Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Septième livre/Chapitre 01

Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 1-31).


CHAPITRE PREMIER.
DES FESTIVITÉS DES SAINTS.


Après avoir parlé d’abord des offices divins en général, des offices des dimanches et des festivités du Seigneur en particulier, il est utile que nous ajoutions quelque chose touchant les offices des festivités des Saints dans cette septième partie.

I. Assurément, l’Église célèbre les fêtes des saints pour un grand nombre de raisons : premièrement, afin que nous leur rendions la pareille ; car ils célèbrent eux-mêmes des fêtes à notre sujet, puisque les anges de Dieu et les âmes des saints éprouvent grande joie et grande allégresse pour un seul pécheur qui fait pénitence (i distinct. Quia tua). Secondement, parce qu’en les honorant nous faisons nos propres affaires ; car leur festivité est aussi la nôtre ; d’où vient que l’Apôtre dit : « Tout est à nous, et nous, nous sommes au Christ. » Car la charité met tout en commun. Troisièmement, afin qu’ils intercèdent en notre faveur ; d’où vient qu’on lit dans le troisième livre des Rois (chap. i) que Bersabée, qui, par interprétation, signifie le puits de la satiété, c’est-à-dire l’Eglise triomphante, obtint le royanme pour son fils. Quatrièmement, afin que nous les imitions ; car leurs exemples nous excitent à les imiter. Cinquièmement, pour augmenter notre sécurité et relever notre espérance ; car si des hommes, mortels comme nous, ont pu être élevés si haut par leurs mérites, nous pouvions nous élever de même ; car le bras du Seigneur n’est pas raccourci. Sixièmement, pour honorer la majesté divine que nous honorons dans les saints, quand nous les honorons, et que nous proclamons admirable Celui qui les a sanctifiés. Septièmement, afin qu’à la vue de leur beauté et de leur pureté l’homme reste confondu, en reportant ses regards sur ses propres péchés, et dédaigne les biens de la terre, comme ils l’ont fait eux-mêmes.

II. La huitième et principale raison, c’est que nous rappelons la mémoire des saints au jour anniversaire destiné à les honorer, pour notre propre utilité, parce qu’en eux nous honorons Dieu ; car, comme ils sont parfaitement heureux, ils n’ont pas besoin de nos prières, puisqu’ils ont tout à souhait ; bien plus, celui-là fait injure à un martyr qui prie pour lui (Extra De celeb. mis. cum Marthœ, § pen.).

III. Saint Jean Damascène, dans son quatrième livre (chap, vii), explique par d’autres raisons encore pourquoi on doit honorer les saints, et également leurs corps ou reliques. Parmi les raisons qu’il en donne, les unes ont rapport à la dignité de ces saints, d’autres ont trait à l’inestimable prix de leurs corps eux-mêmes. Ils sont dignes de notre vénération pour quatre motifs ; car ils sont les amis de Dieu et les enfants de Dieu, les héritiers de Dieu et nos guides à nous. Touchant le premier motif saint Jean dit (chap. xiii) : « Je ne vous appellerai plus serviteurs, etc. » Touchant le second le même saint dit (chap. i) : « Il leur a donné le pouvoir d’être faits enfants de Dieu. » Sur le troisième (Rom., chap. viii) l’Apôtre dit : « Si autem filii et hœredes, etc., « Vous êtes fils et héritiers. » Touchant le quatrième il est dit : « Si quelqu’un se donne beaucoup de peine pour trouver un guide qui le conduise devant quelque roi mortel et qui plaide sa cause devant ce roi, à combien plus forte raison ne doit-on pas honorer les guides du genre humain, qui intercèdent pour nous auprès de Dieu, en leur érigeant des temples et en vénérant leur mémoire ? » Le même Jean Damascène donne également quatre raisons du prix inestimable de leurs corps. En effet, les corps eux-mêmes des saints ont été les sanctuaires de Dieu, le temple du Christ, le vase renfermant le parfum spirituel des sources d’eaux vives. Saint Augustin donne une cinquième raison, savoir ; c’est qu’ils sont l’organe de l’Esprit saint. Sur la première qualité il est dit : « Car ils sont les sanctuaires de Dieu, les cénacles de l’Esprit saint. » Sur la seconde : « Car Dieu a habité dans leurs corps par l’intellect ou intelligence ; » d’où vient que l’Apôtre dit : « Ne savez-vous pas que vos corps sont les temples de l’Esprit saint ? » Or, Dieu est esprit : il faut donc honorer les temples animés de Dieu ; si l’homme se réjouit de la construction des murs, Dieu, de son côté, se réjouit de la conversion des saints ; d’où le psaume : « Seigneur, j’ai chéri la splendeur de ta maison ; » la splendeur, savoir celle que lui donne, non la diversité des marbres, mais la variété des grâces. Sur la troisième il dit : « Si l’eau s’est échappée du rocher pour couler dans le désert, si elle a jailli de la mâchoire d’un âne pour apaiser la soif de Samson, il n’est pas incroyable qu’un parfum odoriférant ne s’échappe des reliques des martyrs, et que la vertu des saints ne coule pour désaltérer ceux qui ont soif du Seigneur. » Sur la quatrième il dit : « Car ces saints vivent dans la vérité, se tiennent auprès de Dieu par leur libre présence ; et le Christ dominateur nous a donné les sources salutaires de ses saints, leurs reliques qui, semblables à un ruisseau qui féconde la terre, nous comblent de bienfaits qui se présentent sous mille formes diverses. » Touchant la cinquième saint Augustin dit, dans le livre de la Cité de Dieu : « Il ne faut point mépriser, mais au contraire honorer beaucoup les corps des saints, dont l’Esprit saint s’est servi comme d’organes pour opérer tout bien, lorsqu’ils étaient sur la terre ; » d’où vient que l’Apôtre dit : « Est-ce que vous voulez éprouver la puissance de Jésus-Christ qui parle par ma bouche ? » De son côté, le bienheureux Ambroise dit dans l’Hexaméron : « Ce qu’il y a de plus précieux, c’est que l’homme soit l’organe de la voix divine et que les lèvres de son corps expriment les célestes oracles. »

IV. Or, il y a dans le Nouveau-Testament quatre genres différents de saints que nous honorons pendant le cours de l’année. En effet, il y a les apôtres, les martyrs, les confesseurs et les vierges ; et ils sont désignés, d’après Raban, par les quatre parties du monde. L’orient marque les apôtres, le midi les martyrs, l’aquilon les confesseurs, et l’occident les vierges.

V. Mais, bien que l’on doive célébrer les festivités des Saints et construire des autels en leur mémoire, cependant nous ne devons sacrifier à aucun d’eux, ni même aux anges : nous ne devons le sacrifice qu’à Dieu seul. Car jamais prélat, dans les lieux où se trouvent les corps des saints, jamais prélat, se tenant à l’autel, n’a dit : « Nous t’offrons ce sacrifice (Offerimus tibi), Pierre, Paul ou Cyprien ; » mais ce qui est offert, est offert à Dieu qui a couronné les saints, en mémoire de ceux qu’il a couronnés, afin que l’affection qu’ils ont pour leurs propres corps ait pour effet d’augmenter à notre profit la charité des saints que nous voulons imiter et l’amour de celui par qui nous pouvons être secourus. Car ni les saints, ni les anges ne veulent que nous leur rendions le culte de Latrie qu’ils savent n’être dû qu’à Dieu seul. C’est pourquoi Paul et Barnabé, voyant que certaines personnes, impressionnées par les miracles qu’ils faisaient, voulaient leur offrir des sacrifices comme à des dieux, déchirèrent leurs vêtements en confessant qu’ils n’étaient que des hommes mortels et non des dieux, et leur défendirent d’en agir de la sorte ; et on lit aussi dans l’Apocalypse qu’un ange, après avoir empêché Jean de l’adorer, dans une vision lui dit : « Garde-toi d’en agir de la sorte ; car je suis ton frère et le compagnon de tes frères ; adore Dieu : » car déjà le Christ avait été élevé au-dessus des anges. Mais, auparavant, on lit que les anges étaient adorés, comme il a été dit dans la quatrième partie, sous la particule du Canon, à ce mot Servitutis. Mardochée aussi refusa d’adorer Aman, parce que ce dernier voulait qu’on lui payât un tribut d’adoration qui n’est dû qu’à Dieu.

