Rational (Durand de Mende)/Volume 1/Préface de Durand

Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 1p. 1-10).


PRÉFACE.


I. Toutes les choses qui appartiennent aux offices, aux usages ou aux ornements de l’Église, sont pleines de figures divines et de mystères, et chacune, en particulier, débordent d’une douceur céleste, lorsque toutefois elles rencontrent un homme qui les examine avec attention et amour, et qui sait tirer le miel de la pierre et l'huile du plus dur rocher. Qui connaît cependant l’ordre du ciel, et en appliquera les règles à la terre ? Certes, celui qui voudrait en scruter la majesté serait écrasé par sa gloire ; car c'est un puits profond, et je n’ai pas de quoi y puiser, à moins que celui qui donne à tous abondamment, et sans le leur reprocher, ne me présente le vase nécessaire, afin que je boive plein de joie, aux fontaines du Sauveur, l’eau qui coule au milieu des montagnes[1]. Cependant, on ne peut donner la raison de tout ce qui nous a été transmis par nos ancêtres, puisqu’il faut même en ôter ce qui n’a pas de raison. C’est pourquoi donc, moi, Guillaume Durand, nommé évêque de la sainte Église de Mende, par la seule permission de Dieu, je frapperai et je ne cesserai de frapper à la porte, si toutefois la clé de David daigne me l’ouvrir, afin que le roi m’introduise dans le cellier où il garde son vin et où me sera révélé le modèle divin qui fut montré à Moïse sur la montagne, jusqu’à ce que je puisse expliquer, en termes clairs et précis, ce que signifient et ce que renferment toutes les choses qui se rapportent aux offices, aux usages ou aux ornements de l’Eglise, et en fixer les règles ; après que cela m’aura été révélé par celui qui rend diserte la langue des enfants et dont l’esprit souffle où il veut, le distribuant à chacun comme il lui plaît, pour la louange et pour la gloire de la Trinité.

II. En effet, nous prenons ici les sacrements pour des signes ou des figures ; mais ces figures ne sont pas les vertus, mais les signes des vertus, et l’on s’en sert comme d’une parole écrite pour les enseigner. Parmi ces signes, les uns sont naturels, les autres positifs ; sur quoi l’on dira ce que c’est qu’un sacrement, dans la quatrième partie de cet ouvrage, sous la septième particule du canon, au mot mysterium fidei (mystère de foi).

III. Or, les prêtres et les prélats de l’Église, auxquels il a été donné de connaître les mystères, comme on le lit au chapitre VIII de saint Luc, et qui sont les distributeurs et les dispensateurs des sacrements, doivent avoir l’intelligence des sacrements et briller par les vertus qu’ils représentent, afin que par leur éclat les autres soient éclairés et illuminés ; sans cela, ce sont des aveugles qui conduisent d’autres aveugles, selon cette parole du prophète : « Leurs yeux sont obscurcis, et ils ne voient pas. » Mais (ô douleur !), cependant, aujourd’hui, il y en a beaucoup qui n’ont guère l’intelligence des choses d’un usage quotidien, qui appartiennent aux coutumes de l’Église et servent aux offices, et ne savent pas ce qu’elles signifient, ni pourquoi elles ont été instituées ; de telle sorte que cette parole du prophète paraît être accomplie en eux à la lettre : « Le prêtre sera comme le peuple, » car ils portent les pains de proposition et les mystères à la table du Seigneur sans les comprendre et sans les regarder ; de sorte que, sans aucun doute, ils seront considérés, par un juste jugement de Dieu, comme des bêtes de somme qui portent une nourriture que d’autres sont destinés à manger. Ils devront rendre compte de cette ignorance au jour de vengeance et de colère ; et, alors que les cèdres du paradis trembleront, que fera donc le roseau du désert ? Car il leur a été dit par le prophète : « Ils n’ont pas connu mes voies, et je leur ai juré dans ma colère qu’ils n’entreront pas dans mon repos ! »

IV. Or, les professeurs des arts libéraux, quels qu’ils soient, font tous leurs efforts pour revêtir de causes et de raisons les choses contenues dans ces arts d’une manière nue et peut-être sans couleur, et ils cherchent à les colorer et à les embellir. Les peintres aussi, et tous les hommes quels qu’ils soient ;, artisans ou ouvriers, s’appliquent à des détails de tout genre, à donner de leur profession ou de leur art des raisons vraisemblables et des causes, et à les avoir sur-le-champ. Et aussi, selon les lois mêmes du monde, il est honteux à un patricien et à un avocat d’ignorer le droit, dans lequel il doit être très-versé, puisqu’il veut en faire l’occupation de toute sa vie.

