Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Septième livre/Chapitre 34

Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 92-95).


CHAPITRE XXXIV.
DE LA FÊTE DE TOUS LES SAINTS (LA TOUSSAINT).


I. Comme chacune des idoles des Romains ne pouvait avoir un temple à Rome, les Romains en construisirent un en l’honneur de Cybèle, mère des dieux, et en l’honneur de tous les dieux eux-mêmes. Ce temple fut appelé Pan-Teon (en grec) ; Panthéon, de Pan, tout, et Théos, Dieu. Dans la suite des temps, le pape Boniface demanda à Phocas, empereur de Constantinople et qui gouvernait les Romains, de lui donner ce temple.

II. L’ayant obtenu, il en fit enlever les idoles et le consacra, le iv des ides de mai, en l’honneur de la bienheureuse vierge Marie et de tous les martyrs ; et cette solennité fut appelée fête de la bienheureuse Marie-aux-Martyrs. Car on ne célébrait pas encore la fête des confesseurs, mais seulement celle des martyrs. D’où vient qu’alors fut instituée la fête du bienheureux Jean-Porte-Latine, à cause du martyre qu’il supporta, autant qu’il fut en lui. Donc, le même pape statua que chaque année, en ce jour, on célébrerait la fête des martyrs, comme, les calendes du même mois, on célébrait la fête des apôtres ; et en l’honneur de la bienheureuse Marie et de tous les martyrs on chanta : « Ce lieu est terrible et le salut s’y trouve, etc., » chant qu’on n’a coutume de dire qu’à la Dédicace de l’Église seulement,

III. Mais Grégoire IV transféra cette fête des Martyrs aux calendes de novembre, afin qu’alors que les fruits de la terre sont ramassés, on pût convenablement, pour cette fête, trouver avec plus d’abondance les choses nécessaires à la vie, instituant qu’alors on ferait la fête, non-seulement des apôtres et des martyrs, mais encore de la Trinité et des anges, des confesseurs et généralement de tous les saints et saintes, et aussi des élus, comme on peut le voir dans l’hymne ; et il régla l’office de cette fête.

IV. Cette fête fut instituée pour quatre raisons. Premièrement, à cause de la consécration précitée du Panthéon. Secondement, pour suppléer aux fêtes omises ; car, à cause de la multitude des saints, nous ne pouvons tous les fêter d’une manière spéciale. Troisièmement, à cause de notre négligence dans les fêtes que nous célébrons, et pour l’expiation de nos fautes. Et cette raison est touchée dans le sermon que l’on récite en ce jour dans l’Eglise, où il est dit : « Il a été décrété qu’en ce jour on ferait mémoire de tous les saints, afin de suppléer dans cette sainte solennité à tout ce qui aurait pu manquer dans les fêtes des saints, par suite de l’humaine fragilité, par ignorance, négligence, et par suite de l’embarras des choses temporelles. » Quatrièmement, afin que nos prières soient plus facilement exaucées. Car nous obtiendrons plus facilement ce que nous demandons, si tous les saints en même temps intercèdent pour nous : car il est impossible que la multitude ne soit pas exaucée. C’est pourquoi dans l’oraison de ce jour on dit Multiplicatis intercessionîbus largiaris, « Afin que tu nous accordes ce que nous demandons par l’intercession multipliée des saints. » Nous avons dit dans la préface de cette partie pourquoi on célèbre les fêtes des saints.

V. Cette fête a un jeûne d’institution, et personne en ce jour ne doit manger que le soir, ni changer le jeûne, comme le font quelques-uns, à cause de saint Quentin.

VI. Or, comme cette fête est commune à tous les saints, l’office en varie à raison de la variété de tous les saints. En effet, on chante la première antienne, la première leçon et le premier répons, en l’honneur de la Trinité, parce que c’est la fête de la Trinité ; en second lieu, on chante en l’honneur de la bienheureuse Marie ; en troisième lieu, en l’honneur des saints anges ; quatrièmement, des prophètes ; cinquièmement, des apôtres ; sixièmement, des martyrs ; septièmement, des confesseurs ; huitièmement, des vierges ; neuvièmement, de tous à la fois.

VU. L’autorité de cet office s’observe dans les leçons ; car en cette fête, dans certaines églises, le plus ancien dans l’église, savoir l’évêque s’il est présent, lit la leçon de la Trinité, savoir la première ; ou bien c’est le doyen, ou du moins un prêtre, et on continue ainsi les leçons par ordre, descendant des personnes mûres jusqu’aux enfants. C’est un enfant qui lit la huitième leçon des vierges ; car il appartient toujours au plus élevé en dignité ou en âge de chanter la neuvième. On dit aussi le huitième répons en l’honneur des vierges, savoir : Audivi vocem, qui est chanté par cinq enfants devant l’autel de la bienheureuse Vierge. Ils tiennent dans leurs mains des cierges, s’il y en a là, pour représenter les cinq vierges prudentes, ayant leurs lampes fournies et allumées.

VIII. On dit aussi le capitule Vidi turbam (Apocalypse, chap. viii). A la messe, on lit l’épître Ecce ego Joan., etc. (Apocalypse, chap. v). L’alleluia est : quam gloriosum (Apocalypse, chap. vii) ; l’évangile, Videns Jésus turbas. (Math., c. v). A la vigile, on dit l’épître Ecce ego Joan. (Apocalypse, chap. v). L’évangile est : Descendens Jesus (Luc, chap. vi).