Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Septième livre/Chapitre 45

Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 138-141).


CHAPITRE XLV.
DES MARTYRS.


I. Μαρτυρ, en grec, signifie testis en latin (témoin). Car les martyrs sont témoins que le Christ a souffert pour tous, et eux-mêmes ont souffert pour lui. Or, seul le bienheureux Laurent, parmi les martyrs, a une vigile et une octave, comme il a été dit au chapitre de sa fête ; car tous les martyrs particuliers ont des offices communs, excepté les bienheureux Etienne, Laurent, Jean-Baptiste, et certains autres.

II. L’introït de la messe est : Gloria et honore coronasti eum, Domine ; ou bien Sapientia sanctorum (Ecclés., chap. xliv) ; ou Judicabunt sancti (Sag., iii) ; ou Sacerdotes Dei (Dan., iii). Cependant ceux-ci, dans le temps pascal, ont un autre office, parce qu’en ce temps il faut souvent répéter Alleluia, à cause de la joie de la résurrection ; et alors l’introït est : Protexisti me a conventu malignantium, etc. Et, comme la couronne leur est due en qualité de vainqueurs, c’est pourquoi souvent on fait mention de leur couronne. D’où vient que Etienne est interprété couronné. On dit quelquefois l’épître pour un martyr : Justus cor suum (Ecclés., chap. xxxix) ; quelquefois celle-ci : Beatus homo, qui invenit sapientiam (Prov., chap. iii) ; quelquefois Justorum animœ (Sagesse, chap. iii) ; quelquefois celle-ci : Justus in morte, du même auteur (chap. iv) ; quelquefois celle-ci : Beatus vir qui in sapientia (Ecclés., c. xxiv et xv) ; quelquefois celle-ci : Benedictus Deus et pater, etc. (aux Corinth., chap. i) ; d’autres fois celle-ci : Memor esto (II à Timoth., chap. ii) ; ou celle-là : Nemo militans (ibid.) ; ou Beatus vir qui inventus est (Ecclés., chap. xxxi) ; ou Benedictio Domini super caput (Prov., chap. xxv) ; ou bien Stabunt justi (Sagesse, chap. v). On dit quelquefois l’évangile Si quis vult post me venire (Math., chap. xvi) ; ou bien, Si quis venit ad me (Luc, chap. xiv) ; quelquefois, Misi granum frumenti eamdem in terram (Jean, chap. xii) ; ou bien, Nolite arbitrari (Math., chap. x) ; ou Nihil opertum ( ibid.) ; ou bien, Si quis venit ad me, et non odit (Luc, chap. xiv).

III. Or, pour plusieurs martyrs on dit quelquefois l’épître Lingua sapientium (Prov., chap. xv), quelquefois celle-ci : Benedictus Deus et pater Domini Jesu Christi (1re Pierre, c. i) ; ou bien, Rememoramini pristinos dies ( Hébr., chap. xi) ; quelquefois, Justorum animœ in manu Dei sunt (Sag., c. iv) ; d’autres fois, Sancti per fidem (Hébr., chap. xi) ; d’autres fois, Expectatio justorum lœtitia (Prov., chap. xi) ; quelquefois, Hi sunt viri (Ecclés., chap. xlii) ; d’autres fois, Absterget Deus (Apoc, chap. vii) ; d’autres fois encore, Reddet Deus (Sagesse, chap. x) ; ou bien, Justi autem in perpetuum vivent ; ou Quis separabit nos a charitate Christi (Rom., chap. viii). L’alleluia est : Hi sunt duœ olivœ (Apoc, cap. ii). L’évangile est quelquefois : Cum audieris prœlia (Luc, chap. xxi) ; ou bien, Descendens Jesus de monte (Luc, chap. vi) ; ou Videns Jesus turbas (Math., chap. v) ; quelquefois, Egrediente Jesu de templo (Marc, chap. xiii) ; ou Attendite a fermento Pharisœorum (Luc, chap. xii) ; ou celui-ci : Sedente Jesu super montem Oliveti (Math., xxiv) ; quelquefois, Vœ vobis qui œdificatis (Luc, chap. xii) ; ou bien. Qui vos audit (Luc, ch. x) ; ou bien, Confitebor tibi, pater, etc. (Math., chap. xxvi). On dit la postcommunion Amen dico vobis, quod uni (Math., chap. v) ; quelquefois, Etsi coram hominibus (Sagesse, ch. iii) ; ou bien encore, Quicumque fecerit (Math., chap. xii) ; ou bien, Dico autem vobis (Math., chap. x) ; ou bien, Signa autem (Marc, dern. chap.) ; et encore, Multitudo (Luc, chap. vi).

