Recueil de contes populaires slaves (traduction Léger)/XXXII

Traduction par Louis Léger.
Ernest Leroux (p. 241-258).

XXXII

LONG, LARGE ET CLAIRVOYANT

(CONTE BOHÊME)



Il y avait une fois un roi, et il était vieux, et il n’avait qu’un seul fils. Une fois il appela ce fils auprès de lui et lui dit :

— Mon cher fils, tu sais bien que je suis déjà vieux et que le soleil ne luira plus longtemps sur ma tête ; avant de mourir, je voudrais bien voir ma future belle-fille, ta femme. Marie-toi, mon fils.

Le prince répondit :

— Je voudrais bien, mon père, faire ta volonté ; mais je ne connais pas de fiancée.

Le vieux roi tira de sa poche une clef d’or et la donna à son fils : — Va-t’en là-haut, tout au haut de la tour ; regarde autour de toi, et tu me diras quelle est celle que tu choisis ?

Le fils du roi, immédiatement, monta au haut de la tour. Il n’y était jamais allé, et il ne savait pas ce qu’elle pouvait renfermer.

Quand il fut arrivé tout au haut de la tour, il vit dans le plafond de la dernière salle une porte de fer en forme de trappe ; il l’ouvrit avec la clef d’or, la souleva, et pénétra dans une grande salle ronde dont le plafond était bleu comme le ciel dans les nuits claires, et illuminé d’étoiles dorées ; le plancher était couvert d’un tapis de soie verte, et, autour du mur, il y avait douze fenêtres hautes avec des châssis d’or ; sur le cristal de chacune de ces fenêtres était peinte une jeune fille ; elles étaient toutes plus belles l’une que l’autre, et je m’étonne que le jeune prince, à force de les admirer, n’ait pas laissé ses yeux sur elles. Tandis qu’il les regardait ainsi, ne sachant laquelle choisir, ces vierges se mirent à remuer comme si elles étaient vivantes ; elles le regardaient, elles souriaient ; on eût dit qu’elles allaient parler.

Tout à coup le prince remarqua que l’une des fenêtres était cachée par un rideau blanc ; il l’écarta, et vit une jeune fille en robe blanche, ceinte d’une ceinture d’argent, avec une couronne de perles sur la tête : c’était la plus belle de toutes ; mais elle était triste et pâle comme si elle sortait du tombeau. Le prince resta longtemps devant cette image comme devant une apparition ; son cœur, en la contemplant, fut saisi de tristesse, et il s’écria :

— C’est celle-ci que je veux, et non une autre !

Comme il disait ces mots, la jeune fille baissa la tête, rougit comme une rose, et aussitôt toutes les autres images disparurent.

Quand il descendit et dit à son père ce qu’il avait vu, et quelle fiancée il avait choisie, le vieux roi fut saisi de tristesse, et lui dit :

— Tu as mal fait, mon fils, d’avoir découvert ce qui était caché ; tu t’es jeté dans un grand danger. Cette jeune fille est en la puissance d’un méchant enchanteur, dans un château de fer ; de tous ceux qui ont essayé de la délivrer, aucun jusqu’ici n’est revenu. Mais ce qui est fait est fait. La parole donnée est une loi. Va ! tente ta fortune, et reviens sain et sauf.

Le jeune prince se sépara de son père, monta à cheval, et partit à la recherche de sa fiancée. Et il traversa un grand bois, allant toujours devant lui, si bien qu’il se perdit. Tandis qu’il errait dans les fourrés, au milieu des ravins et des mares, il entendit tout à coup une voix qui criait :

— Holà ! hé ! Attendez !

Le prince regarda, et vit un homme très grand qui courait après lui :

— Attendez-moi, criait-il, prenez-moi à votre service ; vous n’aurez point à le regretter.

— Qui es-tu, dit le fils du roi, que sais-tu faire ?

— Je m’appelle Long ; et je sais m’allonger à volonté. Voyez-vous ce nid, là-haut, sur ce sapin ? Je puis vous l’attraper sans monter à l’arbre.

