Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Septième livre/Chapitre 23

Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 75-77).


CHAPITRE XXIII.
DE SAINT LAURENT.


I. Le bienheureux Laurent a une vigile, parce qu’après le bienheureux Etienne il possède la primauté parmi les autres martyrs, non pas qu’il ait supporté un plus grand supplice que les autres ; car un grand nombre, comme saint Vincent et le bienheureux Grégoire, souffrirent autant que lui ; mais, à cause de l’office de la prédication et du lieu de son martyre, qui fut à Rome, et à cause de sa bonne administration des trésors de l’Église.

II. C’est pourquoi l’introït de sa vigile est : Dispersit, dedit pauperibus. Le jour, il a un office propre, savoir : Confessio et pulchritudo, etc. ; et on dit cela, parce qu’il fut brûlé sur un gril et élevé, pour avoir confessé la foi ; et sa sainteté s’est manifestée, lorsqu’il n’a pas craint de souffrir ce supplice pour le Christ. Or, comme il était rempli d’allégresse au milieu des tourments, et qu’il chantait les louanges de Dieu, c’est pourquoi suit le verset Cantate Domino canticum novum. Dans cette collecte : Da nobis, quœsumus, Domine, etc., l’Église prie et demande à être délivrée par le Seigneur du feu des vices, et à ce que ses vices soient anéantis en elle, comme le bienheureux Laurent fut délivré du feu des tourments ; ce qui fait qu’il disait au tyran : « Apprends, malheureux, combien est grande la vertu de Dieu ; car ces charbons, loin de me causer de la douleur, me procurent du rafraîchissement. » Dans l’épître Qui parci (II Corinth., chap. vi), il s’agit de l’aumône qu’on doit faire aux pauvres, précepte que remplit avec exactitude le bienheureux Laurent, qui donna aux pauvres les trésors de l’Église ; et, afin que nous l’imitions en cela, on dit ces mots : Justitia ejus manet in seculum seculi. Le répons à trait à sa passion et à ce qu’il fut éprouvé par le feu, comme l’or est éprouvé dans la fournaise, et c’est ce qu’il dit : Probasti cor meum, etc., parce qu’à la lettre il fut grillé de nuit et visité visiblement par le Seigneur ; et c’est pour cela qu’il disait : « Ma nuit ne connaît pas d’obscurité, mais tout est resplendissant de lumière. » Le verset est : Igne me, etc., « Tu m’as éprouvé par le feu, et l’iniquité n’a pas été trouvée eu moi, » c’est-à-dire l’inégalité, parce que, et toujours et parfaitement, il fut constant dans la foi. L’alleluia a trait à son noble ministère. Et comme il était le principal ministre, c’est pourquoi il opérait principalement par la vertu du Seigneur. « Le lévite Laurent (dit-il) a opéré une bonne œuvre, lui qui, par le signe de la croix, a illuminé les aveugles. »

III. Lévite a la même signification que élevé, ou transporté et offrant, offerens, parce que, littéralement, le bienheureux Laurent fut élevé au ministère divin. C’est pourquoi il est rapporté qu’il dit au bienheureux Sixte : « Où vas-tu sans ton fils, mon père ? As-tu trouvé que j’avais dégénéré (de toi) ; éprouve-moi d’une manière certaine, et assure-toi si tu as choisi un diacre digne de la promesse que tu lui as faite de consacrer le sang du Seigneur. » Il fut encore lévite, c’est-à-dire en s’offrant lui-même. C’est pourquoi, au sein des tourments, il disait : « Je me suis offert à Dieu, comme une victime en odeur de suavité. » Et c’est pourquoi l’Église, dans l’office nocturne, chante de lui : Meruit esse, etc., « Le bienheureux Laurent a mérité d’être une victime, lui qui, tandis qu’il était rôti, ne renia pas le Seigneur. » Et c’est pourquoi il a été trouvé un sacrifice de louanges. Et comme Dieu doit être loué pour une si grande patience accordée au martyr, c’est pourquoi on chante les paroles précitées à l’alleluia.

IV. Dans l’évangile Nisi granum frumenti cadens in terram bonam, de saint Jean (chap. xii), le Seigneur parle de ses ministres et de leur récompense, en disant : Premièrement, touchant leurs œuvres : « Que celui qui me sert me suive. » Et ensuite, touchant la récompense de ses ministres : « Et là où je suis, il sera mon ministre ; si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera, etc. » Donc, comme le bienheureux Laurent était le premier parmi les ministres, c’est pourquoi on chante cet évangile à sa festivité ; et comme la prédication et la confession du nom du Seigneur devant les rois et les princes sont un ministère privilégié, c’est pourquoi suit l’offertoire Confessio et pulchritudo in conspectu, etc. Et dans la postcommunion il s’agit aussi des ministres et de leurs mérites : Qui mihi ministrat me sequatur. Aux heures, on dit le capitule Qui parci (II Corinth., c. ix).

V. Et remarque que ce saint, à cause des trois prérogatives dont nous avons parlé ci-dessus dans le commencement, est privilégié. Premièrement, parce que lui seul, parmi les martyrs, a un jeûne d’institution. Secondement, parce qu’il a une octave, et il est le seul parmi les martyrs, avec saint Etienne, qui jouisse de ce privilège, comme le bienheureux Martin parmi les confesseurs. On a parlé de cette octave à la fin de la préface de cette partie. Troisièmement, à cause de la répétition ou reprise des antiennes ; car dans cette fête on fait précéder les antiennes de certains petits versets, comme il a été dit dans la sixième partie, au Dimanche de la Trinité. Le bienheureux Laurent fut archidiacre de Rome, et personne après lui, dit-on, ne fut archidiacre de cette ville.