VI. On doit donc honorer les saints par imitation, et non les adorer par religion ; on doit les honorer d’un honneur de charité et non de servitude, comme il a été dit à ce mot Servitutis. Nous prions donc les saints pour trois raisons, comme on l’a dit dans la précédente partie, au chapitre des Rogations. Et remarque que nous devons prier les saints en nous tenant debout, comme il a été dit dans la préface de la cinquième partie, où il est question du répons. Or, parmi les jours, il y a des jours ouvrables et des jours de fête ou solennels. Ceux-là sont ouvrables qui ne sont signalés par aucune solennité spéciale, et on les appelle profesti, ouvrables, comme si l’on disait : procul a festis, loin des fêtes.

VII. Et remarque que les Hébreux donnent un nom particulier aux jours de la semaine, les Gentils et leurs prêtres un autre, et les chrétiens un troisième. Les Hébreux nomment tous les autres jours a sabbato, « du sabbat, » qui est leur principal jour. Ainsi, le jour qui suit le sabbat, ils l’appellent prima sabbati, « le premier jour après le sabbat ; » l’autre, ils le nomment « le second jour après le sabbat ; » et ainsi de suite. Le septième jour, ils l’appellent simplement sabbat, et quelquefois sabbat « des sabbats. »

VIII. La sixième férié, ils l’appellent parasceve, de παρα, prœ, σκηνη, struction, et comme prœstructio, prœparatio, préparation ou préparatifs, parce que les Juifs y préparaient leur nourriture pour le jour du sabbat, selon ce qui leur avait été ordonné au sujet de la manne, savoir : « Le sixième jour, vous en recueillerez le double des autres jours, » parce qu’il ne leur était pas permis de préparer de nourriture ni de ramasser de la manne le jour du sabbat. Pour nous, ce nom de parascève qui est commun à toutes les veilles du sabbat des Juifs, nous le donnons au vendredi d’avant Pâques, parce qu’alors est préparée pour nous la nourriture ou manne dont l’Église militante jouit maintenant et jouira alors qu’elle sera triomphante et dans l’éternel repos. Et remarque que παρασκενη est un mot grec ; mais les Juifs, par suite de leurs diverses captivités se trouvant dispersés parmi les Grecs, empruntèrent aux Grecs certains termes, tels que παρασκηνη et συναγωγη, et certains autres.

IX. Les Gentils, soit le vulgaire, soit les philosophes, nomment les jours d’après les planètes ; c’est pourquoi, selon eux, le premier jour est appelé jour du soleil ; le second, jour de la lune, etc. L’Écriture sainte n’a point admis ces noms, quoiqu’ils soient aujourd’hui d’un usage vulgaire. Il est question de cela dans la huitième partie, où l’on traitera de la Semaine. Or, le peuple les nommait ainsi, parce qu’il croyait que le soleil, la lune, Mars et les autres planètes dont ils donnaient les noms aux jours, étaient des dieux. Or, les philosophes les nommaient de la sorte, parce que c’est le nom des planètes, qui, selon eux, par leurs révolutions et leur nature, donnent à tout la végétation et la vie.

X. Or, les chrétiens ne désignent pour ainsi dire que deux jours par des noms propres, car ils appellent le samedi sabbatum, simplement samedi ou sabbat, à cause de l’autorité de la langue hébraïque ; et le jour suivant, ils l’appellent jour du Seigneur ou dimanche, à cause de sa primauté, dont on parlera bientôt ; ou bien parce que ce jour est ainsi nommé dans la légende de saint Jean, où il est dit : « Jean, le dimanche après la messe (die dominica), descendit dans le lieu qui avait été creusé pour sa sépulture. » Le dimanche pourrait encore être appelé première férie (feria prima) ; car on appelait le jour qui suivait le dimanche seconde férie, le surlendemain troisième férié, et ainsi des autres jours jusqu’au samedi.

XI. Or férie, par interprétation, signifie pour ainsi dire jour solennel et vient a feriando, de vaquer ; d’où il suit que le premier jour de la semaine est solennel. Donc, on appelle les jours fériés a feriando, de vaquer, parce qu’en tout temps nous devons férier, c’est-à-dire nous abstenir des vices, et non qu’il faille s’abstenir des travaux nécessaires à la vie ; ou bien ce mot vient a fando ou a loquendo, de parler, parce que, comme il est dit dans la Genèse : « Le Seigneur parla, et tout fut créé. » En effet, le bienheureux Sylvestre, ne voulant point imiter les Juifs qui disent prima sabbati, secunda sabbati, etc., ni les Gentils qui disent dies solis, dies lunœ, etc., inventa ce nom de feria, férie.

XII. Cependant, à la fin de la semaine, il a conservé le samedi, sabbatum, pour la raison ou pour la figure représentée parce samedi, sabbat, parce que samedi, sabbat, par interprétation, signifie requies, repos ; car alors le Seigneur se reposa de tous les travaux qu’il avait exécutés ; d’où vient que nous aussi, pendant tout le temps de notre vie qui est révolu dans l’espace de sept jours, nous devons travailler et faire les plus grands efforts pour arriver au repos et à la béatitude.

XIII. Donc, le jour reçoit une triple dénomination : premièrement, en lui-même, comme jour de la lune, jour de Mars, etc. ; secondement, d’après l’usage de l’Église, comme première férie, seconde férie, etc. ; troisièmement, relativement aux mois, et cela de trois manières : premièrement, le jour des calendes, la veille des calendes, le trois des calendes ; secondement, le jour des ides, la veille des ides, le trois des ides ; troisièmement, les nones, la veille des noues, le trois des nones.

XIV. Or, le dimanche obtient la primauté et est le plus grand entre les autres jours, parce que le Christ fut annoncé, ressuscita et envoya le Saint-Esprit aux apôtres en ce jour, et que Dieu en ce jour aussi fit le monde, c’est-à-dire le ciel et la terre. C’est dans ce même jour aussi, dit-on, que le monde sera anéanti. Et on l’appelle dominica, dimanche, à cause de la résurrection du Seigneur que nous célébrons en ce jour. Or, bien que certains dimanches l’emportent sur tous les autres, comme les dimanches de Pâques et de la Pentecôte, et cela à cause de la résurrection et de l’envoi de l’Esprit saint, cependant il y en a cinq autres que l’on appelle principaux et solennels, dans lesquels on change les offices ; ce sont le premier dimanche de l’Avent, le dimanche dans l’octave de Pâques, le dimanche dans l’octave de la Pentecôte, le dimanche où l’on chante Lœtare, Jerusalem, ei le dimanche des Rameaux. D’autres ajoutent un sixième dimanche, savoir celui où l’on chante Invocavit me, etc. Certains autres dimanches sont appelés privilégiés, savoir qui ont des offices qui leur sont propres.

XV. Et remarque qu’il y a certains jours qui sont privilégiés dans le temps de Carême, savoir quatre mercredis ; le mercredi des Cendres, le mercredi de la semaine suivante, le mercredi d’après Lœtare, Jerusalem, et le mercredi d’avant la Cène de notre Seigneur ou Jeudi saint. Il y a de même quatre samedis, savoir le samedi de la première semaine, quand on célèbre les ordres ; le samedi de la quatrième, le samedi de la cinquième et le samedi ou veille de Pâques. Il y a encore trois dimanches, savoir les dimanches Invocavit me ; Lœtare, Jerusalem ; et le dimanche des Rameaux. Il y a un jeudi, savoir le Jeudi saint (dans la Cène du Seigneur). Il y a un vendredi, savoir le Vendredi saint (Parascève). Il y a aussi toute une semaine, savoir la dernière qui est la plus grande, comme il a été dit au chapitre du Dimanche des Rameaux. On a parlé en son lieu de ces privilèges. Et remarque que Pâques et la Pentecôte sont des festivités hebdomadaires, comme il a été dit dans la sixième partie, au chapitre des Sept Jours après Pâques et au chapitre de la Pentecôte.