Et Long se mit à s’allonger, à s’allonger ; il fut bientôt aussi haut que l’arbre ; il prit le nid, et en un clin d’œil il se raccourcit et le donna au prince.

— Tu connais bien ton métier, dit celui-ci ; mais à quoi me servent des nids d’oiseau, si tu ne peux me faire sortir de ce bois ?

— C’est bien facile, dit Long.

Et il se mit à s’allonger jusqu’à ce qu’il fût trois fois plus haut que l’arbre le plus haut de la forêt. Il regarda autour de lui et dit :

— C’est de ce côté qu’il nous sera le plus facile de sortir.

Puis il se raccourcit, prit le cheval du prince par la bride, et marcha devant lui. Ils furent bientôt hors du bois. Devant eux, s’étendait une large plaine, terminée par de hauts rochers, gris comme les murs d’une grande ville. Ces rochers étaient couverts d’arbres.

— Seigneur, dit Long, voici venir mon camarade ; vous devriez bien aussi le prendre à votre service, il vous serait bien utile.

— Crie après lui et appelle-le, pour que je voie ce que c’est.

— Il est encore un peu loin, répliqua Long ; il n’entendrait guère ma voix, et il se passerait un long temps avant qu’il n’arrive ici, car il a beaucoup à porter. J’irai plutôt le chercher.

Et Long s’allongea tellement que sa tête se perdait dans les nuages ; il fit deux ou trois pas, prit son camarade sur ses épaules, et l’apporta devant le prince. C’était un gros joufflu ; il avait le ventre rond comme un muid.

— Qui es-tu ? demanda le prince, et que sais-tu faire ?

— Seigneur, je m’appelle Large, et je puis m’élargir à volonté.

— Montre un peu.

— Seigneur, sauvez-vous vite, bien vite dans le bois ! cria Large.

Et il commença à s’enfler.

Le prince ne comprenait pas pourquoi il lui disait de se sauver ; mais quand il vit Long se sauver dans le bois, il fit comme lui, et piqua des deux. Il n’était que temps, car Large l’aurait renversé avec son cheval, tant son ventre s’était brusquement élargi de tous côtés ; il remplissait tout l’espace aux alentours ; on eût dit une montagne.

Large cessa de s’enfler, respira bruyamment d’un souffle qui fit trembler les bois, et redevint ce qu’il était auparavant.

— Tu m’as chassé, dit le prince ; mais je ne trouverai pas tous les jours un gaillard tel que toi. Viens avec moi.

Ils continuèrent de marcher. Quand ils arrivèrent près des rochers, ils rencontrèrent un homme qui avait les yeux couverts d’un bandeau.

— Seigneur, dit Long, c’est notre troisième camarade ; vous feriez bien de le prendre à votre service, il ne mangerait certes pas votre argent pour rien.

— Qui es-tu ? demanda le prince ; pourquoi as-tu les yeux bandés ? Tu ne vois pas ton chemin.

— Bien au contraire, seigneur ; c’est justement parce que je vois trop, que je suis obligé de me bander les yeux ; je vois aussi bien que s’ils n’étaient pas bandés ; quand j’ôte mon bandeau, ma vue pénètre au travers de tout ; tout ce que je regarde prend feu, et ce qui ne peut brûler éclate en mille pièces. Je m’appelle Clairvoyant.

Et il se retourna vers le rocher, ôta son bandeau, et fixa sur le rocher ses yeux ardents. Le rocher se mit à craquer, à éclater en morceaux ; en quelques instants, il n’en resta qu’un monceau de sable. Dans ce sable, quelque chose brillait comme du feu. Clairvoyant alla le ramasser, et rapporta au prince un morceau d’or pur.

— Tu es un gaillard impayable, dit le prince ; bien fou qui ne te prendrait à son service. Puisque tu as de si bons yeux, dis-moi un peu si j’ai encore loin d’ici au château de fer, et ce qui s’y passe en ce moment.

— Si vous y alliez seul, dit Clairvoyant, vous n’y arriveriez pas d’ici à un an ; mais avec nous, vous y arriverez aujourd’hui même ; maintenant on y prépare à souper.

— Une princesse habite ce château. La vois-tu ?