V. Mais, quoique la science soit très-nécessaire aux prêtres, puisqu’ils sont destinés à enseigner les autres, il ne faut pas cependant estimer moins les prêtres ignorants que les savants dans la science de l’école, selon cette parole de l’Exode : « Tu ne mépriseras pas les juges de la loi. » C’est pourquoi, selon saint Augustin, on ne se moquera pas si par hasard on entend quelques évêques et ministres de l’Eglise invoquer Dieu en termes barbares ou corrompus, ou si l’on s’aperçoit qu’ils ne comprennent pas même les paroles qu’ils prononcent, ou qu’ils ne les distinguent que confusément, et il ne faut pas que ceux qui savent cela en reprennent ces personnes ; mais ils doivent les supporter avec charité et bonté. Quant à ce que les prêtres doivent savoir, nous le dirons dans la seconde partie de cet ouvrage, au Traité du prêtre.

VI. Mais pourtant on ne voit pas que ce qui a lieu dans les usages et dans les offices de l’Église se fasse dans un sens figuré, tant parce que les figures se sont évanouies, et que c’est aujourd’hui le temps de la vérité, que parce que nous ne devons pas judaïser ; mais, bien qu’effectivement les figures dont la vérité s’est révélée aujourd’hui se soient enfuies, cependant encore beaucoup de vérités que nous ne voyons pas sont cachées dans l’ombre, et c’est pour cela que l’Église se sert encore de figures. Ainsi, par les vêtements blancs, nous comprenons en quelque sorte la beauté de nos âmes, c’est-à-dire la gloire de notre immortalité que nous ne pouvons voir manifestement ; et dans la messe, et avant la préface, nous représentons les préliminaires de la passion du Christ, afin que les circonstances de ce fait s’impriment dans la mémoire plus fermement et plus fidèlement.

VII. Et il est à remarquer que des choses qui sont contenues dans la loi, les unes sont morales, les autres mystiques. Les morales sont celles qui forment les mœurs, et elles doivent être comprises ainsi que les paroles mêmes les expriment, comme par exemple : « Tu chériras ton Dieu, honore ton père, tu ne tueras pas, » et ainsi du reste. Les mystiques sont les choses figurées qui signifient autre chose que ce que la lettre dit : « De ces choses mystiques, les unes sont sacramentales, les autres cérémoniales. » Les sacramentales sont celles dont on peut donner la raison ; c’est pourquoi elles ont été ainsi ordonnées à la lettre, comme ce qui regarde la circoncision, l’observance du sabbat et d’autres choses de ce genre. Mais les cérémoniales sont celles dont on ne peut rendre compte, parce qu’elles sont de précepte, comme par exemple : « Tu ne laboureras pas avec le bœuf et l’âne ; tu ne porteras pas un habit tissu de lin et de laine ; tu n’ensemenceras pas ton champ de diverses semences, et autres choses de ce genre. »

VIII. Et, en tant que dans les choses morales, la loi ne subit pas de changement ; mais, en tant que dans les choses sacramentales et cérémoniales, elle a été changée à la superficie de la lettre seulement ; mais cependant leur sens mystique n’a pas changé. C’est pourquoi l’on ne dit pas que la loi est changée, bien qu’elle ait été transplantée dans nous par le sacerdoce.

