Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Huitième livre/Chapitre 12

Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 198-206).


CHAPITRE XII.
DU TERME PASCAL.


I. On explique de trois manières le terme pascal. La première par les clefs de Moïse, la seconde par l’âge de la lune, la troisième par les tables manuelles. Nous les examinerons chacune. Parlons d’abord des clefs ; nous verrons ce que c’est que la clef, d’où elle tire son nom et son origine, et pourquoi elle a été inventée.

II. La clef est un nombre variable donné à l’année pour trouver le commencement des cinq fêtes mobiles, qui sont la Septuagésime, le Carême, Pâques, les Rogations et la Pentecôte. C’est pourquoi il y a cinq clefs, et chacune des fêtes précitées a trente-cinq jours, dans lesquels elle est toujours célébrée ; à partir du point de départ (a sede) de chaque clef, jusqu’au commencement de ces mêmes trente-cinq jours, on compte onze jours, comme on le verra plus tard. Et on dit clef par similitude ; car, de même que les clefs servent à ouvrir les portes, ainsi ce nombre nous indique le commencement desdites festivités. Or, ces clefs des termes tirent leur origine des dix-neuf années du cycle lunaire et des sept jours de la semaine ; d’où la première clef est 26. Les clefs des autres années sont ainsi formées : ajoutons toujours 19 de la clef de l’année précédente, et la somme nous donnera la clef de l’année suivante, si elle ne surpasse point 40. Si la somme surpasse 40, retranchons 30 ; le reste sera la clef de l’année suivante. Par exemple, la clef de la première année est 26, ajoutons-y 19, et nous aurons 45 ; retranchons-en 30, et il restera 15, qui est le nombre de la clef de l’année suivante ; et on les forme ainsi par ordre jusqu’à la dix-neuvième année, parce qu’on ne dépasse pas le nombre 19 : mais on revient à l’unité ; ce qui fait que le cycle des clefs du nombre d’or et des épactes ne diffère pas en quantité ; il diffère cependant au commencement, parce que le cycle des épactes commence à septembre, tandis que celui du nombre d’or et des clefs commence à janvier. C’est pourquoi, si nous voulons savoir le quantième de l’année, du cycle, du nombre d’or et des clefs, nous pouvons le savoir par la division des années du Seigneur, faite plus haut, au chapitre de l’Epacte. Après avoir trouvé le quantième de l’année des clefs, nous pouvons savoir qu’elle est la clef de cette année par cette autre méthode : le nombre qui reste de la division des années du Seigneur doit être compté sur l’extrémité des cinq doigts, en commençant par le pouce ; et si le nombre se termine au pouce, nous devons ajouter 25, et la somme qui en résultera, sera la clef de cette année. Mais si le nombre se termine à l’index, nous devons ajouter 13 ; 13 encore, si c’est au doigt du milieu ; 19, si c’est à l’annulaire ; 7, si c’est à l’auriculaire. Si la somme provenant de là =40, nous en retrancherons 30, et le reste sera la clef. Cette addition est renfermée dans ces vers :

Viginti quinque Iredecim, plus esse tricenos,
Unde vicena epa, digitis pro clavibus apta.

III. Le siège des clefs ne se trouve jamais dans le calendrier que sur la lettre G. Donc la première lettre G, de janvier, est la clef de la Septuagésime. La dernière lettre G, du même mois, est la clef du Carême ; la seconde lettre G, de mars, est la clef pascale ; la troisième lettre G, d’avril, est la clef des Rogations ; la dernière lettre G, d’avril, est la clef de la Pentecôte ; d’où ces vers :

Ultima G, prima Jani, Martisque secunda,
Aprilis terna tibi signat, et ultima clavem.

Donc, après avoir obtenu la clef de l’année, commence à supputer depuis le siège de la clef, et complète-la en procédant par ordre et en suivant les jours du calendrier, et où elle se terminera, là sera le terme de la solennité ; de telle sorte que le commencement de la solennité dont c’est la clef (dont tu as la clef) sera le plus proche dimanche, en suivant. Mais les Rogations commencent le jour suivant de la lune (le second jour) ; et si l’on est dans le bissexte, il faut ajouter un jour à chaque clef.