— Un enchanteur la garde dans une haute tour sous des grilles de fer.

Le prince dit :

— Aidez-moi à la délivrer.

Ils promirent tous de la délivrer.

Et ils le conduisirent parmi ces roches grises, par la brèche qu’avaient faite les yeux de Clairvoyant, et par les rochers, les hautes montagnes et les bois profonds ; et toutes les fois que quelque obstacle se présentait sur la route, les trois camarades l’écartaient. Au moment du coucher du soleil, le prince vit le château de fer, et, après son coucher, il franchit le pont de fer qui mène à la porte ; dès que le soleil fut couché, le pont de fer se releva de lui-même, les portes se fermèrent tout à coup. Le prince et ses compagnons furent pris dans le château de fer.

Le prince mit son cheval à l’écurie, où tout était préparé pour lui, et ils marchèrent au château. Dans la cour, dans l’écurie, dans les salles du château, ils virent bien des gens richement habillés, seigneurs et serviteurs ; mais pas un d’entre eux ne bougeait, tous étaient pétrifiés. Ils traversèrent quelques pièces, et arrivèrent à la salle à manger. Elle était brillamment éclairée ; il y avait une table au milieu ; elle était couverte de mets et de boissons, et le couvert était mis pour quatre personnes. Ils attendirent, pensant que quelqu’un allait venir ; puis, voyant que personne n’arrivait, ils s’assirent, mangèrent et burent à volonté.

Après avoir bien mangé, ils regardèrent où ils pourraient dormir ; mais tout à coup la porte s’ouvrit, et l’enchanteur entra dans la salle : c’était un vieillard bossu, à long habit noir, la tête chauve, une barbe grise descendant jusqu’à ses genoux ; il avait, en guise de ceinture, trois cercles de fer. Il conduisait par la main une dame admirablement belle et vêtue de blanc. Elle avait sur elle une ceinture d’argent, une couronne de perles sur la tête ; mais elle était pâle et triste comme si elle sortait du tombeau.

Le prince la reconnut aussitôt et alla au-devant d’elle ; mais le magicien ne lui laissa pas le temps de parler, et il lui dit :

— Je sais pourquoi tu es venu. Soit ; prends-la si, pendant trois nuits, tu peux arriver à l’empêcher de t’échapper. Si elle t’échappe, tu seras pétrifié avec tes serviteurs, comme tous ceux qui sont venus avant toi.

Puis il montra à la princesse un siège, l’invita à s’asseoir, et partit.

Le prince ne pouvait détacher ses yeux de la princesse, tant elle était belle ! Il se mit à lui parler, lui demanda toutes sortes de choses ; mais elle ne répondait pas, elle ne souriait pas, elle ne regardait personne ; on eût dit qu’elle était de marbre. Il s’assit auprès d’elle et résolut de ne pas dormir de la nuit, pour qu’elle ne pût lui échapper. Pour plus de sûreté, Long s’allongea comme une courroie, et s’étendit le long du mur, tout autour de la salle ; Large se mit à la porte, et s’enfla de telle sorte, que même une souris n’aurait pas pu passer ; Clairvoyant s’appuya pour veiller à la colonne du milieu. Mais, en un clin d’œil, tous se mirent à dormir ; et ils dormirent toute la nuit.

Le matin, quand vint le jour, le prince se réveilla le premier… La princesse était partie. Que faire ?…

— Ne vous inquiétez pas, seigneur, dit Clairvoyant ; je la vois déjà. À cent lieues d’ici, il y a un bois ; au milieu du bois, un vieux chêne ; sur le haut de ce chêne, un gland ; ce gland, c’est elle ! Que Long me prenne sur ses épaules, et nous l’obtiendrons.

Long le prit aussitôt, s’allongea, et se mit en marche ; à chaque pas il faisait dix lieues, et Clairvoyant lui indiquait le chemin.

En moins de temps qu’il n’en faut pour faire le tour d’une chaumière, ils furent arrivés, et, au retour, Long donna le gland au prince.

— Seigneur, laissez-le tomber à terre.

