Recherches bibliques sur le culte des chrétiens.djvu/Formation de l’église


Formation de l’église.

Ce que le Seigneur Jésus venait établir sur la terre quand il fut manifesté à Israël, était, non pas l’église, mais le royaume de Dieu, ou le royaume des cieux[1] (Matth. III, 2 ; IV, 17 ; X, 7). Ceux qui en accueillirent la bonne nouvelle furent les Israélites fidèles, le résidu d’Israël à cette époque. La nation juive, au contraire, méconnut, repoussa et crucifia son Roi. En conséquence, et selon la prédiction du Sauveur (Matth. XXI, 43), le royaume de Dieu lui fut ôté et fut donné à une nation qui devait en rapporter les fruits. Cette nation nouvelle était l’église.

L’église, le corps de Christ, composé de Juifs et de gentils croyants, avait été jusqu’alors un mystère, un secret de Dieu, secret qui avait été tu dans les temps antérieurs, et qui n’a été révélé qu’aux apôtres et aux prophètes de la nouvelle alliance (Rom. XVI, 25, 26 ; Éph. III, 3 à 6 ; Col. I, 25, 26, 27). En effet, nous lisons bien dans l’Ancien Testament des prophéties annonçant l’appel des nations comme nations ; mais l’église, formée d’individus convertis d’entre les nations (Act. XV, 14) et d’entre la nation juive, nous ne l’y trouvons pas. Le Sauveur en prépara la manifestation en recommandant à ses apôtres d’enseigner toutes les nations (Matth. XXVIII, 19) et de prêcher l’Évangile à toute créature (Marc XVI, 15), ordre qu’ils ont exécuté, comme nous le voyons dans Rom. X, 18, et Col. I, 23.

Ceux qui furent les premiers membres de l’église furent les croyants qui, par leur nouvelle naissance, étaient entrés dans le royaume de Dieu. Ce fut ainsi que s’accomplit cette parole que l’apôtre Jean a ajoutée à la prophétie involontaire de Caïphe, savoir que Jésus est mort, « non-seulement pour la nation (juive), mais aussi pour rassembler les enfants de Dieu, qui étaient dispersés » (Jean XI, 51, 52). Ces enfants de Dieu étaient les vrais enfants du royaume (Matth. XIII, 38). Jusqu’à la mort de Jésus ils n’avaient point été réunis en un corps. Ils se trouvaient encore dans la position qui avait toujours été celle des fidèles en Israël : ils étaient disséminés parmi le peuple, et c’était la nation qui était l’assemblée de l’Éternel. Mais après le sacrifice du Fils de Dieu, ce sacrifice, centre de leur foi, les rassembla en un corps spirituel, selon cette parole d’un apôtre que Christ « a réuni les uns et les autres. (Juifs et gentils croyants) pour former un corps devant Dieu par la croix » (Éph. II, 16). Ainsi s’effectua la transition du royaume à l’église ; et dès lors aussi le royaume de Dieu nous est présenté comme étant en corrélation avec l’église (Act. I, 3 ; XIX, 8 ; XX, 25 ; XXVIII, 31 ; Rom. XIV, 17 ; Col. I, 13).

Les fidèles de Jérusalem continuèrent pendant un temps à s’assembler dans « le temple, louant et bénissant Dieu » (Luc XXIV, 53 ; Act. II, 46). Après la descente du Saint-Esprit ils se rencontraient encore et « rompaient le pain de maison en maison » (Act. II, 46). Les chrétiens primitifs s’assemblaient aussi tous ensemble (Act. XX, 7 ; 1 Cor. XIV, 23), pour offrir leur culte au Seigneur. « Le Seigneur ajoutait à l’église ceux qui se sauvaient » (Act. II, 47), et la Parole se répandait dans Jérusalem et dans la Judée et la Samarie, et elle pénétra aussi chez les gentils. Pierre fut le premier qui la leur annonça chez le centenier Corneille, après l’avoir déjà annoncée le premier à Israël, selon la promesse que lui avait faite son divin Maître de lui donner les clefs du royaume des cieux (Matth. XVI, 19). Et plus tard l’Évangile fut porté à Antioche de Syrie par des chrétiens expulsés de Jérusalem. Ensuite un apôtre des gentils est suscité dans la personne de Saul de Tarse, et dès lors la bonne nouvelle se répand de toutes parts.

