Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Huitième livre/Chapitre 06

Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 183-185).


CHAPITRE VI.
DU JOUR.


I. Quoique déjà plus haut on ait dit quelques mots du jour dans un grand nombre d’endroits, néanmoins on en parlera ici plus spécialement. Il faut donc savoir qu’il y a deux jours, savoir le jour naturel et le jour artificiel ou usuel. Le jour naturel est le laps de temps pendant lequel le soleil fait sa révolution autour de la terre d’orient en occident, c’est-à-dire le temps du jour et de la nuit, qui renferme toujours vingt-quatre heures. Le mot jour vient a Diis, des Dieux, dont les Romains donnèrent les noms à quelques astres ; d’où vient qu’anciennement chaque jour était appelé du nom de quelque dieu, par exemple de Jupiter et des autres, comme on l’a dit au chapitre de la Semaine. Ou bien dies, jour, vient de duô, qui signifie deux, parce que le jour contient deux temps distincts, savoir la nuit et le jour usuel. On a dit quand commence le jour, dans la préface de la septième partie. Le jour artificiel est l’espace de temps que le soleil demeure sur notre hémisphère, depuis son lever jusqu’à son coucher ; et le jour, selon que le soleil monte et descend, croît et décroît également. On appelle encore le jour claritas, la clarté ; puis l’on dit usuel ou artificiel, parce que ce temps seul convient aux travaux et à l’exercice des diverses professions. L’autre partie de la nuit se dit nox, nuit, a noceo, je nuis, parce qu’elle nuit à la vue et est défavorable aux divers travaux. C’est pourquoi elle est appelée jour, à cause de la meilleure partie, et sans qu’on fasse mention de la nuit, d’après ces paroles : « Et le soir et le matin formèrent un jour. »

II. De plus, il y a trois parties du jour, selon saint Isidore, savoir le matin, le midi et la dernière partie du jour. Le matin a lieu quand la lumière est pleine et entière et que le crépuscule n’existe déjà plus. On dit meridies, midi, comme si l’on disait medidies, la moitié du jour, ou parce qu’alors le jour est plus pur. Suprema est la dernière partie du jour. La nuit est divisée en sept parties, savoir : vespera, le soir ; crepusculum, le crépuscule ; conticinium, le temps le plus calme de la nuit ; intempestum, le temps où la nuit est profonde [et dangereuse] ; gallicinium, le moment oh chante le coq ; matutinum, le matin ou le point du jour. Le soir se dit a vespere, vesper, étoile occidentale qui précède les ténèbres qui viennent à sa suite ; et on dit ténèbres, comme si l’on disait tenentes umbram, tenant l’ombre. Le crépuscule se dit dubia lux, lumière douteuse, c’est-à-dire entre la lumière et les ténèbres. Le conticinium a lieu quand toute la nature est plongée dans le silence ; l’intempestum a lieu à minuit, quand on ne peut rien faire et que tous gardent le silence ; c’est comme si l’on disait importunum, temps fâcheux, incommode. On dit gallicinium, à cause du chant des coqs, les héraults de la lumière. Le mutin, matutinum, se trouve entre la retraite des ténèbres et l’apparition de l’aurore. Le point du jour, diluculum, se dit dans le sens d’une faible lumière qui commence et de l’aurore qui précède le soleil. Car l’aurore est le commencement du jour effectif et brillant.

III. Et remarque que, parmi les jours, les uns sont sidéraux, siderales (qui concernent les astres), et ce sont ceux dans lesquels les astres font leur révolution, marchent, moventur, et qui empêchent les hommes de naviguer ; les autres concernent les combats ou sont favorables pour la guerre, prœliales, dont il est question dans le livre des Rois ; et ce sont ceux dans lesquels les rois ont coutume d’aller à la guerre ; les autres intercalares, intercalaires, ajoutés ; ce sont ceux que nous savons se trouver en surplus des douze mois ; les autres caniculaires, les autres solstitiaux, les autres équinoxiaux ; et nous en avons déjà parlé ; les uns fastes, fausti, où la faveur souffle, les jours favorables ; les autres néfastes, qui leur sont tout contraires ; les autres sont les jours de fête, festivi, comme les jours des azymes, ouvrables, comme si l’on disait procul a festis, loin des fêtes, comme si l’on disait feriales, fériaux. D’autres sont appelés jours mauvais, parce que les hommes éprouvent plus de maux et d’affliction qu’à l’ordinaire dans ces jours ; c’est de là que l’Apôtre dit : « Rachetons le temps, parce que les jours sont mauvais. » Les bons jours sont tout le contraire. D’autres sont égyptiens ; nous en avons parlé plus haut. Il y a aussi le jour du salut ; c’est celui dans lequel le Seigneur est venu pour nous sauver. Il y a encore le jour du jugement, dans lequel le Seigneur viendra pour juger les hommes. Pour les bons ce sera un jour d’allégresse, et pour les méchants un jour de calamité et de misère.

IV. Le moment est un temps fort court et très-petit, ainsi nommé du mouvement des astres ; c’est la dernière ou une des dernières fractions de l’heure, divisée en courts intervalles ; ce qui a lieu quand un instant vient après un autre et lui succède. Selon saint Isidore, ôra est un mot grec, et cependant a le même son en latin (ou est aussi un mot latin) ; et c’est une division du temps (ou un terme qui exprime le temps), finis temporis. On a dit, dans le commencement de cette partie, combien le jour naturel renferme d’heures.