IX. Il faut savoir aussi que, dans les divines Écritures, il y a le sens historique, allégorique, tropologique et anagogique. C’est pourquoi, selon Boëce, toute l’autorité divine est placée, ou dans le sens historique, ou dans le sens allégorique, ou enfin dans l’un et dans l’autre sens ; et, selon saint Jérôme, nous devons examiner la divine Écriture de trois manières : premièrement, selon la lettre ; secondement, selon l’allégorie, c’est-à-dire le sens spirituel ; troisièmement, selon le bonheur des biens à venir. L’histoire est le sens des paroles attaché aux choses ; par exemple, quand un fait, quel qu’il soit, est rapporté entièrement comme il s’est passé selon la lettre, ainsi comment le peuple israélite, sauvé d’Égypte, fit et éleva un temple au Seigneur. Le mot histoire vient de istorein, qui veut dire exprimer une chose par des gestes, et c’est pour cela que les historiens sont appelés gesticulateurs, comme les histrions(1).

X. L’allégorie existe quand un mot produit un son dont le sens est différent dans l’esprit, comme lorsque, par un fait, on a l’intelligence d’un autre : si l’objet désigné par le mot est visible, c’est simplement une allégorie ; s’il est invisible et céleste, alors on l’appelle anagogie. C’est encore une allégorie, quand, par une phrase étrangère, un état étranger est exprimé, comme lorsque la présence du Christ ou les sacrements de l’Eglise sont désignés par des paroles ou par des choses mystiques ; par exemple, comme en cet endroit : « Il sortira une tige de la racine de Jessé ; » ce qui veut dire clairement : « La vierge Marie naîtra de la race de David, qui fut fils de Jessé. » Et, pour les choses mystiques, par exemple, le peuple délivre de la servitude égyptienne par le sang de l’Agneau, cela signifie que l’Église a été arrachée de l’esclavage du démon par la passion du Christ ; et le mot allégorie vient de goron qui signifie en grec étranger, et de allo sens, comme si l'on disait : sens étranger.

XI. La tropologie est la conversion du discours aux mœurs, ou une façon de parler morale pour corriger et pour former les mœurs ; et on peut la considérer de deux manières : mystique ou claire. D’une manière mystique, comme en cet endroit : « Qu’en tout temps tes vêtements soient blancs, et n’oublie pas d’oindre ta tête d’huile ; » c’est-à-dire : « Que tes œuvres soient pures, et que la charité ne sorte jamais de ton âme. » Et en cet endroit : « Il faut que David tue en nous Goliath, » c’est-à-dire : « Que l’humilité tue l’orgueil. » D’une manière claire, comme ici : « Partage et romps ton pain avec celui qui a faim ; » et en cet autre endroit : « N’aimons pas de la langue ou en paroles, mais par nos œuvres et dans la vérité. » Le mot tropologie vient de tropos qui signifie conversion ou changement, et de logos parole, comme si l’on disait : une parole changée.

XII. Anagogie vient de ano en haut, et de agô je mène, comme si l’on disait : direction en haut. C’est pourquoi le sens anagogique est ainsi appelé, parce qu’il conduit des choses visibles aux invisibles ; ainsi, par exemple, la lumière faite le premier jour, signifie la chose invisible, c’est-à-dire la nature angélique créée au commencement. L’anagogie est donc l’expression d’un sens qui mène aux choses d’en-haut ou à l’Église, à savoir à la Trinité et aux ordres des anges, et parle, par des discours clairs ou mystiques, de la récompense future et de la vie à venir qui est dans les cieux. En termes clairs,, en cet endroit : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu. » En termes mystiques comme ici : « . Bienheureux ceux qui lavent leurs robes dans le sang de l’Agneau, parce qu’ils auront le pouvoir de cueillir le fruit de l’arbre de vie, et qu’ils entreront dans la cité par les portes. » Ce qui veut dire clairement : « Bienheureux ceux qui purifient leurs pensées, parce qu’ils auront le pouvoir de voir Dieu, qui est la voie, la vérité et la vie, et que, par la doctrine, c’est-à-dire par l’exemple des Pères, ils entreront dans le royaume des cieux. » De même, Jérusalem signifie historiquement la cité terrestre de ce nom, où se rendent les pèlerins, et allégoriquement c’est l’Église militante, et tropologiquement toute âme fidèle ; enfin, anagogiquement, la Jérusalem ou la patrie céleste. Touchant ces choses, on peut voir d’autres exemples dans les leçons qu’on lit le samedi saint, comme on le dira dans la sixième partie. Or, dans cet ouvrage, la plupart du temps les mêmes sens divers sont employés, et l’on passe alternativement de l’un à l’autre, ainsi que le lecteur assidu pourra le voir clairement.

