Rational (Durand de Mende)/Volume 2/Quatrième livre/Chapitre 03

Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 2p. 29-32).


CHAPITRE III.


LE CÉLÉBRANT SE PEIGNE LES CHEVEUX ET SE LAVE LES MAINS.


I. Le pontife, aussi bien que le prêtre, ayant mis ses chausses et ses sandales, se peigne la tête et se lave les mains et le visage. Or, dans l’ancienne loi le prêtre qui se disposait à offrir le sacrifice se lavait d’abord les mains et les pieds, puis mettait une chaussure appelée manastasis, dont aujourd’hui les sandales tiennent lieu ; nous avons parlé du manastasis dans la troisième partie, au chapitre des Vêtements de l’ancienne loi.

II. Donc, le prêtre se peigne la tête et se lave la figure : Premièrement, pour suivre l’exemple de Marie, qui, pour figurer la future passion du Christ, oignit sa tête d’huile ; et, en effet, l’office de la messe est la représentation de la passion du Christ. Deuxièmement, c’est pour obéir au commandement du Christ, qui dit : « Pour toi, quand tu jeûnes, oins ta tête et lave ta figure, » marquant ainsi que dans nos œuvres pies nous devons écarter de nous tout mensonge et toute dissimulation. Troisièmement, le prêtre se peigne la tête, car les cheveux signifient les pensées superflues et la curieuse sollicitude des choses terrestres ; la tête, c’est l’esprit (mens) et l’intention qui domine tous les actes de l’ame, comme la tête est au-dessus de tous les autres membres. Donc, les cheveux sont convenablement lissés par le peigne et mis en ordre, et ceux qui tombent sont relevés, pour marquer que, surtout au moment de s’approcher de l’autel, le prêtre doit ranger ses mœurs et chasser loin de lui les pensées superflues, selon cette parole du Prophète : « Débarrassez-vous du mauvais fardeau de vos pensées, » et que son esprit doit, par un discernement prévoyant, être séparé, tranquillisé et purgé à l’égard des soins de la terre et être orné par les vertus.

III. Or, le peigne, à cause de ses dents symétriquement taillées et disposées en rang, marque la discrétion qui doit servir à la parure de l’intention de l’ame, comme le peigne sert à accommoder les cheveux sur la tête.

IV. Le prêtre lave aussi ses mains, par respect pour un si grand sacrement et afin de s’en approcher avec une très-grande pureté, ce qui a fait dire à [saint] Grégoire (in Pastoral., lib. I, cap. XII) : « Il est nécessaire que celui dont la charge est de nettoyer ce qui est sale s’applique à avoir la main propre. » Il lave donc ses mains, selon le sens corporel, pour purifier ses actions au point de vue spirituel, selon ce que dit ce psaume : Lavabo inter innocentes manus meas, etc., pour qu’on ne le voie pas s’approcher de la table céleste avec des mains sales ; non pas que la saleté des mains souille les divins sacrements, mais c’est que celui qui mange et boit sans en être digne, mange et boit son jugement. Voilà pourquoi nous lisons dans l’évangile de [saint] Mathieu : a Manger avec les mains sales ne souille pas l’homme, mais ce qui sort de la bouche et du cœur, savoir : les mauvaises pensées ; les homicides, et les adultères et autres crimes de cette espèce, voilà ce qui souille l’homme. » Il faut donc s’efforcer, avec un grand soin, de nettoyer non pas tant les souillures extérieures des mains que les souillures intérieures de l’esprit.

V. Le lavement des mains tire son origine de l’ancienne loi, comme on Fa dit ci-devant, car on lit dans les chap. xxx, xxxviii et xl de l’Exode, que Moïse fit un bassin d’airain avec les miroirs des femmes, dans lequel se lavaient les prêtres à l’entrée du tabernacle du Témoignage, lorsqu’ils devaient aller devant l’autel. Or, le bassin d’airain retentissant marque la confession des péchés, l’autel d’or l’amertume de l’ame, les miroirs des femmes la méditation de la vie des saints.

VI. Que le prêtre donc, avant de venir à l’autel, se lave par la confession ou dans les larmes de la pénitence ; qu’il se purifie (se purget) par l’amertume de l’esprit ; qu’il se réforme par la méditation de la vie des saints. Touchant le premier de ces devoirs, il est dit : « Soyez purs, vous qui portez les vases du Seigneur. » Pour le second : « Purgez-vous du vieux levain, etc. » Pour le troisième : « À la lumière qui marche devant nous, déposons tout pesant fardeau et fuyons le péché qui nous environne. » Le prêtre doit agir ainsi afin de se mettre du nombre des innocents, qui disent, la tête et la voix en haut : « Juge-moi, Seigneur, parce que j’ai marché dans mon innocence, etc. » Et plus bas : « Je laverai mes mains dans la compagnie des innocents, et je me tiendrai, Seigneur, autour de ton autel. » Ensuite le prêtre s’essuie les mains avec une serviette, parce qu’après avoir versé les larmes de la contrition il doit abhorrer le péché et le détruire par les œuvres satisfactoires. Le lin, dont la serviette est faite, arrive à sa blancheur par le travail qu’il subit, et les pénitents arrivent à la gloire éternelle par la satisfaction. La toilette des cheveux, des mains et de la figure n’est pas un raffinement de la volupté ; mais le Seigneur même en a donné l’injonction aux prêtres de l’ancienne loi, et elle est toute symbolique[1].

  1. Comme le prouve, entre autres exemples, la prière qu’on trouve dans l’ancien Pontifical de Paris, et que devait réciter le célébrant en se peignant : Intus exteriusque caput nostrum totumque corpus et mentem meam, tuus, Domine, purget et mundet Spiritus almus ; « Que ton Esprit saint, ô Dieu ! purifie intérieurement et extérieurement notre tête, mon corps, et mon ame tout entière. »