XVI. Le jour naturel, suivant les Égyptiens, commence au coucher du soleil ou au commencement de la nuit, et dure jusqu’au soir du jour suivant, d’après ces paroles : « Et le soir et le matin formèrent un jour. » Selon les Perses, les Grecs et l’usage reçu du peuple, il commence au lever du soleil ; selon les Romains, au milieu de la nuit ; suivant les Athéniens, les Arabes et les astronomes, à partir de la sixième heure du jour. Nous imitons tous ces divers usages ; car, pour la célébration des offices divins, le jour commence à vêpres, d’après ces paroles : « Vous célébrerez vos sabbats d’un soir à l’autre soir » (Extra De feriis, c. i) ; quant à l’observation de la trêve, au lever du soleil (Extra De treuga et pace, c. i) ; ff. De judiciis, L. More). Pour ce qui est des contrats, le jour commence et se termine au milieu de la nuit ; quant à la manducation des viandes, le jour commence après le souper, jusqu’au point du jour (De consec, d. iii. De esu). Quant aux jugements, il commence le matin et se termine le soir, à la fin du jour, avant les ténèbres de la nuit (De offic. dele. consuluit et in authentica de judiciis, § Sedebunt). Or, la supputation des Égyptiens paraît être vraie, puisqu’elle contient le lever et le coucher des astres ; cependant l’on peut dire que, selon l’Église, le jour naturel commence au miliheu de la nuit, parce que c’est alors que le vrai soleil, c’est-à-dire le Christ, s’est levé, d’après ces paroles : Dum medium silentium, etc., ou bien plus véritablement à vêpres, comme il a été dit ci-dessus, parce que la nuit a précédé et que le jour s’est ensuite approché. Car encore, bien que naturellement les jours précèdent les nuits, cependant dans la nuit pascale c’est l’inverse qui a lieu, comme on l’a dit dans la sixième partie, au chapitre du Samedi saint.

XVII. Or, les jours solennels ou de fête sont ceux pendant lesquels, en l’honneur de Dieu et des saints, il faut s’abstenir de toute œuvre servile et passer le temps à chanter les louanges de Dieu. Et il faut remarquer que la solennité est une fête communément instituée pour quelque prérogative ; et ce mot se dit a solo, du sol, qui est commun à tous, ou ab absoluto, de ce qui est achevé, c’est-à-dire ferme et solide, parce qu’on ne doit pas changer les solennités pour un motif de religion ; ou bien encore solennité se dit de ce qu’on a coutume de célébrer dans l’année les solennités (solet in anno). On lui donne le nom de célébrité, car on ne s’y occupe pas des choses terrestres, mais seulement des choses du ciel. Or, autre est la solennité des festivités, autre celle des stations, autre celle des litanies, autre celle des jeûnes. Parlons successivement de toutes ces solennités. La solennité des festivités, qui est la mort des saints, est désignée sous plusieurs appellations ; car on l’appelle festivité, fête, célébrité, nativité, natalis, natale ou natalitium, jour de la naissance, passage ou sortie, voyage ou mort (obitus), passion, assomption, déposition, sommeil, obdormitio.

XVIII. Festivité se dit des jours de fête, a festis diebus, et comme festivité, quasi festivitas, parce que, pendant les jours de festivité, on ne s’occupe que des choses divines, ce qui est le contraire de fasti, fastes, jours où l’on rend la justice, ubi jus fatur. On dit encore festivité, comme si l’on disait sancti nativitas, nativité d’un saint. On appelle proprement nativité la fête de la naissance qui a lieu dans la chair et dans le monde ; et, d’après cela, on ne dit seulement nativité que pour la naissance du Christ, de la bienheureuse Marie et du bienheureux Jean-Baptiste, les seules nativités qui soient célébrées dans l’Église. Pourquoi dit-on que les saints naissent quand ils meurent ? C’est ce que nous verrons tout-à-l’heure ; et nous en parlerons encore en traitant de l’Octave. On a déjà parlé de la célébrité ; on appelle natale, natalis, natalitium, naissance, la sortie des saints de ce siècle, parce qu’alors ils naissent à Dieu et passent du siècle à la gloire par cette nativité qui tend à la vie éternelle. On emploie indifféremment ces termes : natalis, natale ou natalitium. Transitus, le passage, se dit de la fête de la mort des saints, parce que leurs ames, au sortir de leurs corps, passent par diverses régions qui leur sont inconnues (XIII, q. II., Tempus), comme par exemple à travers l’espace céleste, l’air éthéré et cristallin ou transparent, pour arriver enfin à l’empirée.

XIX. Et remarque que la fête du passage de quelque saint est plus grande que toute autre. Nous parlerons de cela au chapitre de la Fête de l’Assomption. On dit encore obitus, voyage que l’on fait à la rencontre de quelqu’un, parce qu’alors les anges viennent à la rencontre de l’ame du saint, comme on le dit touchant saint Martin. On dit encore passion, passio, parce que le corps souffre surtout alors, et même l’ame, quand ces deux substances sont séparées violemment l’une de l’autre ; le voyage de chacun ou la mort de chacun peut se nommer passion, parce que nulle ame ne se sépare de son corps sans amertume et sans quelque violence. Assomption se dit proprement du voyage de la bienheureuse Marie. Déposition se dit spécialement de la déposition du bienheureux Jean l’évangéliste, qui, comme on l’a dit ci-dessus, entra vivant au lieu de sa sépulture et ainsi se déposa lui-même. On appelle sommeil, obdormitio, la mort des saints, qui est comme un repos. Car, de même qu’après le sommeil on est plus vigoureux et plus fort, de même les saints ressuscitent sans difficulté dans des corps glorifiés, comme s’ils se réveillaient de leur sommeil. D’où vient que le Seigneur dit de Lazare qui était mort : « Notre ami Lazare dort » (XIII, q. ii., Tempus); ce qui fait que l’Apôtre dit : Nolumus vos ignorare de dormientibus, etc. « Nous ne voulons pas que vous soyez dans l’ignorance sur les dormants » (morts). Il nous reste à parler des Stations.

XX. Statio, station selon saint Isidore, c’est l’observation des jours ou des temps marqués ou déterminés : des jours (statutorum dierum), comme le jeûne des quatrième et sixième féries ordonné d’après l’ancienne loi. Touchant cette station il est dit dans l’Évangile : « Je jeûne deux fois, le sabbat, » c’est-à-dire le quatrième et le sixième jour du sabbat : des temps, savoir de ceux qui ont été déterminés à époques préfixes par les institutions de la loi et des prophètes, comme le jeûne du quatrième mois, du cinquième, du septième et du dixième ; ou, selon qu’il est dit dans l’Évangile : « Ces jours où l’époux a été offert. » On nomme encore station la procession que l’on fait vers quelque église, pour rendre grâces à Dieu ; et on l’appelle station, parce que nous devons alors prier debout (stantes) et rendre à Dieu des actions de grâces, sans fléchir les genoux. Alors on ne jeûne pas et on ne prend pas le temps de la supplication ; toutes choses qui se pratiquent dans la litanie, où l’on revêt des vêtements qui marquent l’humilité.

XXI. Il paraît que les stations tirent leur origine de l’ancienne loi, parce qu’alors le peuple juif et aussi un grand nombre de Gentils se rassemblaient dans les grandes solennités, savoir à Pâques et à la Pentecôte, afin de prier dans le temple, de rendre et d’offrir à Dieu des actions de grâces, ce que l’Église observe encore, surtout en Italie où, pendant les semaines de Pâques et de la Pentecôte, le peuple des villes et des campagnes voisines se rassemble à l’église épiscopale. D’autres stations ont pris leur origine chez les Romains, qui les pratiquent souvent. Ce peuple, après avoir échappé à de grands périls par l’intercession des saints dont il réclamait les suffrages, venait en procession à l’église du saint par le patronage duquel il avait été délivré, et glorifiait Dieu avec des actions de grâces. Saint Isidore dit dans le sixième livre de ses Étymologies que station est une importation militaire, ou tire son nom d’un exemple militaire, en ce que, comme il n’y avait aucun agrément dans les camps, on imagina les stations militaires, pour dissiper la tristesse des soldats.

