Recherches bibliques sur le culte des chrétiens.djvu/Promesse I


I

Le Seigneur a promis de se trouver là où deux ou trois des siens seraient réunis en son nom (Math. XVIII, 20). Cette présence de Jésus ne peut évidemment avoir lieu que par le Saint-Esprit, vu que, quant à sa personne, il « faut que le ciel le contienne jusqu’aux temps du rétablissement de toutes choses, lesquels Dieu a annoncés par la bouche de tous ses saints prophètes dès le commencement du monde » (Act. III, 21). Celui qui « remplit toutes choses » (Éph. IV, 10) s’est constamment fait sentir au cœur de ses disciples partout où ils ont cherché à lui rendre culte en commun. C’est un fait spirituel dont les chrétiens de tous les temps peuvent rendre témoignage, et qui se renouvelle partout où un nombre quelconque de disciples s’approchent de Jésus d’un commun accord. Aussi cette première promesse est d’un prix infini, même pour les temps les plus malheureux de la chrétienté. C’est une parole divine, ferme, immuable, sur laquelle nous pouvons compter et que nous devons saisir et nous approprier par la foi, sachant que le Maître qui nous a laissé une telle promesse est puissant et fidèle pour l’accomplir. Seulement usons-en avec sagesse, et en nous laissant guider par toutes les autres indications que peu vent nous fournir les Écritures.

Ainsi ne nous attendons pas à revoir dans un à temps de déchéance ce qui se faisait dans l’église au temps de sa prospérité, et rappelons-nous la position humiliée d’Israël au retour de Babylone. En particulier, gardons-nous de croire que nous puissions de nos jours attendre des prophéties pour l’édification d’une assemblée de culte. Le Seigneur peut le faire, sans doute ; mais telle n’est pas sa volonté, puisque la prophétie, comme nous l’avons vu[1], appartient au temps de la fondation de l’édifice de l’église. Dieu suscite, dans tous les temps et à des degrés divers, des serviteurs pour évangéliser au monde et pour ajouter des pierres vivantes à son bâtiment spirituel. Il suscite aussi au milieu des saints des pasteurs et des docteurs, doués à des mesures différentes, pour l’instruction et la nourriture des adorateurs. Mais il reste constamment vrai que personne dans l’église ne peut enseigner aux autres ce qu’il ne sait pas lui-même, ni exprimer ses pensées si Dieu ne lui a pas ouvert la bouche pour cela.

À côté des ministères proprement dits, tel chrétien peut posséder un don pour l’exhortation, ou peut présenter quelques réflexions pratiques ou quelques rapprochements bibliques. De plus, nous avons entre nos mains les oracles de Dieu ; et la lecture de cette Écriture sainte doit tenir une grande place dans le culte ; car rendre culte à Dieu ne consiste-t-il pas autant à l’écouter qu’à lui parler ? Puis les chrétiens sont tous sacrificateurs (1 Pier. II, 5), et peuvent offrir le sacrifice de l’adoration, soit dans des cantiques chantés en commun, soit dans des louanges, des actions de grâce et des prières, présentées successivement par plusieurs et sui vies de cœur par l’assemblée. Enfin, la cène du Seigneur peut être célébrée ; et point n’est besoin, pour la distribuer, de mains consacrées par d’autres mains, l’administration de la cène, non plus que celle du baptême, n’étant point attribuée par l’Écriture aux fonctions des anciens. Ainsi ne croyons pas que la présence d’un prédicateur soit nécessaire pour que des chrétiens puissent servir Dieu ensemble. Jésus ne laisse jamais sans bénédiction ceux qui se réunissent en son nom adorable. Et même peut-on dire que la prédication fasse proprement partie du culte ? Elle y est d’un grand prix, sans doute, quand le Seigneur l’accorde ; mais la prédication est-elle le culte ? Que des serviteurs de Dieu tiennent des assemblées spécialement con sacrées à l’enseignement ou à l’évangélisation, c’est bien : il le faut même. Mais ni l’enseignement, ni (encore moins) l’évangélisation ne sont le culte.

Un autre point de grande importance est celui-ci, savoir qu’un tel culte collectif doit être rendu à Dieu par des adorateurs qui soient ses enfants, réengendrés en Christ, en communion les uns avec les autres dans une même foi, exerçant ensemble cette communion, capables de se réunir au nom du Seigneur (littéralement dans le nom) et le faisant réellement. Une assemblée de culte n’est pas un auditoire, nous le répétons, c’est un troupeau : un tel rassemblement est « notre rassemblement entre nous » (Hébr. X, 25)[2]. Ce culte, il est vrai, se célèbre devant des assistants qui désirent en être témoins ; et ils peuvent en recevoir de précieuses bénédictions. Cependant il n’en est pas moins vrai que c’est là un culte rendu au Seigneur par des chrétiens.

