Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Septième livre/Chapitre 19

Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 70-71).


CHAPITRE XIX.
DE LA FÊTE DE SAINT PIERRE-AUX-LIENS.


I. La fête du bienheureux Pierre-aux-Liens fut instituée de la manière suivante, selon Bède. Théodosie, épouse de l’empereur Théodose II, allant à Jérusalem, vit à Alexandrie une fête que l’on célébrait, aux calendes d’août, en l’honneur de César-Auguste, en mémoire de son triomphe sur Cléopâtre, reine d’Egypte, et Marc-Antoine, son époux. Théodosie se plaignit vivement que l’on rendît un si grand honneur à un damné et à un gentil. Étant arrivée à Jérusalem, elle fit l’acquisition des chaînes qui avaient attaché saint Pierre, sous Hérode ; et, de retour à Rome, elle les présenta au pape qui fit apporter les autres liens qui avaient enchaîné l’apôtre, sous Néron. Ces chaînes, par le contact, adhérèrent et se réunirent ensemble d’une manière miraculeuse, comme si elles avaient toujours été les mêmes. Donc Théodose bâtit une église en l’honneur de saint Pierre et y plaça ces chaînes. Sa dédicace se fit aux calendes d’août, afin que la solennité du pêcheur effaçât celle de l’empereur, et que la chaîne de Pierre éclipsât le collier d’Auguste.

II. Le seconde raison de l’institution de cette fête, c’est le souvenir de la délivrance du bienheureux Pierre qu’un ange tira de sa prison, en brisant les liens dont il avait été chargé par ordre d’Hérode Agrippa, comme on le lit dans l’épître de ce jour ; et, d’après cela, il paraît que cette fête devrait être appelée festum a Vinculis, « fête ès-Liens » et non pas « aux Liens. »

III. La troisième raison, c’est que le tribun Quirinus, ayant une fille affligée d’un goitre, celle-ci, sur l'ordre du pape saint Alexandre, sixième successeur du bienheureux Pierre, demanda les entraves ou chaînes qui avaient chargé le bienheureux Pierre à Rome, sous Néron ; et, les ayant embrassées, elle fut guérie. Quirinus fut baptisé avec toute sa famille. Alors ledit pape Alexandre décréta qu’on célébrerait cette fête aux calendes d’août, et bâtit en l’honneur du bienheureux Pierre une église dans cette ville, où il déposa les chaînes. Il nomma cette église ad Vincula, « aux Liens, » et la consacra aux calendes d’août. Dans cette festivité le peuple, à Rome, baise ces liens en ce jour.

IV. Une quatrième raison peut-être, c’est que le Seigneur délivra miraculeusement Pierre de ses liens et lui donna le pouvoir de lier et de délier[1]. Pour nous, nous sommes enchaînés et retenus dans les liens du péché, et nous avons besoin d’absolution. C’est pour cela que dans cette solennité, qui se nomme ad Vincula, « aux Liens, » nous honorons saint Pierre, afin que, de même qu’il a mérité d’être délivré de ses chaînes et qu’il a reçu du Seigneur le pouvoir d’absoudre, de même aussi il obtienne que nous soyions délivrés des liens de nos péchés.

V. En ce jour on lit l’épître Misit Herodes (Actes des apôtres, chap. xii). L’évangile est : Venit Jesus in partes (Mat., chap. xvi)

  1. Les anciens ne se servaient que de cordes pour fermer leurs portes : ce furent les Lacédémoniens qui inventèrent les clefs. Quand notre Seigneur parle des clefs qu’il donne à ses Apôtres, il fait allusion aux anciennes clefs qui pouvaient servir à lier ou à délier les cordes qui fermaient les portes ; car il attribue aux clefs la facilité de lier et de délier ; ce qui n’aurait aucun sens, appliqué à nos serrures et à nos clefs modernes.