XXII. Or, il y a deux espèces de stations, car il y en a de générales et de particulières. Les stations générales sont celles qui se font dans les deux semaines précitées à l’église cathédrale. Les stations particulières sont celles qui se font dans diverses églises, pour la raison précitée. On fait encore quelquefois les stations comme observance, si aucun autre motif ne s’y oppose, comme lorsqu’à la fête de quelque saint la procession se rend de l’église principale à l’église de ce saint. On les célèbre encore quand, les divers jours de fête, on se dirige en procession à divers autels, pour vénérer les saints. L’institution des stations est évidente, d’après ce que nous avons dit, en ajoutant toutefois ceci que, de même que les Romains établirent les stations à Rome pour se soustraire aux périls ; de même aussi, d’autres peuples les instituèrent dans leurs villes pour des motifs analogues. Aux jours des stations, on fait entendre des chants ou cantiques d’allégresse, savoir les répons ou les antiennes, ou quelque chose de semblable. Quelquefois aussi on célèbre alors la messe dans l’église où l’on se rend, et, d’autres fois, il n’en est pas ainsi ; mais, après la station, on s’en retourne quand l’oraison est terminée.

XXIII. Et remarque que le peuple commence par se rassembler dans quelque église voisine du lieu où l’on doit faire la station, comme il a été dit dans la quatrième partie, au chapitre de l’Oraison. Le bienheureux Grégoire, qui replia les stations dans la ville de Rome, ordonna qu’on y dirait, en divers temps ou à diverses reprises, vingt homélies de l’Évangile, et que diverses personnes les prononceraient successivement et à tour de rôle, pour éviter ainsi la fatigue de l’estomac. On a parlé de la solennité des litanies dans la sixième partie, au chapitre des Rogations.

XXIV. Remarque cependant qu’on fait les stations pour les périls passés, tandis que les litanies, que l’on interprète par rogations ou supplications, se font pour éviter des périls à venir, comme on l’a dit ci-dessus. Nous avons parlé de la solennité des jeûnes et des vigiles des saints dans la sixième partie, à la quatrième férie du quatrième dimanche de l’Avent. Remarque encore que Noël est la fête du Père, parce que c’est par lui que le Fils a été connu dans le monde, « Car en cela s’est montrée la charité de Dieu, en ce qu’il nous a donné son Fils, » comme dit le bienheureux Jean. Cependant la fête du Père est la fête du Fils et de l’Esprit saint ; car, en disant Verbum, le Verbe ou la parole, on entend le Père du Verbe ou de la parole ; et encore par une autre raison, c’est que le Fils a manifesté le Père au monde. La fête de Pâques est la fête du Fils, parce qu’alors le Christ est ressuscité d’entre les morts et a apparu vrai Dieu.

XXV. Et remarque que la solennité de Pâques se dit par antonomase la solennité des solennités, comme on dit le Saint des saints et le Cantique des cantiques, parce que le Saint des saints a la primauté sur toutes les choses saintes, comme le Cantique des cantiques l’emporte sur tous les autres cantiques. De là vient que nous la recommençons (ou réciproquons) tous les dimanches, c’est-à-dire que tous les dimanches sont les octaves de la fête de Pâques. On l’appelle encore festivité des festivités, tant parce qu’elle est la première de toutes les festivités, que parce que tous les fidèles doivent communier en ce dimanche. Cependant, en certains endroits, on appelle Pâques toutes les grandes fêtes, comme l’on dirait passage, transitus, parce que nous devons passer des vices aux vertus. La Pentecôte est la fête de l’Esprit saint ; et chacune de ces solennités appartient à toute la Trinité, parce que les œuvres de la Trinité sont indivisibles (De consec., d. iii, c. fin.), quoique, comme on l’a déjà dit, chacune de ces solennités convienne plus spécialement à une personne qu’à l’autre.

XXVI. Il ne faut pas non plus ignorer que le peuple d’Israël célébrait trois solennités principales. La première était le jour de la pâque ou le jour des azymes, ce qui est la fête de Pâques, parce qu’alors Dieu les délivra de la puissance de Pharaon, de la servitude d’Égypte et des coups de l’Ange exterminateur, en leur ordonnant de teindre leurs portes avec le sang de l’agneau immolé ; car il n’y eut point de maisons d’Égyptiens où il n’y eût des morts ; il n’y eut que les maisons des Israélites où il n’y en eut aucun. La seconde fête était celle de la Pentecôte, parce que ce fut alors que les Israélites reçurent la loi, comme il a été dit dans la sixième partie, au chapitre de cette même fête. La troisième était la skénopégie, dans le mois de septembre ; c’est un mot grec qui signifie la dédicace ou la construction des tabernacles ou tentes, car le peuple d’Israël habita quarante ans sous des tentes. En mémoire de quoi les Juifs célèbrent encore cette fête, comme s’ils vivaient sous la tente. Σκηνος en grec se dit tabernaculum, tente, en latin, ou tabernacle ; ces fêtes qui étaient prolongées pendant sept jours étaient dites principales, et le sabbat qui s’y trouvait enclavé était appelé sabbatum sabbatorum, sabbat des sabbats, c’est-à-dire sabbatum sanctorum, sabbat des saints ou des fêtes saintes par excellence.

XXVII. Mais ils y ajoutèrent encore d’autres fêtes, à cause de divers événements, comme les Encœnia ou la fête de la Dédicace, que les Hébreux célébraient dans l’hiver, savoir en octobre ; et ils appelaient encœnia la nouvelle dédicace du temple ; car Νεον en grec se dit novum, nouveau, en latin. C’est de là qu’on appelle encœnia toutes les dédicaces d’objets nouveaux que l’on fait ; car si quelqu’un revêt une tunique nouvelle, il est dit encœnion ou étrenner un nouveau vêtement. Pour nous, nous conservons deux de ces fêtes, savoir Pâques et la Pentecôte, mais pour une autre raison que les Juifs. Car ceux-ci célèbrent la pâque, parce que ce fut alors qu’ils furent délivrés de la servitude des Égyptiens ; mais nous, parce que nous avons été rachetés par le Christ. Les Juifs célébraient la Pentecôte en mémoire de la loi qu’ils reçurent alors, et nous, parce qu’en cette fête nous recevons l’Esprit saint. Les Juifs reçurent la loi gravée extérieurement sur des tables de pierre, pour marquer la dureté de leurs cœurs, parce qu’ils n’arrivaient point à comprendre le sens spirituel de la lettre ; mais l’Esprit saint a été donné aux soixante-douze disciples, et le doigt de Dieu grava dans leur cœur l’intelligence du sens spirituel. Nous célébrons encore en quelque sorte la skénopégie à la fête de l’Ascension du Seigneur ; car, par tabernacle, nous entendons le corps du Seigneur, dans lequel la divinité réside cachée sous l’humilité, d’après ces paroles du Psalmiste : « Il a établi sa tente dans le soleil. » Ainsi le Christ n’a pas fixé sa tente dans une chair mortelle, puisqu’il a bondi comme un géant pour fournir sa carrière, volant de lieux en lieux pour accomplir le mystère de l’exécution duquel il était chargé ; mais alors il a fixé définitivement sa tente, c’est-à-dire son corps, lorsqu’il a été enlevé aux cieux où il est assis à la droite de Dieu le Père et où il repose au sein du patrimoine de son Père céleste, jusqu’à ce qu’il se serve de ses ennemis comme de marchepied. C’est donc avec raison que nous célébrons ces trois fêtes d’une manière spirituelle dans l’Évangile ou la loi nouvelle. Car, d’après le Psalmiste, le Christ a brisé les fers de la captivité, quand, ressuscitant à Pâques, il tira ces captifs enchaînés du lac aride et sans eau. Il s’est élevé au sein de l’empirée, quand dans son ascension il est monté au-dessus des cieux, à l’Orient. Il a fait aux hommes ses présents, quand, le jour de la Pentecôte, il a fait pleuvoir son Saint-Esprit sur toute chair. Or, la quatrième férié après le dimanche de la Passion appartient à la fête des Encœnia ou de la Dédicace, comme on l’a dit dans la sixième partie. Il y avait encore quatre autres solennités, mais toutefois moins solennelles que les précédentes, savoir le sabbat, la fête des trompettes, la fête de propitiation et les néoménies, c’est-à-dire nouvelle lune. Chez les Hébreux, en effet, on disait néoménie, parce qu’on supputait les mois suivant le cours de la lune. Μησις en grec signifie lune ; de là, neomenia, c’est-à-dire nouvelle lune. Chez nous, les néoménies sont les calendes ; chez les Hébreux, les jours mêmes des calendes étaient solennels, d’après l’institution légale.