Mais comment nommerons-nous de telles assemblées ? Seront-elles pour nous des églises ? Dans l’origine, une église locale se composait de tous les chrétiens du lieu : or en est-il aujourd’hui de même ? Une telle réunion de culte pourra-t-elle plus légitimement s’appeler l’assemblée de Dieu, le témoignage de Dieu, dans la localité ? La cause qui l’empêche de s’appeler église ne l’empêche-t-elle pas, à plus forte raison, de prétendre être l’assemblée de Dieu ? Pourra-t-elle mieux se nommer les frères, l’unité des frères, ou le rassemblement des enfants de Dieu ? Au début, quand tout était dans l’ordre, il y avait quelque chose qu’on pouvait désigner ainsi ; mais aujourd’hui… ! Ce sont bien des frères sans doute ; mais les frères, mais le rassemblement des saints ! Ah ! réunissons-nous autour du Seigneur en aussi grand nombre que possible ; mais abstenons-nous de prétendre ici-bas au rassemblement de tous les saints et de nous désigner par des dénominations exclusives, ambitieuses, que rien ne justifie, qui sont de plus en plus démenties par les faits et qui risqueraient même de toucher au ridicule.

Et qu’on ne cherche pas à justifier cette fausse position en prétendant qu’on est le rassemblement des enfants de Dieu parce qu’on l’est en principe, pense-t-on, et indépendamment du nombre de ceux qui y prennent part. Pour être l’assemblée des saints, il faut l’être non-seulement en principe, mais aussi en fait, comme c’était le cas dans l’origine de l’église. Car nous avons déjà vu[3] qu’alors l’expression le corps de Christ signifiait également son corps au point de vue spirituel et son corps quant à son unité sur la terre. Or, encore une fois, en est-il ainsi dans nos temps ? Écartons soigneusement ce qui ne serait qu’une prétention chimérique, et n’oublions pas que c’est au milieu de l’église démembrée, et en tenant compte de ce démembrement, que nous cherchons notre chemin quant au culte collectif.

Remarquons enfin qu’en renonçant au titre d’églises, nous trouvons tout de suite une grande facilité pour la formation des réunions de culte. Au lieu d’être des églises, comme on les conçoit, avec leurs listes de membres effectifs et de communiants, leur clergé, leurs presbytères, leurs synodes, leurs institutions et leurs complications, nos petites réunions chrétiennes sont simplement des assemblées de communiants, sans organisation humaine, sans autres ministères que ceux que le Seigneur leur donne, sans autres directions présidentielles que celle du bon Esprit du bon Berger : assemblées formées par les besoins spirituels, par la sympathie chrétienne, par l’unité de l’Esprit ; composées d’habitués qui y trouvent leur édification et qui s’y affectionnent dans la communion fraternelle et l’exercice du culte en esprit et en vérité.

On m’objectera peut-être que nous ne voyons pas dans le Nouveau Testament qu’il existât au temps des apôtres des assemblées de communiants qui ne s’appelassent pas églises. Je conviens de cela. Mais je réponds que nous n’y trouvons pas non plus des églises qui eussent des membres effectifs et des communiants : et de plus que l’expression « membres d’une église locale » ne se rencontre jamais dans l’Écriture : nous y voyons des membres du corps de Christ, de l’église universelle, mais non des membres d’églises particulières. Comme que nous nous y prenions ici, nous sommes toujours dans l’irrégularité à un degré quelconque. Et cela provient précisément du désordre où tout est tombé au milieu de la chrétienté. Si nous voulons faire des églises, nous construirons des églises qui ne le sont pas véritablement, puisqu’elles ne contiennent pas tous les chrétiens du lieu. Premier écart : si dans ces prétendues églises, nous n’accordons la communion qu’aux personnes qui en sont membres, comme on dit, alors nous repoussons de la cène tous les autres chrétiens, et nous formons une secte, placée, par sa construction même, en dehors de l’église générale. Deuxième écart. Et si nous admettons à la cène les chrétiens qui n’appartiennent pas proprement à notre église, alors nous faisons une chose irrégulière et dont nous ne voyons pas trace dans le Nouveau Testament. Troisième écart. Or, irrégularité pour irrégularité, ne vaut-il pas mieux choisir celle qui, d’une part, s’écarte le moins de l’Écriture (elle ne s’en écarte qu’en un seul point), et qui, d’autre part, s’adapte le mieux à l’état de démembrement où se trouve l’église, savoir des assemblées de fait, un culte de fait ; et tout cela sans bruit, en toute simplicité, en évitant les laborieux et interminables débats auxquels donne lieu la tentative de construire des églises, et en écartant les dénominations humaines et les surnoms par lesquels se désignent ces congrégations diverses. Il nous est meilleur de nous désigner simplement par le local de l’assemblée. « Les chrétiens qui se réunissent en tel endroit, telle rue, tel numéro, telle maison, » ou quelque chose de semblable, voilà qui doit nous suffire.

  1. Page 16.
  2. Version de Lausanne, 1849, deuxième édition.
  3. Pages 2 et 3.