XIII. Car, de même que personne n’est soumis à différentes exceptions ou défenses, de même aussi il ne lui est pas défendu d’expliquer, à la louange de Dieu, les cérémonies de l’Église de différentes manières, pourvu cependant que la foi demeure sans atteinte.

XIV. Il faut, en effet, considérer qu’on trouve un grand nombre d’usages différents dans la célébration du culte divin ; car presque chaque église a ses observances qui lui sont propres et abondent dans son sens, et l’on ne doit pas réputer comme une chose répréhensible ou absurde, de vénérer Dieu et ses Saints par divers concerts ou modulations et par différentes observances, puisque l’Église triomphante elle-même, selon le prophète, « est ornée de vêtements de diverses couleurs, » et que, dans l’administration même des sacrements de l’Église, la variété des cérémonies est tolérée par le droit de la coutume.

XV. Ce qui a fait dire à saint Augustin que nous avons reçu de l’Écriture sainte quelques-uns des enseignements de l’Église sur l’Office Divin, certains autres de la tradition apostolique, qui sont en dehors des Écritures et qui ont été confirmés par les successeurs des Apôtres ; d’autres aussi fortifiés par la coutume, et dont cependant l’institution est ignorée, mais qu’approuve l’usage et auxquels on doit l’obéissance ou l’observance.

XVI. L’esprit du lecteur ne s’étonnera donc pas s’il lit par hasard dans cet opuscule ce qu’il ne connaît pas être observé dans son Église, ou s’il n’y trouve pas ce qu’on y observe. En effet, nous ne traitons pas ici des choses spéciales à chaque endroit, mais des rites communs et les plus usités ; car nous avons résolu d’exposer la doctrine commune et non la particulière, et il ne nous est pas possible de rechercher et d’examiner les choses spéciales de tous les pays, quels qu’ils soient. C’est pourquoi nous avons décidé, pour le salut de notre ame et pour l’utilité des lecteurs, de révéler et d’expliquer ici, autant que cela nous sera possible, et dans un style clair, les mystères cachés des Divins Offices, et d’éclaircir ce qui nous a paru nécessaire d’être compris par les ecclésiastiques pour leur usage de chaque jour, et de l’expliquer intimement, en pénétrant jusqu’à la moelle du sujet, de même que, comme on le sait, je l’ai fait autrefois dans le Miroir Judiciaire, à l’usage de ceux qui jugent les affaires de ce siècle, hommes placés dans un état qui est tout l’opposé du premier.

XVII. Mais, cependant, il faut faire attention que, pour ce qui concerne même les Offices Divins, il y a plusieurs cérémonies d’observance qui ne se rapportent, par leur origine, ni au sens moral, ni au sens mystique ; mais quelques-unes à cause de la nécessité, certaines pour des raisons de convenance, d’autres à cause de la différence de l’ancienne et de la nouvelle loi, quelques-unes pour leur commodité ; d’autres, enfin, pour donner plus de pompe et imprimer plus de révérence à la célébration des Divins Offices, sont connues avoir passé à l’état de coutume. C’est pour cela, comme le dit le bienheureux Augustin, que les cérémonies des différents pays varient à l’infini, selon la diversité des mœurs et des usages ; de telle sorte que c’est à peine, ou même jamais entièrement, qu’on pourrait trouver les causes qui ont déterminé les hommes à les établir et à les observer.