IV. Dans l’office de nuit, le premier répons est : Iste sanctus pro lege Dei sui certavit usque ad mortem, « Ce saint a combattu jusqu’à la mort pour la loi de son Dieu, etc. » Et il est du cinquième ton, parce qu’en eux fut réprimée et sacrifiée la pétulance des cinq sens. Dans le temps pascal, le premier répons est : Beatus vir qui metuit Dominum, et il est du huitième ton, à cause de l’octave, qui désigne la gloire de la résurrection. Or, comme les saints martyrs ont montré une invincible constance à souffrir les tourments, et que la constance vient de Dieu seul, c’est pour cela que l’on chante en leur honneur ce répons : O veneranda martyrum, immolé à Dieu leurs cinq sens. En l’honneur des martyrs, on chante encore ce répons : Fulgebunt justi et tanquam scintillœ in arudineto discurrent. Judicabunt nationes et dominabuntur populis, etc. (Sagesse, chap. iii) ; et en voici le sens :

V. Les justes brilleront dans le siècle futur et jouiront de diverses béatitudes, mais auparavant ils fourniront leur course dans ce siècle, c’est-à-dire, parcourant çà et là les diverses parties du monde, ils annonceront aux autres la parole divine, et ils agissent de la sorte à la manière des étincelles qui errent çà et là dans un lieu où croissent des roseaux. Car, de même que les étincelles ou la braise réduisent en cendre et anéantissent la matière fragile des roseaux, de même les saints, par leur prédication brûlante, c’est-à-dire embrasée par le feu divin, anéantiront les vices, qui sont fragiles par rapport à la force des vertus. Ils jugeront, c’est-à-dire ils domineront les nations, c’est-à-dire ceux qui ont persisté dans leurs péchés, et ils régneront éternellement, c’est-à-dire dans l’éternité, avec Dieu ; ils recevront l’immortalité, l’impassibilité et les autres vertus.

VI. On exprime encore, par ces paroles, la robe de la chair que les saints recevront, laquelle robe consiste dans ces quatre qualités : la clarté, la subtilité, l’agilité et l’impassibilité. Car ils brilleront glorieux, et, comme des étincelles légères dans un endroit semé de roseaux, ils voleront et se transporteront avec agilité d’un lieu à l’autre, et leur Seigneur régnera éternellement, et eux-mêmes seront impassibles avec Dieu ; car Dieu « essuiera toute larme des yeux des saints ; » bien plus, ils se réjouiront dans la gloire, et ils bondiront d’allégresse dans le lieu de leur repos. Quant à la robe de l’esprit, il est dit que les saints la recevront aussi.

VII. Et remarque que l’arundinetum est un endroit planté de beaucoup de roseaux et de cannes, comme sont les marais ; et quand le vent du midi vient à souffler, ces roseaux s’enflamment par un continuel frottement, les étincelles voltigent de toutes parts, et l’arundinetum est embrasé. Ceci arrive d’une manière allégorique dans les saints. On chante encore pour les martyrs : Circumierunt in melotis (Hébr., chap. xi) (q. d. In petra).

VIII. La mélote est un vêtement fait des poils ou de la peau de quelque animal qu’on appelle mélote ou taxus. Or, c’est un vêtement nécessaire pour le travail.

IX. Pendant les heures encore, on dit le capitule Beatus vir qui suffert (Jacques, chap. i) ; et celui-ci : Beatus vir qui inventus est sine macula (Ecclés., chap. xxxi) ; et celui-ci : Beatus vir qui in sapientia morabitur (Ecclés., chap. xiv) ; et celui-là : Justorum animœ (Sagesse, chap. v) ; et cet autre : Justi autem in perpetuum vivent (ibid.) ; et cet autre encore : Sancti per fidem (Hébr., chap. xi) ; et celui-ci : Potuit enim transgredi, et non est transgressus (Ecclés., chap. xxxi) ; et celui-là : Corona aurea super caput ejus (Ecclés., chap. xlv) ; ou bien : Stolam jucunditatis induit (ibid.), où cependant il est dit : Stola gloriaœ ; ou bien : Sancti ludibria et verbera (Héb., chap. xi) ; ou encore : Tanquam aurum in fornace (Sagesse, chap. iii) ; ou celui-ci : Hi suntqui venerunt de tribulatione (Sagesse, chap. vii) ; et celui-là : Non esurient neque sitient (ibid.) ; et cet autre : Justi tulerunt spolia impiorum (Sagesse, c. x) ; ou bien : In bonis justorum exaltabitur civitas (Prov., chap. xi). Il faut encore savoir que l’Église célèbre la fête de quelques martyrs de l’Ancien-Testament, comme il a été dit à l’article des Machabées.