Le premier jet de l’église, étant tout de Dieu, est magnifique à contempler, soit à Jérusalem, soit chez les gentils, à Césarée d’abord et ensuite à Antioche. Quelle puissance du Saint-Esprit, quelle joie, quel amour, quelle simplicité ! Alors l’église était composée de chrétiens, et tous les chrétiens étaient de l’église. « Ils persévéraient tous dans la doctrine des apôtres, dans la communion, dans la fraction du pain et dans les prières » (Act. II, 42).

Le Nouveau Testament nous dit peu de choses sur le culte des premiers chrétiens[2]. La cène paraîtrait en avoir été le centre visible. Il n’y avait point alors de sacrements, c’est-à-dire de serments[3]: il y avait le baptême et la cène. Nous n’y trouvons pas non plus de fêtes, outre le jour du Seigneur. Les fidèles s’édifiaient et s’exhortaient entre eux (Rom. XII, 8 ; XV, 14 ; 1 Thess. V, 11). Les ministères et les autres dons s’exerçaient librement (1 Pier. IV, 10). L’évangélisation, à Antioche du moins, se faisait avec l’église (Act. XI, 26), et les ouvriers du Seigneur étaient soutenus par les fidèles (1 Cor. IX, 14 ; 1 Tim. V, 18 ; Luc X, 7 ; 3 Jean 6, 7, 8). Les assemblées étaient gouvernées par les apôtres, tout d’abord, puis par les serviteurs de l’Évangile et par le service auxiliaire des anciens. Les diacres, ou serviteurs, étaient chargés des soins temporels. « Les églises, par toute la Judée, la Galilée et la Samarie, étaient en paix, étant édifiées et marchant dans la crainte du Seigneur ; et elles étaient multipliées par la consolation du Saint-Esprit » (Act. IX, 31).

Enfin, l’église attendait le retour du Prince de la vie (1 Cor. I, 7 ; Phil. III, 20 ; Hébr. IX, 28) ; et c’était là ce à quoi elle était constamment exhortée par les apôtres du Seigneur (1 Thess. I, 10 ; 2 Thess. III, 5 ; Tite II, 13 ; Jaq. V, 7, 8 ; 1 Pier. I, 13).

  1. Ces deux expressions ont le même sens dans les versets 23 et 24 de Matth. XIX.
  2. Voir la Recherches bibliques sur le culte des chrétiens/note B, à la fin.
  3. C’est là ce que signifie le mot sacrement, mot qui, à lui tout seul, renverse l’Évangile de grâce. Cette malheureuse expression provient de la manière, plus qu’arbitraire, dont les anciennes versions latines, savoir l’Italique et la Vulgate, ont traduit Éph. V, 32 : « Ce mystère est grand (l’union de Christ et de l’Église) » et qu’elles ont rendu par « ce sacrement est grand (sacramentum hoc magnum est). » Et comme on a cru voir ici le mot sacrement appliqué au mariage, on s’est cru par là autorisé à faire du mariage un sacrement, et on a aussi appelé sacrements le baptême et la cène.
    Le premier endroit du Nouveau Testament où l’Italique ait fait usage du mot sacramentum pour traduire le mot grec mustèrion est Rom. XVI, 25. Puis dans l’épître aux Éphésiens, l’Italique et la Vulgate emploient sacramentum. Mais dans la suite on trouve des différences qui ne paraissent fondées sur rien. Ainsi dans Col., I, 26, les deux versions portent mysterium, tandis que dans le verset suivant l’Italique a mysterium et la Vulgate sacramentum. Dans Col. II, 2 et IV, 3, les deux versions ont mysterium, de même que dans 2 Thess. II, 7. En revanche, dans 1 Tim. III, 9, l’Italique a sacramentum et la Vulgate mysterium. Puis au verset 6 toutes les deux portent sacramentum.
    Enfin dans Apoc. I, 20 et XVII, 7, les deux versions emploient sacramentum, tandis que dans Apoc. X, 7 et XVII, 5, les deux traductions portent : l’Italique sacramentum et la Vulgate mysterium. Il est au moins fort extraordinaire de trouver dans Apoc. XVII, 5, le mot sacrement (in fronte ejus nomen scriptum sacramenti) appliqué à la grande Babylone. (Voir Bibliorum sacrorum latinæ versiones antiquæ, seu Vetus Italica, etc. : cura et studio L. Petri Sabatier.)
    De tout ceci résulte que ces traducteurs ont travaillé sur tous ces textes avec licence et avec inintelligence quant au mystère de Christ. Une méprise comme celle qui concerne Éph. V, 32, n’eût pas été possible si la foi chrétienne fût demeurée ce qu’elle était au commencement. Du reste, cette faute, les versions orientales ne l’ont pas commise (Voir la Polyglotte de Londres).