IV. Nous pouvons encore savoir les termes pascals par l’âge de la lune, dont nous suivons la méthode suivant la coutume des Juifs. Voici la règle que l’on donne à ce sujet : Prends la lune au point où elle est à la fête de l’Epiphanie et complète-la, en suivant par ordre les jours du calendrier jusqu’à quarante, et jusqu’à quarante-un si l’année est bissextile ; le plus proche dimanche suivant sera le commencement de la Septuagésime. D’où ces vers :

A festo Stellœ numerando perfice lunam.
Quadraginta dies post Septuagesima fiet.
Bissextus, quando fuerit, superadditur unus.
Si cadit in lucem Domini. tune sume sequentem.
Si cadit in feriam septenam, fitque bissextus,
Linque diem Domini, primum, sumasque secundum.

 « Complète la lune, en comptant à partir de la fête de l’Étoile.
Quarante jours après, viendra la Septuagésime.
Quand le bissexte se rencontre, on ajoute un jour.
S’il tombe un jour de dimanche, prends le jour suivant.
Si le bissexte a lieu et tombe un samedi,
Laisse le premier dimanche, et prends le second. »

Or, une fois que l’on connaît la Septuagésime, on peut facilement trouver les termes des fêtes mobiles. Car, depuis la Septuagésime jusqu’à la Quadragésime, il y a trois semaines entières. Depuis le Carême ou Quadragésime jusqu’à Pâques, il y a six semaines entières ; depuis Pâques jusqu’au lundi des Rogations, il y a cinq semaines et un jour ; depuis Pâques jusqu’à la Pentecôte, cinq fois dix jours ou cinquante jours.

V. Tu peux encore connaître le terme pascal par ces vers :

Post nonas Martis, ubi sit nova, luna require,
Tertia lux Domini proxima Pascha tenet.

« Après les nones de mars, cherche oh se trouve la nouvelle lune. Pâques se trouvera le troisième dimanche le plus prochain. »

De plus, quand on rencontre le quatorzième de la lune après le douze des calendes d’avril, on célèbre Pâques, le dimanche qui en est le plus proche. De même, à la fête de saint Benoît, ou le douze des calendes d’avril, prends la lune, telle qu’elle était aux calendes de janvier, et suppute —la jusqu’à son vingt-quatrième jour, là se trouvera la pâque des Hébreux.

VI. De plus, depuis le huit des ides de mars jusqu’aux nones d’avril, il y a vingt-neuf jours. Or, en celui de ces jours où sera la première lune, il faut l’amener jusqu’à son treizième jour, et là sera la pâque des Hébreux. Il y a encore un autre moyen de trouver Pâques par l’âge de la lune, en ce que si la lune a un jour, Pâques sera le premier dimanche après les nones d’avril ; si la lune a deux jours, Pâques sera le premier dimanche après le huit des calendes d’avril ; si la lune a trois jours, Pâques sera le premier dimanche après les ides d’avril ; si elle a quatre jours, il sera le premier dimanche après les nones d’avril ; si elle en a cinq, il sera le premier dimanche après le onze des calendes d’avril ; si elle en a six, le dimanche après le quatre des ides d’avril ; si elle en a sept, ce sera le dimanche après le trois des calendes d’avril ; si elle en a huit, ce sera le premier dimanche après le quatorze des calendes de mai ; si elle en a neuf, ce sera le premier dimanche après le sept des ides d’avril ; si elle en a dix, ce sera le premier dimanche après le six des calendes d’avril ; si elle en a onze, ce sera le premier dimanche après le dix-sept des calendes de mai ; si elle en a douze, ce sera le premier dimanche après la veille des nones d’avril ; quand elle en a treize, Pâques se trouve le premier dimanche après le neuf des calendes d’avril ; si elle en a quatorze, c’est le premier dimanche après le deux des ides d’avril ; si c’est le quinze, ce sera le premier dimanche après les calendes d’avril ; si c’est le seize, ce sera le premier dimanche après le douze des calendes d’avril ; si c’est le dix-sept, ce sera le premier dimanche après le cinq des ides d’avril ; quand c’est le dix-neuf, Pâques se trouvera après le quinze des calendes de mai.