XVIII. Or, ce livre est appelé du nom de Rational ; car, de même que dans le rational du jugement que le pontife de la loi portait sur sa poitrine, il était écrit : « Manifestation et vérité ; » ainsi dans cet ouvrage, les raisons des diverses cérémonies dans les Divins Offices, et leurs variétés, sont décrites et révélées clairement, et les prélats et les prêtres des Églises doivent les conserver fidèlement dans l’écrin de leur cœur ; et, de même encore que, sur ce rational, il y avait une pierre dans l’éclat de laquelle les fils d’Israël connaissaient quand Dieu leur serait propice ; ainsi, le dévot lecteur, par la splendeur de cette lecture étant instruit dans les mystères des Divins Offices, reconnaîtra que Dieu nous sera propice, si nous n’encourons pas toutefois son indignation par l’injure imprévue d’un péché. Ce rational était aussi tissu de quatre couleurs et de fils d’or, et, dans ce livre (comme on l’a dit plus haut), les raisons de la variété dans les usages de l’Église et dans les offices sont ornées comme de différentes couleurs, par les quatre sens qu’on peut y trouver, savoir : l’historique, l’allégorique, le tropologique et l’anagogique, et enfin par la foi qui est au milieu de ces quatre sortes de couleurs.

XIX. Enfin, cet ouvrage se divise en huit parties distinctes, que nous suivrons, selon leur ordre, avec l’aide du Seigneur. Desquelles, la première traitera de l’Église et des lieux qui en dépendent, de ses ornements, de sa consécration et des sacrements. La seconde, des ministres de l’Église et de leurs offices. La troisième, des vêtements sacerdotaux et autres. La quatrième, de la messe et de toutes les cérémonies de la messe. La cinquième, des autres Offices Divins, en général. La sixième traitera spécialement de tous les dimanches, fériés et festivités consacrées au Seigneur. La septième, des festivités des Saints, et de la fête et de l’office de la Dédicace de l’Église et des Morts. La huitième, du comput et du calendrier.


NOTE (1).

« Et dicitur historia ab istorein, quod est gesticulari : inde historici, id est, gesticulatores vocantur, quasi histriones. »

« Une sorte d’imperfection qui appartient au siècle de Durand (le treizième siècle), dit M. Le Clerc…[2], c’est le ridicule de ses étymologies grecques. Ce ridicule s’attache à lui dès les premières pages, et le suit jusqu’au bout. » On aurait pu ajouter le ridicule de ses étymologies latines. « La langue grecque, poursuit le savant académicien, était alors presque inconnue dans les écoles d’Occident, et Durand n’était pas en cela plus ignorant que bien d’autres ; mais rien ne l’obligeait à parler de ce qu’il ne savait pas… Plusieurs des fautes que nous sommes en droit de lui reprocher, et dont il pouvait s’épargner quelques-unes, avaient été faites avant lui. « Et par quels hommes ? Isidore de Séville, le grand étymologiste du septième siècle, et le vénérable Bède, le premier historien des Anglais, à la même époque !

Durand, comme ses prédécesseurs et comme les auteurs qui le suivirent, entre autres Raoul de Prestes, au quatorzième siècle, loin de s’asservir à la véritable origine d’un mot, le torturait, le brisait pour y trouver ces traits de lumière qui vous éblouissent comme l’étincelle qui jaillit du caillou. Le moyen-âge avait trop de poésie dans la tête pour s’abaisser à chercher d’où venaient les mots et où ils allaient, comme devait le dire au dix-septième siècle Christine de Suède, qui, dans une phrase, résumait la nature des magnifiques travaux de Gilles Ménage.

Cela une fois établi, nous passerons sur ce que le docte M. Le Clerc semble trouver un défaut, si toutefois l’on peut donner ce nom à une source infinie de beautés, dans la pensée et parfois dans l’expression.

Du reste, le seizième siècle, qui nous amena Budée et Erasme, tout en faisant justice des magnifiques barbarismes de Durand, conserva toujours à son œuvre la part d’éloge et de respect qu’elle a si bien su mériter de quatre siècles entiers.



  1. Ce n’est que dans les dernières éditions de Durand qu’on a rétabli, et encore d’une manière très-fautive, les nombreuses citations de la sainte Ecriture dont son ouvrage est émaillé. Nous imiterons la conduite de Durand, et nous n’en rétablirons aucune : ainsi, nous restons fidèle jusqu’au bout à nos habitudes de reproduction exacte.
      L’indication des citations de l’Écriture est à peu près inutile, du reste, pour les personnes qui liront Durand ; et, pour Messieurs les ecclésiastiques, elle l’est tout-à-fait.
  2. Loc. cit., pag. 478 et 479.