Le prince le laissa tomber, et à l’instant la princesse apparut à ses côtés. Et, quand le soleil commença à se lever derrière les montagnes, la porte s’ouvrit bruyamment. L’enchanteur entra dans la chambre, et se mit à rire étrangement ; mais, quand il vit la princesse, il s’assombrit et se mit à grogner… Crac ! un de ses cercles de fer éclata et sauta par terre. Il prit la jeune fille par la main, et l’emmena.

Tout le jour suivant, le prince ne fit que courir dans le château et regarder toutes les merveilles qu’il renfermait. Partout il semblait que la vie se fût brusquement arrêtée. Dans une salle, il vit un prince qui tenait dans ses deux mains une masse d’armes et la brandissait d’un air menaçant ; mais le coup n’avait pas porté, il avait été pétrifié. Dans une autre pièce, il y avait un chevalier pétrifié, dans l’attitude de quelqu’un qui fuit. Il s’était heurté le pied contre le seuil de la porte, mais il n’était pas tombé. Sous une cheminée se trouvait un serviteur qui tenait d’une main un morceau de rôti, et, de l’autre, portait une bouchée à sa bouche ; la bouchée était restée en chemin. Il en vit bien d’autres encore dans l’attitude qu’ils avaient quand l’enchanteur leur dit :

— Soyez pétrifiés !

Dans le château, tout autour du château, tout était triste et morne : il y avait des arbres, mais sans feuilles ; il y avait des prairies, mais sans herbe ; il y avait une rivière, mais elle ne coulait pas ; pas un oiseau chanteur, pas une fleur, pas un poisson dans l’eau.

Le matin, à midi et le soir, le prince avec ses compagnons trouva dans le château un bon souper ; les mets s’apportaient eux-mêmes, les vins se versaient eux-mêmes.

Après le souper, les portes s’ouvrirent encore, et l’enchanteur ramena la princesse, pour que le prince la surveillât.

Tous se promirent bien de faire tous leurs efforts pour ne pas s’endormir ; mais cela ne servit à rien : ils s’endormirent. Quand le prince se réveilla le matin, et vit que la princesse avait encore disparu, il réveilla Clairvoyant.

— Lève-toi, Clairvoyant. Sais-tu où est la princesse ?

Clairvoyant s’essuya les yeux, regarda et dit :

— Je la vois. À deux cents lieues d’ici, il y a une montagne ; dans cette montagne, un rocher ; dans ce rocher, une pierre précieuse. Cette pierre précieuse, c’est elle. Que Long me porte là ; nous la trouverons bien.

Long le prit aussitôt sur ses épaules, s’allongea et se mit en marche. À chaque pas, il faisait vingt lieues. Clairvoyant fixa sur la montagne ses yeux ardents ; la montagne éclata et sauta en mille morceaux : parmi eux scintillait la pierre précieuse. Ils la prirent et l’apportèrent au prince ; il la laissa tomber à terre, et la princesse se dressa devant lui. Quand l’enchanteur vint et qu’il la vit, ses yeux étincelaient de rage… Crac ! encore un cercle éclata et tomba. Il emmena la princesse en grognant.

Ce jour-là, tout se passa comme la veille. Après le souper, l’enchanteur ramena la princesse, regarda le prince dans le blanc des yeux, en disant :

— Nous verrons bien qui de nous deux l’emportera !

Ils se donnèrent, ce jour-là, le plus grand mal pour échapper au sommeil ; ils ne voulurent pas même s’asseoir, mais marcher toute la nuit. Tout cela fut en vain. Ils s’assoupirent l’un après l’autre, et la princesse leur échappa.

Le lendemain matin, ce fut encore le prince qui s’éveilla le premier. Ne voyant pas la princesse, il éveilla Clairvoyant.

— Lève-toi, Clairvoyant ; regarde où est la princesse ?

Clairvoyant regarda longtemps dehors.

— Oh ! seigneur, elle est loin ! bien loin ! À trois cents lieues d’ici, il y a une mer noire ; au milieu de cette mer, un coquillage gît au fond ; dans ce coquillage est un anneau d’or ; cet anneau d’or, c’est elle. Ne vous inquiétez pas, nous l’aurons. Mais, aujourd’hui, Long doit prendre Large avec lui ; nous en aurons aussi besoin.

