis le 2 sur le 3 ; cela s’appelle faire un tour ;

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recommencez cela jusqu’à six fois, en laissant chaque fois un intervalle de dix minutes à peu près ; au dernier tour, laissez reposer la pâte cinq minutes, et vous pouvez l’employer. Si vous attendiez trop longtemps, elle retomberait, et vous auriez un mauvais feuilletage.

La pâte doit être d’une consistance modérée et doit rester onctueuse, c’est-à-dire un peu grasse, autrement si elle était trop ferme, elle se casserait pendant la cuisson, et si elle était trop molle elle ne pourrait se tenir debout.

Une recommandation importante est la consistance que le beurre doit avoir ; s’il est trop dur il ne peut se mêler à la pâte ; si au contraire il est trop mou, il s’étend trop et à chaque coup de rouleau il ressort. Il faudra donc, s’il est trop dur, le pétrir quelque temps, et, s’il est trop mou, le mettre tremper dans de l’eau très froide.

Pâte à dresser pour les pâtés froids. — Cette pâte diffère principalement de la pâte du feuilletage par la quantité de beurre qui est moindre de moitié. On peut également, dans cette pâte, remplacer le beurre par de la graisse, qui ne réussit pas aussi bien dans le feuilletage.

Prenez une livre de farine, mettez-la en tas sur le tour, faites-y une fontaine dans laquelle vous mettrez une demi-once de sel blanc, plus 5 onces de beurre, divisé en petits morceaux, et enfin 4 onces d’eau. Maniez le beurre de manière à ce qu’il se dissolve et se mêle à la pâte ; le mélange étant fait, il faut pétrir la pâte le plus promptement possible en l’étendant et la foulant quatre fois sur elle-même, afin de lui donner partout une consistance égale, en prenant garde toutefois, de trop la dessécher.

La pâte étant suffisamment travaillée, ramassez-la en pelote, saupoudrez-la légèrement de farine, enveloppez-la d’une serviette humide, et laissez-la reposer une heure.

Pâté froid

Préparez de la pâte à dresser en estimant qu’il en faut la valeur de ce qui aura été fait avec un litre de farine, pour un pâté de deux livres et demie.

Prenez le quart de cette pâte pour le fond du pâté, abaissez-le au rouleau, en lui laissant un doigt d’épaisseur ; coupez votre fond de pâté avec le coupe pâte, en donnant à ce fond un diamètre un peu plus grand que celui du pâté. Placez votre abaisse sur un papier beurré, et dressez sur ce fond vos viandes préparées.

Ces viandes peuvent consister en chair de gibier, volaille, veau, jambon, accompagnées de lard en bardes et lardons, et de farce ou hachis. Voici leur préparation : mettez une quantité suffisante de beurre dans une casserole avec une échalote, la moitié d’un oignon, persil et thym, le tout haché très fin. Faites cuire ces condiments jusqu’à ce que le beurre se mette à bouillir, mettez-y alors votre lard, puis votre gibier, votre volaille bien désossée ou votre veau, avec épices, sel et gros poivre. Ajoutez du bouillon ou un peu d’eau, laissez mijoter un temps suffisant pour une demi-cuisson, versez un filet de vinaigre et retirez votre viande du feu.

Le hachis se fait avec des viandes cuites ou non cuites, mêlées avec du lard. Quelques champignons les accompagnent fort bien.

Vos viandes étant refroidies, vous commencez par dresser votre hachis sur le fond du pâté, vous montez le reste par-dessus, en saupoudrant à mesure les morceaux avec du sel, du poivre et des épices. Il faut serrer les morceaux les uns contre les autres, et garnir de petit lard tous les interstices.

On peut également mettre ces viandes crues dans une petite casserole avec le hachis par-dessus, les faire cuire, et les laisser refroidir[3]. Lorsqu’il s’agira de dresser les viandes sur l’abaisse, on flambera avec un papier allumé l’extérieur de la petite casserole, et on la renversera sur l’abaisse. La garniture de viandes en sort d’une pièce, comme d’un moule.

