Rapports sur la grippe espagnole, ses symptômes cliniques, son microbe, son traitement/00b

PRÉFACE


M. le Dr Folley, de Paris a bien voulu m’autoriser à publier le rapport qu’il remit à l’Académie des sciences de Paris dans le début de Février 1919. Dans ce rapport, le Dr Folley, comme on le verra, s’attache à démontrer que la Grippe Espagnole n’a rien de commun avec la Grippe, contrairement à ce qu’affirment tous les savants officiels. Après en avoir donné une description clinique intéressante, le Dr Folley annonce qu’il a pu isoler le germe de cette grippe espagnole. C’était déjà une découverte considérable ; mais en somme qui n’intéressait que les savants de laboratoire, car le public sait parfaitement que l’on connaît l’agent pathogène de la tuberculose depuis longtemps et qu’en somme nous ignorons toujours le traitement qui la guérit. Donc, ce qu’attendait l’univers entier, ce n’était pas de connaître le nom ou les caractéristiques du microbe qui le décimait, mais bien de savoir par quel traitement l’on pouvait guérir cette grippe espagnole. Eh bien, dans ce rapport, le Dr Folley annonce que les injections de sérum antipesteux agissent d’une manière spécifique contre cette épidémie. Or, ce sérum existe, a été injecté déjà un nombre considérable de fois à l’homme et il est prouvé qu’il n’offre aucun danger spécial.

Cette dernière assertion venait confirmer ce que j’avais moi-même écrit le 25 octobre 1918, dans mon rapport à l’Académie de Médecine, à savoir que le sérum de Yersin, ou antipesteux, agissait mieux que tous les autres sérums. Dans les premiers jours de septembre 1918, à Ségal (A.-M.)[1], j’eus l’occasion de voir mourir dans une même famille quatre personnes jeunes de la grippe espagnole. La mort survenait au cinquième ou sixième jour. Les symptômes, l’évolution, l’aspect des malades rien ne rappelait la grippe ; tout, au contraire, rappelait étrangement la peste pneumonique, dont j’avais vu plusieurs cas en 1910.

Jusqu’à cette époque j’avais employé les sérums antidyphtériques, antistreptococciques pour lutter contre cette épidémie. À partir de ce jour je fis usage du sérum de Yersin ou antipesteux. Les résultats obtenus me parurent si nets, que je n’hésitai pas à faire de la vaccination antipesteuse. Pour baser mon diagnostic étiologique, j’avais en plus de la symptomatologie, les résultats thérapeutiques ; il ne pouvait pas être question de grippe, mais seulement d’une peste pneumonique atténuée ou d’une maladie s’en rapprochant. La découverte du Dr Folley est venue confirmer en tous points ma manière de voir.

Le sérum antipesteux guérit plus sûrement la grippe espagnole que la peste pneumonique, contre laquelle il agit mal.

Devant ces résultats, je me vaccinai moi-même avec le vaccin antipesteux ; n’ayant éprouvé aucun symptôme pénible, au contraire je me sentais plus énergique et plus dispos, je vaccinai dès lors ma famille et des amis. Tout se passa très bien, aussi je ne vis aucun obstacle à faire cette vaccination en grand. Sur 500 vaccinés, vivant au milieu de grippés, pas un seul ne présenta les symptômes de la grippe espagnole pendant les trois mois qui suivirent la vaccination.

Je rédigeai, en hâte, mon rapport à l’Académie le 25 octobre 1918, où je faisais connaître les résultats que j’avais obtenus, afin qu’on pût immédiatement faire des essais. Il me semblait que la gravité de cette épidémie (quinze millions de morts), l’absence absolue d’une thérapeutique utile, auraient dû pousser les autorités dont le rôle est de veiller sur la santé publique à faire des essais immédiats. Je suis convaincu que ces essais auraient permis d’éviter un grand nombre de décès. Rien n’a été fait ! Pourquoi cette obstination ? Pourquoi ce refus d’essayer le sérum antipesteux ? alors que l’on emploie les sérums antidyphtériques (Netter), antipneumococciques (Institut Pasteur), anti­streptococciques, etc. ? Est-ce que le sérum antipesteux est plus dangereux que n’importe quel sérum, même que le sérum simple de cheval ? Mon expérience personnelle, tous les travaux écrits sur cette question, me permettent d’affirmer qu’un sérum de cheval immunisé contre la peste n’est pas plus dangereux qu’un sérum de cheval non immunisé, en d’autres termes les accidents sériques, les accidents anaphylactiques, sont dus, non pas au fait qu’un cheval a été immunisé contre telle ou telle infection, mais simplement parce que c’est un sérum hétérogène (sérum appartenant à une espèce animale différente).

Dans ces conditions, le refus d’expérimenter le sérum antipesteux, alors que l’on emploie largement les autres sérums, ne repose sur aucune donnée scientifique. Ce n’est qu’un parti pris.

Comme ce parti pris est la cause qu’un nombre considérable de personnes meurent, il est de notre devoir de protester et de réclamer qu’une commission soit nommée pour vérifier nos affirmations.

Nice, le 25 février 1919.

Dr GILLARD



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  1. Erratum : Au lieu de Ségal (A.-M.), lire : Sigale (A.-M.)