Long prit sur une épaule Clairvoyant, sur l’autre Large, s’allongea et se mit en marche. À chaque pas, il faisait trente lieues. Quand ils furent arrivés auprès de la mer noire, Clairvoyant lui montra à quel endroit il devait chercher cette coquille.

Long étendit sa main autant que possible, mais il ne put cependant arriver au fond.

— Attendez, camarades, attendez un instant ; je vais vous aider, dit Large.

Et il s’enfla autant que son ventre le permettait : puis il se coucha sur le bord et but.

Au bout d’un instant, l’eau baissa tellement, que Long atteignit sans peine le fond, et retira l’anneau. Puis il prit ses camarades sur ses épaules, et ils se mirent en marche pour retourner au château. Mais, en route, il lui était difficile de courir, parce que Large avait dans son ventre la moitié de la mer. Long le jeta par terre dans une large vallée : Large fit, en tombant, un bruit pareil à celui d’un sac qui tombe du haut d’une tour. En un instant, la vallée fut remplie d’eau et changée en un grand lac. Large lui-même eut grand’peine à en sortir.

Cependant le prince était bien inquiet dans le château ; l’aurore commençait à paraître et ses serviteurs ne revenaient pas ; plus la lueur augmentait, plus son inquiétude augmentait aussi. Une sueur mortelle coulait sur son front.

Bientôt le soleil apparut, comme un filet rouge, à l’orient ; la porte s’ouvrit brusquement, et l’enchanteur se montra sur le seuil. Il regarda tout autour de la chambre, et, voyant que la princesse n’y était pas, il se mit à rire d’un vilain rire. Mais tout à coup, crac ! une fenêtre éclata en morceaux, un anneau d’or tomba sur le plancher. La princesse était là. Clairvoyant, voyant ce qui se passait dans le château, et en quel danger le prince était, l’avait dit à Long. Long avait fait un pas, et avait jeté l’anneau par la fenêtre.

L’enchanteur rugissait de rage à faire trembler le château… Tout à coup, crac !… le troisième cercle de fer se brisa et tomba par terre, et l’enchanteur devint un corbeau et s’envola par la fenêtre brisée.

Aussitôt la belle dame se mit à parler, et remercia le prince de l’avoir délivrée, non sans rougir comme une rose.

Dans le château et autour du château, tout redevint vivant : celui qui brandissait la masse d’armes la jeta en l’air ; celui qui s’était heurté contre le seuil tomba par terre, mais il se releva aussitôt ; celui qui était auprès de la cheminée porta le morceau à sa bouche et continua de manger. Chacun acheva ce qu’il avait commencé.

Les chevaux hennissent dans les écuries, les arbres verdissent autour du château, les prairies fleurissent, l’alouette vole dans l’air, les poissons frétillent dans l’eau. Tout est vie ! tout est joie !

Beaucoup de seigneurs entrèrent dans la chambre où était le prince, et tous le remercièrent de leur délivrance.

Il leur dit :

— Vous n’avez point à me remercier ; si je n’avais pas eu mes fidèles serviteurs, Long, Large et Clairvoyant, je serais devenu ce que vous avez été.

Aussitôt après, il se mit en route pour aller retrouver son père, le vieux roi, avec sa fiancée et ses serviteurs.

Le roi pleura de joie du bonheur de son fils : il pensait qu’il ne reviendrait plus. Peu de temps après, la noce eut lieu avec une grande pompe ; elle dura trois semaines. Tous les seigneurs que le prince avaient délivrés y furent invités. Après la noce, Long, Large et Clairvoyant annoncèrent au jeune prince qu’ils retournaient dans le monde chercher du travail. Le jeune roi fit tous ses efforts pour les retenir auprès de lui :

— Je vous donnerai tout ce que vous voudrez tant que vous vivrez, et vous n’aurez rien à faire.

Mais cette existence paresseuse ne leur plut pas : ils prirent congé de lui et s’en allèrent, et depuis ce temps-là ils errent par le monde.