Il ne s’agit plus que de tailler et d’appliquer le tour du pâté auquel on donne au moins deux lignes d’épaisseur. Avant d’appliquer ce tour, faites, avec les débris qui vous resteront, un renfort autour des viandes pour les empêcher de s’affaisser et un couvercle pour le dessus du pâté. Ce pourtour ou double circonférence intérieure, doit s’élever à la hauteur des viandes, on l’attache au fond du pâté, et on soude ses deux extrémités avec de l’œuf.

Mettez ensuite le couvercle, auquel vous ferez un trou rond, nommé cheminée, pour faciliter l’évaporation de la vapeur ; joignez bien ses bords aux renforts en les mouillant.

Cela fait, placez votre pourtour, après l’avoir mouillé en dedans, afin qu’il se fixe au renfort et au fond. Le bord supérieur du pourtour doit dépasser un peu le couvercle du pâté : passez plusieurs fois le doigt sur la base du pourtour, afin qu’elle se joigne bien au fond du pâté.

On peut embellir le pâté avec des ornements variés : étoiles, zigsag, etc, etc. On le dore deux fois de suite, et on le met au four sur une plaque graissée ou sous le four de campagne. Il faut environ trois heures pour cuire un tel pâté.

Lorsque le pâté est refroidi, on peut y introduire par la cheminée une gelée bien assaisonnée, qui, se refroidissant à son tour, donne une belle apparence à la garniture lorsqu’on enlève le couvercle.

Au lieu d’être monté comme nous venons de l’expliquer, un pâté froid peut être dressé dans un moule de fer blanc.

Après l’avoir beurré, on le garnit intérieurement du pourtour, puis on appuie le moule sur une abaisse destinée à former le fond du pâté, en sorte que ce fond se trouve découpé et collé au pourtour. On passe ensuite la main dans l’intérieur du moule pour consolider les jonctions et pour faire prendre à la pâte les formes du moule. On y place les viandes comme dans le pâté monté, on les recouvre d’une calotte et on les met au four avec le moule, qu’on n’ôte qu’après la cuisson.

Pâtés de lièvre et de lapin

Ce pâté se fait de même, qu’il soit de lièvre ou de lapin. Désossez un lièvre, coupez les membres et mettez-les avec les filets dans une casserole avec ½ livre de beurre. Laissez cuire une demi-heure seulement. Prenez ensuite le reste de la chair de votre lièvre, que vous hacherez avec du lard gras, un oignon, deux échalotes, une pointe d’ail, persil, laurier et thym. Ajoutez épices, poivre, sel, et mélangez le tout avec un peu d’eau-de-vie coupée de vin blanc.

Vous procéderez ensuite comme il est dit ci-dessus.

Pour garnir le moule ci-joint de pâte à dresser, vous recouvrirez la pâte à l’intérieur de bardes de lard, puis vous mettrez tout autour et au fond une couche de farce, ensuite les cuisses du lièvre, les filets, et vous recouvrirez le tout de farce, et terminerez avec des bardes de lard.

Le pâté de lapin se fait de la même manière que celui de lièvre.

Pâté chaud aux ortolans

Votre pâté étant dressé, vous sautez vos ortolans au beurre ; lorsqu’ils sont de belle couleur, vous versez dans la sautoire du jus ou du velouté, vous ajoutez des champignons tournés et bien blancs. Vous faites mijoter jusqu’à cuisson. Vous garnissez votre pâté chaud que vous couvrez, au lieu de pâte avec une noix de ris de veau glacée en piquée de truffes.

Pâté d’alouettes

Flambez, épluchez et fendez par le dos trois douzaines de mauviettes ; ôtez tout ce qu’elles ont dans le corps, séparez le gésier, hachez les intestins ; pilez avec du lard râpé et des fines herbes ; remplissez vos mauviettes de cette farce, bardez-les avec du lard ; si vous voulez, rangez-les dans le moule en les pressant un peu ; couvrez le tout d’une couche de beurre, d’épices, sel et poivre, mettez par-dessus une seconde abaisse ou bande de pâte, soudez-la au bord du pâté en mouillant, et faites cuire deux heures et demie. Servez froid.

