Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Septième livre/Chapitre 09

Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 48-50).


CHAPITRE IX.
DE L’ANNONCIATION DE LA VIERGE MARIE (6).


I. La fête de l’Annonciation de la bienheureuse vierge Marie est celle où l’Ange annonça à Marie la bonne nouvelle à la suite de laquelle elle conçut le Sauveur. Alors furent accomplies les prophéties. C’est pourquoi l’Église lit et chante des extraits des prophètes. C’est pourquoi on chante encore l’introït Rorate, cœli, desuper et nubes, « Cieux, laissez échapper votre rosée, et que les nuées, » c’est-à-dire les prédicateurs, pluant, « pleuvent, » c’est-à-dire annoncent le Juste, c’est-à-dire le Christ, parce que par antonomase le Christ est appelé le Juste ; aperiatur terra, « que la terre s’entr’ouvre, » c’est-à-dire la bienheureuse Vierge ; qu’elle s’entr’ouvre, dis-je, par son consentement ; et germinet, « qu’elle conçoive le Sauveur, » c’est-à-dire le Christ. On a parlé de cela au Premier Dimanche de l’Avent. L’épître est : Egredietur virga, (Isaïe, chap. XI). Cependant d’autres églises disent : Locutus est Dominus ad Achaz (Isaïe, chap. VII). L’évangile est : Missus est Gabriel (Luc, chap. I) ; et les paroles suivantes de cet évangile : Et hic mensis est, etc., sont ainsi expliquées : Hic mensis, « Ce mois, » savoir le mois de mars, dans lequel la bienheureuse Vierge a conçu, est sextus illi, « est le sixième de celle, » c’est-à-dire depuis la conception de celle, savoir d’Élisabeth, quæ vocatur sterilis, « qui est appelée stérile, » parce qu’Élisabeth conçut le bienheureux Jean-Baptiste le viii d’avant les calendes d’octobre. On dit encore pendant les heures, le capitule In diebus illis, notum faciet Deus (Jérémie, chapitre xxx).

II. Cette fête convient bien à l’époque du printemps, car c’est dans le printemps que Dieu s’est fait homme et que tout a été renouvelé. Or, cette fête appartient au Seigneur et à la bienheureuse Marie ; c’est pourquoi Noël et l’Annonciation du Seigneur ont une même préface. On a coutume d’intituler cette fête : Annonciation du Seigneur. On ne doit pas chanter dans cette fête le Gloria in excelsis, l’Ite, Missa est et le Te Deum laudamus. Nous en avons exposé la raison dans la préface de cette partie. Si cette fête vient à tomber le dimanche de la Passion ou des Rameaux (olivarum), on la remet au lundi. Ceci se fait généralement dans les dimanches privilégiés. Si elle arrive pendant les trois jours d’avant Pâques, on la célébrera par anticipation le samedi d’avant les Rameaux, selon quelques-uns ; mais il en est qui la remettent à l’octave. De même, si elle tombe le jour de Pâques, on ne pourrait célébrer convenablement dans cette semaine l’office de cette fête, qui est compilé ou extrait de l’Avent ; c’est pourquoi il vaut mieux la renvoyer au lundi après l’octave de Pâques.

III. En ce jour, à divers laps de temps, on dit que Dieu a opéré un grand nombre d’œuvres, ce qu’un poète a rendu avec concision dans les beaux vers suivants :

Salut, jour de fête, qui fermes nos blessures,
Où l’Ange fut envoyé, où le Christ souffrit et fut mis en croix,
Jour de la création et tout à la fois de la chute d’Adam.
En ce jour, à cause des mérites de son offrande, Abel périt par le glaive de Caïn ;
Melchisédech offre son sacrifice, et Isaac est placé sur le bûcher.
En ce jour est décollé le bienheureux Jean qui baptisa le Christ ;
Pierre est mis en croix ; Jacques mis à mort sous Hérode ;
De nombreux corps de saints ressuscitent avec le Christ.
En ce jour le larron reçoit de la bouche du Christ une si consolante assurance. Amen[1].

  1. Voici ces vers tels que les donne Durand, sans dire d’où il les a tirés :

    Salve, festa dies, quæ vulnera nostra coerces.
    Angelus est missus : est passus et in cruce Christus.
    Est Adam factus, et eodem tempore lapsus.
    Ob meritum decimæ cadit Abel fratris ab ense.
    Offert Melchisdech : Isaac supponitur aris.
    Est decollatus Christi Baptista beatus.

    Est Petrus erectus : Jacobus sub Herode peremptus.
    Corpora sanctorum cum Christo multa resurgunt.
    Latro per Christum tam dulce suscipit amen.

    Nous retrouvons ces vers, avec quelques variantes, dans l'édition de Leipzig de la Legenda aurea :
    Salve, justa dies, quae vulnera nostra coerces !
    Les autres vers comme dans Durand ; le premier est ainsi :
    Latro dulce tamen Christum suscipit amen. (Chapitre 51, p. 221.)