XXVIII. L’empereur Constantin, en visitant les parties d’outre-mer de l’empire, vit Eusèbe, évêque de Césarée, homme d’une grande sainteté et lui dit : « Demande-moi de quoi enrichir ton église ? » Celui-ci répondit : « Mon église est assez riche ; mais voici la demande et la prière que je t’adresse, c’est que tu envoies dans toutes les parties du monde des légats chargés d’écrire les noms des saints, le temps de leur passion, sous quel empereur, comment et où ils ont souffert ; » ce qui fut exécuté. Et Eusèbe rapporte qu’à chaque jour de l’année il y a plus de cinq mille fêtes de saints qui coïncident, excepté le jour des calendes de janvier, jour que les Gentils consacraient aux festins et aux solennités, et non à martyriser les saints ; et le bienheureux Jérôme dit la même chose dans l’épître qui précède son calendrier ; ce qui fait dire à Grégoire : « Tout le monde est rempli de saints. » Et Haymon dit également des anges que, si quelqu’un pouvait voir les créatures spirituelles, il les verrait tourbillonner dans l’air, semblables aux moindres atomes qui paraissent au sein des rayons du soleil.

XXIX. Et remarque qu’aucun ne doit être inscrit sur le catalogue ou au nombre des saints, à moins que ce ne soit par le pontife romain et avant que l’on ait une connaissance qui exclue le plus petit doute sur sa vie et ses miracles (Extra De reliq. et venerat. sanct., c. i ; Extra De testamen. venerabili). Or, catalogue vient de κατα, circa, sur, et de λογος, discours. La litanie ou calendrier, où sont énumérés les saints approuvés par l’Église romaine, se nomme discours universel. Au reste, d’après le décret du Concile d’Afrique [Africanum] (De consec., d. i, Placet), « on ne doit honorer ou solenniser la mémoire d’aucun martyr, si ce n’est là où sont le corps et les reliques authentiques du martyr, ou bien là où il demeura originairement et dans l’endroit où on le posséda. » Car sont entièrement réprouvés les autels que l’on élève en quelqu’endroit que ce soit, par suite des songes et des révélations imaginaires de quelques individus. De même, il a été statué dans le Concile d’Orléans (De consec., d. iii, Episcopus), « que l’évêque, à moins qu’il n’en soit empêché par quelque infirmité, ne doit pas manquer de se trouver le dimanche à l’église la plus proche, comme est l’église épiscopale. »

XXX. Quelles festivités doivent être célébrées ? — Le Concile de Lyon nous l’apprend (De consec., d. iii, c. i, Extra De fer., c. fin) dans le décret suivant : « On doit célébrer les dimanches de vêpre à vêpre, des premières aux secondes vêpres ; de même, les fêtes de la nativité du Seigneur, de saint Étienne, de saint Jean l’évangéliste, des Innocents, de saint Sylvestre, de la Circoncision, de la Théophanie ou Épiphanie ; Pâques, avec toute la semaine précédente et les suivantes, les trois jours des Rogations, l’Ascension du Seigneur, la Pentecôte et les deux jours suivants ; la Saint-Jean-Baptiste, les fêtes des douze Apôtres et de saint Laurent, les festivités de la bienheureuse Marie, tous les dimanches, la dédicace de saint Michel, la fête de tous les saints (la Toussaint), la fête de saint Martin et toutes les festivités, savoir de saints canonisés, dont chaque évêque ordonne et décrète la célébration au clergé et au peuple dans les églises de son diocèse. Pour ce qui est des autres festivités de l’année, on ne doit ni contraindre ni empêcher les peuples de les célébrer ou fêter. » On a dit dans la cinquième partie, au chapitre des Nocturnes, le nombre des psaumes, des répons ou leçons que l’on dit dans les fêtes, et pourquoi on les dit.

XXXI. Or, il y a certaines fêtes qui sont doubles (en tout), d’autres simplement doubles, certaines semi-doubles ; certaines sont dites doubles dans certaines églises, parce que les répons majeurs, aussi bien que les répons brefs et les versets, sont chantés à deux voix ; parce que tout ce qui doit être entonné l’est par deux voix, et parce qu’encore on redouble les antiennes aux matines et aux vêpres ; car on les dit entièrement avant et après le psaume, comme à la fête de Noël, de saint Étienne, premier martyr ; de saint Jean l’évangéliste, de la Circoncision du Seigneur, de l’Épiphanie, de la Purification, de l’Annonciation, de la Résurrection, de l’Ascension, de la Pentecôte, de saint Jean-Baptiste, des apôtres Pierre et Paul, de saint Laurent, de l’Assomption de la bienheureuse vierge Marie, de la Nativité de la même, et de la Dédicace de l’Église.

XXXII. Les fêtes précitées sont des doubles-majeures. Les doubles-mineures sont la seconde et la troisième férie dans l’octave de la Résurrection, de même la seconde et la troisième férie dans l’octave de la Pentecôte, la Commémoration de saint Paul, l’octave des apôtres Pierre et Paul, de saint Laurent, de l’Assomption, et toute fête que chaque église veut que l’on célèbre comme double-majeure.

XXXIII. Les fêtes semi-doubles sont celles où l’on n’observe point entièrement les règles précitées, et où le troisième, le sixième et le dernier répons seulement sont chantés par deux chantres. L’intonation ne se fait pas à deux voix ; on ne double point les antiennes, quoique les versets et les répons brefs soient dits à deux voix. Ces fêtes semi-doubles sont les fêtes des saints : de saint André, de saint Nicolas, de sainte Lucie, de saint Thomas, apôtre ; des saints Innocents, de l’octave de l’Épiphanie, de sainte Agnès, de la Conversion de saint Paul, de sainte Agathe, de saint Mathias, de la Chaire de saint Pierre, de saint Grégoire, de saint Augustin, de saint Jérôme, de saint Ambroise, de saint Philippe et saint Jacques, de saint Marc, évangéliste ; de l’Invention de la sainte Croix, de la Révélation de saint Michel, de l’octave de l’Ascension, de saint Jean-Porte-Latine, de saint Barnabé, apôtre ; de l’octave de saint Jean-Baptiste, de sainte Marie-Madeleine, de l’apôtre saint Jacques, de saint Pierre-aux-Liens, de l’octave de saint Laurent, de saint Barthélemi, apôtre ; de la Décollation de saint Jean-Baptiste, de l’octave de la Nativité de la bienheureuse Marie, de l’Exaltation de la sainte Croix, de saint Mathieu, apôtre ; de saint Luc, évangéliste ; des apôtres saint Simon et saint Jude, de saint Martin, de sainte Cécile, de sainte Catherine et autres, suivant la coutume de chaque église. Or, on conserve cette variété dans les fêtes ; car, comme dit l’Apôtre : « De même qu’une autre diffère d’une étoile en clarté, ainsi en sera-t-il à la résurrection des morts. » Or, comme, selon le bienheureux Denys, la hiérarchie ecclésiastique représente en quelque sorte en ses actions et ordonnances la hiérarchie céleste, dans laquelle les saints sont disposés suivant la diversité de leurs mérites, c’est pour figurer cela que l’on trouve dans notre sainte Église la variété des divers offices.

