Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Septième livre/Chapitre 10

Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 50-52).


CHAPITRE X.
DES SAINTS APÔTRES PHILIPPE ET JACQUES.


I. Le temps pascal, comme on l’a déjà dit souvent, désigne le huitième âge, où le bien qui appartiendra à chacun, dans une charité inégale, appartiendra à tous, parce que chacun se réjouira des biens des autres comme des siens propres.

II. Donc, pour que le temps pascal s’accordât avec les solennités qui arrivent dans ce temps, et surtout parce que les apôtres n’avaient pas de solennités particulières dans la primitive Église, il a été décrété qu’on célébrerait dans les calendes de mai des solennités en l’honneur de tous les apôtres, afin que divers jours de solennisation ne parussent pas séparer ceux qu’une même dignité et l’apostolat ont élevés dans la gloire céleste. On dit que les Grecs célèbrent cette festivité à la fête des apôtres Pierre et Paul. C’est encore en ce jour que se trouve la fête des apôtres Philippe et Jacques, peut-être parce qu’ils souffrirent en ce jour. Ce Jacques est appelé le Mineur, pour le distinguer de saint Jacques de Compostelle, fils de Zébédée, qui est appelé le Majeur, non par son âge, mais par sa vocation, comme il arrive pour les évêques qui remplacent les apôtres, parce que celui qui a été consacré le premier l’emporte en quelque sorte sur les autres qui ont la même dignité que lui, ou qui sont aussi grands que lui en dignité (xvii d., § fin.) ; car Jacques-le-Majeur a été appelé le premier par le Seigneur, il s’est attaché à lui le premier et lui est devenu plus intime. Et il appelait dans ses secrets Jacques-le-Majeur, savoir quand il fut transfiguré et quand il ressuscita un mort au nom du Seigneur.

III. Ce Jacques est encore appelé fils d’Alphée, parce qu’il était, en effet, fils d’Alphée. Il est encore appelé frère du Seigneur selon la chair (De consec., d. i, Jacobi), parce que l’on dit qu’il lui ressemblait de visage, ou parce qu’il était fils d’Alphée, frère de Joseph, époux de la bienheureuse Marie, et de Marie, sa sœur ; car ceux qui étaient cousins des deux côtés étaient appelés frères chez les Juifs ; et Jésus était fils supposé de Joseph. Ou bien il est appelé frère du Seigneur, c’est-à-dire son cousin, parce qu’il est le fils de la sœur de la bienheureuse Marie. Les Toscans conservent encore cet usage. Mais Joseph est aussi appelé parent du Seigneur, ou parce qu’il est son père supposé, ou parce qu’il était parent du Seigneur du côté de sa mère, la bienheureuse Marie.

IV. Or, pour établir l’évidence plus incontestable des choses précitées, il faut remarquer que Joachim, père de la bienheureuse Marie, épousa Anne, qui avait une sœur nommée Imérie. Et cette Imérie engendra Elisabeth et Eliud ; Elisabeth engendra Jean-Baptiste ; d’Eliud naquit Eminéud ; d’Eminéud saint Servatius, dont le corps repose à Maëstricht-sur-Meuse, évêché du pays de Liège. Or, on dit qu’Anne eut trois époux : Joachim ; Cléophas, frère de Joseph, et Salomon. Du premier elle eut une fille, savoir Marie, mère du Seigneur, qu’elle maria à Joseph. Celle-ci engendra le Christ. On a parlé de la génération de Joseph et de Marie dans la sixième partie, au chapitre de la Fête de Noël. Après la mort de son premier mari, Anne eut encore du second une autre fille, nommée Marie, et la donna en mariage à Alphée, dont elle eut quatre fils, savoir Jacques-le-Mineur, Joseph-le-Juste, aussi appelé Barsabas ; Simon et Judas ; de son troisième mari, Salomon, qu’elle eut après la mort du second, elle eut deux fils, Jacques-le-Majeur et Jean l’évangéliste.

V. Or, ce Jacques est surnommé le Juste, par le mérite de sa naissance ou de sa condition ; car on dit qu’il fut saint dès le sein, ou qu’il fut sanctifié dans le sein de sa mère. Il fut ordonné premier évêque de Jérusalem par les apôtres Pierre, Jacques et Jean (xvi d. Pono). C’est lui qui, avec Basile, évêque de Césarée, nous a laissé dans ses écrits une liturgie du sacrifice de la messe (De consec., d. i). Suivant la tradition, saint Jacques célébra la première messe à Jérusalem, après la pâque du Seigneur, et saint Pierre, la première à Antioche. Saint Jacques ne buvait pas de vin ni d’autre boisson fermentée. Il ne mangeait point de viandes. Jamais il ne se rasait ni ne se soignait ; jamais il ne prit de bain ; il priait si longtemps, les genoux en terre, que ses genoux étaient plus durs qu’une peau de chameau.

VI. Les Juifs le précipitèrent du haut du temple, lorsqu’il prêchait le nom du Christ, et il fut tué à coup de perches de foulon. Or, le foulon est l’ouvrier qui blanchit les pièces de lin. Certains ont dit que c’était à cause du crime de ce meurtre que les Juifs avaient été détruits, comme corps de nation, par Tite et Vespasien ; et ainsi ils n’attribuent point leur destruction à leur déicide (la mort du Christ).

VII. Dans cette fête il y a des églises qui disent l’introït Exclamaverunt (Néhémie, chap. ix) ; l’épître Stabunt justi, (Sagesse, chap. v). L’évangile est : Non turbetur cor vestrum, de saint Jean (chap. xiv) ; et la postcommunion : Tanto tempore (Jean, chap. xiv). Aux heures, on dit le capitule Stabunt justi (Sagesse, chap. v) ; et celui-ci : Nos insensati, du même livre ; puis cet autre : Non esurient (Apocalypse, c. vii).