Rational (Durand de Mende)/Volume 2/Quatrième livre/Chapitre 23

Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 2p. 128-129).


CHAPITRE XXIII.
DU CHANGEMENT DE PLACE DU PRÊTRE.


I. Le prêtre se tiendra assis au côté droit de l’autel et sans parler, jusqu’à ce que l’épître soit lue et pendant que le chœur chante le graduel : c’est pour faire entendre que lorsque Jean prêchait, le Christ, en quelque sorte, se taisait, parce qu’il ne prêchait pas encore ouvertement. Mais le prêtre se lève quand il va dire l’évangile, parce que, comme l’Évangéliste nous l’apprend, lorsque Jean eut été mis en prison par Hérode, Jésus vint en Galilée pour prêcher la bonne nouvelle du royaume de Dieu (evangelium regni Dei). Et comme il n’est permis qu’au vainqueur de s’asseoir, quand le prêtre s’asseoit il représente à juste titre la victoire du Christ, qui, après avoir jeûné, vainquit le diable, qui, après l’avoir vainement tenté, le laissa, et en même temps les anges s’approchèrent de lui et ils le servaient. Donc, après le chant de la séquence le prêtre se lève et vient au côté gauche de l’autel, où il lit l’évangile, pour marquer que le Christ n’est pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, comme il l’a dit lui-même dans l’Évangile : « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien, mais les malades qui ont besoin de médecin » ( II, quœst. i, Multi). Or, le côté droit marque les justes, et le côté gauche les pécheurs, et c’est pourquoi au jugement le Seigneur mettra les brebis à droite et les boucs à gauche, comme on l’a dit au chapitre de l’Oraison ou Collecte.

II. Il en est cependant qui ont dit qu’au commencement de la messe le prêtre allait à droite de l’autel, lorsqu’il lit l’évangile il va à gauche, et que vers la fin il retourne encore à droite, parce que le culte de Dieu fut d’abord le partage du peuple juif, qui alors était à droite ; ensuite les Juifs, ayant perdu la foi et méprisant la parole de Dieu, dont ils étaient indignes, le culte de Dieu passa aux Gentils, chez qui les apôtres portèrent leurs pas, et alors les Juifs furent à gauche, et, vers la fin du monde, ce culte retournera aux Juifs, prêchés par Enoch et Elie, qui réuniront les cœurs des pères avec leurs enfants, parce qu’en ces jours-là Juda sera sauvé et les restes d’Israël aussi, car le Christ, qui avait d’abord dit : « N’allez pas au milieu des Gentils, » fit ensuite cette recommandation à ses apôtres : « Allez par tout l’univers. » Donc, parce que la parole de Dieu a été portée à ceux qui étaient placés à gauche, pendant que la rosée mouilla toute la terre, à l’exception de la toison de Gédéon, qui resta sèche, c’est avec raison qu’on lit l’évangile à gauche de l’autel, comme on le dira dans le chapitre suivant. Sur quoi l’on a fait ces vers :

« Voici pour quelle raison le prêtre qui célèbre le saint sacrifice, au commencement et à la fin se tient à droite de l’autel, et au milieu de la messe passe à gauche :

« Le côté droit figure les Juifs ; le côté gauche les Gentils.

« Notre foi a commencé par eux, elle nous a été ensuite apportée.

« Elle leur sera rapportée un jour, et alors tous les hommes auront une seule et même foi. »

Et, comme le prêtre qui lit l’évangile représente la personne du Christ, qui n’a pas prêché aux Gentils, mais aux Juifs, selon ce qu’il dit lui-même dans l’Évangile : « Je n’ai été envoyé que pour ramener les brebis d’entre Israël qui se sont égarées, » que celui qui entend ces paroles en pèse prudemment le sens parfait. On a parlé de cela au chapitre qui a pour titre : Comment l’Evêque ou le Prêtre et ses Ministres doivent se tenir devant l’autel. A quelque partie de l’autel où le célébrant se transporte, ses assistants doivent le suivre par derrière, comme on l’a dit dans le chapitre précité.