VII. Quelques-uns, comme Denys, Isidore et autres, fabriquent des tables manuelles pour trouver les termes pascals. Nous ne jugeons pas à propos de les donner présentement, de peur que la difficulté ne devienne trop forte et trop pesante. Les vers suivants que nous avons écrits ou composés suffiront pour le présent :

Esse gravem nobis bello karmen kaveamus,
Bellum sape gerens, etiam puto dejicit hostem ;
Mox unimœ lucrum invenies cum religiosis.

Dans ces vers il y a dix-neuf mots pour les dix-neuf années du cycle lunaire : le premier pour la première ; le second pour la seconde, et ainsi par ordre, en commencant par la première année du cycle. Tous les jours d’avril correspondant à toutes les premières lettres, dans l’ordre de l’alphabet, qui ne se terminent point en M, en supputant à partir du commencement du mois jusqu’à la fin, seront le terme de la pâque des Hébreux, c’est-à-dire le quatorzième de la lune ; et le prochain dimanche suivant sera le jour de notre Pâques ; or, cela a été dit avec détail dans la sixième partie, où nous avons traité de la Pâque. Là encore on démontre jusqu’à l’évidence pourquoi la résurrection du Seigneur est inscrite dans le calendrier au cinq des calendes d’avril. Or, si le mot se termine en M, tout le jour de mars, en supputant à partir de la fin du mois en allant vers le commencement, qui correspondra à l’ordre numéral de la première lettre dans l’alphabet, sera le terme pascal des Juifs ; et le premier dimanche qui se rencontrera ensuite, en descendant vers la fin, sera notre Pâques, en observant avec le plus grand soin que carmen et caveamus, dans les vers précités, doivent être écrits par K, et hostem, par H, qui en cet endroit est considérée comme lettre. On peut encore, d’une autre manière, trouver Pâques avec facilité : Place à la marge de ton calendrier le nombre d’or suivant, c’est-à-dire auprès du douze des calendes d’avril, place seize ; auprès du onze des calendes, place cinq ; auprès du neuf des calendes, place treize ; auprès du huit, deux ; auprès du six, dix ; auprès du quatre, dix-huit ; auprès du trois, sept ; de même, auprès des calendes d’avril, quinze ; auprès du quatre des nones d’avril, quatre ; auprès du deux des nones, douze ; auprès des nones, un ; auprès du six des ides, dix-neuf ; auprès du cinq des ides, dix-sept ; auprès du quatre des ides, six ; auprès du deux des ides, quatorze ; auprès des ides, trois ; auprès du dix-sept des calendes de mai, onze ; auprès du quinze des calendes, dix-neuf ; auprès du quatorze, huit.

VIII. Or, si tu veux trouver le terme de Pâques, ajoute un aux années alors courantes du Seigneur ; ensuite divise-les autant de fois que tu pourras par dix-neuf, de telle sorte qu’il n’y ait point de reste ; ou recours à ton calendrier, et le jour auprès duquel tu trouveras marqué dix-neuf sera la pâque des Hébreux, qu’ils célèbrent toujours à la quatorzième lune ; et, le dimanche suivant, aura lieu notre Pâques. Mais s’il y a un reste au dernier membre de la division par dix-neuf, par exemple cinq, dix ou quinze, alors la pâque des Hébreux sera le jour auprès duquel tu trouveras écrit cinq, dix ou quinze, et ainsi des autres nombres et jours précités ; et le dimanche suivant sera notre Pâques, qui ne peut être célébrée avant le onze des calendes d’avril, ni après le sept des calendes de mars : par exemple, nous sommes en l’année du Seigneur mil deux cent quatre-vingt-six, dont mil deux cent soixante-treize sont exactement divisés par dix-neuf ; il reste donc treize du nombre précité, auquel on ajoute un, ce qui donne quatorze. Or, là où tu trouveras ce nombre dans ton calendrier, là sera en cette année la pâque des Juifs ; mais, l’année suivante, elle sera là où tu trouveras écrit le nombre quinze, et ainsi jusqu’à dix-neuf. Ensuite on revient à la première année du cycle ; et il en sera ainsi indéfiniment.