XXXIV. Or, quelles fêtes doit-on appeler doubles en totalité ; quelles sont celles que l’on doit appeler semi-doubles ? C’est ce qui ressort évidemment de l’intelligence mystique. Car, d’après les saints Pères, la vision de Dieu sera la récompense des bienheureux. Or, cette vision sera plus grande ou plus petite, suivant que sur la terre ils auront plus ou moins progressé dans la charité, qui est la racine et la source de tous les mérites. Cependant il y a quelques mérites spéciaux d’après lesquels, dans la gloire future, quelques récompenses spéciales seront accordées à ceux qui auront des mérites spéciaux. Ainsi une récompense spéciale et plus excellente (super essentiale) sera accordée aux martyrs, aux docteurs et aux vierges, laquelle récompense est dite auréole. Ainsi, quant à cela, quelques saints auront une double récompense, savoir l’essentielle, que l’on appelle la vision de Dieu, et l’accidentelle, qui est l’auréole. Et, d’après cela, les fêtes des saints peuvent être dites majeures ou mineures, c’est-à-dire où l’on peut trouver plus ou moins de motifs de récompense. Comme donc la bienheureuse Vierge jouit d’une récompense plus excellente que tous les autres saints quant à la récompense essentielle, et que les motifs de récompense accidentelle lui conviennent également, c’est pourquoi sa fête est dite entièrement double. Il en est de même des festivités établies en l’honneur du Christ. Or, comme après eux les anges occupent le premier degré, après viennent les apôtres et les martyrs, puis les autres ; c’est pour cela que, selon leur plus grand ou plus petit nombre de récompenses, essentielles et accidentelles, leur fête doit être par suite célébrée. ou entièrement double, ou semi-double, ou simple, par l’Église militante qui marche sur les traces de l’Église triomphante.

XXXV. Quelquefois aussi les fêtes sont appelées doubles, par une autre considération, savoir quand deux fêtes coïncident le même jour ; et alors la moindre le cède à la plus considérable ; car, en ce jour, on célèbre l’office de la fête qui l’emporte en excellence, et on se contente de faire mémoire de la moins importante, dont l’office est remis au jour suivant, comme il arrive pour les bienheureux Pierre et Paul. Si donc plusieurs fêtes de saints coïncident le même jour, et que tous ces saints soient martyrs, on devra célébrer l’office de celui qui, parmi tous les autres, a le plus grand renom. Si l’un est confesseur et l’autre martyr, ou qu’il y ait plusieurs martyrs ; si le confesseur a plus de célébrité que le martyr, ou est privilégié comme le bienheureux saint Martin, et que l’Église ait généralement adopté son office, il faut dire l’office du confesseur et faire mémoire du martyr ; autrement il faut célébrer l’office du martyr. De même, si la fête de saint André arrive au premier dimanche de l’Avent, on la célébrera le lundi.

XXXVI. Nous disons la même chose pour chaque fête d’apôtres et de martyrs qui pourrait coïncider avec les premiers dimanches privilégiés. De même, si une fête ayant une vigile tombe un lundi, on célèbre l’office de la vigile, et on jeûne le samedi précédent (Extra De ohserv. jejun., c. i). Et si la fête d’un apôtre ou de quelque martyr distingué, ou d’un autre saint qui a un office propre, arrive en quelqu’autre dimanche parmi les dimanches privilégiés, c’est-à-dire ceux qui ont une histoire ou un office propre, il faut examiner si la semaine suivante ou chaque jour de cette semaine a un office propre. S’ils en ont un, on fera l’office du dimanche, et on remettra au lundi l’office du saint ; s’ils n’en ont pas, on fera l’office de la fête le dimanche, et l’office du dimanche sera remis au lundi. Ainsi le dimanche cède quelquefois le pas à la fête, et réciproquement.

XXXVII. Au sujet des vigiles des saints, nous avons dit, dans la sixième partie, au Mercredi de la troisième Semaine de l’Avent, pourquoi on les appelle ainsi et quelle est leur origine. Touchant les fêtes qui coïncident avec la Septuagésime ou le temps de la Passion, ou qui arrivent avant ce temps, comme les fêtes de sainte Agathe, de la Chaire de saint Pierre, de saint Mathias, de l’Annonciation du Seigneur, de la fête de saint Grégoire ; si l’une de ces fêtes arrive, ou même la fête patronale, la fête anniversaire de quelque église ou la pâque annotative, c’est-à-dire la fête anniversaire du baptême, nous disons qu’il est généralement adopté que l’on doit chanter dans ces fêtes les cantiques de joie, savoir le Te Deum laudamus, etc. ; le Gloria in excelsis Deo ; l’Ite, Missa est, et tout ce que l’on chanterait dans ces festivités, si elles arrivaient en d’autres temps, excepté pourtant Alleluia, parce que les fêtes où on le chante appartiennent au temps pascal. Mais pourquoi ne dit-on pas Alleluia alors, puisque l’on chante les autres cantiques d’allégresse ? Je réponds que l’Alleluia est plutôt un cantique d’allégresse que les autres chants en question, qui sont plutôt des expressions de respect ou une manière de rendre à Dieu nos hommages {observationes), des actions de grâces plutôt que des cantiques de joie et d’allégresse, quoique ces cantiques ne soient pas dépourvus de quelque joie, surtout dans l’expression du chant. Si l’on oppose que le Gloria in excelsis, qui est un chant propre à la naissance du Seigneur ; l’Ite, Missa est, qui est le cantique ou la louange de la résurrection ; et le Te Deum laudamus, qui désigne la joie pour la drachme retrouvée, ne doivent pas être chantés à la fête de l’Annonciation du Seigneur, attendu que lesdits cantiques n’existaient pas encore (n’avaient pas encore leur temps) lors de l’avènement du Seigneur, ou dans le temps qui précéda l’avènement du Seigneur et qui correspond à l’Avent ; parce que le Seigneur n’avait pas encore justifié ces chants suivant le cours ordinaire des choses humaines, ou bien n’avait pas encore atteint l’époque où parurent ces cantiques suivant les révolutions ordinaires du temps ; ceux qui prétendent que l’on doit alors chanter ces cantiques répondent que cette fête, savoir la fête de l’Annonciation du Seigneur, est comme la source, l’origine ou le principe de toutes les fêtes du Christ, attendu que, si la naissance ou la passion du Seigneur et la découverte de la drachme n’étaient point un fait accompli en réalité et sous le rapport du temps, c’était un fait accompli en espérance, car les prodiges qui nous les faisaient espérer avaient commencé par précéder leur réalisation.

XXXVIII. La pâque annotative a lieu quand quelqu’un célèbre annuellement le jour anniversaire de son baptême, coutume qui peut-être vient des Gentils qui fêtaient, sous le nom de Natalitium diem (fête à l’occasion de la naissance), le jour où ils étaient nés à la misère de ce siècle. Dans cette fête on doit chanter l’office de Pâques, excepté l’Alleluia, si l’on est en Carême. Et remarque que ces trois cantiques, savoir Te Deum laudamus ; Gloria in excelsis Deo, et Ite, Missa est, se suivent et s’accompagnent ; en voici la raison. Le Gloria in excelsis désigne cette ineffable joie que l’Ange annonça aux bergers en leur disant : « Je vous fais part de la nouvelle d’une grande joie : c’est qu’aujourd’hui il vous est né un sauveur. » l’Ite, Missa est, qui, comme on l’a dit, signifie : « Allez à vos affaires ou allez chez vous, la Messe est terminée, » désigne les pasteurs s’approchant du lieu de la naissance du Christ, et disant à l’envi, après l’annonce faite par l’Ange : « Passons jusqu’à Bethléem, et voyons ce qui est arrivé et ce que le Seigneur nous a fait connaître. » Comme l’approche des bergers de la crèche suivit la nouvelle que l’Ange leur avait annoncée, c’est pourquoi, quand le prêtre dit Gloria in excelsis, en quoi il représente l’Ange précité, il doit aussi et avec raison dire l’Ite, Missa est. De même, quand on dit ou qu’on omet ces deux cantiques, on dit ou l’on omet aussi à nocturne le Te Deum laudamus, parce que dans ce cantique sont désignées la joie et les louanges du ciel et de la terre, du créateur et de la créature, de la tête et des membres, comme dans le Gloria in excelsis on nomme avec louange et allégresse le ciel et la terre, le créateur et la créature, la tête et les membres ; bien plus, presque tout ce qui est renfermé explicitement dans le premier est renfermé implicitement dans le second. C’est donc avec raison que, quand on dit l’un, on ne doit pas omettre l’autre. Cependant les cantiques précités ne s’accompagnent pas toujours. En effet, dans la fête de la Chaire du bienheureux Pierre, même quand son incidence est dans le Carême, il y a des églises qui disent le Te Deum laudamus et suppriment les autres cantiques de louange, parce que nous avons coutume de chanter ce cantique pour l’intronisation des évêques dans leurs sièges ; et le bienheureux Pierre, le même jour, fut intronisé sur le siège d’Antioche. De même, le Jeudi saint, on dit le Gloria in excelsis et l’Ite, Missa est, quand l’évêque est présent et célèbre l’office du chrême. Et le Samedi saint, on dit le Gloria in excelsis et non l’Ite, Missa est. Cependant, en ces mêmes jours, on ne dit point Te Deum laudamus. De même, le jour de la Nativité, on dit Gloria in excelsis à la première messe ; mais on ne dit pas Ite, Missa est, de peur que le peuple, se croyant congédié, ne s’éloigne sans avoir entendu matines ; c’est pourquoi il y en a encore qui suspendent la collecte finale de la première messe, jusqu’à la fin de matines, et terminent ensuite la messe par Benedicamus Domino. Mais on donne une autre raison dans la quatrième partie, au chapitre de la Dernière Oraison. Ils terminent aussi la seconde messe de la même manière. Cependant, dans certaines églises on dit alors : Ecce completa sunt omnia ; et l’on ne donne pas au peuple la permission de se retirer, afin qu’il sache qu’il doit entendre une troisième messe, dans laquelle enfin on dit Ite, Missa est. Dans d’autres églises où l’on suit l’office ambroisien, on ne célèbre la festivité d’aucun saint dans le temps du Carême ; on se contente d’en faire mémoire, et d’anciens décrets prescrivaient la même chose dans les autres églises, et anciennement cette coutume était communément établie. Dans d’autres églises encore on consacre, avant de lire ou de chanter l’évangile (XXXIV, q. iv. Non oportet, et cap. seq.). Nous avons parlé dans la sixième partie, au chapitre du Temps de l’Avent, de l’office des fêtes qui coïncident avec le temps de l’Avent.

