Répertoire national/Vol 1/Démocrite

Collectif
Texte établi par J. Huston, Imprimerie de Lovell et Gibson (Volume 1p. 293-294).

1835.

DÉMOCRITE.

Rions de tout, c’est mon principe ;
Rions des biens et du malheur ;
Le philosophe n’anticipe
De l’avenir que du bonheur.
Admirez ma philosophie,
Suivez-la, vous serez heureux :
Allons, amis ! que chacun rie,
Rions d’abord des ennuyeux.


Je ris aussi du politique
Caméléon, mais à deux pieds,
Qui sert un jour la république,
Demain aux rois sert de trépieds ;
De l’auteur qui se croit Voltaire,
Le croque-note un Rossini,
De l’hypocrite atrabilaire,
Riez ! mais je n’ai pas fini.

Je ris de femme qui clabaude
Sur la nièce du voisin ;
De vieille fille qui minaude ;
De l’usurier comptant, son gain.
Voyez, ce mari débonnaire
Se croit plus fin que sa moitié,
Veut que lui seul sache lui plaire…
J’en ris un peu, mais de pitié.

Je ris de la jeune fillette
Qui vous dit bien innocemment,
(Quoiqu’à sa deuxième amourette :)
« J’ai toujours eu peur d’un amant. »
Je souris quand je vois la prude,
Se révolter à des bons mots ;
Je ris du savant dont l’étude
Est d’en imposer aux plus sots.

Je ris de cette comédie
Où chacun de nous est acteur ;
Car ce monde est une folie,
Dont les morts sont les spectateurs.
Amis ! je crois que dans ma bière,
Je rirai de vous bien souvent ;
Riez avant que la poussière
Ait recouvert un bon vivant.

Beautés, dont j’adore les charmes,
Comment, hélas ! rire de vous ?
Vos commandements ou vos larmes
Des hommes font autant de fous.
D’ailleurs, je vois un doux sourire,
Toujours accueillir un flatteur ;
Ayez donc pitié de la lyre
Du plus sincère admirateur.