IX. C’est encore de la même manière que tu pourras trouver le terme de la Septuagésime. En effet, place à la marge de ton calendrier, auprès du seize des calendes de février, le nombre dix-huit ; ensuite, sur la même ligne, place dix-neuf auprès du quinze des calendes de février ; place cinq auprès du treize des calendes, treize auprès du douze, deux auprès du dix, dix auprès du huit, huit auprès du sept ; auprès du cinq, quinze ; auprès du quatre, quatre ; auprès du deux, douze. De même, auprès des calendes de février, place dix-neuf ; auprès du trois des nones de février, six ; auprès du six des ides, trois ; auprès du cinq, trois ; auprès du trois, onze ; auprès des ides, dix-neuf ; puis, divisant les années du Seigneur par dix-neuf, comme il a été dit auparavant, vois le nombre qui reste sur dix-neuf ; et quand tu le trouveras dans le calendrier, là se trouvera le terme de la Septuagésime, qui est toujours à la onzième lune, et le dimanche suivant nous célébrons la Septuagésime, qui ne peut être avant le quinze des calendes de février, ni après le neuf des calendes de mars. Ainsi le Carême ne peut être avant le six des ides de février, ni après le deux des ides de mars.

X. On peut trouver de la même manière le terme de la Pentecôte. Place à la marge de ton calendrier, auprès du sept des ides de mai, seize ; auprès du cinq, quatre ; auprès du treize, trois ; auprès du deux des ides, le dix des ides. De même, auprès du dix-sept des calendes de juin, dix-huit ; auprès du quinze, sept ; auprès du treize, quinze ; auprès du dix, trois ; auprès du douze, douze ; auprès du neuf, un ; auprès du sept, dix-neuf ; auprès du cinq, douze ; auprès du quatre, six ; auprès du deux, quatorze. De même, auprès des calendes de juin, trois ; auprès du trois des noues, onze ; auprès des noues, dix-neuf ; auprès du huit des ides, huit. Après avoir divisé les années du Seigneur par dix-neuf, cherche dans les lieux précités du calendrier le nombre qui restera sur dix-neuf, et là où tu l’auras trouvé, ce sera la Pentecôte des Hébreux, qui se trouve toujours dans la quatrième lune ; et le dimanche suivant sera notre Pentecôte, qui ne peut être avant le six des ides de mai, ni après les ides de juin, comme les Rogations ne peuvent être avant le sept des calendes de mai, ni après le trois des calendes de juin.

XI. On peut encore trouver autrement la Pâque, par cette table :

5, 15, 13, 2, 20, 2, 10, 30, 10, 8, 7, 17, 15, 4, 24, 12, 1, 21, 9, 29, 10, 7.

Ces nombres représentent certains jours d’avril et de mars dans lesquels arrive la pâque des Hébreux, en comptant ces jours à partir du commencement de ces mois précités ; de telle sorte que les nombres au-dessous de vingt correspondent à avril, et les nombres au-dessus de vingt correspondent à mars. Cette table signifie que, dans la première année du cycle lunaire, la pâque des Hébreux se trouve dans le cinquième jour d’avril commençant (intrantis). Dans la seconde année du même cycle, elle se trouve le quinzième jour de mars commençant, intrantis (ou à partir du commencement de mars) ; et ainsi des autres, jusqu’à ce que les nombres de cette table soient complétés ou achevés ; ensuite, on revient à la première année du cycle. Nous avons dit plus haut, au chapitre de l’Epacte, comment on trouve les années du cycle. Nous avons dit dans la sixième partie, au chapitre de la Fête de Noël, pourquoi les fêtes du Sauveur, excepté celle de Noël ou de la Nativité, sont mobiles. En dernier lieu, d’après saint Isidore, il faut savoir que, parmi les Latins et les Grecs, il y a sur le terme pascal une divergence qui vient de ce que les Latins recherchent la lune depuis le trois des nones de mars jusqu’au trois des nones du premier mois d’avril ; et si le quinzième de la lune se trouve être un dimanche, ils remettent Pâques à un autre dimanche, comme il a été dit ci-dessus. Mais les Grecs comptent la première lune à partir du huit des ides de mars jusqu’au neuvième jour d’avril.