XXXIX. Touchant les fêtes qui ont lieu dans le temps de la Résurrection jusqu’à l’octave de la Pentecôte, c’est une règle généralement observée dans certaines églises de chanter à toutes les fêtes des saints l’histoire (ou antienne) Beatus vir ; et cela a lieu pour les apôtres, les martyrs, les confesseurs et les vierges, quand il n’y a qu’un saint et quand il y en a plusieurs ; car ce Beatus vir, ce bienheureux, c’est le Christ qui, comme là cigogne, est tout à la fois le chef et les membres. Car c’est lui qui est le martyr dont il est dit dans l’antienne : Filiæ Jérusalem, que Dieu l’a couronné dans son chef, c’est-à-dire comme étant le chef, de la robe d’immortalité dans ce temps de solennité et d’allégresse, et le couronnera ensuite en ses membres, dans le temps désigné par le temps pascal et qui sera le temps de l’éternité et de la gloire. Car c’est lui qui parle dans l’office que l’on célèbre en ce temps, savoir : Protexisti me, Deus ; c’est lui qui est la vraie vigne et les saints en sont les rejetons, comme il est dit dans l’Évangile : Ego sum vitis vera (Jean, chap. xv), que l’on lit aussi dans ce temps ; et, d’après ce que nous avons déjà dit, il est évident que dans les fêtes de deux ou de plusieurs saints, on doit dire dans l’antienne précitée : « Filles de Jérusalem, venez et voyez le martyr, » c’est-à-dire le Christ, et non pas les martyrs, martyres, ni mettre le reste au pluriel comme le font certains. Dans ce temps, pour les festivités des saints, nous chantons des offices identiques, pour désigner ou signifier que le denier sera le même pour tous, et parce qu’alors nous serons glorifiés dans l’unité avec le Christ, glorifié en ce temps.

XL. Mais on demande pourquoi, dans le temps pascal, nous ne célébrons pas les fêtes des saints qui sont ressuscités avec le Christ ou qui sont montés au ciel avec lui. Car nous devons nous réjouir de leur glorification et la solenniser, comme nous le faisons pour les autres saints, puisque nous sommes certains qu’ils sont montés au cieux. Je réponds que nous ne solennisons point les fêtes de ces saints, parce qu’ils sont descendus dans les limbes ; car nous fêtons la naissance des saints, savoir quand ils sont nés pour le ciel, comme il a été dit ci-dessus, mais non quand ils sont descendus en enfer ou quand ils sont nés pour les limbes ; ce dont nous avons parlé dans la sixième partie, au Vendredi saint. On peut encore dire que nous devrions fêter leur glorification en ame à Pâques, ou du moins à l’Ascension ; mais nous ne le pouvons pas, à cause de l’autorité et de la solennité des offices de ces jours ; car la solennité de ces saints serait écrasée et disparaîtrait sous l’autorité d’une solennité plus considérable, parce qu’à l’arrivée du prince le magistrat est effacé. C’est pourquoi il a été décrété que dans d’autres temps de l’année on célébrerait leurs fêtes le jour de la dédicace des églises placées sous leur vocable. Ou bien, selon Bède, on fait leur fête à la dédicace de l’Église, en laquelle on dit neuf leçons, comme la fête de saint Jean-Baptiste se fait à la fin d’août, bien que ce saint soit mort vers la fête de Pâques ; et celle de saint Jacques de Compostelle, en juillet, bien qu’il ait été mis à mort dans le temps pascal. Ce fut aussi en ce temps que fut incarcéré le bienheureux apôtre Pierre. Le changement des fêtes précitées a été fait, car telle était la grandeur de la festivité du prince de tous les saints, qu’on ne pouvait célébrer alors les fêtes de ses satellites, d’après cet adage : Cede majori, « Cède le pas au plus digne. »

XLI. Cependant, dit-on, on célèbre en Grèce et à Venise les fêtes des saints de l’Ancien-Testament, comme Abraham, Isaac, David, Daniel et les autres ; on dit qu’en ce pays il y a des églises dédiées aux Machabées, comme on le verra à l’article de ces Saints. Pour ce qui est des octaves, il faut remarquer que le Lévitique semble insinuer le huitième jour, ou bien la célébration de l’octave, en disant : « Le huitième jour sera le plus célèbre et le plus saint, » ou bien, très-illustre et très-saint.

XLII. Assurément, on célèbre les octaves des saints, parce que, de même que le premier jour désigne la nativité des saints, c’est-à-dire comment ils naissent pour le ciel et pour être reçus dans la société des anges et des saints Pères, quand leurs âmes sont séparées de leurs corps ; ainsi, dans les octaves rappelant la résurrection des corps, nous nous réjouissons avec eux de la résurrection de ces corps.

XLIII. Et remarque que nous fêtons l’octave de certains saints ; et afin que ce mystère (de la résurrection des corps) ne devienne pas trop commun, nous ne la fêtons pas (l’octave) pour tous les saints ; car si nous ne pouvons célébrer les fêtes de tous les saints, à plus forte raison ne célébrerons-nous pas leurs octaves ? Et si d’autres saints ont des octaves solennelles, à bien plus forte raison l’octave du Saint des saints, c’est-à-dire de la nativité du Seigneur, sera-t-elle solennelle ? Mais il semble que la nativité du Seigneur n’a pas d’octave, puisqu’elle tendait à sa mort, ou qu’elle avait sa mort pour but. En effet, on donne une octave à la mort des saints, parce qu’en mourant ils naissent de cette naissance qui les conduit à la vie éternelle. Car c’est après cette nativité qui arrive à la mort, que l’on doit espérer la gloire de la résurrection qui est donnée dans l’octave ; mais cela n’a pas lieu après la naissance qui doit aboutir à la mort. D’après cela, il paraît encore que les nativités de la bienheureuse Marie et de saint Jean-Baptiste n’ont pas d’octave, ni même la résurrection du Seigneur, dans laquelle le Seigneur a reçu la robe de son corps, qui sera donnée généralement à tous les fidèles dans l’octave ou au huitième âge, car déjà la résurrection du Seigneur avait eu lieu en réalité.