Pâté au saumon

Piquez avec des anchois dessalés et taillez en lardons des tranches de saumon frais que vous aurez fait revenir dans le beurre, ajoutez, si vous voulez, quelques filets de truffes. Préparez votre croûte comme il est indiqué ci-dessus pour les pâtés froids. Une fois dressée, garnissez-en le fond d’une forte couche de farce à quenelle[4] de poisson, rangez dessus une partie de votre saumon, remplissez les vides avec quelques truffes et de la farce, faites-en un nouveau lit, mettez le reste du saumon et couvrez encore avec de la farce. Dorez votre pâté et faites-le cuire au four, puis ôtez le couvercle et versez dedans une sauce faite avec du court-bouillon auquel vous ajouterez sel, poivre, échalote, persil haché, et que vous lierez après quelques instants d’ébullition avec un bon morceau de beurre manié de farine. On peut aussi, en sortant du four, verser dans le pâté un verre de rhum ou de madère ; ce qui lui donne très bon goût. Ce pâté se mange ordinairement froid, et on peut employer pour le faire différentes viandes de poisson.

Galette

Il faut faire pour la galette une pâte demi-feuilletée ; prenez pour cela une livre de farine, ¾ livre de beurre, ¾ d’once de sel et un verre d’eau, procédez en tout comme pour la pâte feuilletée. (Voyez p. 23), en observant pourtant qu’au lieu de six tours, il ne faut en donner que trois ou quatre.

Nous avons expliqué que par tour on entendait étendre la pâte avec un rouleau, puis la replier sur elle-même. (Voyez l’article Feuilletage, p. 24.)

Une fois le dernier tour donné, laissez reposer la pâte pendant un quart d’heure, tracez dessus des losanges, ébarbez les bords de façon à faire un rond parfait, placez ensuite sur une plaque de tôle, et mettez au four.

Flau

Mêlez dans une casserole trois cuillerées de farine avec autant d’œufs, mouillez ensuite avec du lait, laissez cuire un quart d’heure, en remuant sans cesse votre préparation ; ajoutez-y du sucre en quantité suffisante, des macarons écrasés et de la fleur d’oranger.

Biscuits

Prenez ½ livre de sucre superflu que vous réduirez en poudre et que vous mettrez dans une terrine avec huit jaunes d’œufs, joignez-y ½ livre de fécule et une once de farine ; mêlez bien. Mettez à part les blancs dans une autre terrine, et fouettez-les pendant une demi-heure avec un balai de brins d’osier. Lorsque votre neige de blancs sera parfaite, versez-la dans la terrine, mélangez le tout avec la spatule ou une fourchette, assez légèrement toutefois pour ne pas faire retomber la neige. Remplissez avec ce mélange vos moules en ferblanc ou vos caisses de papier, à défaut de moules, après avoir eu soin de les beurrer légèrement. Ne les remplissez qu’à moitié, car la matière gonfle beaucoup en cuisant. Ne beurrez pas, si vos biscuits doivent être servis dans les caisses de papier dans lesquelles ils se font. Saupoudrez-les de sucre en poudre fine, et mettez-les au four jusqu’à ce qu’ils aient pris une belle couleur jaune foncée.

Biscuit de Savoie

On le fait de la même manière, mais il faut mettre la pâte dans un moule qui a la forme d’un turban, et que l’on graisse préalablement avec du beurre frais fondu. Vous mettrez ensuite votre moule dans un four médiocrement chaud ou sous le four de campagne.

On peut mêler à sa pâte du raisin de Corinthe, des pistaches, de la fleur d’oranger pralinée, des amandes douces hachées, etc. On peut aussi glacer son biscuit au moyen d’un blanc d’œuf battu avec une once de sucre en poudre. Appliquez votre glace avec un pinceau lorsque votre biscuit sera cuit, et laissez-la sécher à une douce chaleur.



  1. Une pinte de farine pèse une livre.
  2. Le tour à pâte est une plate-forme en bois garnie d’un rebord de trois côtés et que l’on pose sur la table de cuisine.
  3. Il est essentiel de ne se servir que d’une casserole parfaitement étamée. Dans le cas contraire, le séjour prolongé et le refroidissement d’une sauce grasse dans du cuivre y déterminent indubitablement du vert-de-gris. Il est préférable d’employer ici du fer battu étamé.
  4. Boulette hachée.