XLIV. Comme donc il est diverses églises qui célèbrent l’octave de diverses festivités, nous disons, pour ne pas paraître les en blâmer, qu’il y a une double octave, savoir une de respect, de vénération ou de dévotion, et une d’institution. L’octave de révérence ou de vénération est celle de Pâques, de la Pentecôte, des nativités de la bienheureuse vierge Marie et du bienheureux Jean-Baptiste ; car on célèbre ces octaves par dévotion seulement, et non pour une autre raison mystérieuse. L’octave de dévotion a lieu aussi pour les saints patrons des églises, comme pour saint Nicolas, la bienheureuse Marie-Madeleine et autres semblables qui n’ont pas d’octaves ; mais certaines églises célèbrent ces octaves par dévotion. Pour ce qui est de l’octave d’institution, elle se subdivise en quatre octaves, qui sont l’octave de signification, l’octave de supplétion, l’octave de signification d’une autre chose, ou qui désigne une autre chose, et l’octave de future glorification.

XLV. L’octave de signification est, par exemple, celle des saints qui ont une vigile et celle de la fête de la Dédicace, qui se fait pour marquer que l’Eglise sera dédiée ou consacrée, c’est-à-dire sera consacrée alors par une dernière et bien plus complète dédicace, c’est-à-dire qu’elle sera unie au Christ : car être consacré ou dédié, c’est être uni ; et aussi celles des martyrs, parce que, et par les souffrances qu’ils ont endurées, et par le peu de cas qu’ils ont fait de cette vie, ils ont témoigné qu’il y a une vie immortelle. On peut aussi appeler l’octave des Innocents une octave de signification, parce qu’elle désigne notre résurrection, comme on le dira au chapitre de leur Fête. On peut en dire autant des octaves des bienheureux Pierre et Paul et de quelques saints, qui figurent la seconde robe, c’est-à-dire la glorification dont nous jouirons dans le huitième âge. Mais pourquoi, pour la même raison, ne fait-on pas ou ne célèbre-t-on pas l’octave de la Passion du Seigneur ? Car, de même que le Christ, qui est né soleil de justice, n’est pas né pour lui, mais pour éclairer de sa lumière nos âmes plongées au sein des ténèbres ; de même aussi qu’il a été baptisé, non pour lui, mais pour nous purifier de nos péchés ; de même il est mort, non pour lui, mais afin que nous mourussions au péché et qu’ainsi il nous arrachât à la mort. Je réponds que c’est parce que la festivité d’allégresse qui survient couvre et fait disparaître tout souvenir de tristesse. En outre, bien que l’on explique la cause et la raison des octaves précitées, cependant il n’est point de rigueur que l’on célèbre partout des octaves pour de semblables festivités ou en pareil cas ; car le Christ a été circoncis dans sa chair, afin que nous observassions la circoncision spirituelle. Il a jeûné, afin que nous jeûnassions ; il a lavé les pieds, pour que nous en fissions autant ; car nous célébrons non-seulement l’octave de ces fêtes de saints ou autres semblables, mais on célèbre encore l’octave des saints pour des raisons différentes, comme il a été dit ci-dessus. De plus, il y a encore une autre raison pour laquelle n’a pas lieu le mystère ou le ministère de l’octave. On lui en donne pourtant une, à cause des huit béatitudes que l’on reçoit dans cette solennité, comme il a été dit en son lieu. L’octave de la Pentecôte aussi n’est célébrée que pour marquer la consommation des œuvres de l’Esprit saint.

XLVI. Il existe encore une raison générale de toutes les octaves : c’est que l’octave revient à la même chose que le premier jour de la fête ; ce qui a lieu pour les huit béatitudes, dont la huitième rentre dans la première. Dans le livre « de la Doctrine chrétienne » saint Augustin assure que le huitième jour ou octave du Seigneur est la même chose que le premier jour ; c’est pourquoi la résurrection du Seigneur est dite avoir eu lieu dans l’octave, c’est-à-dire le jour du Seigneur, le dimanche. Or, nous observons aussi la célébration des octaves, afin que nous retournions au premier état d’innocence, en souvenir de laquelle innocence, le huitième jour, on pratiquait la circoncision, afin que l’ame fût circoncise de toute contagion charnelle.

XLVII. L’octave de supplétion est l’octave de la nativité du Seigneur, parce que dans cette octave nous suppléons à ce qui a manqué à la fête de la Nativité. En effet, comme dans la Nativité il a été beaucoup question de l’enfantement et peu de l’accouchée, c’est pourquoi dans l’octave on traite plus pleinement de l’accouchée, comme on peut le voir dans les répons, dans les antiennes de laudes et dans l’office de jour de la même octave. C’est pour la même raison que l’on célèbre l’octave de l’Épiphanie. L’octave de signification d’une autre chose est également l’octave de la Nativité, comme nous venons de le dire, et l’octave de sainte Agnès ; car dans cette dernière octave on représente et on figure que la bienheureuse Agnès apparut glorieuse à quelques fidèles, le huitième jour, comme on le dira à sa fête. L’octave de la future glorification est, par exemple, l’octave de la mort de quelque saint.

XLVIII. Remarque aussi que les bienheureux Étienne et Laurent ont seuls des octaves d’institution parmi les martyrs, et seul le bienheureux Martin parmi les confesseurs. On a parlé dans la sixième partie, au chapitre de Pâques, des octaves de Pâques, de l’Ascension et de Noël. Or, bien que, régulièrement dans l’octave des festivités, l’office de la messe soit le même que l’office des festivités elles-mêmes, puisque l’octave est censée faire un même jour avec la fête, cependant ceci induit en erreur dans l’octave des apôtres Pierre et Paul, dans laquelle on dit l’office des Martyrs ; car, bien que tous deux aient souffert ensemble et le même jour, l’Église ne solennise pas le même jour la fête de ces deux apôtres, comme nous le dirons au chapitre de leurs Fêtes. Or, l’office de l’un et de l’autre ne peut se faire dans l’octave, puisque tous deux n’ont qu’un seul jour pour octave ; il a donc fallu que dans leur octave se trouvât quelque office commun ; et comme leur martyre a été d’un mérite excellent, c’est pourquoi on dit en leur honneur l’office des Martyrs, quoique dans l’office même il soit fait mention des principaux actes de l’un et de l’autre. Cela induit encore en erreur dans l’octave de saint Laurent, qui se rendit surtout recommandable par trois choses, savoir sa charité à faire l’aumône, sa fermeté invincible dans la confession de la foi et son martyre spécial. Il est question de la première chose dans sa vigile, de la seconde dans sa fête, et c’est pour cela qu’il a fallu qu’il fût question de la troisième dans l’octave.

XLIX. Or, bien que dans la préface de la sixième partie nous ayons parlé des offices de l’Eglise, en commençant par l’Avent du Seigneur, temps de rénovation ; cependant, dans cette partie, adoptant une méthode plus simple, nous traiterons, en suivant le calendrier et à partir de janvier, de quelques festivités de l’année, y entremêlant successivement quelques festivités spéciales, savoir celles de SS. Fabien et Sébastien, de sainte Agnès, de la Conversion de S. Paul, de S. Julien, de sainte Agathe, de la Purification de la bienheureuse Marie, de la Chaire de saint Pierre, de l’Annonciation de la bienheureuse Marie, de saint Philippe et saint Jacques, de l’Invention de la sainte Croix, de la Révélation de S. Michel, de SS. Gervais et Protais, de saint Jean-Baptiste, de saint Pierre et saint Paul, de la fête des sept Frères, de saint Jacques, apôtre ; des sept Dormants, de saint Pierre-aux-Liens, des Machabées, de l’Invention de saint Etienne, de la Transfiguration du Seigneur, de saint Laurent, de l’Assomption de la bienheureuse Marie, de saint Barthélemi, de la Décollation de saint Jean, de SS. Félix et Audacte, de la Nativité de la bienheureuse Marie, de l’Exaltation de la sainte Croix ; de saint Mathieu, apôtre ; de saint Maurice et ses compagnons, du bienheureux Luc, des bienheureux Simon et Jude, de la fête de tous les Saints, de l’office des Morts, des quatre saints Couronnés, de saint Martin, de saint André, de saint Nicolas, du vénérable Bède, prêtre ; de saint Thomas, apôtre ; des fêtes de saints Etienne et Jean l’évangéliste, des Innocents, des Apôtres, des Évangélistes, des Martyrs, des Confesseurs, des Vierges, enfin de l’office de la fête de la Dédicace de l’Église.